Internet et les associations humanitaires: l’internaute

Internet et les associations humanitaires: l’internaute

Chapitre 3 : Internet, vecteur de transparence ?

Introduction

L’objectif de ce chapitre est de déterminer comment les associations peuvent intégrer Internet dans leur stratégie de communication vers le grand public en définissant notamment les outils qui peuvent être développés sur ce média ainsi que les facteurs clé de succès et les risques de dérives relatifs à celui-ci.

Pour ce faire, nous allons, dans un premier temps, donner un aperçu rapide du profil des internautes engagés ainsi que de l’exploitation d’Internet par les associations, notamment en terme de collecte de fonds.

Puis, nous verrons les objectifs qu’un site Internet peut remplir en terme de promotion, d’information et de développement de l’engagement. Pour ce faire, nous nous baserons sur des audits sommaires réalisés sur les sites de 12 associations. Ce travail nous permettra alors de mettre en avant les outils utilisés pour réalisés les objectifs mentionnés ci-dessus.

Dans une troisième partie, nous déterminerons quels sont les facteurs clé de succès de la communication associative sur le net, concernant notamment la promotion, le fundraising (collecte de fonds) et la gestion des données collectées.

Puis, nous relèverons quels sont les risques de dérives liés à l’utilisation de ce média. Pour cela, nous étudierons principalement les sites Internet d’associations américaines car celles- ci utilisent Internet depuis plus longtemps que les associations françaises.

De ce fait, si elles sont les pionnières en terme d’utilisation optimale de cet outil, elles le sont aussi en terme de dérives.

De plus, si l’internaute français présente des motivations et comportements similaires avec l’internaute américain concernant l’utilisation du net, ses motivations pour le don ainsi que sa vision du secteur associatif sont sensiblement différentes, ce qui nous amène à penser que ces dérives seraient moins bien acceptées qu’aux Etats-Unis.

I. Internet et les associations humanitaires

Les premières associations à élaborer un site ont été anglo-saxonnes : l’agence britannique Oxfam, qui fut la première à lancer la publicité comparative en 1979, fut la première à lancer son site au début de l’année 1997, tandis que MSF n’a lancé sa version française qu’en avril 1999.

L’une des raisons principales de cet engouement est l’idée qu’Internet pouvait offrir une possibilité de s’exprimer à toutes les associations, qu’elles soient plus ou moins grandes, institutionnalisées, ou affiliées au pouvoir et aux médias.

Internet et les associations humanitaires: l'internaute - oxfam

En effet, il n’est pas nécessaire de mettre en œuvre d’énormes moyens techniques pour générer du trafic sur un site et ainsi faire connaître les actions menées par l’association.

Et si un site permet à une association d’accroître sa visibilité à moindre coût ou de rajeunir son image, son attrait dépend de sa conception. Ainsi, si un site Internet est bien fait, l’association voit ses chances de succès augmenter clairement car les internautes auront peut-être plus envie de faire un don ou de s’engager.

Ce média permettrait de toucher un public plus large que celui généralement visé par les associations, c’est à dire un public d’internautes plus jeunes et plus citadins que les donateurs traditionnels. De nombreuse études permettent de distinguer deux types de donateurs : les traditionnels et les nouveaux donateurs.

Les traditionnels, âgés de 65 ans et plus, font partie d’une génération pour laquelle le don fait partie de la culture (religion, militantisme, etc.), et qui existent dans un groupe, une communauté, une famille. Ils témoignent d’une grande culture de l’engagement, donnent régulièrement à des associations auxquelles ils sont fidèles.

Les nouveaux donateurs, les 600 à 850.000 papy-boomers qui arrivent à la retraite dans les prochaines années, ont une démarche différente. Leur démarche est plus individuelle : ils se définissent par rapport à un projet ou des valeurs portées par l’association. « Il faut que cet engagement fasse partie d’un enrichissement personnel permettant de développer leurs alliances dans la Société »46.

Ceux-ci sont alors plus attentifs à certains critères relatifs aux associations auxquelles ils vont donner. Ils établissent alors une grille de sélection qui leur est propre et qui correspond à leur façon d’appréhender le rôle d’une association humanitaire.

La construction des sites d’associations est toujours à peu près la même : on y trouve une présentation de l’association, des informations sur les actions en cours, sur les façons dont le visiteur peut aider l’association (dons en lignes, achat d’objets, volontariat, etc.) et les moyens de prendre contact avec l’association. Cette structure de base facilite la navigation, les internautes prenant rapidement quelques habitudes.

Au-delà de ce schéma, certaines associations ajoutent des extraits de vidéos, des galeries de photos, des newsletters, des forums de discussion, etc.

Ces outils, que nous présenterons plus loin, permettent d’afficher une image dynamique autant que de générer du trafic sur le site et ainsi accroître la visibilité des associations sur la toile.

1. Le profil des internautes engagés

Par internaute « socialement engagé », nous entendons : ceux qui ont donné de leur temps ou de leur argent dans les deux dernières années à des organisations agissant dans le domaine social, environnemental ou humanitaire (droits de l’homme, lutte contre la pauvreté, droits civiques, protection des animaux…).

En France, cette observation est difficile et ne peut se faire que par l’étude des informations détenues par les associations sur leurs internautes ou dans le cadre d’enquête qualitative sur un panel d’internautes engagés.

Afin de qualifier l’internaute engagé en France, nous utiliserons les résultats des études menées par Ipsos pour le compte d’Aidez.org et par The Mellman Group aux Etats-Unis.

a) L’étude Ipsos Média Angle

D’après l’étude d’Ipsos, réalisée auprès d’un panel représentatif de la population d’internautes français (844 personnes interrogées en ligne du 13 au 20 novembre 2001), nous pouvons déduire qu’Internet est avant tout utilisé pour s’informer et réagir face à une situation d’urgence.

Les interrogés formulent ainsi la relation nouvelle qui se tisse entre l’internaute et les associations sur le net (c’est l’internaute qui va chercher l’information) et la réactivité permise par ce média lors d’une urgence.

– Profil de l’internaute engagé
  •  Les personnes ayant déjà fait un don en ligne sont plus jeunes (35-49 ans) que les donateurs « traditionnels » (74% sont des hommes et 93% ont plus de 50 ans).
  •  Les personnes ayant un intérêt pour les sites caritatifs sont plutôt des femmes (63%) et assez jeunes (64 % de 35-49 ans).
  •  Enfin, les personnes qui pensent faire un don plus souvent et plus facilement grâce à Internet sont plutôt des étudiants (61 %),
– Avenir du don en ligne

Les personnes qui pensent que réaliser un don par Internet est plus facile que de le faire par courrier ou par téléphone sont les internautes qui utilisent Internet régulièrement et ont déjà fait un achat en ligne.

Enfin, cette enquête est plutôt encourageante quant au développement du don en ligne puisque si, parmi les interrogés, seulement 3% ont déjà fait un don en ligne, 35% l’auraient fait s’ils avaient eu connaissance du site aidez.org, parmi lesquels 83 % l’auraient fait à l’occasion d’un événement particulier (attentats à New York, journée d’action, explosion de l’usine AZF de Toulouse).

Cet enseignement, qui vaut pour le site aidez.org, montre que les internautes donateurs ont besoin de repères quant aux actions à soutenir et ont besoin de garanties quant à la sécurisation de la transaction financière.

b) L’étude du Mellman Group aux Etats-Unis

D’après l’étude du Mellman Group (TMG), Internet permet de toucher une cible potentielle que le marketing direct ne parvient pas à séduire : plus jeune, et n’appartenant pas nécessairement à l’univers traditionnel « de gauche » des associations caritatives, sociales ou humanitaires : une génération post « baby-boom », dont la philosophie du don pourrait bien reposer sur d’autres ressorts que ceux de la génération précédente : leur rapport aux associations sera probablement moins affectif et plus rationnel, moins idéologique et plus pragmatique…

Cette observation vient confirmer la tendance relevée par Laurent Terrisse qui constate que la génération des « nouveaux » donateurs sont plus attentifs quant aux missions réalisées par les associations auxquels ils donnent et se créent une grille propre pour sélectionner un panel d’associations auxquels ils vont donner.

Là où 64% des donateurs et bénévoles habituellement touchés par le marketing direct ont plus de 60 ans (avec une moyenne de 66 ans), TMG situe 85% des internautes socialement engagés en dessous de 60 ans (avec une moyenne de 42 ans), ce qui vient confirmer le rajeunissement constaté par les professionnels interviewés (Marco Villeneuve – Optimus, Laurent Terrisse – Non Profit, Franck Hourdeau – Action Contre la Faim et Sébastien Le Clézio – Solidarités).

Une des grandes surprises de l’étude TMG vient de ce que les « internautes socialement engagés » utilisent très peu le potentiel d’Internet pour favoriser la cause qu’ils soutiennent :

  •  seuls 44% ont visité le site d’une association d’intérêt général
  •  22% seulement déclarent avoir envoyé au moins un courrier électronique à une organisation sociale ou charitable (et 27% en avoir reçu).
  •  alors qu’ils sont 52% à avoir déjà effectué un achat en ligne…

Si 80% des interrogés déclarent avoir effectué un don par les voies traditionnelles, ils ne sont que 7% à l’avoir fait directement en ligne.

Le réseau reste principalement vu comme un outil de communication (37%) et d’information (27%), permettant de faire plus rapidement ce qui était fait précédemment par d’autres moyens.

F

» Les internautes engagés sont plus jeunes que la cible traditionnelle des associations humanitaires (85% ont moins de 60 ans d’après l’étude du TMG, avec une moyenne de 42 ans.)

» Le profil des internautes engagés correspond au profil des « nouveaux » donateurs identifié au chapitre 1.

» Internet est identifié par les internautes comme un outil de communication et d’information et la possibilité de faire un don en ligne n’est pas évoquée spontanément.

Rechercher
Télécharger ce mémoire en ligne PDF (gratuit)

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Scroll to Top