Importance sociale du mariage en Corée: choix du conjoint

Importance sociale du mariage en Corée: choix du conjoint

2. Importance sociale du mariage en Corée

2.1. Pourquoi il est important de se marier ?

Le mariage est une institution très importante dans la société confucéenne étant donné que de la famille dépend cette organisation, et que le mariage est le fondement de la famille. Léon Vandermeersch cite le chapitre 45 (Hunyi) du Livre des rituels (Liji) : «C’est seulement si le lien conjugal est réglé dans les formes que la relation de parenté se constitue entre le père et le fils.

Et ce n’est que si la relation de parenté se constitue entre le père et le fils que la relation entre prince et sujet s’établit de façon droite (puisqu’elle est à l’image de la précédente).

Voilà pourquoi le rite du mariage est le fondement de tous les rites». Les liens de parenté à la base de la structure de la famille permettent la création des liens interpersonnels qui structurent la société. Ainsi, comme nous venons de le voir, le mariage qui est à l’origine de la famille est le fondement de l’ordre social entier.

Il est donc très important pour l’individu bien sûr, pour sa propre famille, mais aussi pour la société entière.

De plus, comme l’écrit Van Gennep « se marier, c’est passer de la société enfantine ou adolescente à la société mûre ; d’un certain clan à un autre ; d’une famille à une autre ; souvent d’un village à un autre. » Donc, étant donner que se marier permet d’entrer pleinement dans la catégorie sociale des adultes, le mariage est bel et bien un rite de passage.

Etre célibataire en Corée est considéré comme une étape lorsque l’on est un jeune homme ou une jeune femme, mais, passé un certain âge (d’après ce que l’on m’a dit 28/30 ans pour les femmes et 30/35 ans pour les hommes), devient une situation quelque peu suspecte et anormal, de plus, il provoque souvent un regard de commisération de la part des autres personnes. Lors de mon terrain que malgré mon jeune âge (21 ans), on m’interrogeait systématiquement sur mon statut légal et mes projets.

Importance sociale du mariage en Corée: choix du conjoint

Lorsque je rencontrais une nouvelle personne, les premières questions qu’elle me posait portaient d’abord sur mon âge, puis venait l’inévitable «Et, tu es mariée ?» ou encore «As-tu un fiancé?».

J’ai constaté que le mariage était un sujet de discussion souvent abordé, on peut d’ailleurs citer à ce sujet une phrase qu’a écrite Laurel Kendall « Marriage seemed to be on everyone’s mind. » Pour tous, il semble très important de se marier, mais aussi d’aider les autres à se marier. J’ai passé un après-midi avec trois femmes d’une trentaine d’année, l’une mariée, les deux autres non.

Ces dernières semblaient soucieuses de n’avoir toujours pas trouvé de «bon parti» et m’ont même déclaré qu’elles étaient sans doute trop âgées pour pouvoir espérer intéresser un homme susceptible de vouloir les épouser. De plus, la réussite professionnelle de ces femmes peut aussi représenter un obstacle car une femme ne «doit» pas avoir mieux réussi que son conjoint sinon celui-ci perdrait la face.

De plus, leur réussite tente à prouver qu’elles n’arrêteront pas de travailler une fois mariées afin de s’occuper de gérer le foyer.

Un jour, homme d’une trentaine d’année m’a même proposé qu’une fois mes études terminées, je revienne en Corée, m’installer avec lui ce qui sous-entend mariage car le concubinage est officiellement inimaginable en Corée.

En effet, le mariage permet officiellement l’accès à la sexualité et la cohabitation d’un homme et d’une femme. C’est l’étape obligatoire avant de pouvoir s’installer avec la personne de sexe opposé que l’on fréquente. Cependant, dans les faits, j’ai pu constater que certains passaient outre «l’autorisation» en question et vivaient plus ou moins ensemble en prenant cependant garde que leurs parents respectifs n’en sachent rien.

En effet, ayant intégré des universités prestigieuses de la capitale, ils étaient partis de chez leurs parents, et vivaient officiellement avec un frère ou une sœur qui faisait semblant de ne rien voir dans le cas de la jeune femme, et seul dans le cas du jeune homme.

Se marier change non seulement le regard que la société porte sur l’individu, mais, selon les dire, changerait aussi le caractère de l’individu. En effet, un homme marié devient chef de famille et de ce fait devient responsable du bien être de son épouse, mais aussi par la suite, de ses enfants.

Il doit non seulement apporter l’argent qui permet à sa famille de se nourrir et de se vêtir, mais il joue aussi un rôle de «représentation», de son attitude, son travail, dépend l’image de sa famille. Il doit se montrer digne du nom qu’il porte et faire honneur à sa famille.

Citons une fois encore Kendall « In one such conversation, perhaps in response to a flicker of skepticism on my face, the shaman Yongsu’s Mother pointed out to me that another neighbor’s son, married three months previously, had been transformed from a reckless youth into a responsible husband. »

Ainsi, une fois le mariage passé, un garçon devient un adulte aux yeux de la société, et agit comme tel car de son attitude et de ses actions dépend l’honneur de sa famille.

Les rites du mariage institutionnalisent donc, comme dirait Bourdieu, le nouveau statut des mariés, qui se voient assigner une fois l’union célébrée, leurs nouveaux rôles au sein de la famille mais aussi de la société.

En outre, un mariage ne concerne pas seulement deux individus, mais deux familles qui sont mises en relation, s’unissent.

L’honneur de la famille de l’épouse dépend de son attitude avec sa belle-famille, et surtout avec ses beaux-parents mais aussi de la naissance d’un fils. Et de l’union dépend le prestige et la pérennité de la famille du marié, car on en attend la naissance d’au moins un fils qui représente l’avenir de la famille.

Il devra ensuite être éduqué de façon a faire honneur à la famille, voire à permettre une ascension sociale par sa réussite scolaire et professionnelle. Ainsi, un soin tout particulier doit être accordé au choix du conjoint.

Comment se fait ce choix ? Où et comment se rencontrent les futurs époux ? C’est ce que nous allons étudier dans la partie suivante.

2.2. Le choix du conjoint

Le choix du conjoint est très important car de lui dépend l’avenir de la famille. Les critères de choix ont évolué, changé de niveau d’importance, c’est ce que nous allons tâcher de définir.

Traditionnellement le futur conjoint est choisi exclusivement par les parents et les grands-parents qui prennent alors en compte la situation sociale et économique de l’autre famille. Chacune se fait rapporter ces informations par des tiers ou simplement l’entremetteuse, ainsi que la réputation du jeune homme ou si la future épouse est gracieuse et a un bon tempérament.

L’exogamie étant la règle dans une société confucéenne, les familles ne se connaissent en général pas, ce qui fait qu’elles ont recours à une tierce personne, une entremetteuse. La famille du jeune homme considère la future mariée comme une source de force de travail et d’héritier(s), mais aussi d’alliance matrimoniale prestigieuse dans le cas des bonnes familles.

Les sentiments des futurs époux ne sont absolument pas pris en compte, ils n’ont d’ailleurs pas leur mot à dire. Ils se découvrent le jour du mariage, et apprennent à s’apprécier avec le temps ; si chacun rempli bien son rôle, il ne devrait pas y avoir de problème.

Grâce à la lutte d’une jeune élite nationaliste et progressiste au début du XXe siècle qui promeuvent l’idée selon laquelle le mariage est une affaire personnelle, les jeunes hommes ont pu obtenir le droit de voir leur future épouse, même peu de temps, avant le mariage.

Cette même élite défend l’accès à l’éducation pour les femmes comme un moyen de servir la nation. En effet, des mères éduquées peuvent favoriser l’éducation de têtes pensantes, et sont donc des partis bien plus intéressants pour eux-mêmes.

Ces partisans du mariage libre se voient opposer une résistance farouche de la part de leurs familles qui obtiennent un compromis. Dans les années 1940 à Séoul, le mariage arrangé reste d’actualité mais, dans certaines familles, les futurs époux peuvent se rencontrer avant la célébration du mariage lors d’un rendez-vous arrangé par les familles, ce qui permet au jeune homme de jauger sa promise.

En général, les parents organisent ensemble une entrevue, dont l’objectif principal est «dissimulé» à la promise et qui se déroule au domicile de la jeune femme à qui on demande d’effectuer certaines tâches, afin de pouvoir juger de sa capacité à recevoir des hôtes, de son attitude et sa façon de parler.

Lorsque celles-ci sont au courant de la supercherie et n’ont pas envie d’épouser l’homme qu’elles savent être en train de les juger, elles s’arrangent pour être refusées par leur éventuel futur mari en apparaissant disgracieuses et gauches.

Dans les années 1950, les rendez-vous arrangés sont monnaie commune à Séoul, et dans les années 1970 cette pratique est répandue dans tout le pays, elle avait l’avantage de donner un droit de veto aux jeunes gens, mais présentait l’inconvénient de les mettre particulièrement mal à l’aise ce qui pouvait fausser leur jugement, d’autant plus qu’il doit se forger sur une entrevue relativement brève.

Une fois la pratique répandue dans tout le pays, il est devenu assez courant de les laisser seuls afin qu’ils puissent parler, faire un peu plus ample connaissance, mais ils sont en général assez gênés par la situation, ce qui rend ces entretiens relativement silencieux.

De ce fait, chacun éprouve beaucoup de difficultés à se faire une opinion sur l’autre, ce qui leur met une grosse pression sur les épaules étant donné que de leur choix dépend l’honneur de leurs familles respectives.

De nos jours, les mariages arrangés par les parents sont devenus rares et sont limités aux familles les plus riches du pays. Cependant, lorsque les parents estiment que leur enfant commence à être trop âgé pour rester célibataire, ils se chargent d’organiser des «rendez-vous aveugles» entre leur enfant et une personne qu’ils estiment digne de leur famille.

Ces rendez-vous ont lieu dans des cafés, et sont facilement repérables de l’extérieur car en général, on sent que les deux personnes sont tendues.

Ce type de rendez-vous peut aussi découler d’une démarche faite par les principaux intéressés eux-mêmes ayant fait appel à une agence matrimoniale ou à une entremetteuse (professionnelle ou non). Cependant, chacun dispose d’un réel droit de dire «non, cette personne ne m’intéresse pas, je ne souhaite pas l’épouser».

Comme nous l’avons évoqué dans la partie précédente, le mariage est au cœur des préoccupations de chacun, et il est très courant que des amis jouent les entremetteurs eux aussi, afin de venir en aide à leur ami(e) qu’ils considèrent en détresse.

Personnellement, je soupçonne une amie trentenaire d’avoir agit de la sorte avec moi. Elle voulait absolument que je rencontre un ami à elle, «très gentil, tu verras. Il a à peu près ton âge, et est très intéressant». Elle m’en avait dressé un portrait flatteur, et sur une excuse plus ou moins valable, nous a laissé seuls tous les deux, une fois qu’elle avait constaté que nous communiquions aisément.

Nombreuses sont mes relations coréennes qui m’ont affirmé que ce genre de pratique est très courant.

L’avantage de ce cas de figure c’est que les tierces personnes peuvent contribuer à mettre à l’aise, et si les principaux intéressés, mis en relation, s’entendent bien, libre à eux par la suite de se revoir, seuls, et de se faire une opinion. Ceci permet donc le développement de ce que les Coréen nomment le «mariage d’amour».

Celui-ci est encore plus flagrant lorsque que les protagonistes se rencontrent seuls, au lycée, à l’université, ou encore sur leur lieu de travail. Notons d’ailleurs qu’une femme ayant fait de longues études trouvera en règle générale un bon parti, et fera un bon voire un très bon mariage.

Ainsi coexistent aujourd’hui trois types de mariages : les mariages arrangés, les mariages d’amour, et les mariages «moitié-moitié» (banban en coréen).

Cependant, quel que soit le type du mariage qui s’organise, les individus ne choisissent pas vraiment seuls leur futur conjoint. En effet, malgré tout, un mariage met toujours en jeu les familles des individus ce qui fait que l’opinion des parents reste très importante.

Pour pouvoir épouser une personne, il faut avoir l’accord de ses parents (seuls quelques rares exceptions vont à l’encontre de l’opinion parentale). Comme l’écrit Cho Young-hee dans son article, « pour ces enfants, qui ont été l’objet de tant de soins, le lien qui les unit à leurs parents est littéralement indéfectible.

Ainsi, dans notre mentalité coréenne, un enfant est toujours un enfant, eût-il soixante ans bien sonnés, et se laissera toujours respectueusement gronder par ses parents. »

Ainsi, si les parents s’opposent à l’union, leur enfant y renoncera, même si c’est à contrecœur. Une Américaine enseignant l’anglais à l’université féminine Ehwa m’a raconté qu’un jour elle a vu dans son bureau l’une de ses élèves complètement désespérée car elle avait dû rompre avec son petit ami, qu’elle fréquentait depuis plus d’un an et demi.

Ses parents lui avaient dit qu’il était hors de question qu’elle l’épouse. Sa famille avait une situation économique plus basse que la leur, et il ne fréquentait pas une université aussi prestigieuse qu’elle, par conséquent il n’était pas assez bien pour elle ni pour leur famille.

De ce fait, bien qu’éperdument amoureuse de lui, elle avait rompu ce jour-là. Cet exemple montre bien qu’un mariage ne concerne pas seulement deux individus mais leurs deux familles, ce qui explique que l’opinion parentale continue de jouer un rôle prépondérant dans le choix du conjoint (d’une certaine façon, les parents ont le dernier mot).

Intéressons nous enfin aux deux formes principales que prend le mariage en Corée.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Le mariage en Corée : un rite de passage comme miroir d’une société
Université 🏫: Université Paris VIII Vincennes – Saint-Denis
Auteur·trice·s 🎓:
Aga

Aga
Année de soutenance 📅: Mémoire de fin d’études - Septembre 2016
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