L’interactivité mis en place par les entreprises sur Internet

L’interactivité mis en place par les entreprises sur Internet

2. Qu’en est-il de l’interactivité ?

Selon de la Giraudière (2007)31, la communication interactive (ou e-communication) désigne « la possibilité pour une ou plusieurs personnes de communiquer alternativement comme émetteur et récepteur avec une ou plusieurs personnes en temps réel (site Web) ou de manière décalée (e-mail) ». Il s’agit donc pour les entreprises d’offrir à leurs parties prenantes la possibilité de devenir émettrices, et sortir de leur statut passif. Quel est l’état de la recherche sur ce sujet ?

Pour introduire le sujet, citons une étude de Mc Kinsey réalisée en 2007 sur le Web 2.0 dans les entreprises32. Les diagrammes ci-dessous représentent les utilisations qui sont faites des technologies 2.0 par les entreprises, et nous pouvons constater que 70% des répondants affirment qu’elles leur servent d’interface avec leurs clients. L’interne prend une place non négligeable dans l’utilisation de ces nouveaux outils :

L’interactivité mis en place par les entreprises sur Internet

Voyons maintenant si les résultats de l’enquête McKinsey coïncident avec celles des recherches académiques menées sur l’utilisation des potentialités du Web 2.0 par les entreprises, et l’usage qu’elles en font pour établir un dialogue avec leurs parties prenantes.

L’objectif principal de la recherche de Capriotti et Moreno (2007) est d’analyser l’importance que les entreprises accordent aux informations sociales qu’elles diffusent sur leur site institutionnel, et le degré d’interactivité qu’il existe entre ces dernières et leurs publics.

En fonction du degré d’interactivité d’un site institutionnel, deux approches peuvent être identifiées : la diffusion d’information et la création de relations entre les différentes parties prenantes et l’entreprise. Dans le premier cas, l’interactivité est faible et l’utilisation d’Internet est faite de manière unidirectionnelle, avec pour seuls objectifs la diffusion d’informations et la projection d’une image positive auprès des publics.

Au contraire, dans la seconde approche, le degré d’interactivité est élevé et Internet est utilisé pour faciliter une communication bidirectionnelle ; et pour établir et construire des relations en permettant le dialogue et l’interaction entre l’entreprise et ses publics.

Les auteurs se proposent d’étudier quelles sont les ressources utilisées par les entreprises pour présenter les informations relatives au DD et quelles sont les ressources disponibles pour faciliter le feedback sur ces questions.

Pour cela, ils différencient deux types de ressources : les ressources dites « d’exposition » où le visiteur est passif et réceptif (diffusion simple de textes, d’images, de photos, de graphiques, de fichiers audiovisuels) ; et les ressources « interactives » qui permettent la participation active du visiteur (hypertextes, graphiques et diagrammes interactifs…).

Ils discriminent également trois formes de feedback permettant aux publics d’émettre un avis ou d’évaluer les informations présentées sur le site : la possibilité d’envoyer un e-mail à l’entreprise, la possibilité d’envoyer un e-mail spécifique lié au DD, et les autres formes de feedback (questionnaires, chats, forums, blogs…).

Les résultats de l’étude de Vitari, Bourdon et Rodhain (2008) sont révélateurs. Les trois chercheurs se sont penchés sur la manière dont les entreprises du CAC 40 communiquent leur politique de RSE sur leur site institutionnel.

Pour cela, les sites Web institutionnels de la totalité de ces entreprises ont été explorés en profondeur afin de comprendre quels sont les services Internet mobilisés pour communiquer sur leurs engagements en matière de développement durable.

Les résultats montrent que la majorité des entreprises cotées au CAC 40 utilise les outils Web pour assurer la communication sur leur RSE, mais qu’aucune d’entre elles n’utilise de technologies de seconde génération pour favoriser la communication interactive avec leurs parties prenantes.

A l’instar de Wheeler et Elkington (2001), les auteurs pensent que les entreprises n’utilisent pas assez les nouveaux outils 2.0 pour leur communication RSE, qui sont pourtant un moyen efficace de construire la confiance et la loyauté des stakeholders, et de contribuer à la performance générale de l’entreprise (Wheller et Sillanppa, 1998).

Ces derniers plaidaient dès 2001 pour un renouvellement de la communication développement durable via le concept de « communication cybernétique » caractérisée par le passage d’un agenda réactif à une communication proactive en matière de RSE. Concernant la fréquence et le format de cette communication, ils considèrent que la communication RSE doit être disponible en ligne et s’opérer dans l’interactivité et en temps réel.

Mais l’étude de Vitari, Bourdon et Rodhain (2008) a montré qu’en ce qui concerne les entreprises du CAC 40, cette nouvelle ère n’est pas encore arrivée, malgré la disponibilité des technologies 2.0 et que la communication développement durable reste encore une vitrine peu propice aux débats et à l’interactivité.

Capriotti et Moreno (2007) se sont quant à eux intéressées aux pratiques observées en la matière en Espagne. Si la totalité des 35 entreprises étudiées 33 publie des informations relatives à la RSE sur leur site corporate et fournit un contact e-mail, une seule met à disposition des visiteurs un réel feedback (un sondage sur le rapport social).

Quant aux ressources utilisées pour diffuser des informations, elles sont majoritairement « d’exposition » puisque 100% des entreprises étudiées utilisent des graphiques et 40% des fichiers audiovisuels. Elles ne sont en revanche que 57% à exploiter des ressources interactives, ce qui est peu quand on considère que ces ressources sont inhérentes à Internet.

Pour conclure, les auteurs mettent en évidence le faible degré d’interactivité des sites corporate. Ces derniers restent très unidirectionnels et mettent principalement l’accent sur la présentation de l’entreprise et le discours DD. Les entreprises du IBEX-35 sont encore en phase initiale d’interaction et de dialogue avec leurs publics et il n’existe pas encore de communication bidirectionnelle corporate.

De nombreux auteurs se sont penchés sur les blogs institutionnels. Nous pouvons d’ailleurs recenser six types de blogs d’entreprise destinés à une cible externe : le blog de veille, le blog événementiel, le blog de référence, le blog de marque, le blog d’écoute et le blog du dirigeant.

Les entreprises sont conscientes que le blog corporate est un outil peu cher, permettant d’obtenir les commentaires et les feedbacks des consommateurs (Wood et Behling, 2006). S’il n’est pas sans danger, le blog d’entreprise est un outil puissant pour le marketing et la communication.

Par exemple, les avis et propositions laissés par le public sur des produits peuvent permettre de mieux répondre à leurs attentes et de s’adapter à leurs exigences, et d’être ainsi plus réactifs face à la concurrence. Le blog d’entreprise peut venir compléter le site institutionnel, en permettant une communication moins officielle, plus réactive et une interactivité en temps réel.

Proposer une interface de communication publique permet une interaction informelle entre l’entreprise et ses parties prenantes et permet donc de « charnéliser » les valeurs de la marque.

Pour s’assurer de la stabilité et de la pertinence du blog d’entreprise, les auteurs conseillent de composer le contenu du blog selon une ligne éditoriale unique. La cohérence et l’homogénéité du contenu sont des critères très importants dans la fidélisation des lecteurs.

Notons qu’à la différence d’un blog personnel, l’équipe rédactionnelle d’un blog d’entreprise engage l’image de cette dernière et non leur propre personne. La dissociation est donc très mince, et les enjeux juridiques importants.

Selon une étude Crmmetrix34 , 30% des internautes français consultant des blogs ont déjà visité un blog d’entreprise. Ils y voient d’ailleurs une formidable opportunité pour ouvrir le dialogue et participer à la vie de la marque :

Les attentes des internautes à l’égard d’un blog d’entrepriseTOTAL
Que je puisse m’exprimer lorsque que j’ai eu une mauvaise expérience avec la marqueQue je puisse tester les nouveaux produits lancés par la marque

Que je puisse consulter l’avis des autres visiteurs sur la marque, produits, services

Que je puisse m’informer et trouver des conseils sur les produits, services de la marque

Que je puisse m’exprimer lorsque que je suis content(e) de mon expérience avec la marque

Qu’on me donne la possibilité d’échanger mon avis sur les produits, la marque avec d’autres visiteurs

Que la marque réponde plus rapidement à mes questions

Que je participe à la création de nouveaux produits

Qu’on me permette de collecter de l’information, des conseils sur différents sujets liés à l’univers de la marque

82,8 %74,8 %

70,3 %

62,0 %

61,4 %

58,4 %

57,8 %

54,8 %

50,7 %

Les résultats suggèrent clairement que les blogs de marques offrent aux entreprises une belle opportunité de dialogue et d’échange avec leurs parties prenantes. En effet, même si les internautes chercheront à leur exprimer leur mécontentement, ils considèrent également que ce type d’initiative a une influence fortement positive sur la perception de son image :

Pensez-vous qu’un blog de marque puisse influencer l’image que l’on se faitde cette marque ?Total
Oui tout à faitOui plutôt Non plutôt pas Non pas du tout35,5 %46,9 %

13,9 %

3,6 %

Et cela influence l’image qu’on se fait de la marque …Total
D’une manière vraiment positiveD’une manière plutôt positive D’une manière plutôt négative D’une manière vraiment négative23,6 %74,4 %

0,7 %

1,3 %

Lee et Hwang (2006) se sont eux aussi intéressés au phénomène de « corporate blogging » ou « employee blogging ». Les auteurs ont investigué sur ces blogs tenus par des salariés, et comment les entreprises parviennent à les contrôler tout en laissant une certaine autonomie à leurs employés.

Le blog est défini comme un journal personnel accessible par tous et permet de publier différents types d’informations : personnelles, publiques, commerciales ou politiques. De plus en plus d’entreprises sont amenées à ouvrir des blogs, telles Microsoft ou Sun Microsystems. Dans le cas de Microsoft, le « représentant blogger » de l’entreprise est incarné par Robert Scoble.

Ce dernier exprime ses opinions sur l’entreprise sans exagérer ses qualités ni atténuer ses défauts. Grâce à lui, le blog Microsoft a une audience fidèle qui peut- être influencée par ses prises de position ou quand il valide les choix de l’entreprise.

On voit bien que le blog d’entreprise peut servir de porte-parole pour l’organisation. Cependant, l’instabilité de la blogosphère et l’absence de règles qui régulent l’utilisation des blogs par les employés pour parler de leur employeur peuvent être à l’origine de conflits et de tensions entre les bloggers et l’entreprise. D’ailleurs, dans plusieurs cas, certains d’entre eux ont été licenciés suite à des critiques postées sur leur blog.

Les auteurs s’interrogent donc : les entreprises peuvent-elles laisser leurs employés s’exprimer sur leurs blogs ? Et comment contrôler les informations qu’ils y postent tout en leur laissant une liberté d’expression ? L’étude menée sur les entreprises Fortune 500 montre que la grande majorité de ces entreprises privilégient une approche « top-down » (lit. de haut en bas) c’est-à-dire qu’elles exercent un contrôle et un filtrage important des messages postés.

C’est le cas de McDonald’s ou d’IBM. Seules quelques entreprises, comme Microsoft ou Sun Microsystems, favorisent une approche « bottom-up » (lit. de bas en haut), et supportent officiellement le projet.

Dans ce cas, les messages publiés par les bloggers ne sont pas filtrés et sont communiqués directement sur Internet. Les stratégies top-down et bottom-up sont complémentaires dans la recherche d’autonomie et de contrôle.

Les auteurs montrent que les démarches restrictives sont adaptées aux blogs promotionnels ou portant sur le leadership ; alors que les démarches bottom-up sont pertinentes pour les blogs en lien avec le service client, où des réponses rapides peuvent être apportées aux clients par les salariés.

Ces recherches dénotent d’un engouement croissant pour les blogs d’entreprise. Un tel succès s’explique par la volonté des entreprises à intégrer la blogosphère et à engager le dialogue avec les internautes. Mais les entreprises sont-elles réellement disposées à entendre tout ce que leurs clients ont à dire, sans censure et en toute transparence ?

Les travaux de Florès et Volle (2006) sur les sites institutionnels prouvent que l’expérience en ligne (navigation, contenu, niveau de service, interactivité) a des incidences sur la perception de l’entreprise dans sa totalité et que le potentiel relationnel d’Internet n’est pas pleinement exploité par les organisations.

Les auteurs montrent que le site corporate n’est pas un outil destiné à recruter de nouveaux clients ou à toucher un large public indifférencié, mais un outil permettant de créer et de maintenir des relations fortes avec les meilleurs clients (en moyenne 60% des visiteurs sont des clients réguliers). Pour faire du site institutionnel un canal relationnel, il est indispensable d’engager un dialogue avec les visiteurs.

Selon Florès et Volle (2006) : « Cette conversation présente une valeur en soi : elle renforce le lien avec la marque, comme une conversation entre amis et permet d’éclairer le décideur sur de nombreux plans, comme la communication ou l’innovation ». Les chercheurs réaffirment également les avantages de la communication horizontale entre clients : son faible coût, son degré de ciblage élevé et sa forte crédibilité.

Enfin, ils discutent de l’intérêt de l’utilisation des enquêtes en ligne qui permettent la mise en place d’échanges entre entreprises et consommateurs. Selon les auteurs, le taux de participation aux enquêtes en ligne se situerait entre 30 et 40% et environ 90% d’entre eux estiment qu’ils seraient « prêts à remplir à nouveau un questionnaire en ligne ».

Cheon et Cho (2005) ont quant à eux comparé les degrés d’interactivité des sites Web corporate selon quatre pays : les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la Corée du Sud et le Japon. L’objectif de cette recherche était d’examiner l’impact des différences culturelles (occidentales vs. asiatiques) sur l’utilisation des potentialités interactives d’Internet dans les sites corporate.

Selon les deux auteurs, les sites corporate de qualité sont ceux qui ne proposent pas seulement de simples brochures en format électronique, mais qui possèdent des caractéristiques interactives.

Ces caractéristiques sont les suivantes : mise à jour fréquente du site, proposition de services réels et pas seulement d’informations, interactivité élevée avec les visiteurs et réponse à leurs questions, visibilité du contact, etc.

Les résultats montrent qu’il existe une corrélation entre la culture et le niveau d’interactivité du site Web. En effet, les pays orientaux facilitent davantage les interactions entre consommateurs (communication horizontale) tandis que les pays occidentaux ont tendance à favoriser l’interactivité entre l’entreprise et le consommateur.

Les auteurs expliquent ces résultats par les caractéristiques culturelles qui différencient la Corée et le Japon aux Etats-Unis et au Royaume-Uni. Les premières sont plus collectivistes et les relations entre les consommateurs plus poussées.

En revanche, dans les sociétés occidentales, la distance hiérarchique est moindre et les relations entre les entreprises et les clients sont facilitées. Nous pouvons donc constater qu’Internet n’est pas imperméable aux influences culturelles, et que le degré d’interactivité varie selon les pays.

*****

La communication sur le développement durable est incontestablement une discipline qui va se développer dans les années à venir. L’utilisation d’Internet dans cette communication entraîne de nouveaux enjeux pour les entreprises, qui doivent désormais composer avec le pouvoir contestataire que les internautes ont acquis grâce aux potentialités du Web 2.0. Les communicants doivent donc revoir leurs manières de faire, et établir un dialogue avec les parties prenantes des entreprises.

Mais si de nombreuses études ont examiné la façon dont les entreprises se présentent comme entités citoyennes sur leur site corporate, peu se sont intéressé aux spécificités propres du Web, à son interactivité, et à leurs conséquences sur la communication corporate.

Comme nous l’avons vu, les investigations se sont principalement concentrées sur le contenu des messages et les thèmes abordés ; et nous déplorons le peu de recherches qui se sont intéressées à l’interactivité mise en place par les entreprises pour établir un dialogue avec leurs parties prenantes.

Au regard de ces conclusions, nous allons maintenant justifier l’intérêt de notre étude et nos hypothèses de recherche.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
La communication sur le développement durable et le Web 2.9
Université 🏫: L’École supérieure des sciences commerciales d’Angers (ESSCA Groupe)
Auteur·trice·s 🎓:
Mélissa Delahaye

Mélissa Delahaye
Année de soutenance 📅: pécialisation de 5ème Année : Management de la Communication d’Entreprise - Mémoire de Master - 2007-2017
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