Projet de musée universel du Louvre Abu et Agence France Muséum

III. Un exemple d’ouverture à d’autres financements : Louvre Abu Dhabi

A. Le projet

L’Agence France Muséum créée en 2007 à Paris est chargée de mener à bien le projet de musée universel du Louvre Abu Dhabi, pour le compte des autorités des Emirats Arabes Unis et de structurer l’expertise des institutions culturelles françaises. La création de ce Musée porte plusieurs aspects : tout d’abord il y a l’aspect financier, ensuite l’aspect diplomatique entre la France et le Monde Arabe qui passe par le domaine culturel.
L’Emirat d’Abu Dhabi se munit depuis quelques années d’équipements touristiques et sportifs et se tourne aussi depuis peu vers la culture, notamment en créant de toute pièce un district culturel sur l’île de Saadiyat. C’est un district touristico-culturel sur une île de de 2700 hectares, située au large de l’île-ville d‘Abou Dhabi avec la volonté de créer un pôle culturel de renommée mondiale avec des projets divers tels que le « Louvre Abu Dhabi », le « Guggenheim Abu Dhabi », le « Zayed National Museum » conçu avec le British Muséum ou encore, le « Performing arts center, Zaha hadid ».
Les Etats-Arabes-Unis souhaitent donc ouvrir une antenne du Louvre. Débattu en France entre le musée du Louvre, le ministère de la Culture, le Quai d’Orsay, il fut finalement repoussé. Le Louvre conçut alors un projet alternatif : celui du musée universel. Le projet français, conçu par Henri Loyrette, le directeur du Louvre, reposait sur l’idée de la mutualisation des collections publiques françaises (celles du musée Guimet, du musée d’Orsay, de Beaubourg, du musée Rodin etc.) et de la transmission d’un savoir-faire multiple tant en matière d’expertise scientifique, de conservation, de construction des futurs bâtiments, de mobilisation et de transmission des pratiques accumulées dans les musées français. Il s’agissait enfin d’en faire un « musée-laboratoire » des musées français et de sensibiliser une génération nouvelle de conservateurs à ce type d’approche. Ce musée présenterait à termes, des collections avec des œuvres majeures dans les domaines de l’archéologie, des beaux-arts et des arts décoratifs, couvrant toutes les périodes, y compris la période contemporaine, bien que mettant l’accent sur la période classique, et toutes les aires géographiques, des arts premiers à l’art contemporain. C’est un projet pharamineux, voire « mégalo » pour certains mais l’« opportunité unique de réunir toutes les périodes de l’art ». Un musée qui présente simultanément des œuvres de toutes origines géographiques, de toutes les époques… Des objets d’art, d’histoire de tous les supports (peinture, sculpture, orfèvrerie…). Ce qui explique les accords avec les 12 institutions muséales françaises.
Il y a un accord entre les deux gouvernements, signé conjointement par le Ministre de la Culture Française et le Directeur des autorités du tourisme, de la culture et du patrimoine. C’est un accord public qui précise les modalités de la coopération France / E.A.U. Ainsi il précise les services fournis par la France, les modalités de prêt (qui font polémique), les conditions d’utilisation du nom « Louvre », les modalités financières. Il prévoit que l’Etat français doit mettre en place une personne morale de droit privé (français), l’Agence internationale des Musées de France. Cette agence, qui prendra le nom de France Muséums assurera des prestations pour la T.D.I.C, responsable de l’équipement culturel de l’île de Saadiyat. Les accords précisent d’emblée la structure du futur musée. Il est d’une superficie d’environ 24 000 m² dont 6 000 m² consacrés aux galeries des collections pour les collections permanentes, et 2000 m² aux galeries pour les expositions temporaires. Le Musée devra en outre, comprendre des réserves, un auditorium, des espaces pédagogiques adultes/enfants, des équipements de conforts et d’accueil (restaurant/café), un atelier de conservation. La conception du musée est confiée à un architecte de renom international : Jean Nouvel.

B. L’agence France Muséum

Le Louvre ne veut pas porter seul le projet d’un musée universel (il n’est pas lui- même un musée universel) et ses collections ne comptent pas des œuvres de toutes les périodes et toutes les époques. On fait donc appel aux compétences d’autres musées et aux collections de ces 12 institutions de prestiges qui se rassemblent : le musée du Louvre, le Centre Pompidou, l’Etablissement public du musée d’Orsay et du musée de l’Orangerie, la Bibliothèque nationale de France, le musée du quai Branly, la Réunion des Musées Nationaux, le musée et domaine national de Versailles, le musée Guimet, l’Ecole du Louvre, le musée Rodin, le Domaine National de Chambord, l’Etablissement public de maîtrise d’ouvrage des travaux culturels. Les 12 musées sont les 12 actionnaires, mais le Louvre reste l’actionnaire majoritaire et c’est son nom qui est utilisé.
France Muséum a pour objectif unique, la création du Louvre Abu Dhabi : c’est une structure que l’on dit dédiée. C’est une Société par Actions Simplifiées (société de droit privé), mais sous tutelle du Ministère des affaires étrangères et du Ministère de la culture, ce qui permet une flexibilité de gestion. Elle donne plus de souplesse dans le recrutement de personnel et dans la gestion des sommes versées sur vingt ans par les Émirats. L’Agence France muséums est un ovni dans le paysage culturel français. C’est une société privée, mais avec l’actionnariat public des douze établissements que nous avons listé plus haut, fonctionnant avec un personnel composé en partie de fonctionnaires détachés dont six conservateurs du patrimoine. L’agence a un ensemble de missions : la gestion du projet scientifique et culturel, la mise en œuvre de la programmation culturelle, la définition et élaboration de la programmation des opérations de préfiguration, l’élaboration du programme muséographique des espaces publics et l’élaboration du programme scientifique des fonctions supports. France Museum doit aussi manager la stratégie de développement du Musée.
Le conseil d’Administration est présidé par Marc Ladreit de Lacharrière, grand mécène du Louvre et président de Fimalac, Jean Guéguinou, Ambassadeur de France et Christian Giacomotto. Les institutions culturelles sont aussi représentées par leurs directeurs généraux comme Henri Loyrette pour le Louvre, Guy Cogéval pour le Musée d’Orsay, Yves le Fur pour le Quai Branly, etc. Enfin, il y a un représentant du Ministère de la Culture française et un représentant du Ministère des Affaires Etrangères qui ont un avis consultatif.

C. Créer et organiser le Musée Universel

Une trentaine de personnes qualifiées travaillent pour l’Agence qui est organisée en différents pôles : pôle scientifique composé de conservateurs spécialistes qui sont détachés (public au privé). Il y a également un pôle « maîtrise d’œuvre », avec un architecte qui contrôle l’avancée des travaux du Musée Abu Dhabi, un pôle juridique qui est indispensable pour se prémunir de tous conflits entre France et E.A.U. Pour cela, il faut déterminer des cadres juridiques précis, d’autant plus que tout conflit serait néfaste à l’image du Louvre. L’équipe est dirigée par Laurence Des Cars, conservatrice spécialiste du 19ème siècle, qui travaille pour le musée d’Orsay. C’est une conservatrice, mais aussi une femme d’affaires. L’équipe de travail est contrôlée puisqu’elle doit rendre des comptes à l’Etat. Il y a des audiences par la commission des Affaires Etrangères du Sénat étant donné que c’est l’image de la France qui est en question.
Sur le plan financier, la fondation du Louvre Abu Dh
abi est entièrement financée par les Emirats Arabes Unis. Une somme d’un milliard d’euro doit revenir aux institutions françaises. Nous pouvons évoquer quelques chiffres : 425 millions d’Euros qui seront reversés pour l’utilisation du nom « Louvre » ; somme répartie suivant un échéancier. De plus, les émirats s’engagent à investir personnellement 25 millions pour le mécénat, qui sont destinés à la restauration du pavillon de Flore sachant qu’en 2009, le mécénat reçu par le Louvre était de 7,4 millions. 550 millions sont investis par le biais de l’Agence France Muséums. Pour les prêts d’œuvres, 190 millions sur 10 ans sont reversés à l’Agence qui le redistribue au musée français. Pour l’organisation des expositions, 13 millions par an pendant 15 ans soit 195 millions sont investis pour les musées français. Les émirats rémunèrent l’Agence en contrepartie des prestations offertes, à hauteur de 164 459 995 Euros sur 20 ans. Avec cette somme, l’Agence finance ses prestations, selon des postes budgétaires établis sur 20 ans. L’Agence doit rendre compte à la partie émirienne, de son bilan financier. A la fin de chaque année, les parties françaises et émiriennes se réunissent pour étudier le budget et éventuellement l’adapter. (larousse.fr)
C’est ainsi un moyen de rapporter des financements pour ces structures culturelles françaises, mais cette idée hors du commun, est sujet à polémiques. Certains considèrent que nous bradons notre patrimoine et que les œuvres françaises, qui sont publiques, ne seront plus visibles par le public français. De plus, certains critiquent que nous bradions par la même occasion notre identité, à travers le nom Louvre. D’autres au contraire, pensent que c’est un véritable projet novateur qui met en valeur les compétences françaises. En effet, le projet défendu par le Louvre se distingue de celui porté par le Guggenheim qui n’a fait que vendre sa marque). Le Louvre lui a refusé cette optique, au contraire, il fonde un projet novateur, avec un vrai projet culturel et scientifique. Le Louvre défend une certaine qualité. C’est une vision jeune de la gestion culturelle et muséale, c’est par ailleurs une des raisons pour lesquelles c’est une équipe de jeunes qui travaille pour France Muséum et non pas « des conservateurs de longue date » qui peuvent être souvent considérés comme justement, trop conservateurs. C’est une nouvelle vision plus ouverte sur les musées, qui se met en place.
La construction d’un musée à Abu Dhabi, entièrement appuyée sur l’expertise française participe à une véritable diplomatie culturelle entre la France et les E.A.U. D’ailleurs, ce sont Nicolas Sarkozy et son homologue émirien qui ont posé la première pierre du Musée d’ Abu Dhabi. Le musée assure à la France, une présence symbolique dans le monde arabe, constitué de pays au fort pouvoir économique et foyer potentiel de touristes.
Le financement des structures culturelles en France
Mémoire de fin d’études – Option : Développer et Entreprendre
Université catholique De Lyon ESDES Business School
Sommaire :
Introduction
Partie 1: Politiques culturelles et désengagement
I. Histoire des politiques culturelles et de l’intervention de l’Etat
II. Les collectivités territoriales: Communes, Départements et Régions
III. Problématiques
Partie 2: Le mécénat – La réaction des structures culturelles
I. L’histoire du mécénat
II. Le mécénat
III. Problématique du mécénat culturel actuel
Partie 3: Quelles solutions au financement de la culture ?
I. Le cas de Sèvres – Cité de la céramique
II. Le marketing culturel
III. Un exemple d’ouverture à d’autres financements : Louvre Abu Dhabi
IV. Les solutions au financement de la culture & limites
Conclusion

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Le financement des structures culturelles en France
Université 🏫: Université catholique De Lyon ESDES - Mémoire de fin d’études
Auteur·trice·s 🎓:

Axel Psaltopoulos
Année de soutenance 📅:
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