Elevages de Bretonne Pie Noir en France : structures rentables

Résultats – Chapitre 3 :

Produits de la BPN très majoritaires (> 80 % du chiffre d’affaire)
Produits de la BPN associés à d’autres productions
La BPN occupe un mi-temps
Livraison du lait en laiterie
Transformation du lait et valorisation de la viande
Système allaitant
Transformation du lait des BPN
avec le lait d’autres vaches
Transformation du lait de BPN et de chèvres
Système allaitant BPN et transformation de lait de chèvres
Système allaitant BPN et autres productions de viande
Système allaitant
1 ferme avec un projet de transformation laitière
8 fermes, avec 8 à 25 vaches BPN transformant 10 à 80 000 L de lait
2 fermes sur lesquelles les veaux ou les bœufs sont élevés de façon extensive
1 ferme dont le troupeau est constitué de 18 BPN et 6 Montbéliardes
1 ferme avec 6 BPN et 25 chèvres
1 ferme, sur laquelle les BPN sont arrivées pour manger les refus des chèvres et dont le troupeau a finalement été agrandi.
1 ferme avec production de viande de porc et de mouton
1 ferme (10 vaches) tenue par une personne pluriactive

Typologie des systèmes Bretonne Pie Noir
Figure 6 : Typologie des systèmes Bretonne Pie Noir
Les résultats concernent tout d’abord la Bretonne Pie Noir, les éleveurs, les systèmes actuels puis les points de vue et positions des organismes professionnels ou administratifs sur ces systèmes.
3.1 Spécificités des élevages de Bretonne Pie Noir
3.1.1 Elevages enquêtés
3.1.1.1 Des systèmes diversifiés
L’âge moyen des exploitants est de 42 ans (32 à 56 ans). Ils ont choisi la Bretonne Pie Noir pour diverses raisons :
– par intérêt pour le patrimoine, pour des raisons éthiques (10 citations) ;
– pour ses productions (lait riche, viande savoureuse…) (6 citations) ;
– pour sa rusticité (6 citations) ;
– pour sa beauté (1 citation).
Tous ont une conduite extensive : pas d’engrais minéral, faible chargement (moins de 1 UGB / hectare), peu ou pas de concentré. 11 éleveurs sont certifiés conformes au mode de production «Agriculture Biologique» par Ecocert. Les rations sont basées sur l’herbe et le foin. Les vêlages sont donc souvent groupés au printemps et à l’automne. Lorsqu’il y a une complémentation, c’est souvent avec des betteraves. L’utilisation de concentré reste exceptionnelle. Le plein air intégral est pratiqué dans environ un élevage sur deux.
Toutes les exploitations fonctionnent en transformation fermière et vente directe, que ce soit pour les produits laitiers ou carnés. Seuls deux éleveurs vendent une petite partie de leurs produits grâce à la vente indirecte (avec un intermédiaire entre le producteur et le consommateur).
Les seize élevages enquêtés sont considérés comme professionnels car la BPN leur permet de dégager au moins 1/2 SMIC. Dans la typologie des élevages (figure 6), la première entrée est la place de la BPN au sein de l’élevage, estimée grâce à la part des produits de la BPN dans le chiffre d’affaire. Trois catégories apparaissent :
– les élevages BPN à plein temps (11 élevages) ;
– les élevages BPN asociés à un autre mi-temps agricole (4 élevages) ;
– les élevages BPN à mi-temps avec un autre mi-temps non agricole (1 élevage).
La BPN n’est jamais la production exclusive. Chez les éleveurs à plein temps, des porcs valorisent le petit lait de fromagerie, il y a souvent un potager… D’autre part, 4 fermes associent les produits de la BPN à d’autres productions (chèvres, viande de porc et de mouton…) pour la commercialisation.
La seconde entrée concerne la production : les élevages laitiers sont dominants (11 sur 16). Les qualités laitières de la vache sont de toute façon au coeur de tous les systèmes puisque lorsque la Bretonne Pie Noir est utilisée en allaitante, ni la vache ni le veau ne sont complémentés (rations herbe + foin).
Le système «type» est le système laitier transformateur. Cependant, au sein de celui-ci, il y a de nombreuses variantes. Notamment au niveau de la valorisation de la viande. Aucun éleveur ne vend de veaux de huit jours, mais l’âge d’abattage varie de 1 mois à 4 mois. De la naissance jusqu’à l’âge de 1 mois, un veau boit environ 150 L de lait mais plus de 1 000 L si on le garde jusqu’à 4 mois. Ce qui n’est plus négligeable par rapport à une production laitière annuelle totale de l’ordre de 3 000 L de lait par vache et par an.

ProduitPrix Moyen
(€ TTC / kg)
Mini – Maxi
(€ TTC / kg)
Tomme14.8012 – 20
Fromage blanc4.24 – 5
Gros lait (ou Gwell)3.152.6 – 4
Beurre12.711.2 – 14
Crème8.66.6 – 10.5

Tableau 4 : Prix de vente des produits laitiers (moyennes sur 6 à 10 producteurs selon les produits)
La vente directe des produits laitiers concerne 10 producteurs et s’effectue selon trois voies principales :
– la vente à la ferme (4 producteurs) ;
– la vente sur les marchés (les 10 producteurs) ;
– la vente par les paniers, qui est la vente des produits de plusieurs producteurs à une association de consommateurs. 4 producteurs ont recours à ce mode de commercialisation.
Même si les producteurs portent attention à ne pas transformer plus qu’ils ne peuvent vendre, aucun d’entre eux n’a de problème pour écouler les produits.
Le choix des marchés a beaucoup d’importance. Bien qu’il ne s’agisse pas d’une règle absolue, les marchés de ville ou de zone touristique sont les plus porteurs, de même que les marchés de fin de semaine. Les volumes vendus sont très variables, mais tournent souvent autour de 5 à 10 000 L de lait transformé par marché et par an avec une gamme moyennement diversifiée (4 ou 5 produits, souvent beurre, tomme, gwell, fromage blanc, crème).
Qu’il s’agisse de produits carnés ou laitiers, les «retours» des consommateurs sur les produits sont excellents pour tous les producteurs. 4 d’entre eux ont souligné les commentaires particulièrement élogieux sur la crème, le beurre ou le fromage blanc.
3.1.1.2 Des petites structures rentables
Les exploitations sont en grande majorité des exploitations individuelles, avec parfois un «conjoint collaborateur». La main d’oeuvre disponible est donc de 1 à 2 UTH. Les troupeaux sont constitués de 8 à 12 vaches/UTH en système laitier, un peu plus en système allaitant. La surface agricole est d’environ 15 hectares/UTH en moyenne. Il s’agit souvent de terres peu productives où sont implantées des prairies permanentes.
Un quart des éleveurs disposent de résultats comptables précis. Le résultat d’exercice est de 12 à 15 000 € par UTH). Aucun éleveur ne déplore un salaire horaire peu élevé bien que ce soit parfois le cas car le plus important pour eux est de vivre en adéquation avec leur conception du métier.
Les deux études économiques détaillées permettent d’appréhender la rentabilité des élevages BPN. La première personne a dégagé, en 2006, un résultat d’exercice de 12 000 € (trois ans après son installation). Actuellement, les productions payent les charges et le revenu vient des aides (CAD, Conseil Général…). Celles-ci toucheront à leur fin en même temps que certains emprunts. La situation devrait donc rester équilibrée, d’autant plus que les ventes augmentent régulièrement.
Le résultat d’exercice de la seconde personne est de 24 900 € pour 2 UTH. Ce couple emploie également un salarié à plein temps et une salariée à mi-temps. On peut noter la faible dépendance de ce système par rapport aux aides et subventions puisque celles-ci représentent environ 10 % du produit total. Ce cas concret prouve la viabilité et la rentabilité des systèmes BPN à long terme puisque les exploitants sont installés sur leur ferme actuelle depuis 1988 et ils travaillent avec des Bretonne Pie Noir depuis 1980.
Afficher un prix de vente élevé n’est souvent pas l’objectif des producteurs, qui souhaitent garder des produits accessibles pour tous les consommateurs (tableau 4). Pour les éleveurs allaitants, la commercialisation est un peu plus délicate. Alors que les laitiers ont leurs clients des produits laitiers à qui ils vendent aussi les produits carnés, les éleveurs qui ne font que de la viande ont une clientèle spécifique (liste de clients). Et lorsque le seul moyen de publicité est le bouche à oreille, la vente peut mettre du temps à se développer, encore plus qu’en produits laitiers.

ThèmesCitations
AtoutsL’indépendance et l’autonomie (cité 9 fois), souvent grâce à l’économie : la vente directe permet de maîtriser les clefs du revenu, l’éleveur n’est pas endetté (peu ou pas d’emprunts), peut arrêter quand il veut, il est libre dans ses choix, il y a peu d’immobilisations ou de capital, peu de frais ;9 fois
La qualité de vie : les systèmes correspondent à un projet de vie, dans lequel les éleveurs font quelque chose qui leur plaît : le métier de paysan ;7 fois
La facilité au niveau agricole, grâce à la rusticité de la BPN permettant le plein air intégral et surtout lorsque les terres sont groupées ;4 fois
L’intégration dans la société : ce sont des systèmes qui répondent à la demande sociétale (respect de l’environnement, relation producteur-consommateur, produits à forte typicité) et s’intègrent dans une économie de terroir avec une clientèle fidèle (un éleveur annonce un taux de fidélisation de 85 % !) ;3 fois
La dynamique existant autour des races à faible effectif ;1 fois
La bonne valorisation du litre de lait ;1 fois
ContraintesLe temps de travail en transformation laitière : les systèmes exigent beaucoup de main-d’oeuvre et de disponibilité, notamment du fait de l’astreinte liée à la traite ;7 fois
les aspects réglementaires : les exploitants craignent que les règles ne se durcissent encore, notamment pour la transformation, alors qu’ils ont déjà beaucoup de contraintes ;3 fois
la vente : elle peut prendre du temps lorsque l’exploitation est située loin des zones touristiques et dans tous les cas, la constitution d’un réseau de clients fidèles peut être longue à mettre en place ;3 fois
les exigences sanitaires liées au travail avec du lait cru ;1 fois
le manque de trésorerie ;1 fois
le manque de rentabilité en système allaitant ;1 fois

Tableau 5 : Atouts et contraintes répertoriés par les éleveurs
Au niveau de la valorisation de la viande, le veau est vendu à un prix moyen de 11 € le kg de viande (8.50 à 13 €) lorsque celle-ci est conditionnée en caissettes de 5 à 15 kg. La vente au détail permet de vendre à des prix moyens de 15 € le kg (variant selon les morceaux bien entendu). La viande la mieux vendue reste celle de bœufs puisqu’elle peut être vendue à 15 € / kg en caissettes.
3.1.1.3 Des atouts mais aussi des contraintes
Si la viabilité est essentielle, la vivabilité des systèmes n’en est pas moins importante. Elle peut être appréciée par le regard que les éleveurs portent sur leurs systèmes. Lors des enquêtes, il a été clairement ressenti que les atouts priment sur les contraintes. «l’autonomie se mérite», «je suis encore plus convaincu maintenant qu’au début de l’intérêt de cette vache» etc.
Le tableau 5 regroupe les atouts et contraintes évoqués par les personnes enquêtées. Les atouts les plus importants sont d’ordre moral, éthique et, dans une moindre mesure, d’ordre technique : l’indépendance, la qualité de vie sont cités plus souvent que la valorisation du litre de lait, la facilité au niveau agricole… Au niveau des contraintes, le temps de travail ressort clairement, devant les aspects réglementaires et la constitution d’une clientèle. Les exploitants ont une vision globale de leurs systèmes et aucun ne s’arrête sur des détails.
3.1.1.4 Des créations d’exploitations pour pouvoir s’installer
Parmi les 16 éleveurs enquêtés, 3 se sont installés avant 1995, 7 entre 1996 et 2000 et 5 après 2001. 7 n’ont jamais eu recours à la DJA.
Aucune installation ne s’est faite par reprise d’une exploitation sans modifications importantes à apporter. 6 cas d’installation sont des transformations d’exploitations existantes c’est-à-dire avec réaménagement de bâtiments existants pour la fromagerie ou reprise de droits à produire. 10 cas d’installation sont des créations «de toute pièce», ce qui suppose la construction d’un bâtiment ou d’un atelier, l’attribution de droits à produire, l’achat de matériel agricole ou de fromagerie.
4 éleveurs ont déménagé pour se réinstaller, et 1 a déménagé deux fois. Ces déménagements ont deux explications. Tout d’abord, s’agissant de petites fermes, la réinstallation est possible matériellement (il n’y a pas de gros moyens de production à déplacer). Et surtout, les éleveurs qui s’installent la première fois le font souvent dans des conditions peu favorables (terres morcelées, bâtiments en location …).
Les difficultés rencontrées lors de l’installation sont relatives :
– à l’accès au foncier (4 citations) ;
– aux relations avec les organismes agricoles professionnels (4 citations) : hostilité de la DSV, du GDS, refus de l’autorisation d’exploiter, rejet de la Chambre d’Agriculture ;
– à l’obtention d’un quota vente directe (3 citations) ;
– au manque de références (3 citations), du côté de l’éleveur ou des organismes ;
– aux difficultés financières (2 citations) : progression lente de la vente directe ;
– à la difficulté de trouver des bêtes (1 citation).
Le recueil des expériences personnelles d’éleveurs enquêtés conduit à formuler un ensemble de conseils pour les personnes qui souhaiteraient s’installer avec un troupeau de Bretonne Pie Noir :
– Etre sûr de sa motivation : la transformation et la vente sont des activités demandant beaucoup de main d’œuvre ;
– Etudier les possibilités d’association : ceci peut permettre de réduire l’astreinte;
– Faire une formation en transformation fromagère est indispensable ;
– Evaluer les débouchés possibles dans le secteur ;
– Etre autant à l’aise avec les animaux qu’en transformation et que lors de la vente, sinon le système risque d’être déséquilibré ;
– Ne pas trop investir, ou s’endetter. Bien regarder à quoi on s’engage si l’on a recours aux aides ;
– Avoir son outil de production (fromagerie, cultures…) déjà prêt avant de se lancer si c’est financièrement possible ;
– Etablir un système de production cohérent : il n’y a pas un modèle unique en Bretonne Pie Noir, chacun travaille à sa manière. Il faut se faire son propre système en regardant ce que font les autres ;
– Démarrer progressivement, avec des petits volumes, que ce soit en système laitier ou allaitant, afin de bien apprendre le métier, et garder en tête qu’il faut du temps pour se faire sa clientèle en vente directe. Eventuellement avoir un double quota (laiterie + vente directe) qui peut résoudre les problèmes de fluctuation de la demande et de la production ;
– Eviter de vendre un produit imparfait (goût, aspect…) quand on débute : le client ne reviendra pas alors qu’il serait passé outre s’il s’agissait d’un «ancien» producteur ;
– Rester en contact avec les structures associatives (CIVAM, GAB…), ne pas s’enfermer, ne pas avoir peur de parler de ses difficultés et ne pas attendre le dernier moment pour en parler.
3.1.1.5 Des élevages qui veulent durer
Dans les cinq dernières années, quatre personnes ont arrêté l’élevage de Bretonne Pie Noir avant d’avoir atteint l’âge de la retraite. Dans trois cas, des problèmes personnels (couple…) sont à l’origine de la cessation d’activité. La quatrième personne a arrêté suite à des problèmes avec la DSV, qui exigeait des aménagements de l’atelier de transformation irréalistes. Ces arrêts précoces ne remetent pas en cause la durabilité des élevages BPN. Ainsi, tous les éleveurs enquêtés envisagent positivement leur avenir :
– Trois élevages sont en vitesse de croisière.
– Quatre éleveurs pensent à la reprise de leur ferme.
– Trois autres souhaitent réduire le temps de travail, (grâce à la fin de certains prêts), gagner en qualité de vie tout en gardant les mêmes productions .
– Six élevages devraient se développer (atteindre la vitesse de croisière, construire un atelier de transformation laitière, un atelier de découpe de viande, atteindre un plus haut niveau d’autonomie, augmenter la surface et le nombre d’animaux, développer la vente… ).
L’installation en exploitation bovine Bretonne Pie Noir : opportunités, freins et perspectives
Mémoire de fin d’études
ENESAD Option Animal Espace Produit
Sommaire :
1 Contexte
1.1 La race bovine Bretonne Pie Noir
1.2 Le cadre socio-économique et réglementaire
1.3 De l’opportunité d’une relance
3 Résultats
3.1 Spécificités des élevages de Bretonne Pie Noir
3.2 Environnement des installations en Bretonne Pie Noir
4 Discussion et propositions
4.1 Des porteurs de projet s’intéressent à la Bretonne Pie Noir
4.2 Les effectifs actuels permettent une certaine disponibilité en animaux
4.3 Les systèmes en Bretonne Pie Noir sont viables économiquement
4.4 Le foncier reste un gros problème pour s’installer
4.5 La réglementation peut devenir un obstacle si les porteurs de projets sont mal informés
4.6 Les organisations agricoles sont plus ouvertes aux petits projets que par le passé
Conclusion

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