L’assiette et la liquidation de la rémunération équitable

L’assiette et la liquidation de la rémunération équitable

B. Le rôle de perception de la rémunération équitable

La SPRE est le pivot du système de licence légale. C’est elle en effet qui calcule son montant et recouvre la créance auprès des utilisateurs. Elle est en outre l’élément de médiation entre les différents protagonistes et ce trouve en conséquence, au centre du processus de rémunération.

1/ Assiette et liquidation de la rémunération équitable

L’article L. 214-1 du Code de la propriété intellectuelle est sans ambages : la rémunération équitable « est versée par les personnes qui utilisent les phonogrammes publiés à des fins de commerce » dans le cadre d’une communication directe dans un lieu public ou d’une radiodiffusion.

Les personnes assujetties

Les personnes redevables du paiement de la rémunération équitable sont celles « qui utilisent les phonogrammes », c’est à dire les personnes morales pour le compte desquelles est effectué la sonorisation, et non pas la personne salariée qui réalise cet acte1.

Cette évidence est par ailleurs rappelée dans la décision de la Commission chargée de déterminer le taux de rémunération qui dans son article 4, dit que « la rémunération [est] due par les sociétés de télévision »2. Il ressort de cette décision que sont assujettis, les seules sociétés de programmes (et pas les sociétés de production, qui sonorisent les programmes qu’elles réalisent mais n’effectuent pas de radiodiffusion).

Les utilisations rémunérées

La rémunération équitable est due en contrepartie de la radiodiffusion d’un phonogramme du commerce, autrement dit, dans le secteur télévisuel, de son inclusion dans un vidéogramme. La destination de ce vidéogramme peut exclure du bénéfice de la licence légale la sonorisation de certains programmes (cf. Les utilisations autorisées, p. 70), de même que le procédé utilisé (cf. infra – Chap. 2, p.100).

En pratique, la SPRE se borne à percevoir la rémunération sans vérifier le contingent des phonogrammes utilisés, et les chaînes estimaient que cette redevance couvrait les droits à payer en contrepartie de l’ensemble des utilisations de radiodiffusion effectuées.

La rémunération est perçue pour tous les phonogrammes utilisés « quel que soit le lieu de fixation » de ceux-ci. Introduite afin d’empêcher les discothèques de s’affranchir de tout paiement en ne diffusant que des œuvres étrangères, cette précision permet surtout de percevoir une rémunération sur l’ensemble des phonogrammes utilisés qui ne bénéficiera en priorité aux artistes nationaux (cf. Un point d’entente, p.100).

1 Idem pour les radios ainsi que les discothèques, le paiement de la rémunération équitable incombant à l’établissement et non aux DJ, y compris lorsque celui-ci n’est pas ‘‘résident’’ (cas d’un DJ travaillant à la soirée ou au set, de façon non régulière pour une discothèque et payé ‘‘au cachet’’).

2 Décision du 9 septembre 1987 de la Commission créée par l’article 24 de la loi n° 85-660 du 3 juillet modifiée relative aux droits d’auteur et aux droits des artistes-interprètes, des producteurs de phonogrammes, des producteurs de vidéogrammes, et des entreprises de communication audiovisuelle, JO du 13 décembre 987, p.14512.

Le taux de rémunération

Le taux de rémunération est le pourcentage appliqué à l’assiette déterminée pour chaque secteur, destiné à calculer le montant forfaitaire de la rémunération équitable.

La loi laissait la possibilité aux protagonistes, d’établir d’un commun accord par le jeu de la négociation, les barèmes de rémunération et ses modalités de versement pour chaque secteur1. A défaut d’accord signé dans les six mois suivant l’entrée en vigueur de la loi, le texte prévoyait la tenue d’une Commission chargée de suppléer les intéressés.

La composition de cette Commission est prévue par la loi de 1985, par le décret n° 85-554 du 14 mars 1986, et un arrêté du 27 janvier 1987, elle n’offre rien de particulier. Elle est présidée par un magistrat de l’ordre judiciaire et comprend un membre du Conseil d’Etat, une « personnalité qualifiée » désignée par le ministre de la Culture, douze représentants des bénéficiaires de la rémunération et, en nombre égal, des représentants des utilisateurs.

Ses membres sont répartis en différentes formations chacune en charge d’un secteur d’activité et se réunissent sous l’égide du président de la Commission qui dispose d’une voix prépondérante, convoque les membres et fixe l’ordre du jour. Les décisions sont prises à la majorité des trois quarts des votants et sont publiées au journal officiel.

Nous passerons rapidement sur les remaniements apportés à la décision déterminant les taux de rémunération de chaque secteur, qui de surcroît n’intéressent pas le média télévisuel. La décision adoptée le 9 septembre 1987, fixait pour chaque secteur, le taux de rémunération à prendre en compte dans le calcul de la rémunération équitable.

Les dispositions des articles 2 et 3 de son titre Ier 2 furent annulées en 1994 par le Conseil d’Etat au motif qu’une disparité de traitement était opérée entre les radios privées (le taux particulier applicable à la société nationale Radio-France n’avait pas été contesté).

Une loi vint préciser que pour la période en cause, les dispositions s’appliquaient néanmoins et la Commission établit un nouveau taux concernant le secteur radiophonique. Concernant le secteur des discothèques, des décisions de 1996 et 2001 vinrent modifier le titre II de la décision du 9 septembre 19871.

1 Art. L. 214-3, al. 1er CPI. « Le barème de rémunération et les modalités de versement de la rémunération sont établis par des accords spécifiques à chaque branche d’activité entre les organisations représentatives des artistes-interprètes, producteurs de phonogrammes et des personnes utilisant les phonogrammes dans les conditions prévues aux 1° et 2° de l’article L. 214-1 ». Cette faculté laisse B. Edelman perplexe : « […] personne ne peut le contester, la technique de la concertation nous déporte invinciblement vers le droit du travail, c’est à dire vers un droit à forte connotation collective, ce qui semble a priori, antinomique du droit d’auteur. […] On peut dès lors se demander si la technique de concertation n’a point d’incidence sur le statut des artistes-interprètes et des auteurs d’œuvres publicitaires ». EDELMAN (B.), « Commentaire de la loi n° 85-660 du 3 juillet 1985 relative aux droits d’auteur et aux droits voisins », réf. citées, p. 5.

2 On notera que le titre premier de cette décision, qui concernait les organismes de radiodiffusion sonore et les sociétés de télévision était intitulé « Télédiffusion » alors que l’art. L. 214-1 CPI vise la radiodiffusion. Sur la distinction entre radiodiffusion et télédiffusion, V. p. 79.

Le taux de rémunération en vigueur pour les sociétés de télévision est de 2 %.

Détermination de l’assiette

Pour le calcul du montant de la rémunération due par les sociétés de programmes télévisuels, le taux de rémunération fixé par la Commission s’applique sur les recettes de l’exploitation2.

A l’origine, l’article prévoyait que la rémunération était assise « sur les recettes ou, à défaut, sur les charges d’exploitation » mais cette rédaction n’a pas été retenue3 mais l’idée est restée de permettre aux médias n’ayant pas à proprement parlé de recettes d’exploitation de déterminer sans corrélation avec le contingent des phonogrammes du commerce utilisé.

L’assiette brute prise en considération afin de calculer le montant de la rémunération équitable comprend l’ensemble des recettes de chaîne de télévision (qui correspond aux recettes générées par la vente d’espace publicitaire et les parrainages de programmes, aussi que les abonnements pour les télévisons ‘‘à péage’’ et la redevance pour les chaînes publiques).

L’assiette nette sur laquelle s’applique le taux de rémunération, est obtenue déduction des frais de régie publicitaire (comprenant, dans la limite de 28 % de celles-ci, les dépenses de diffusion et de distribution des messages publicitaires et de certaines dépenses effectuées pour la sonorisation de ces messages par une musique originale) et par application d’un taux d’utilisation.

Taux d’utilisation

Le système de licence légale est habituellement présenté – de façon un peu rapide – comme un abandon du droit d’autoriser ou d’interdire des artistes- interprètes et de producteurs de phonogrammes commerciaux en contrepartie d’un droit à rémunération forfaitaire.

Une telle définition est doublement justifiée dans la mesure où d’une part, le droit à rémunération des intervenants n’est pas négocié, ni par eux-mêmes ni par la SPRE, en fonction des modalités d’utilisation de leur phonogramme (durée utilisée, type de programme sonorisé, horaire et date de diffusion du programme sonorisé, audience ou parts de marchés réalisés par le programme sonorisé…) et est assis sur le montant des recettes d’exploitation ; d’autre part parce que le taux de rémunération est fixé sans corrélation avec le volume de phonogrammes utilisés.

Toutefois, un correctif est introduit dans le mode de calcul afin de prendre en compte une part de proportionnalité1.

1 Décision du 9 septembre 1987, annulée en ses articles 2 et 3 par l’arrêt ‘‘UDRLP’’ du Conseil d’Etat (14 mai 1993, Dalloz, 1993, IR, 165), modifiée par la loi n° 93-924 du 20 juillet 1993 (rétroactivité pour la période du 1er janvier 1988 au 31 décembre 1993), et complétée par les décisions du 22 décembre 1993 (modalités de calcul relatives au secteur radiophonique privé), du 28 juin 1996 et du 30 novembre 2001 (modalités de calcul relatives aux discothèques et établissements similaires).

2 Pour les lieux sonorisés, le montant de l’assiette équivaut au montant des sommes payées au titre des droits d’auteur.

3 Cette rédaction avait été combattue par le sénateur Jolibois au motif que « on n’a jamais vu de redevance assise sur les charges d’une exploitation ». JO débats, Sénat, séance du 4 avril 1985, p. 139.

La SPRE détermine, d’après les pièces fournies par les chaînes afin de permettre la répartition entre les ayants-droits, un taux annuel d’utilisation des phonogrammes par rapport à la totalité des phonogrammes utilisés, communément appelé taux d’utilisation. Le taux d’utilisation de chaque chaîne est confidentiel.

Mode de calcul. Le montant de l’assiette nette est donc calculée selon la formule suivante :

Le montant de l’assiette nette

Le montant de la rémunération équitable est calculé en appliquant à l’assiette nette obtenue, le taux de rémunération du secteur concerné, soit 2 %.

Rémunération équitable = assiette nette x taux de rémunération sectoriel

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