Le marketing olfactif: apports des chercheurs et limites juridiques

3. Le marketing olfactif: apports des chercheurs et limites juridiques.

>> Dans le cadre de ce mémoire, il est indispensable de savoir si les chercheurs ont déjà obtenu des résultats probants sur les réponses affectives, cognitives et comportementales des individus aux odeurs diffusées.

3.1. Les effets des odeurs sur les réactions du consommateur.

3.1.1. Effets des odeurs sur les réactions affectives.

Pour vérifier l’influence des odeurs sur les réponses affectives des individus, les chercheurs ont eu recours au PAD Mehrabian et Russel.

Ce type d’expérience mesure généralement les effets d’une odeur sur l’humeur des individus par rapport à une situation placebo. L’odeur, en général, a une forte dimension émotionnelle: elle est soit agréable, soit désagréable, mais jamais neutre.

Les expériences menées par Ehrlichman et Halpern (1992) (Daucé, 2000) ont montré qu’il y avait des différences importantes sur l’évaluation de l’humeur en fonction de l’odeur en présence.

Ainsi, les odeurs agréables semblent influer positivement sur l’humeur des individus. Pourtant, lorsque l’odeur était agréable, les effets sur l’humeur diminuaient avec le temps alors que pour une odeur désagréable les effets sur l’humeur persistent.

Lors de ces expériences, un biais a été découvert: lorsque les participants étaient au courant du caractère agréable de l’odeur, ils avaient tendance à répondre plus facilement de manière positive.

Tableau 1.2: Des expériences significatives sur les réponses affectives (Daucé, 2000)1

EtudesRéponses affectivesType d’étude
KNASKO 1990PAD

Plaisir: odeur agréable versus odeur désagréable: scores sur la dimension plaisir plus important pour la condition odeur agréable

Stimulation et Domination: non significatif

laboratoire

90 étudiants

EHRLICMAN et HALPERN 1992Test sur l’humeur

Bonne humeur: différences significatives selon les les trois conditions d’ambiance. Meilleure humeur quand l’odeur est agréable Mauvaise humeur: différences significatives selon les trois conditions

odeur désagréable:

pyridine. odeur agréable:

orange, citron.

odeur neutre: eau.

45 femmes laboratoire

LUDVIGSON et ROTTMAN 1989évaluation affective de l’expérience lavande versus sans odeur: évaluation plus favorable en présence de lavande.laboratoire,

62 étudiants

DAUCE 2000PAD

Présence d’une odeur agréable versus sans odeur. Les personnes exposées à une odeur agréable ont rapporté des réponses affectives plus favorables.

2 senteurs commerciales: thé lavande, point de vente Caroll

Ce tableau récapitule les principales expériences significatives menées sur le thème des réponses affectives dans le cadre de recherches effectuées en marketing et en psychologie environnementale.

Si les résultats sont concluants, ils sont menés sur de petits échantillons et la plupart du temps en laboratoire, ce qui limite leur reproductibilité en terrain réel.

3.1.2. Effets des odeurs sur les processus cognitifs

Etant donné que l’odeur peut-être liée à une expérience personnelle, cette association peut avoir une influence sur les évaluations du magasin et sur les objets qui s’y trouvent.

Bruno Daucé en 2000 a étudié l’impact des odeurs de thé et de lavande sur les réponses cognitives des consommateurs dans une boutique Caroll. Il a démontré, en ce qui concerne les évaluations du magasin, qu’il y avait une différence significative lorsque des fragrances étaient diffusées.

Les consommateurs ont jugé plus positivement l’atmosphère du magasin lorsque celui-ci était parfumé. Les mêmes résultats ont été obtenus sur l’évaluation des produits (Daucé, 2000).

Une autre expérience menée par Lorig (1992) (Lemoine, 2001) sur l’évaluation de la perception du temps en présence d’un stimulus olfactif a révélé qu’une période d’une minute tendrait à être sous-évaluée sous l’influence d’une odeur de menthe, alors qu’une senteur de vanille a tendance à surévaluer la même période.

Ainsi, la présence d’odeurs fait varier la perception du temps.

Tableau 1.3: Des expériences significatives sur les réponses cognitives. (Daucé, 2000).

EtudesRéponses cognitives.Type d’étude
ROTTONEvaluation de la performance lors d’une tâche complexe et d’une tache simple:

La présence de l’odeur désagréable diminue la performance pour la tâche complexe mais pas pour la tâche simple.

Laboratoire.

48 individus. Etyl mercoptan

LUDVIGSON et

ROTTMAN 1989

Problème arithmétique.

Lavande versus sans odeur: la résolution du problème arithmétique est plus difficile pour les personnes exposées à l’odeur de lavande.

laboratoire

62 étudiants.

THOMPSON et LORIG

1989

Evaluation d’une période de 1 minute.

En présence de menthe, la période de 1 minute estimée est inférieure à celle de la condition sans odeur. En présence de vanille, cette période est supérieure par rapport à la condition sans odeur.

Laboratoire.

Menthe, vanille

SPANGENBERG 1996Evaluation du magasin: évaluation plus positive lorsque l’atmosphère est parfumée.

Evaluation de l’environnement du magasin: évaluation plus positive lorsque l’atmosphère est parfumée.

Evaluation de trois produits: évaluation plus positive lorsque l’atmosphère est parfumée.

Différence temps réel et temps perçu: le temps semble passer plus lentement dans un environnement parfumé.

espace de vente simulé

298 individus. lavande, menthe

verte, orange, sans odeur.

Toutes ces expériences, qu’elles soient issues de la psychologie environnementale ou du marketing olfactif, montrent que l’influence des odeurs sur les réponses cognitives est mesurable par rapport à la condition sans odeur et que l’intensité de cette influence varie selon la composition des parfums.

3.1.3. Effets des odeurs sur le comportement.

Enfin, il est important de savoir si la diffusion d’une odeur va inciter le consommateur à avoir un comportement d’approche et non de fuite.

Certaines études sont encourageantes: ainsi, Teerling (1992) dans (Daucé,2000) a constaté que la diffusion d’un parfum d’ambiance permettait d’augmenter significativement le temps passé par les clients dans le magasin.

Dans le même registre, Knasko 1989 (dans Lemoine, 2001) a testé, lui aussi, l’influence de l’odeur sur le temps de présence en bijouterie. Plusieurs conclusions intéressantes se dégagent de cette étude: lorsque l’odeur diffusée était une senteur fruitée, les hommes et les femmes passaient plus de temps dans le magasin.

En revanche, lors de la diffusion d’une odeur épicée aucune modification sur le temps passé n’a été enregistrée. D’autre part, le montant des achats et le nombre d’interactions avec le personnel n’ont pas été modifiés.

Les résultats obtenus lors de ces expériences montrent l’importance de la congruence des odeurs.

Le problème est que, pour notre expérience, nous ne savons pas de manière certaine si le parfum sélectionné est congruent avec l’image du magasin, même si la fragrance a été validée par la direction merchandising de Camaïeu.

Tableau 1.4: Des expériences significatives sur les réponses comportementales (Daucé, 2000).

EtudesRéponses comportementalesType d’étude
BARON 1990Tache de négociation:

Négociations monétaires: meilleur partage des fonds lorsque les personnes sont exposées à une odeur agréable

Nombre de négociations monétaires: nombre de concessions plus important en présence d’une odeur agréable

laboratoire

80 individus

2 senteurs commerciales

TEERLING et AL 1990Temps passé au sein d’un magasin de textile

La présence de l’odeur augmente le temps de présence au sein du magasin. C’est effet est plus important pour les personnes âgées et en soirée.

magasin textile

odeur non communiqué

nombre de personnes interrogées non communiqué

HIRSCH 1995Sommes misées dans des machines à sous

Augmentation des sommes misées (globalement et par machine) de

45,11 % par rapport aux semaines passées sans odeur

Casino odeur non

communiqué

nombre de personnes interrogées non communiqué

KNASKO 1992Temps passé au sein d’un musée

Le temps passé au sein du musée diffère selon la condition d’ambiance: si l’odeur est congruente le temps passé augmente. Si l’odeur est incongruente le temps passé diminue.

musée

odeur congruente:

cuir.

odeur incongruente:

chewing-gum.

Si tous les résultats de ces expériences sont significatifs, certains sont critiquables: effectivement, si toutes ces expériences ont pour objectif de montrer l’influence de l’odeur sur le comportement dans le cadre d’une activité commerciale, elles ne sont pas toutes réalisées en terrain réel.

Ce choix méthodologique apporte un biais conséquent qui nuit à la validité externe de l’étude.

>>>> Pourtant les résultats encourageant sur les effets des odeurs sur les réponses affectives, cognitives ntet comportementales masque des difficultés dans la mise en place de la diffusion d’odeurs dans les points de vente.

3.2. Cacophonie olfactive et marketing.

Dans un environnement commercial, il est impossible de délimiter les odeurs. Elles vont et viennent au gré du vent, des différences de température et des mouvements de la foule.

Si du point de vue marketing l’utilisation d’une odeur unique ne pose en soi aucun problème, la multiplication des odeurs peut être préjudiciable à l’image du point de vente. L’effet est le même que si l’on écoutait plusieurs concerts en même temps: cette cacophonie invraisemblable perturberait l’auditoire.

Il en est de même lorsqu’il y a mélange de parfums: les différentes odeurs en présence modifient l’image que le point de vente veut renvoyer, et perturber les réactions du consommateur (Collectif, 1999). Dans un magasin à rayons multiples, comme un supermarché, ce risque est très important.

Pour éviter ce phénomène, il faudrait connaître les mouvements d’air qui se produisent dans le magasin.

Pourtant, chaque personne et chaque produit véhiculent une image olfactive qui leurs sont propres. Il peut s’agir soit de parfum, soit d’odeurs dues à la décomposition de la sueur. Concernant les employés, les entreprises de distribution peuvent agir: elles peuvent les inciter à ne pas porter de parfum et à se laver régulièrement.

En revanche, rien ne peut être fait pour les consommateurs. Cette variable est un risque non négligeable qui peut perturber l’atmosphère du point de vente (Daucé, 2000).

>>>> Si la diffusion d’odeur apporte des résultats convaincants, le lien direct entre les émotions et le système olfactif pose des problèmes éthiques qui, à terme, pourraient se transformer en problèmes juridiques.

3.3. Problèmes éthiques et juridiques dans l’utilisation commerciale des odeurs

3.3.1. Viol de conscience ?

Comme nous l’avons vu précédemment, le pouvoir des odeurs est très fort. Leur action sur le subconscient de l’acheteur peut se faire même en dessous du seuil de détection. Dans ces conditions, les possibilités de manipulation sont importantes (Collectif, 1999).

Nous avons montré que l’odorat était un des sens les plus efficaces pour influencer les réactions émotionnelles des consommateurs.

De par sa connexion directe avec le cerveau, il serait le « seul sens a ignoré l’interprétation et le jugement mental pour influer directement sur le centre émotionnel » (Hirsh dans Collectif, 1999).

Bien évidemment, cela pose un problème éthique, puisque si les hypothèses du docteur Hirsh se révèlent exactes, mais rien pour l’instant n’a encore été prouvé dans ce domaine, le marketing olfactif pourrait être envisagé sous l’angle d’une manipulation mentale.

3.3.2. Publicité mensongère.

Un autre problème se pose qui est à la fois éthique et juridique: c’est la question de la publicité mensongère.

L’article de loi relatif à ce type de publicité (L121.1du code de la consommation) est indiqué ci après:

« Est interdite toute publicité comportant, sous quelque forme que ce soit, des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur, lorsque celle-ci porte sur un ou plusieurs des éléments ci-après: existence, nature, composition, qualité substantielle, teneur en principes utiles, espèce, origine, quantité, mode et date de fabrication, propriété, prix et conditions de vente de biens ou services qui font l’objet de la publicité, conditions de leur utilisation, les résultats qui peuvent être attendus de leur utilisation, motif ou procédé de la vente ou de la prestation de services, portée des engagements pris par l’annonceur, identité, qualité ou aptitude du fabricant, des revendeurs, des promoteurs ou de prestataires. »

Pourtant aucun texte de loi ne défini la publicité. Pour trouver une définition juridique, il faut se référer à la directive 84/450/CE du 10 septembre 1984 « Toute forme de communication faite dans le cadre d’une activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale dans le but de promouvoir la fourniture de biens ou de services, y compris les biens immeubles, les droits et obligations »

D’autre part, la loi stipule que la publicité mensongère existe, même si l’entreprise est de bonne foi.

Au regard de ces articles et textes de loi, il est évident que la diffusion d’odeur dans les points de vente peut être considérée comme de la publicité mensongère, puisque le marketing olfactif peut être assimilé à de la communication non verbale, et que les qualités perçues des produits vendus peuvent être biaisées par la diffusion de senteurs d’ambiance.

Pourtant, aucune entreprise n’a encore été condamnée pour ce type de pratique.

3.4. Conclusion.

Le faible nombre d’expériences significatives menées dans le cadre du terrain réel et les problèmes inhérents au marketing olfactif montrent que le champ d’investigation est encore important pour permettre d’optimiser cette composante de l’atmosphère.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
La diffusion d’odeurs dans les points de vente : influence sur le comportement des consommateurs
Université 🏫: IESEG School of Management
Auteur·trice·s 🎓:
SILVY-LELIGOIS Aymeric

SILVY-LELIGOIS Aymeric
Année de soutenance 📅: Mémoire de fin d’études - 2003-2007
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