La responsabilité du consultant fiscal

Section 3

La responsabilité du consultant fiscal

L’expert-comptable doit exercer sa mission avec diligence et sincérité, il doit être vigilant au risque de se voir reprocher un manquement à son devoir de conseil ou à l’une de ses diligences ou encore une complicité dans les actes de fraude et d’évasion fiscales pouvant engager sa responsabilité civile (Sous-section 1), pénale (Sous-section 2) ou disciplinaire (Sous-section 3).

Sous-section 1

Responsabilité civile

Selon A. FRANCONIE 167, « la responsabilité de l’expert-comptable est le plus souvent de nature contractuelle et peut être mise en œuvre en cas d’inexécution par celui-ci de sa mission ».
La responsabilité civile de l’expert-comptable peut être engagée notamment dans les deux cas suivants :

  • Manquement à son devoir de conseil en matière fiscale dans le cadre de sa mission d’établissement des comptes annuels (§1);
  • Négligence ou manquement à l’une de ses diligences dans le cadre d’une mission d’assistance fiscale ou d’autres missions spécifiques confiées en marge de la mission d’établissement des comptes (§2).

Cependant, il est à souligner que la responsabilité civile du professionnel ne peut être engagée que si le client prouve l’existence d’une faute commise par le professionnel, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre la faute et le préjudice (§3).

§1. Manquement au devoir de conseil en matière fiscale dans le cadre de mission d’établissement des comptes annuels

Aux termes de l’article 243 du code des obligations et des contrats, «tout engagement doit être exécuté de bonne foi et oblige non seulement à ce qui est exprimé, mais aussi à toutes les suites que la loi, l’usage ou l’équité donne à l’obligation d’après sa nature ».

Aussi peut on déduire que le professionnel est tenu, dans le cadre de sa mission principale d’établissement des comptes annuels souvent matérialisée par un contrat, à un devoir de conseil, notamment en matière fiscale qui vient se greffer sur le contrat principal.
Selon P. BOURHIS 168, le manquement à ce devoir de conseil est, en France, de nature à engager la responsabilité civile de l’expert-comptable. Il peut prendre plusieurs formes dont notamment :

  • * Le défaut de mise en garde du client contre toutes les erreurs, irrégularités et omissions qu’il découvre et qui peuvent entraîner des sanctions fiscales.

P. BOURHIS 169, affirme que cette négligence «est de nature à constituer une faute, quand bien même les omissions en cause résulteraient d’une volonté délibérée du client de minorer les bases de son imposition ». Il est fortement recommandé dans des cas pareils que le professionnel informe son client et marque sa désapprobation par écrit tout en lui demandant de procéder aux régularisations nécessaires. A défaut de régularisation, il doit s’entourer de toutes les précautions nécessaires pour éviter de se trouver dans une situation de complicité ou de rompre sa mission.

  • * Le défaut de conseil en présence de plusieurs choix fiscaux. En effet, selon P. BOURHIS 170, « l’expert-comptable ne saurait se dispenser, sans commettre une faute, de donner les conseils d’ordre fiscal qui découlent des constatations qu’il a pu faire dans l’accomplissement de ses travaux».

Toutefois, il est à souligner qu’en Tunisie, le droit civil a instauré de sérieuses limitations à la responsabilité du consultant fiscal. En effet, le COC a limité la responsabilité du consultant fiscal aux seuls cas : d’imprudence grave, de faute lourde e171, de mauvaise foi ou lorsque ce dernier a garanti le résultat d’une affaire 172.

167 A. FRANCONIE « Responsabilité de l’expert-comptable et garanties de ses clients », op.cit, P 44.
168 P. BOURHIS « Le devoir de conseil en matière fiscale : responsabilité civile de l’expert-comptable dans le cadre des missions d’établissement des comptes annuels », op.cit.
169 P. BOURHIS « Le devoir de conseil en matière fiscale : responsabilité civile de l’expert-comptable dans le cadre des missions d’établissement des comptes annuels », op.cit.
170 Ibid.

§2. Négligence ou manquement à l’une de ses diligences dans le cadre d’une mission d’assistance fiscale ou d’autres missions spécifiques confiées en marge de la mission d’établissement des comptes

Selon le COC 173, la mission de l’expert-comptable se définit comme étant un « louage d’industrie ». Le louage d’industrie doit être, selon le CDP 174 et le COC 175, bien défini par un contrat ou une lettre de mission qui fixe les obligations réciproques de chacune des parties contractantes et son client.

Il en découle que l’obligation de l’expert-comptable dans le cadre de sa mission de consulting est une obligation contractuelle 176; elle doit être bien définie par une convention écrite et ce pour bien préciser la nature de la mission et pour délimiter le champ d’intervention de l’expert-comptable et déterminer sa responsabilité.
Selon A. FRANCONIE 177, « c’est à partir du contenu des obligations contractuelles résultant de la mission que se définit la faute engageant la responsabilité de l’expert- comptable ».

En effet, celui-ci ne peut être responsable de ce qui ne rentre pas dans le cadre de sa mission.
En outre, le CDP met à la charge du professionnel d’exécuter avec diligence, impartialité et sincérité la mission qui lui a été confiée 178 et d’étudier et proposer dans le respect de la légalité les solutions les plus appropriées 179.
Par conséquent, l’obligation du consultant fiscal est une obligation de moyen 180. S’il manque à l’une de ses diligences nécessaires à l’exercice de la mission de consulting ou commet une faute ou une infraction à la loi par négligence, de nature à engendrer un préjudice pour son client, il assume la responsabilité de ses travaux.

171 L’article 88 du COC dispose à cet effet « Celui qui, de bonne foi, et sans qu’il y ait faute lourde ou imprudence grave donne des renseignements qu’il ignore la fausseté, n’est tenu d’aucune responsabilité envers la personne qui est l’objet de ces renseignements :
1. lorsqu’il y avait pour lui ou pour celui qui a reçu les renseignements, un intérêt légitime à les obtenir ;
2. lorsqu’il était tenu, par suite de ses rapports d’affaires ou d’une obligation légale de communiquer les informations qui étaient à sa connaissance. »
172 L’article 89 du COC dispose à cet effet « Un simple conseil ou une recommandation n’engage pas la responsabilité de son auteur, si ce n’est dans les cas suivants :
1. s’il a donné le conseil dans le but de tromper l’autre partie ;
2. lorsque étant intervenu dans une affaire en raison de ses fonctions, il a commis une faute lourde ne pouvant être commise par une personne dans sa position et qu’il en est résulté des dommages pour l’autre partie ;
3. lorsqu’ il a garanti le résultat de l’affaire.
173 L’article 829 du COC prévoit « La loi considère comme louage d’industrie les services que les personnes exerçant une profession ou un art libéral rendent à leurs clients ».
174 Selon l’article 7 du CDP, « l’expert-comptable et son client définissent par convention ou par lettre de mission leurs obligations réciproques sans déroger à la réglementation en vigueur, aux normes professionnelles, au règlement intérieur et au présent code ».

175 L’article 828 du COC dispose à cet effet « le louage de service ou de travail est un contrat par lequel l’une des parties s’engage moyennant un prix que l’autre partie s’oblige à lui payer, à fournir à cette dernière ses services personnels pour un certain temps ou à accomplir un fait déterminé ».
176 Position confirmée par A. FRANCONIE, in « Responsabilité de l’expert-comptable et garanties de ses clients », op.cit.
177 Ibid
178 L’article 22 du CDP dispose à cet effet « Le professionnel doit exécuter avec diligence conformément aux normes professionnelles, tous les travaux nécessaires et utiles à son client en observant l’impartialité, la sincérité et la légalité requises ainsi que les règles d’éthiques généralement admises ».
179 L’article 23 du CDP stipule « le professionnel a le devoir et la responsabilité selon le contrat qui le lie d’étudier et de proposer dans le respect de la légalité, les solutions les plus appropriées ».

§3. Existence d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre la faute et le préjudice

Selon le COC, la responsabilité de l’expert-comptable dans le cadre d’une mission de consulting fiscal ne peut être engagée que si son client prouve qu’il y a une faute commise par son expert-comptable, un préjudice subi et un lien de causalité entre la faute et le préjudice 181.
L’expert-comptable est responsable de tout dommage qu’il a causé à son client suite à son intervention et résultant de son imprudence ou de sa négligence 182 dans l’exécution de sa tâche ou de sa faute et cette abstraction faite du caractère intentionnel ou non de la faute 183. Il est responsable également des fautes ou négligences commises par ses sous- traitants, son personnel ou par les personnes dont il se fait assister184.
Aussi peut on conclure que, le professionnel n’est tenu de réparer le dommage résultant de son fait que lorsqu’il est établi que son fait en est la cause directe 185.

180 Selon A. FRANCONIE « comme la plupart des membres des professions libérales, l’expert-comptable n’est tenu que d’une obligation de moyen, principe affirmé de nombreuses fois en jurisprudence» (A. FRANCONIE, Responsabilité de l’expert-comptable et garanties de ses clients, op.cit).
181 L’article 82 du COC dispose à cet effet « tout fait quelconque de l’homme qui, sans l’autorité de la loi, cause sciemment et volontairement à autrui un dommage matériel ou moral, oblige son auteur à réparer le dommage résultant de son fait, lorsqu’il est établi que ce fait en est la cause directe ».
182 L’article 843 du COC dispose à cet effet « Le locataire d’ouvrage ou de services répond non seulement de son fait, mais de sa négligence, de son imprudence et de son impéritie. Toute convention contraire est sans effet. »
183 L’article 83 du COC stipule « chacun est responsable du dommage moral ou matériel qu’il a causé, non seulement par son fait, mais aussi si sa faute en est la cause directe. Toute stipulation contraire est sans effet. La faute consiste soit à omettre ce qu’on était tenu de faire, soit à faire ce dont on était de s’abstenir, sans intention de causer un dommage ».
184 Cette interdiction trouve son origine légal dans les dispositions de l’article 845 du COC qui prévoient « Le locataire d’ouvrage répond du fait et de la faute des personnes qu’il se substitue, qu’il emploie ou dont il se fait assister, comme de son propre fait ou de sa faute. Cependant lorsqu’il est obligé de se faire assister à raison de la nature des services, ou de l’ouvrage, qui font l’objet du contrat, il n’est tenu d’aucune responsabilité s’il prouve :
1. qu’il a employé toute la diligence dans le choix et dans la surveillance de ces personnes ;
2. qu’il a fait de son côté tout ce qui était nécessaire afin de prévenir le dommage ou d’en conjurer les suites».
185 Conformément aux dispositions des articles 82 et 83 du COC.
186 Les experts comptables interrogés considèrent que l’article 89 du COC ne constitue par une assurance suffisante quant à la couverture de la responsabilité civile de l’expert-comptable. En effet, cette responsabilité ne peut être couverte, pour 86% d’entre eux, que par la souscription d’une police d’assurance.

Il est à souligner en fin, que l’O.E.C.T. recommande à ses membres de souscrire une police d’assurance permettant de couvrir leur responsabilité pécuniaire 186.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Optimisation fiscale en matière d’IS (impôt sur les sociétés), rôle de l’expert-comptable
Université 🏫: Faculté des Sciences Économiques et de Gestion de Sfax
Auteur·trice·s 🎓:
Hentati Adlène

Hentati Adlène
Année de soutenance 📅: 2008-2009
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