Quel avenir pour la vente en ligne d’œuvres d’art ?

Institut du Multimédia et d’Architecture de la communication IMAC

IMAC – MST2

Mémoire

Le marché de l’art et Internet
Quel avenir pour la vente en ligne d’œuvres d’art ?

Sophie Bousquet – Duriez

Septembre 2002

Pour le collectionneur d’œuvres d’art, l’idée de pouvoir assister à une vente sur Internet et enchérir sur le réseau est séduisante. Des sociétés de vente aux enchères en ligne, comme eAuctionroom, se sont lancées dans cette aventure.
Mais l’œuvre d’art n’est pas un produit comme les autres. Qu’est ce que l’art ? Comment déterminer sa valeur ?
Depuis le 19ème siècle, les acteurs du marché de l’art ont changé. La France s’ouvre à la concurrence planétaire, avec la réforme des ventes publiques de juillet 2000.
Aujourd’hui, le marché de l’art est international, et de plus en plus monopolisé par les grandes maisons de vente aux enchères.
Internet n’est pas un marché, mais un canal d’information, de promotion et d’échange, aussi indispensable que le réseau téléphonique. Il est donc nécessaire d’étudier le fonctionnement du marché de l’art, avant de s’intéresser au développement de la distribution par internet.
Le commerce en ligne progresse de façon spectaculaire. Le monde artistique adopte l’outil Internet, mais de nombreux sites spécialisés dans le marché de l’art ont disparu, victimes de la crise financière.
L’un d’entre eux, eAuctionroom, retransmettait les ventes aux enchères de commissaires – priseurs. J’ai pu en observer le fonctionnement de l’intérieur.
Quelles étaient ses atouts et les raisons de son échec ?
Malgré des débuts chaotiques, le commerce de l’art sur Internet continue sa percée, avec des réussites étonnantes comme E-bay.
Avec l’arrivée du « rich média », mêlant vidéo, images interactives et liens informatifs, de plus en plus instantané, et visible du monde entier, Internet peut devenir une vitrine et une place de marché extraordinaires pour le monde de l’art.
Remerciements
Je souhaite adresser mes remerciements
Au Professeur Christian TUAL, Directeur de L’IMAC Paris II, Expert auprès des Communautés Européennes pour le multimédia, qui a bien voulu être le tuteur de ce mémoire.
A Madame Béatrice Poinssac, Directrice des Etudes des Maîtrises de Sciences et Techniques, qui nous a soutenu pendant ces deux années à l’IMAC.
A tous les enseignants de l’IMAC, universitaires, chercheurs et professionnels qui sont intervenus ces deux années.
A Domitille Mulliez, chargée du contenu éditorial d’eAuctionroom,
A Pierre – Emmanuel Audap, Commissaire – Priseur, membre de PIASA
Et aussi …mes camarades de promotion, car la force de l’IMAC est d’encourager les projets d’équipe et le partage de connaissances
L’IMAC, « Institut du Multimédia et d’Architecture de la communication », quitte l’Université Paris II pour être accueilli à l’Université de Marne la Vallée à la rentrée 2002.
Je souhaite que l’esprit de l’IMAC, qui, depuis 15 ans, forme des futurs chefs de projet audiovisuel et multimédia, soit préservé malgré ce transfert.
I. Marché de l’art : l’art comme produit
Comment déterminer le prix d’une œuvre d’art ?
Il existe différents marchés, et donc différents clients pour des produits différents:
Des objets d’art ou d’ameublement aux dernières folies de l’art contemporain jusqu’à l’art virtuel …et parfois des châteaux ou des chapelles démontées pierre par pierre pour être reconstruites en Californie ou ailleurs…
Qu’est ce que l’art ? Quels sont les critères de valeur des objets?
Les critères ont une part de subjectivité et ont toujours alimenté une polémique, qui remonte à la querelle des anciens et des modernes, et même à Platon. Les impressionnistes ont dû créer le salon des refusés pour exister.
Cette polémique n’est pas l’objet de cette étude. Je citerai simplement quelques ouvrages traitant de ce sujet : Dans Le sens du beau *(1) Luc Ferry a une approche philosophique.
Dans un pamphlet, *(2) Jean-Philippe Domecq se demande pourquoi un De Kooning = 1 Raphaël + 1 Titien + 1 Greco + 1 Latour + 2 Véronèse et 2 dessins de Poussin ?
En ce qui concerne l’art contemporain, J. Benhamou – Huet, *(3) montre que ce n’est plus l’œuvre qui fait le prix, mais le prix qui fait l’œuvre. Les records de prix valorisent l’acheteur- collectionneur. Le succès repose parfois sur le scandale et les œuvres sont ensuite cautionnées par les grands musées entraînés par le courant. (comme la statue en céramique de Michael Jackson de Jeff Koons vendue par Sotheby’s 42 millions de francs).
Dans ce cas, la motivation de l’acheteur est de l’ordre, selon le modèle de la pyramide de Maslow, des besoins de type 4 et 5 « être reconnu », « se réaliser ». (Les 3 besoins primaires relèvent de l’instinct de survie (1 : manger, se vêtir – 2 : sécurité – 3 : appartenance au groupe).
Léo Castelli, célèbre marchand New-Yorkais a été l’un des premiers à concevoir une stratégie de réseau (galeries – musées – foires) et de communication, en créant des évènements d’actualité pour promouvoir un artiste.
Le marché artistique s’est laissé gagner par la loi du retour sur investissement, et le monde de l’art a eu intérêt à renouveler les nouveaux arrivages de produit sur le marché, ce qui a entraîné la spéculation.
Raymonde Moulin, *(4) sociologue, donne des réponses claires à ces questions complexes, rappelle que « la définition juridique de l’œuvre d’art conjugue la notion d’authenticité – qui renvoie à l’auteur – avec celle d’originalité – qui se réfère à l’œuvre. »
Elle divise ces marchés en deux principales catégories :
* Le marché de l’Art « classé »
Ce marché comprend les œuvres classiques ou modernes, déjà entrées dans le patrimoine historique. Leur valeur repose sur la rareté et le « jugement de l’histoire », alimenté par les historiens d’art et les experts.
Elles ne sont pas à l’abri de quelques fluctuations. Des grandes expositions organisées par les musées peuvent mettre à la mode des artistes oubliés et faire monter leur cote.
* Le marché de l’Art contemporain
Dans ce secteur, on trouve dans une première catégorie les œuvres figuratives traditionnelles, qui répondent à la demande d’un marché relativement homogène. La seconde catégorie ayant le label « art contemporain » alimente un marché instable et étroit. Ce label est plus ou moins attribué par un réseau des galeries – conservateurs de musées d’art contemporain – salons et manifestations internationales, qui découvrent les talents et élaborent des palmarès des valeurs esthétiques. La valeur reste soumise au doute, surtout en cas de crise économique.
Avec les nouvelles technologies, la vidéo, internet, les installations, les performances, il n’y a plus de frontière objective au champ artistique.
Harry Bellet *(5) décrit la collusion entre Saatchi, publicitaire grand collectionneur et le Musée de Brooklyn exposant sa collection et l’œuvre scandaleuse de Chris Ofili « La Sainte Vierge Marie », exposition subventionnée par la Mairie de New-York qui fera un procès au Musée. La cote des œuvres mises en vente ensuite chez Christie’s montera à proportion du scandale. Les ventes aux enchères publiques déterminent la cote d’un artiste.
Les musées américains, contrairement aux musées français, ont le droit de vendre des œuvres provenant de leurs fonds (deacessioning), ce qui peut donner lieu à des manipulations.
J.J. Aillagon, alors directeur de Beaubourg, remarquait : « Nous, on programme d’abord et ensuite, on cherche des sponsors, pas le contraire. Nous n’avons pas vocation à devenir l’antichambre de Sotheby’s ou Christie’s ».
H. Bellet dépeint l’évolution du système artistique au XXème siècle, les difficultés des galeries face aux grands « auctioneers ». Il existe un petit cercle de « leaders d’opinion » grands collectionneurs, curators, critiques, experts qui lancent les artistes.
Pour l’art contemporain, la production des œuvres elles-mêmes coûte de plus en plus cher et les galeries ont du mal à suivre. L’art monumental, comme pour les grosses productions hollywoodiennes, demande des moyens industriels et génère les « majors companies ». Les lieux de diffusion sont les musées et les biennales. Les œuvres donnent lieu à la fabrication et la vente de produits dérivés, (photos, objets) accessibles au grand public.
Un rapport du ministère des Affaires étrangères *(6) fait ressortir que le système de l’art contemporain obéit à un modèle assez complexe, puisqu’il est possible de distinguer des pays qui jouent un rôle majeur pour les expositions (Europe essentiellement, mais aussi États-Unis) et d’autres qui contrôlent largement le marché (les États-Unis l’emportent très largement, suivis de l’Allemagne, la Suisse et la Grande-Bretagne).
Les artistes consacrés appartiennent le plus souvent à ce double ensemble de pays (qui se recoupent d’ailleurs en grande partie) sans que cela soit systématique. Les artistes américains et allemands apparaissent particulièrement légitimes, tant à travers un indicateur réputationnel comme le « Kunst Kompass», que dans les achats publics français, ou encore dans les accrochages des différents musées internationaux. Les données chiffrées font généralement apparaître un écart très fort entre les deux premiers pays, les États-Unis arrivant presque toujours loin en tête, l’Allemagne – qui fait fonction de challenger – occupant une confortable seconde position, et leurs suiveurs.
Dans ce monde, la place de la France est, elle aussi, « mineure ». La troisième partie du rapport met en évidence quelques explications, des plus larges à de plus réduites, de l’effondrement de 1940 et de ses conséquences jusqu’à l’absence de grand collectionneur français qui puisse prétendre au rang de taste-maker – faiseur de modes – et au fonctionnement lourd, lent, encombré de présupposés et de méfiances des institutions publiques.
La vente publique : le meilleur moyen d’obtenir le juste prix
Michel Hoog, *(7) propose, pour déterminer la valeur d’une œuvre d’art, trois méthodes :
– L’approche par les coûts de production
– L’approche par la valeur artistique
– L’approche par la valeur d’échange, point de rencontre de l’offre et de la demande, qui semble plus objective.
« Théoriquement, il semble qu’une vente effectuée en public, précédée d’une exposition, elle-même publique …, soit le meilleur moyen pour qu’une œuvre atteigne son juste prix. Ce n’est pas toujours le cas. Des procédés nombreux faussent le marché… »
« Ainsi coexiste sur le marché une offre limitée par nature (art historique) ou par stratégie (art contemporain).
Le système d’information est asymétrique sur le marché de l’art. La qualité de l’information dépend du niveau du marché auquel appartient l’offreur ou le demandeur…
Le recours accru aux ventes publiques est le gage d’une meilleure transparence et d’une plus grande efficience du marché…
Un développement futur du marché de l’art et d’une plus grande efficience de celui-ci passent par une démocratisation certaine de l’accès à l’information et donc à la culture… »
Les systèmes de bases de données sur internet peut permettre une information plus transparente, moins asymétrique. (voir chapitre V).
Sommaire
Marché de l’art : l’art comme produit
Comment déterminer le prix d’une œuvre d’art ?
Les acteurs du marché de l’art
Les acteurs du marché de l’art 1990 – 2002 : Mondialisation du marché de l’art
Le cas français : Réforme des ventes publiques (2000)
Rapprochements et restructurations
Marché et marketing de l’art
L’état du marché de l’art en 2002
L’accès au réseau, condition du développement du commerce en ligne en France et dans le monde
Internet : Nouveau canal d’information, de promotion et de distribution
Les difficultés des sites d’art
2000-2002 : essais de diversification
eAuctionroom. La vente aux enchères en temps réel
Présentation de la société et intérêt du stage.
Juin 2002 : Liquidation judiciaire
Les raisons de l’échec
Les ventes aux enchères online
Définition juridique
E-bay – Sotheby’s
Les garanties indispensables pour l’internaute
Conclusion : L’avenir de la vente aux enchères en ligne

  1. Les acteurs du marché de l’art: Mondialisation du marché de l’art
  2. Marché et marketing de l’art, le commerce en ligne en France
  3. Internet : Vitrine en ligne pour l’acteur du marché de l’art
  4. Les difficultés des sites web du commerce de l’art sur Internet
  5. eAuctionroom : la vente aux enchères en temps réel sur internet
  6. Les ventes aux enchères online : les garanties pour l’internaute

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