Méthodes de prévention des fautes techniques – Géomètre-expert

7 Méthodes et moyens de prévention des fautes techniques.
Je propose ici des solutions envisageables pour les travaux qui occasionnent le plus de sinistres, ou qui sont susceptibles d’en occasionner qui ont été traitée auparavant. Je me contente de ces activités, car le cadre de mon mémoire ne me permet pas de lister l’ensemble des travaux.

7.1 Implantation

7.1.1 Comment expliquer une sinistralité aussi élevée ?

Il est nécessaire de garder à l’esprit que les implantations ne sont généralement demandées aux géomètres-experts qu’une fois que toutes les démarches techniques sont effectuées, les marchés signés avec les entrepreneurs, les autorisations administratives obtenues ou en cours de l’être. L’ouvrage doit commencer dans un délai réduit au minimum pour absorber les éventuels retards déjà pris. Si le géomètre s’est chargé des démarches techniques susvisées, l’implantation ne devrait pas poser problème. Mais si on le charge dans l’urgence d’implanter un ouvrage, le risque devient dans ce cas maximal.
En effet, si le géomètre ne prend pas le temps de s’imprégner du dossier et des contraintes qui en découlent, la logique et les spécificités de la topographie font qu’une erreur sera forcément commise.
En effet, l’implantation est un travail méticuleux et de précision, qui peut être perturbé par de nombreux facteurs (météorologie, végétation, visibilité réduite,…), et les méthodes à utiliser pour arriver à la précision désirée seront adaptées en fonction de ces éléments. Si le géomètre ne se sent pas à même d’assumer sa mission, il lui appartient de la refuser, ou d’attendre que les conditions soient réunies pour la réaliser108. En l’espèce, le géomètre expert a utilisé, outre d’autres fautes, un cheminement en antenne à cause de la végétation qui n’avait pas été taillée, méthode très imprécise sans contrôles possibles.
De plus, la valeur de plus en plus élevée du foncier incite les promoteurs à rechercher les densités de construction maximales autorisées par les documents d’urbanisme en vigueur. Pourtant, on peut douter de leurs intentions quand de grands groupes de promotion immobilière missionnent un géomètre-expert pour une implantation, alors même qu’ils disposent au sein de leur entreprise de services de topographie, qui sont parfaitement à même de réaliser ce type de travail . Les géomètres- experts se doivent donc d’être irréprochables sur toutes ces questions de conformité aux règles d’urbanisme.

7.1.2 Etapes à respecter lors d’une implantation : procédure qualité

Voici un exemple de procédure qualité afin de procéder sans risques à une implantation.

7.1.2.1 Détermination des limites

L’implantation est l’opération qui consiste à mettre en place un projet par rapport à une enveloppe extérieure constituée le plus souvent par des limites de propriétés ou un alignement. Fixer ces limites par des procès-verbaux de délimitation ou de bornage est primordial avant de commencer toute implantation. C’est seulement après cette étape que l’ouvrage pourra être implanté, car elle est capitale dans le calcul des prospects.
Concernant l’alignement, il appartient normalement à l’architecte qui conçoit le projet de le demander et le vérifier. Si cela n’a pas été fait, il convient de le demander auprès des services compétents en fonction de la voie à sa place afin d’éviter d’être condamné pour ne pas avoir averti son client. Cependant, si une erreur survient dans ce cas, l’architecte a de fortes chances d’être condamné pour manquement aux exigences contractuelles.
Pour éviter des erreurs mais aussi pour l’économie du projet, il paraît utile de faire réaliser ces délimitations par le même intervenant. Cela permet d’éviter les erreurs de transmission de plans, qui comme nous l’avons vu, sont responsables de beaucoup de sinistres en dehors des fautes. Les géomètres experts, titulaires de la délégation de service public sur le délimitation des biens fonciers, ont sur ce marché un rôle à jouer. Cependant, on peut se demander s’ils ne payent pas cette position au prix fort : les sinistres dans ce domaine représentent 40% des règlements en coût, alors que le domaine de la topographie en général, regroupant les implantations mais aussi les levés topographiques, ne représente que 25 à 30% du Chiffre d’Affaires de la profession selon les années109.

7.1.2.2 Validation du projet

Une fois que les limites sont connues et garanties, il est essentiel de s’assurer que le projet qui va être implanté est bien le projet final. On a vu précédemment que la responsabilité des géomètres-experts risquait d’être engagée s’il ne prenait pas soin de vérifier le plan qui leur était fourni.
Un plan d’implantation, établi par le maître d’œuvre de l’opération, doit garantir ce projet. Le géomètre doit s’assurer :
-que le document qui lui est transmis concerne le projet abouti, et non un avant projet.
-que les cotes sont bien celles de la réalisation, émanant par exemple du bureau d’étude béton.
-que le projet a avoir été approuvé comme « document ultime d’implantation » par le maître d’œuvre.
Il s’agit ici d’obtenir des documents de base validés sans ambiguïté, afin d’éviter toute contestation ultérieure sur les travaux réalisés ou à réaliser.

7.1.2.3 Conformité aux règles d’urbanisme

Si un géomètre commet une faute sur ce point, il est invariablement condamné. La règle qui pose le plus problème, selon M. Levacher, est le respect des règles de prospect. Le prospect est la distance à respecter entre une construction et la limite de propriété. Cette distance est indiquée dans le POS ou le PLU.
Le prospect est fréquemment la différence de niveau entre le terrain naturel avant aménagement au droit de la construction et l’acrotère de la construction. Pour calculer un prospect, le géomètre doit disposer d’un plan de nivellement du terrain avant aménagement. Ce plan est capital, et ne doit donner lieu à aucune contestation. Il faut par conséquent contrôler ce plan si l’origine et la précision en sont pas connus avec certitude.
En lotissement, il arrive que les prospects soient distincts de ceux précisés dans le PLU ou le POS. En effet, le cahier des charges du lotissement, document contractuel, s’impose au PLU sur ce point. Ce point n’est pas à négliger en cas d’implantation dans ce cas.

7.1.2.4 Epure d’implantation

Une fois que les limites du terrain sont fiables, que le projet est validé par le maître d’ouvrage ou par le maître d’œuvre avec des cotes périmétriques, que les prospects sont correctement calculés, tous ces éléments doivent être reportés sur l’épure d’implantation.
En cas d’erreur constatée sur le respect d’une règle d’urbanisme, l’épure doit être envoyée au maître d’œuvre pour modification. Cette erreur peut provenir :
– D’un document de base inexact ou incomplet ayant servi à l’étude du projet, tel un agrandissement de plans ou l’utilisation d’un plan dont l’échelle ne permet pas techniquement de déterminer avec la précision requise110. En l’espèce, l’architecte avait estimé l’alignement avec un plan au 1/2000ème non prévu à cet effet.
– D’un calcul de prospect ne tenant pas compte des différences de niveau.
– D’un alignement non délivré, …

108 CA Nîmes, 10 Mars 1985, Albrand c/ Girard, CA Caen, 26 Avril 1990, ou encore CA Toulouse, 18 Décembre 2006, N°05-03582
109 Sources OGE-1995/2005
110 CA Paris, 23ème Chambre, Section A, 28 Janvier 1986, N°1907.

En cas de difficultés, le géomètre-expert doit prévenir au plus vite le maître d’ouvrage ou le maître d’œuvre, mais en aucun cas modifier le projet, à peine de voir sa responsabilité engagée.
Par contre, son rôle de conseil peut l’amener à proposer des solutions qu’il soumettra pour avis à son client.

7.1.2.5 Contrôle de l’implantation

Les opérations de contrôle doivent mettre en évidence les écarts entre implantation théorique et implantation effective. Ces écarts doivent être fournis au client pour montrer la bonne foi et le professionnalisme de l’exécutant, via un Procès verbal d’implantation.
Pour garantir un travail de qualité, l’implantation réalisée devrait être contrôlée pour devenir définitive. Nul n’est jamais à l’abri d’une erreur, mais les conséquences dans ce domaine peuvent être tellement onéreuses que le travail doit être rigoureusement vérifié. Se pose alors la question de la responsabilisation des géomètres-experts sur les sommes mises en jeu, sur laquelle je reviendrai plus tard.
Dans l’idéal, les opérations de contrôle devraient être indépendantes des opérations d’implantation. Mais les coûts consécutifs à ces opérations rebutent les géomètres qui rechignent à les réaliser pour rester compétitifs. On retombe toujours sur le même problème : se faire payer un travail de qualité, alors que le client n’y voit qu’un surcoût. Il appartient aux géomètres experts de faire valoir leurs compétences à leur juste prix, mais on peut considérer que cela ne pèse guère face aux pressions de clients qui prennent le risque d’une erreur, tout en sachant qu’ils ont de fortes chances d’être indemnisés lors d’un procès à cause du statut de professionnel du géomètre-expert, qui a de plus une obligation d’assurance.

7.1.2.6 Conservation de l’implantation

En cas de conflit ultérieur, il est bon de garder une trace de l’implantation : il s’agit d’effectuer une « réception » des travaux réalisés, en établissant un Procès-verbal (PV) d’implantation.
Ce PV devra reprendre le détail de l’épure d’implantation, avec l’origine des documents de base et les dates d’établissement et de réception. Les points implantés figureront évidemment sur ce document, avec les écarts entre implantation théorique et implantation effective. Les points de rattachement doivent également figurer sur ce document, pour éventuellement rétablir des points disparus.
Le PV sera ensuite transmis au demandeur pour signature.

7.1.2.7 Garde de l’implantation

Lorsque les piquets ou les bornes sont placés par un géomètre et qu’ils sont constatés par un document envoyé au maître d’ouvrage, il ne lui incombe pas d’assurer la surveillance et la sauvegarde de ces repères111.

7.2 Bornage

7.2.1 Respect des règles de l’Art

Comme je l’ai déjà dit, les erreurs commises lors d’opérations de bornage représentent la deuxième cause de sinistralité de la profession. Des Règles de l’Art, rédigées par l’Ordre, existent. Il est absolument primordial de les respecter, tant ces dispositions ont fait l’objet d’une réflexion qui est issue de l’expérience et de la pratique. On peut d’ailleurs assimiler ces règles de l’Art à une procédure qualité, qui prévoit tous les cas possibles. On ne peut ainsi qu’encourager les professionnels à les appliquer.

7.2.2 Intérêt à agir

Dans le cadre d’une action en bornage, il est intéressant de souligner que le Juge devra s’interroger sur l’intérêt à agir du demandeur, pour déterminer si l’action de ce dernier est recevable.
Dans le cadre d’une indivision, les Juges considèrent que l’action en bornage intentée par un seul propriétaire indivis est irrecevable. En effet, une telle action constitue un acte d’administration,et à ce titre, nécessite le consentement de tous les indivisaires, comme le stipule l’art. 815-3 du Code Civil. Cette disposition a été rappelée par la Cour de Cassation, dans un arrêt du 9 Juillet 2003112.
L’action en bornage doit, pour présenter un caractère conservatoire, être nécessaire et urgente afin de soustraire le bien indivis à un péril imminent menaçant la conservation matérielle ou juridique de ce bien113. C’est seulement dans ce cas qu’un indivisaire peut demander seul l’action en bornage.
Il n’en est pas de même lorsque l’action en bornage est sollicitée par un copropriétaire. La Cour d’Appel de Paris a considéré que l’action en bornage d’un copropriétaire est recevable afin d’exercer son droit de jouissance privative sur une partie commune, en l’espèce une cour. En raison de l’inertie du Syndic, la Cour a considéré qu’il était fondé à solliciter la fixation de la ligne divisoire des fonds voisins114.

111 TGI Marseille, 9 Septembre 2003, N°282/2003 et Cass. Civ. 3, 10 Décembre 1970, N°69-12183 et N°69-12324, Bull. Civ. 1970, N°690 p 501.
112 Cass. Civ. 3, N° 01-15613, Bulletin 2003 III N° 155 p. 138.
113 Cass. Civ. 3, 9 Octobre 1996, N°94-15783, Bulletin 1996 III N° 211 p. 137.
114 CA Paris, Chambre 14, Section B, 13 février 2004, N°2003/16091.

Le géomètre peut refuser une mission de bornage, ou tout du moins informer son client de la nécessité de regrouper l’ensemble des signatures.

7.3 Prestations topographiques

7.3.1 Recherches efficace d’informations

Comme on a pu le voir tout au long de ce chapitre, les erreurs commises par les géomètres proviennent généralement d’un manque d’informations, ou de l’utilisation d’informations erronées. Il est vrai que certains aspects ont été négligés par le passé, comme la cartographie des réseaux souterrains qui laisse parfois à désirer.
Pour éviter les erreurs, il faut savoir où chercher les informations, et contrôler leur fiabilité. Les outils permettant de gérer de grosses banques de données existent. Il est possible de citer par exemple les outils d’information géographiques dont sont équipés la plupart des cabinets de géomètres-experts aujourd’hui.
Il faut également remarquer que le Référentiel Foncier Unique (RFU) est en cours d’élaboration. Ce système d’information géographique doit regrouper toutes les informations relatives à la gestion du Foncier. En effet, pour l’instant, de nombreux acteurs du Foncier possèdent leur propre base de données, numériques ou non. Par exemple, la dématérialisation complète du plan cadastral a été achevée en 2004. Les plans vectorisés ou en cours de vectorisation en partenariat avec les collectivités territoriales couvrent désormais 40 % du territoire national. Depuis fin 2004, tous les plans cadastraux sont conservés et mis à jour informatiquement.
L’IGN possède quant à lui plusieurs bases de données, dont la BD parcellaire et les orthophotographies.
En fait, le RFU est le parcellaire convergé entre la PCI-Vecteur de la DGI et la BD-Parcellaire de l’IGN, amélioré et mis à jour par les levés des Géomètres Experts, via la base de données Aurige.
La liste des données qui va être intégrée dans le logiciel qui permet d’utiliser le RFU, appelé eFoncier, n’est pas encore arrêtée. Mais il serait souhaitable, au vu des nombreux sinistres concernant les servitudes et les risques naturels, que des données sur ces sujets soient intégrées.
La localisation des servitudes d’utilité publique ne devrait pas poser de problèmes techniques, puisque toutes ces servitudes sont normalement publiées aux Hypothèques ou annexées au PLU. Quant aux documents d’urbanisme, ce sont des outils parfaitement maîtrisés par les communes, facilement convertibles au format numérique. Restera le problème de l’harmonisation des données.
Les servitudes conventionnelles seront par contre difficilement identifiables.

7.3.2 Cas des risques naturels

Les risques naturels sont eux plus sensibles à cartographier et à localiser. Par le passé, de nombreux ouvrages ont été construits en sous-sol sans jamais être cartographiés. Les marnières illustrent parfaitement ce phénomène : les cavités exploitées peuvent être considérables, mais les accès qui permettaient de les localiser étaient systématiquement comblés. Il n’est pas rare que, lors de la construction d’ouvrage dans les régions des massifs marneux, des marnières souterraines soient mises à jour. On peut aussi pointer les problèmes de retrait-gonflement d’argile, mis en évidence à grande échelle lors de la dernière « canicule », qui sont des phénomènes très localisés.
Les Communes ont la charge de la prévention des accidents naturels115. L’Etat a également un pouvoir de police général, et une obligation d’affichage des risques naturels en matière d’urbanisme. La prise en compte des risques naturels est relativement avancée, et plusieurs documents peuvent être élaborés en fonction de l’intensité du risque.

115 L. 2212-2 5° du Code Général des Collectivités Territoriales relatif à la Police Municipale.

Si un Plan de Prévention des Risques Naturels existe, les servitudes qu’il crée sont annexées au PLU. Les communes disposant d’un PLU peuvent également, selon l’art. L123-1 du Code de l’Urbanisme, intégrer des servitudes visant à se protéger des risques naturels via des servitudes annexées au PLU.
Sinon, certains documents d’informations contenant les risques peuvent être consultés, même si ils n’ont pas de valeur juridique (Document Départemental des risques Majeurs, Atlas Départemental des Risques, …).
Le RFU peut être un outil formidable qui permettrait d’éviter de nombreuses erreurs s’il contient assez d’informations. Les géomètres pourraient voir d’un seul coup d’œ il toutes les contraintes qui grèvent une parcelle. Des opérations pourraient éventuellement être programmées, pour empêcher des divisions non conformes au PLU par exemple. Se posera le problème de l’actualisation, que je n’aborderai pas ici.
Projet de logiciel eFoncier116qui exploite le RFU
Projet de logiciel eFoncier116qui exploite le RFU

116 Droits réservés Sogexfo-Geosignal.

Lire le mémoire complet ==> (Etude jurisprudentielle et statistique de la sinistralité des Géomètres-Experts)
Mémoire de travail de fin d’études en vue de l’obtention du Diplôme d’Ingénieur de l’ESGT
Conservatoire National des Arts et Métiers – Ecole Supérieure des Géomètres et Topographes

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Etude jurisprudentielle et statistique de la sinistralité des Géomètres-Experts
Université 🏫: Conservatoire National des Arts et Métiers - Ecole Supérieure des Géomètres et Topographes - Mémoire de travail de fin d’études
Auteur·trice·s 🎓:

BERTHOU Samuel
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