Les avantages de la presse en ligne : Apprendre des techniques

2 Les avantages de la presse dans un réseau en mutation
Internet subit actuellement de profondes mutations. Le réseau est devenu un média de masse, utilisé par près de la moitié des Français. Il permet aujourd’hui à n’importe qui de collecter et de diffuser des faits d’actualité, une mission sur laquelle les journalistes détenaient autrefois un monopole. Les évènements de la Gare du Nord, le 29 mars 2007, ont montré la force donnée par les nouveaux médias au journalisme amateur, capable de proposer au consommateur plusieurs heures de vidéo, des centaines de photos et des commentaires plus rapidement que les médias traditionnels (Suply, 2007).
Ces évolutions du réseau, dont cet exemple donne la mesure, poussent les médias traditionnels à s’adapter. Ceux-ci doivent en effet apprendre à maîtriser des techniques nouvelles afin de répondre à une demande pour de nouveaux modes de consommation (1). Dans le même temps, le renouveau de l’expérience de consommation de contenus d’actualité a fait évoluer les comportements des consommateurs, si bien que l’interaction et le dialogue sont désormais des ingrédients essentiels d’un site d’information (2). Parmi ces nouveautés apportées par le Web 2.0, les groupes de presse essayent néanmoins de conserver ou de reconquérir des missions qui assuraient leur survie dans le monde du papier, qui sont aujourd’hui menacées ou perdues au profit d’autres sites (3).
2.1 L’évolution des formats
La pénétration des lignes à haut-débit, accompagnée de l’évolution des techniques d’édition de contenus, a fortement modifié la demande et l’offre d’actualité sur internet.
Du point de vue des techniques, ces modifications ont ouvert de nouveaux horizons concernant l’offre média sur le réseau. Leur apprentissage, ainsi que les moyens organisationnels mis en œuvre pour y parvenir, ne se fait pas de la même manière parmi tous les médias (1). Les technologies acquises doivent ensuite être utilisées au mieux sur les nouveaux supports, ce qui implique un changement de rythme et de perspective de la part des médias papier (2).
2.1.1 Apprendre des techniques et une organisation nouvelles
La rapide croissance des équipements en lignes à haut débit en France et dans le monde a profondément transformé le type de contenu consommé. Le graphique ci-dessous montre que d’ici 2010, plus de la moitié des foyers seront équipés en haut-débit, ce qui va de pair avec une explosion de la demande pour les contenus vidéo. Le rachat par Google de YouTube, un site vidéo participatif, souligne d’ailleurs la place prépondérante qu’a acquise la vidéo en ligne par rapport aux autres types de contenus (Kilgore,2006).
Evolution de la pénétration du haut débit en France et du marché mondial de la vidéo en ligne
Figure 9. Evolution de la pénétration du haut débit en France et du marché mondial de la vidéo en ligne. Source: OCDE, ABI Research
Transmettre l’expérience
La perte de terrain que subissent les contenus écrits amène logiquement à formuler l’hypothèse que les quotidiens vont perdre, de par la nécessité de produire de la vidéo, leur leadership sur le marché de l’actualité en ligne au profit des télévisions, qui possèdent en la matière une expérience vieille de plusieurs dizaines d’années.
Celles-ci n’ont cependant pas opéré de transfert massif de personnels des activités de télévision aux pôles web. TF1 diffuse par exemple son expérience de la vidéo en détachant certains journalistes de la rédaction traditionnelle auprès de la rédaction web, tout en maintenant une séparation entre les deux disciplines. Le transfert de compétence ne va d’ailleurs pas de soi, puisque la diffusion numérique sur internet n’utilise pas forcément les mêmes technologies que les équipes de diffusion hertzienne. Des organisations n’ayant pas encore numérisées leurs méthodes de travail, comme la Radio télévision belge de la communauté française (RTBF), ne peuvent techniquement pas faire collaborer les vidéastes web avec leurs homologues traditionnels.
Dans le même temps, des titres de presse quotidienne ou hebdomadaire n’hésitent pas à diffuser des contenus vidéo sur leurs sites. La légèreté des investissements nécessaires pour diffuser des contenus vidéo originaux explique le fait que des titres de presse puissent s’aventurer sur un terrain autrefois gardé par les chaînes de télévision. La capture des images peut s’effectuer grâce à un appareil photo numérique ou grâce à un téléphone portable et les équipements personnels des journalistes peuvent parfois même être mis à contribution.
La diffusion des séquences se fait, elle aussi, à peu de frais. Certaines rédactions ont réussi à prendre avantage des sites de partage de vidéos, tels You Tube ou Dailymotion, externalisant ainsi la question de la distribution, et ce, gratuitement. La facilité pour qu’à eu la presse à investir le champ de la vidéo a été démontré par l’anglais The Sun le 6 février 2007. S’étant procuré la vidéo des tirs amis d’un avion américain sur des soldats britanniques en Irak, le titre a pu la publier en premier, sur son site.
Depuis la capture des images, qui se fait par le journaliste lors de son déplacement, jusqu’à la diffusion de celles-ci, le journal n’a donc à investir que sur l’édition de la séquence. Les titres de presse ne partent donc dans la course à la vidéo sans handicap majeur, puisque les seuls investissements requis résident dans l’acquisition d’une licence de logiciel d’édition et dans la formation d’un éditeur vidéo, soit un coût total de quelques milliers d’euros. Sur certains marchés, les journaux sont même devenus leaders de la production vidéo tous supports confondus. Ainsi, à San José, en Californie, le San Jose Mercury produit soixante séquences par jour, quand la télévision locale en produit cinq ou six (Benkoil, 2007).
Par ailleurs, certaines agences produisent des contenus vidéo spécifiquement destinés à des sites internet d’actualité. La compagnie néerlandaise Zoom.in fut parmi les premiers à se spécialiser et a aujourd’hui acquis la place de leader au Benelux tout en poursuivant son expansion en France et en Allemagne, si bien qu’elle peut se permettre de couvrir la politique internationale et régionale sur l’ensemble de ces pays. Grâce à ces séquences, les sites des titres de presse sont en mesure de proposer à leurs visiteurs des sujets vidéo équivalents à ceux des chaînes de télévision.
Ces reportages pré-formatés ne correspondent cependant pas toujours à la ligne ou au traitement désirés par les titres de presse. C’est pourquoi une partie d’entre eux ont consenti à des investissements dans le domaine de l’édition vidéo. Le Nouvel Observateur a ainsi créé son propre studio de télévision, tout comme Le Télégramme de Brest. Le Soir a également lancé la construction d’un espace réservé à la création vidéo. Les groupes de presse peuvent parfois même doubler leurs concurrents issus de la télévision dans la course à la technologie, comme l’a montré le Washington Post en introduisant des podcasts en haute définition (Luft, 2007), bien avant que toutes les stations traditionnelles soient équipées du matériel adéquat. La qualité de la production s’améliore logiquement en fonction des sommes consacrées à ces projets. Mais le poids des investissements n’est pas un gage de qualité. On le verra, la vidéo sur internet obéi à des règles bien différente de celles qui régissent la télévision.
Le rapprochement entre télévision hertzienne et vidéo sur internet, s’il n’apporte pas de valeur ajoutée sur les contenus produits, joue néanmoins sur la perception de la compétence des télévisions sur internet. Les annonceurs préfèrent ainsi s’orienter vers les sites de télévision aux dépends des sites de journaux (Stone, 2007c).
Conserver « l’esprit start-up »
L’évolution des techniques place les organes de presse en position de force sur deux autres plans. D’une part, internet est un média sur lequel, pour reprendre les expressions de Frédéric Sitterlé, les rapides ont un avantage sur les gros. Cela implique que les petites structures, pour peu qu’elles soient adaptables et réactives, peuvent prendre beaucoup d’avance sur celles, plus grosses, qui font face à de nombreux obstacles avant de pouvoir se réformer en profondeur.
François-Xavier Schlesser, directeur du département Recherche et Développement à la RTBF, reconnaît dans un entretien que la taille du groupe, ainsi que son statut d’entreprise publique, l’empêche d’évoluer aussi rapidement qu’elle ne le souhaiterait. Le passage au numérique supprime le besoin de techniciens dans les domaines du son et, surtout, de la vidéo. En ce qui concerne le nombre de personnels nécessaire, Schlesser parle d’un rapport de un sur cinq entre l’analogique et le numérique. Autrement dit, les télévisions doivent faire évoluer ou se séparer de dizaines de salariés.
Au-delà de ces inconvénients de gestion des ressources humaines, les institutions médiatiques doivent repenser leur mode d’organisation. Malgré ses limites, l’économie des nouveaux média requiert des structures souples et adaptables afin d’encourager l’innovation. Frédéric Sitterlé parle à ce propos de « l’esprit start-up ». Le Figaro ne s’y est pas trompé, puisque le poste de directeur des nouveaux médias lui a été offert lors du rachat de sa start-up, Sport24. Une fois en place, afin de ne pas perdre le dynamisme des premiers jours au fur et à mesure des embauches, il a divisé les activités internet du Figaro en cinq pôles thématiques de moins de dix personnes chacun.
Les pure-players possèdent dans ce domaine un avantage certain. La rapidité avec laquelle a été lancé Rue89, site d’actualité participatif, est caractéristique de la souplesse des nouveaux médias.
Entre janvier et mai 2007, trois anciens journalistes de Libération ont pu créer de toutes pièces un nouveau site d’actualité, qui rivalise aujourd’hui avec des titres établis. Le graphique ci-contre montre en effet que Rue89 a réussi à attirer plus de visiteurs que La Croix lors du mois de son lancement.
Evolution des audiences de Rue89 et de La Croix depuis le 6 mai 2007
Figure 10. Evolution des audiences de Rue89 et de La Croix depuis le 6 mai 2007. Source: Alexa.
La nécessité d’apprendre des nouvelles techniques pour publier des contenus sur internet, ainsi que de rénover les systèmes d’organisation, n’avantage pas, comme on aurait pu le croire, les médias plus récents par rapport à la presse. Sur ce terrain, seuls les pure-players peuvent facilement dominer les médias traditionnels. D’autant plus que ces savoirs techniques ne sauraient se suffire à eux-mêmes. Ils doivent être couplés à de nouveaux formats et à un nouveau ton.
Lire le mémoire complet ==> (Quelle place pour la presse en ligne à l’heure du Web 2.0 ?)
Mémoire de fin d’études
Institut d’études politiques de Lille, section Economie et Finance

Rechercher
Télécharger ce mémoire en ligne PDF (gratuit)

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Scroll to Top