Intérêts légitimes des opérateurs économiques face au parasitisme

Intérêts légitimes des opérateurs économiques face au parasitisme

B) L’argument d’une nécessaire prééminence des intérêts légitimes des opérateurs économiques

Le dernier état de la définition du parasitisme élaborée par M. Le Tourneau ne laisse planer aucun doute sur la position de celui-ci face à celle adoptée par son plus ardent contradicteur.

M. Le Tourneau, en effet, dénonce le détournement de la notoriété et / ou des investissements d’autrui parce que « cet acte, contraire aux usages du commerce, notamment en ce qu’il rompt l’égalité entre les différents intervenants, même non concurrents et sans risque de confusion, fausse le jeu normal du marché et provoque ainsi un trouble commercial » 351.

Ainsi l’auteur laisse-t-il clairement entendre son refus d’exiger de la part des plaignants la preuve d’un risque de confusion car « dans la mesure où leur travail inventif est pillé », les personnes ou entreprises parasitées peuvent craindre en effet, « même sans risque de confusion », « de connaître le déclin, voire de disparaître » 352.

A cet égard, doit être évoquée – dans la lignée du débat récemment né en doctrine sur la perpétuation ou au contraire la « mort » du parasitisme – la position originale adoptée par Mme Malaurie-Vignal à propos du risque de confusion 353.

Selon cet auteur, si la copie des « éléments qui contribuent au succès d’un produit ou d’une entreprise » 354 et qui – « en eux- mêmes » – ne devraient pas être protégées peut toutefois devenir déloyale si une faute, et particulièrement un risque de confusion, peut être prouvée, le produit en lui-même ne saurait en revanche être copié sans engager la responsabilité de son auteur : il faut admettre, dit-elle en effet, que « la copie est fautive en elle-même, alors même qu’aucun risque de confusion n’est caractérisé » : ainsi – et l’opinion est suffisamment novatrice pour être soulignée – s’il pourrait355 être invoqué s’agissant de la copie de ce que nous appellerons les « caractéristiques » d’un produit ou d’une entreprise et dès lors entraîner par son caractère fautif la condamnation du « pilleur » pour parasitisme, le risque de confusion qui peut être engendré par la copie serait en revanche sans incidence aucune s’agissant du parasitisme du produit en lui-même…

350 Le risque de confusion, ainsi que nous l’avons vu, peut en effet porter soit sur le produit lui-même, produit qui sera donc alors pris pour un autre, soit sur l’origine des produits en cause, lesquels seront considérés comme issus d’une même entreprise ou d’entreprises liées.

351 Le Tourneau (P.), Le parasitisme – Notion, Prévention, Protections, réf. précitées, spéc. n° 125 et 129.

352 Le Tourneau (P.), Peut-on entonner le requiem du parasitisme ?, D. 2001, Point de vue, p. 1226 et s.

353 Malaurie-Vignal (M.), Réflexions sur la théorie du parasitisme économique, Contrats – Conc. – Conso., Oct.2001, Chron. n° 15, p. 4 et s.

354 …tels, comme nous avons pu le voir en première partie, qu’un savoir-faire, la forme ou les couleurs d’un conditionnement et bien d’autres choses encore…

355 …et non « devrait » car la faute, si elle est nécessaire à la condamnation du parasite, ne résidera pas nécessairement en revanche dans un risque de confusion comme prend soin de le préciser l’auteur.

Le dernier volet de la définition du parasitisme donnée par M. Le Tourneau et d’ores et déjà cité laisse par ailleurs clairement paraître que diverses conditions restrictives viennent borner l’action en cessation et / ou en réparation, laquelle n’est en effet que subsidiaire en ce sens qu’elle ne peut être exercée par la personne ou l’entreprise parasitée que lorsque la victime « ne dispose pas d’une autre action spécifique », c’est à dire lorsqu’aucune autre voie juridique n’existe.

Cette subsidiarité de l’action en parasitisme 356 trouve d’ailleurs dans la jurisprudence sa plus belle expression : la Chambre commerciale de la Cour de cassation, en effet, n’a pas manqué les occasions d’affirmer que « l’action en concurrence déloyale a pour objet d’assurer la protection de celui qui ne peut se prévaloir d’un droit privatif » 357, exprimant ainsi clairement le rôle de substitution joué par la théorie jurisprudentielle du parasitisme.

356 Cette subsidiarité n’est que la juste conséquence de ce que l’action en parasitisme « prolonge », en matière commerciale, l’action en responsabilité civile elle-même subsidiaire…

357 Entre autres : Cass. Com. 15 Juin 1983, Bull. civ. 1983, IV, n° 174 ; 6 Déc. 1984, Bull. civ. 1984, IV, n° 335 ; 18 Janv. 1992, Bull. civ. 1992, IV, n° 14 et récemment CA Rennes 28 Janv. 1998, JCP éd. Ent. 1998, II, Pan. Actu. p. 1952.

Outre le fait que l’action en parasitisme ne soit recevable que si la victime ne dispose pas d’une autre voie juridique spécifique, important peu le fait que celle-ci ait été déclarée infondée car – comme le souligne M. Le Tourneau – « le parasitisme n’est pas un moyen d’obtenir de la seconde main ce que la première a perdu », deux implications essentielles résultent de cette subsidiarité :

  • L’action, tout d’abord, n’est recevable que si l’acte soi-disant parasitaire n’est pas autorisé par la loi : le grief de parasitisme, dès lors, ne saurait par exemple être retenu s’agissant de la technique assez récente de la « décompilation » ou de l’ingénierie inverse que le Code de la Propriété intellectuelle, ainsi que nous l’avons vu, autorise en effet pour les logiciels comme pour les produits semi-conducteurs 358…
  • L’action, ensuite, n’est encore possible que si la victime « n’a pas bénéficié d’un droit privatif ayant expiré », hormis en matière de signes et notamment de marque où la protection par le biais du parasitisme peut prendre le relais de celle qui résultait du dépôt arrivé à expiration ou non renouvelé.

Ainsi retrouvons-nous là la distinction précitée, distinction fondée sur le légitime souci d’assurer le retour sur investissement du créateur et qui – parce qu’elle met en jeu les droits de propriété intellectuelle – constitue le point d’orgue de la bataille que se livrent opposants et partisans du parasitisme.

Or, M. Le Tourneau dit n’avoir jamais souhaité instaurer à travers l’action en parasitisme un « nouveau droit privatif » et ce, relève-t-il, alors même que rien – au nom de la liberté contractuelle – ne s’y opposerait : ainsi souscrit-il pleinement à l’opinion de MM. Zenati et Revet pour qui « dès lors qu’un objet apparaît utile et appropriable, qu’il entre peu ou prou dans le commerce, il devient objectivement un bien et devrait être considéré comme tel quoi qu’en dise – surtout que n’en dise pas – la loi » 359.

Aussi M. Le Tourneau estime-t-il, en réponse à M. Passa, que ne constituerait pas un obstacle à son application le fait que la reconnaissance de la théorie du parasitisme se traduise indirectement par la création d’un droit privatif, c’est à dire d’un nouveau droit de propriété car « rien, dit-il, ne saurait justifier qu’au nom de la liberté du commerce, les interprètes du droit limitent arbitrairement (et selon quels critères ?) le nombre des droits de propriété » 360.

358 Cette pratique est autorisée, pour les logiciels, par l’article L. 122-6-1-III et IV du CPI et, pour les produits semi-conducteurs, par l’article L. 622-5 dudit code.

359 Zenati (F.) et Revet (T.), Les biens, PUF 1997, n° 7, cité par M. Le Tourneau in Le bon vent du parasitisme, Contrats – Conc.- Conso. Janv. 2001, Chron. n° 1, p. 4 et s.

360 Le Tourneau (P.), Le bon vent du parasitisme, réf. précitées.

L’auteur affirme donc se contenter d’une sorte d’opposabilité, mais d’une opposabilité provisoire en ce qu’elle ne joue – selon la distinction précitée – que tant que la création n’est pas tombée dans le domaine public, après quoi – « le droit privatif ayant (par hypothèse) expiré » et le retour sur investissement étant (probablement !) réalisé – la création ne mérite plus, selon M. Le Tourneau, protection au titre du parasitisme.

L’affaire ayant opposé la célèbre maison Cartier au distributeur Métro était l’occasion de mesurer l’influence exercée en la matière par la doctrine sur la jurisprudence.

En l’espèce en effet, la société Métro avait fait fabriquer et offert à sa clientèle la copie d’une montre créée par Louis Cartier en 1919 et dont la protection en tant que modèle avait pris fin.

S’il fut sans surprise jugé par la Cour d’appel de Paris qu’ « en offrant ainsi, à sa clientèle, la copie servile d’une montre de haute renommée, la société Métro a nécessairement recherché la notoriété qui s’y attache […] » et s’est donc rendue coupable d’une « attitude parasitaire », le véritable enjeu de cet arrêt résidait dans la question de savoir si la copie servile d’un modèle tombé dans le domaine public mais pourvu d’une certaine notoriété est ou non fautive.

La Cour, cependant, va s’abstenir de tout revirement et consacrer la jurisprudence antérieure en la matière en donnant raison aux premiers juges d’avoir sur ce point débouté la maison Cartier de sa demande en agissements parasitaires aux motifs que « ne pouvant plus se prévaloir d’un droit privatif sur le modèle en cause », cette dernière société « ne pouvait interdire à la société Métro de reproduire un modèle identique […] » 361.

Le raisonnement adopté par les juges, en effet, est simple : s’il est vrai que le principe de la liberté du commerce et de l’industrie est écarté à titre exceptionnel par les droits de propriété industrielle, le fait que la montre ne soit en l’espèce plus couverte par un brevet et soit donc tombée dans le domaine public rendait dès lors sa reproduction parfaitement licite.

Ainsi la conception de M. Le Tourneau, en ce qu’il considère le parasitisme inapplicable aux éléments ayant fait l’objet d’un droit privatif parvenu à expiration, est-elle sauve.

Si M. Bonnefont vit pour sa part dans cette décision tendant à « la continuation du droit privatif par d’autres moyens » un « excès » jurisprudentiel 362, cet arrêt est pourtant dans la lignée de celui rendu par la même cour le 7 Novembre 1975 aux termes duquel « Le seul fait de reproduire, même servilement, un modèle du domaine public ne constitue pas une faute sur la base de l’article 1382 du Code civil » 363 ou dans celle de l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Versailles le 3 Avril 1997 selon lequel « N’est pas fautif ni constitutif d’agissements parasitaires le fait pour un ancien dirigeant de mettre au point un modèle de prothèse médicale reprenant les caractéristiques de celui mis au point par son ancienne entreprise » pas plus d’ailleurs que « le seul fait qu’il ait utilisé des mécanismes s’approchant du ‘‘genou’’ concurrent alors que celui-ci n’est pas breveté et qu’il ait repris des éléments quant à eux tombés dans le domaine public » 364.

Par ailleurs, à l’argument de M. Passa selon lequel la théorie du parasitisme, essentiellement parce qu’elle ne nécessite pour son application aucun dépôt, porterait atteinte aux droits privatifs existants, deux arguments pour le moins efficaces sont là encore avancés en réponse par M. Le Tourneau 365, lequel en effet relève d’une part que certains droits privatifs – et notamment les créations littéraires et artistiques – ne nécessitent pas de dépôt, ce qui n’en a toutefois pas freiné l’expansion, et relève d’autre part l’infériorité protectrice du parasitisme par rapport à un droit privatif, lequel en effet (surtout s’il est conforté par un dépôt) fait l’objet d’une protection a priori quasi-automatique et est même pénalement sanctionné alors que la protection par le biais du parasitisme – parce qu’elle suppose la démonstration d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité – n’intervient pas systématiquement et n’agit de toute façon qu’a posteriori.

361 CA Paris (4ème ch.) 5 Janv. 2000, SA Cartier c/ SARL Métro Libre service de gros de Vitry, Petites Affiches 18 Juill. 2000, p. 25 et s., obs. Malaurie-Vignal M.

362 Bonnefont (A.), Parasitisme et concurrence déloyale : il faut garder le cap, réf. précitées.

363 CA Paris 7 Nov. 1975, Ann. Propr. Ind. 1976, p. 106.

364 CA Versailles 3 Avril 1997, cité par Mme Malaurie-Vignal sous CA Paris (4ème ch.) 5 Janv. 2000, réf. précitées.

365 Le Tourneau (P.), Retour sur le parasitisme, D. 2000, Doctr. p. 403 et s.

De même encore, M. Passa estime-t-il que la théorie du parasitisme fait perdre au système contenu dans le Code de la Propriété intellectuelle une grande partie de sa cohérence et de son utilité.

« Pourquoi, s’interroge-t-il en effet, chercher à satisfaire aux exigences rigoureuses des lois spéciales si, en toute hypothèse, il est possible d’obtenir une protection équivalente, voire supérieure puisque sans limitation de durée, sur le fondement de la responsabilité civile ? » 366.

Aussi M. Passa suggère-t-il même de manière tout à fait ironique, quand bien même l’élément à protéger relèverait d’un droit spécifique, « de tout résoudre par application de l’article 1382 du Code civil »…et l’auteur de citer deux célèbres affaires – celle du parfum Diva d’Ungaro et de l’émission Les marches de la gloire – dans lesquelles fut invoqué et accueilli le grief de parasitisme alors pourtant que les créations en cause donnaient « sans aucun doute prise au droit d’auteur ».

Aussi l’auteur dénonce-t-il le risque de dilution du Code de la Propriété intellectuelle dans le droit de la responsabilité civile : la sanction du parasitisme, en effet, plus que permettre de tourner les règles du droit de la propriété intellectuelle, pourrait aller jusqu’à s’y substituer.

La réponse de M. Le Tourneau, là encore, ne se fera pas attendre, à la fois efficace et percutante : « Ce n’est pas la théorie des agissements parasitaires qui risque de tarir la créativité et l’ingéniosité des hommes, mais bien l’inverse : son absence » 367.

366 Passa (J.), Propos dissidents sur la sanction du parasitisme économique, réf. précitées, spéc. n° 15.

367 Le Tourneau (P.), Retour sur le parasitisme, réf. précitées.

Ainsi l’auteur justifie-t-il par le rôle conféré à la jurisprudence de combler les lacunes du droit l’émergence de la théorie du parasitisme venue étendre et affiner le droit commun de la responsabilité civile pour l’indispensable protection des efforts tant financiers qu’intellectuels déployés par la personne ou l’entreprise parasitée et constitutifs d’une « valeur économique » qu’aucun des droits privatifs limitativement prévus par la loi ne vient protéger…

Par cette formule, M. Le Tourneau exprime et résume la motivation première des défenseurs du parasitisme : parce qu’il a pour rôle essentiel d’assurer le bon ordre de la société au sens large du terme, le droit s’est donc – au sein de la société des marchands – logiquement fendu dans cette optique d’une « mission », celle d’assurer le bon fonctionnement du marché.

S’il y a là l’expression d’une quête de morale et de loyauté, il s’agit donc avant tout de défendre les intérêts légitimes des opérateurs économiques, intérêts qui imposent donc de tenir pour déloyal le fait de contrarier les initiatives d’un tiers concurrent ou non en prenant appui sur celles-ci et qui supposent dès lors de ‘‘sacrifier’’, sur l’autel du marché, la liberté du commerce et de l’industrie et son corollaire, la liberté de la concurrence.

Certains auteurs, cependant, se refusent à adopter sur cette question une opinion tranchée. Ainsi Mme Malaurie-Vignal a-t-elle pu considérer, après avoir fait la somme des « arguments pertinents » développés par chaque thèse, que la question du parasitisme doit être appréhendée par rapport à son « environnement juridique », lequel impose de ne pas protéger à l’excès le commerçant contre les risques de la concurrence au regard du principe de libre concurrence : ainsi propose-t-elle de manière originale de placer la ligne de partage autour de la notion de « bien dans le commerce », catégorie dont elle exclut par exemple les idées, les modes de fabrication ou de présentation des produits…, c’est à dire les valeurs économiques non commercialisées en tant que telles.

L’auteur se fonde ici sur le critère de l’accessoire : si ces éléments sont en effet des « valeurs économiques » en ce qu’ils auront de toute évidence nécessité un investissement financier et / ou intellectuel plus ou moins important, ces valeurs – souligne-t-elle – ne sont toutefois que des « accessoires » du produit en tant que tel 368.

368 Malaurie-Vignal (M.), Réflexions sur la théorie du parasitisme économique, réf. précitées.

Ainsi Mme Malaurie-Vignal semble-t-elle indirectement ici condamner une trop large extension du cadre protecteur du parasitisme et dénoncer la « dérive » du concept qui conduit en effet, comme le constatent amèrement Mme Hueber et M. Binn, à utiliser le parasitisme pour « sanctionner la seule reproduction de simples concepts ou idées dont la protection est normalement exclue du champ de la propriété intellectuelle ».

Cette soi-disant dérive, cependant, s’explique – selon M. Le Tourneau – par la nécessité de sauvegarder la valeur économique acquise par les biens des créateurs et, à travers celle-ci, par la nécessité d’assurer la survie de l’entreprise « innovante » et donc de l’emploi : l’auteur, aussi étonnamment que cela puisse paraître et sans jamais le dire, ne vise pas ici autre chose que l’ « intérêt social », lequel en effet – appliqué à l’entreprise « dynamique » objet d’actes de parasitisme – impose, pour paraphraser l’article premier de la loi du 25 Janvier 1985 relative aux procédures collectives et aujourd’hui codifiée, d’assurer la « sauvegarde » de cette entreprise mais aussi de garantir en son sein le « maintien de l’activité et de l’emploi ».

M. Le Tourneau, dès lors, pose la question : faudrait-il, au nom de la cohérence des droits de propriété intellectuelle, sacrifier les intérêts légitimes des acteurs de la vie économique et intellectuelle ? La satisfaction de ces intérêts ne mérite-t-elle pas de contrevenir à certains principes et ne nécessite-t-elle pas dès lors d’asseoir, à travers la protection de la valeur économique qu’elle représente, la protection de la simple idée ? Cette question – parce que l’« idée » en tant que telle apparaît comme étant le « berceau » de tous ces éléments que tend à protéger la théorie du parasitisme – pourrait bien, selon que la réponse apportée soit positive ou négative, constituer un véritable tournant dans l’application de la théorie, perspective d’ouverture sur laquelle il nous apparaît donc opportun – entre autres interrogations – de conclure, s’y jouant en effet l’avenir même du parasitisme.

Conclusion

Le parasitisme économique consiste donc à se placer dans le sillage d’autrui, à s’appuyer sur les efforts et les initiatives d’un opérateur économique, concurrent ou non, pour conquérir une clientèle.

Le parasite, en effet, adopte un comportement suiveur qui se traduit d’une manière générale par la reprise, de manière identique ou quasi-identique, des éléments ayant contribué au succès, à la renommée de l’entreprise parasitée, et ce afin d’en profiter indûment, c’est à dire sans consentir les efforts financiers et / ou intellectuels nécessaires.

Ces agissements parasitaires, contraires aux loyaux usages du commerce, engagent donc la responsabilité de leur auteur sur le fondement du droit commun de la responsabilité civile et donc de l’article 1382 du Code civil devenu en effet le « socle » de l’ensemble du droit de la responsabilité et le texte de référence pour ce qui concerne la concurrence déloyale dont la théorie jurisprudentielle du parasitisme n’est que l’extension.

Nombreuses sont toutefois les questions laissées sans réponse. Ainsi certains auteurs ont-ils pu s’interroger sur les fondements mêmes du traditionnel dyptique rassemblant mais distinguant le parasitisme de la notoriété d’une part, des investissements d’autre part. M. Meffre, en effet, s’interroge : pourquoi sanctionner d’un côté la notoriété de l’entreprise ou plus précisément celui qui est venu dans le sillage de ladite entreprise et d’un autre côté, tout ce qui concerne en réalité le détournement d’investissements, c’est à dire des efforts qui ont été réalisés par cette dernière ? 369 Alors même que les tribunaux condamnent le plus souvent le parasitisme de la notoriété d’autrui per se, c’est à dire en elle-même et sans aucune considération pour les investissements qu’elle aura pourtant nécessairement exigés, l’auteur considère en effet que la notoriété n’a de raison d’être protégée que s’il est démontré qu’elle est véritablement le résultat d’investissements pécuniaires et / ou intellectuels importants : ainsi M. Meffre vient-il par là même et indirectement suggérer de « fondre » pour n’en faire plus qu’un le parasitisme de la notoriété dans le parasitisme des investissements d’autrui, ne proposant ainsi pas moins que la remise en cause de l’un des principaux fondements de la théorie du parasitisme…

Le parasitisme et surtout, à travers lui, l’économie de frais et de recherche réalisée est par ailleurs sanctionnée alors même que la personne ou l’entreprise parasite – profitant simplement, selon l’expression consacrée, du « courant d’achats » créé par la personne ou l’entreprise parasitée – aura pris les précautions nécessaires pour éviter toute confusion.

Or, et comme le soulignent de nombreux auteurs, le comportement suiveur adopté par tel ou tel opérateur économique ne peut – au nom de la libre concurrence – être jugé répréhensible si cet opérateur s’est de toute évidence attaché à écarter tout risque de confusion entre son entreprise et celle du soi-disant « parasité » et a donc fait preuve de sa bonne foi, de sa loyauté.

La déloyauté, en effet, résulte – selon une présentation classique – de la confusion entretenue par le parasite dans l’esprit de la clientèle pour attraire à lui celle développée par son « adversaire » et ne résulte nullement d’une soi-disant atteinte à la liberté du commerce et de l’industrie et à son corollaire la liberté de la concurrence, principe qu’a merveilleusement mis en lumière la Cour d’appel de Paris dans un arrêt récent aux termes duquel « Il est de l’essence même du libre jeu de la concurrence que puissent être mis sur le marché des produits de nature équivalente à des produits antérieurs non couverts par des droits de propriété intellectuelle, même lorsqu’ils présentent une forme proche de celle de ces produits et sont proposés à des prix moindres, à condition qu’il ne soit pas suscité de confusion sur l’origine des produits ni commis d’autres agissements déloyaux » 370.

Aussi la sagesse semblerait-elle devoir commander à la jurisprudence de ne sanctionner au titre du parasitisme que les agents qui ont de toute évidence cherché – en copiant ou en s’inspirant sensiblement d’une valeur économique d’autrui – à créer dans l’esprit de la clientèle une confusion entre divers produits ou sur leur origine, ce qui paraît dès lors mettre à bas la théorie des agissements parasitaires à proprement parler faute en effet d’un rapport de concurrence entre les acteurs en cause et donc d’une possible confusion dans l’esprit de la clientèle non commune…

Comme le souligne en effet Mme Malaurie-Vignal, « l’imitation n’est pas nécessairement répréhensible. Elle est une donnée de l’histoire. Elle est un facteur de concurrence puisqu’elle permet de briser des monopoles.

Précisément, constate-t-elle, pour les autorités de contrôle de la concurrence, un marché est concurrentiel si des produits substituables, c’est à dire pour simplifier des produits semblables, s’y trouvent.

Par ailleurs, les phénomènes de mode suscitent une uniformisation des goûts et en conséquence des produits offerts à la vente ». L’auteur constate enfin que « la création procède souvent de l’imitation d’une œuvre, de techniques ou de méthodes antérieures » 371.

369 Meffre (J.-M.), Rapport de synthèse du Colloque « Entreprise : parasitisme et droit » sous la présidence de Mme Simon J., réf. précitées, spéc. p. 26 et s.

370 CA Paris 17 Sept. 1999, PIBD 2000, n° 690, III, p. 52.

371 Malaurie-Vignal (M.), Le parasitisme des investissements et du travail d’autrui, réf. précitées, spéc. n° 1

Ainsi par exemple, s’il ne peut être reproché à quiconque de vouloir protéger les fruits de son travail, de ses recherches ou de ses investissements contre toute usurpation, la recherche d’une compatibilité ou d’une adaptabilité entre différents produits – ainsi que le permet, à propos des logiciels, la technique de la décompilation aujourd’hui légalisée – n’est pas jugée illégitime ou immorale mais au contraire bénéfique pour le consommateur ainsi d’ailleurs que pour la concurrence en ce qu’elle aboutira, dans le secteur d’activité en cause, à stimuler la compétition, la création, l’innovation…de toute évidence favorable aux consommateurs avides de bien-être que nous sommes : la boucle, dès lors, est bouclée…

Nombre d’auteurs, en effet, s’accordent pour dire que si elle est – au regard de la morale des affaires – parfaitement légitime, la sanction de l’économie de temps, d’argent et d’efforts ainsi réalisée par le parasite ne l’est pas en revanche au regard de la ‘‘compétition économique’’ qui impose de ne mettre aucun frein à l’activité créatrice : les hommes et les femmes associés – au sein du service recherche-développement d’une entreprise – au processus de conception, de création des produits ou services commercialisés par celle-ci seront en effet nécessairement « piqués au vif » lors du lancement sur le marché d’une « version optimisée » pourrions-nous dire de l’une de leur création et de toute évidence animés par la ferme intention d’innover un peu plus encore pour mettre à mal les efforts déployés par le parasite, stimulation de laquelle participe également – il va sans dire – l’objectif de survie économique de l’entreprise parasitée.

Ce frein mis à l’activité créatrice fut d’ailleurs clairement dénoncé par M. Passa pour qui, en effet, « voir une faute dommageable dans l’utilisation non autorisée du travail d’autrui » revient à « compromettre gravement la liberté de création », l’auteur ayant à l’appui de cette affirmation fait état – dans le cadre de son étude de la jurisprudence belge – d’un arrêt particulièrement éclairant et révélateur du phénomène dans lequel les juges relevaient qu’ « une justification du principe [de la liberté de copier] réside dans le fait généralement reconnu qu’il n’y a pas d’activité humaine, si créative qu’elle paraisse, qui ne résulte dans une mesure plus ou moins grande de ce que d’autres ont déjà réalisé » : la technique de la décompilation précitée est à cet égard pour le moins révélatrice…

Ainsi M. Barbiéri, dans sa note sous l’arrêt fondamental du 19 Octobre 1988, incite-t-il les victimes d’actes de parasitisme à innover : « Le créateur d’une activité industrielle ou commerciale, dit-il, doit se poser diverses questions.

Parmi ces dernières, il y a […] surtout l’intérêt pratique qu’il peut y avoir à solliciter le rempart d’une protection légale qui neutralise la stimulation attachée à la recherche de nouveautés.

La meilleure stratégie ne consiste-t-elle pas au contraire à jouer sur le caractère évolutif du savoir-faire, ce qui permet de prendre systématiquement une génération d’avance sur les produits concurrents ? » 372.

372 Barbiéri (J.-J.), note sous CA Toulouse 19 Oct. 1988, réf. précitées.

Cette faveur donnée au parasitisme trouve d’ailleurs dans l’observation des droits voisins une parfaite illustration : si les juridictions belges, en effet, sont aujourd’hui d’accord pour considérer le parasitisme du travail et des investissements d’autrui ainsi que les économies en résultant comme étant parfaitement licites, ayant ainsi jugé que « l’imitation du leader sur le marché peut être un facteur de progrès et un avantage pour le consommateur », la jurisprudence allemande – ainsi que le constate M. Passa – affirme très nettement le principe de la liberté de la copie et juge que « le fait que le concurrent s’épargne toute prestation propre ne fonde pas à lui seul la déloyauté du procédé », certaines juridictions subordonnant toutefois la condamnation du parasitisme à certaines conditions et notamment à la constatation que les frais de conception du produit copié n’ont pas encore été amortis, critère si cher à M. Le Tourneau…et si controversé.

La volonté de ne pas faire obstacle à l’activité créatrice a donc conduit une certaine jurisprudence à envisager – pour circonscrire le champ d’application du parasitisme – la dose d’effort personnel fourni par le parasite, cette considération pouvant constituer la clef de départ entre l’acte illicite et l’acte inhérent à la concurrence.

Ainsi ne s’agirait-il plus seulement de constater si le parasite – par son acte – s’est ou ne s’est pas économisé des efforts intellectuels et / ou financiers mais aussi d’observer s’il a ou n’a pas pris soin, ce faisant, d’y apporter sa « touche personnelle » : ainsi le copieur, par application de ce critère, ne serait-il condamné comme parasite que s’il s’est attaché à imiter de manière systématique la création d’autrui sans autre apport personnel, conception qui a déjà eu les faveurs de certaines juridictions étrangères ainsi que de certains auteurs étrangers.

Ainsi Mme Buydens, auteur d’origine allemande cité par M. Passa, estime-t-elle qu’ « il faudrait entendre par parasitisme l’imitation systématique des créations d’autrui ».

En effet, relève-t-elle, « dans les faits, le parasitisme suppose qu’il y ait un rapprochement systématique et continu des efforts créatifs d’autrui et non uniquement imitation car cette dernière n’est que la mise en pratique du principe de la liberté de copier, les créations appartenant au domaine public.

Cette définition, ajoute-t-elle, permettrait de concilier la liberté de copier […] avec la nécessité de garantir des conditions loyales de concurrence » 373.

Ce frein mis à l’activité créatrice a par ailleurs été dénoncé à l’occasion de la proposition de loi relative à « la protection des biens réservés » déposée par M. le député Godfrain le 30 Juin 1992 par laquelle celui-ci proposait de reconnaître au promoteur d’idées disparates ou de réalisations diverses, c’est à dire de « créations non réservées », un véritable droit privatif comparable au monopole de droit conféré par les droits de propriété intellectuelle.

Si l’article premier de cette proposition précisait en effet que « Toute création exploitable à des fins lucratives, qui résulte d’un travail intellectuel accompli avec ou sans l’aide d’un matériel ou d’un logiciel, est constitutive d’un intérêt patrimonial susceptible de protection juridique », l’exposé des motifs indiquait que la protection ainsi créée était destinée à s’insérer entre le droit de la concurrence déloyale et du parasitisme et le droit de la propriété intellectuelle.

Comme l’a souligné M. Le Tourneau, le domaine d’application de la loi, par la généralité des termes, serait des plus vastes puisqu’il s’étendrait à toutes les créations non protégées actuellement par un droit privatif, c’est à dire – dans la majorité des cas – à des créations « non originales et non inventives ».

Si M. Le Stanc a pu considérer que cette proposition de loi, au champ d’application très large, « constituerait la ruine des propriétés intellectuelles existantes » en aboutissant en effet, comme celles-ci, à l’octroi d’un véritable droit privatif 374, M. Le Tourneau estima quant à lui qu’en étant si large, la protection ainsi conférée « risque de tarir la créativité et d’affaiblir les droits actuels de la propriété intellectuelle » qui seraient en effet ‘‘ concurrencés’’ par ce nouveau régime, d’où la faveur donnée par ce dernier au projet de loi de M. Desjeux qui, se proposant de synthétiser l’évolution jurisprudentielle en matière de parasitisme, ne suggère pas de créer un nouveau droit privatif mais simplement de limiter « la reprise de la prestation d’autrui » en la considérant constitutive d’un abus de droit 375.

373 Buydens (M.), Piraterie de produit et concurrence déloyale. Etude comparée de la situation en Belgique, en France et en Allemagne – Compte rendu en français, PIBD 1995, n° 588, II, p. 81 cité par M. Passa in Propos dissidents sur la sanction du parasitisme économique, réf. précitées, spéc. n° 25.

374 Le Stanc (C.), La propriété intellectuelle dans le lit de Procuste : observations sur la proposition de loi du 30 Juin 1992 relative à la protection des « créations réservées », D. 1993, Chron. p. 4 et s. : l’auteur, en effet, s’interroge : « Pourquoi faire une véritable invention, déposer un brevet et payer des taxes ? Pourquoi faire preuve d’originalité dans une ouvre si une protection de plusieurs années est acquise de plano au fruit indifférencié d’une activité intellectuelle quelconque ? ».

375 – Desjeux (X.), La reprise de la prestation d’autrui : l’idée commerciale et l’investissement économique (Esquisse d’un projet de loi), Gaz. Pal. 1992, II, Doctr. p. 973 et s. – Du même auteur : La protection des idées en droit positif – De la contrefaçon artistique à l’activité parasitaire, Gaz. Pal 1992, II, Doctr. p. 971 et s.

Or, la « prestation d’autrui » que se propose de protéger M. Desjeux, en tant que « valeur économique », concerne certes « l’investissement économique » mais aussi « l’effort imaginatif », c’est à dire en d’autres termes la simple idée.

Ainsi en arrivons-nous à ce qui constitue le « soubassement » même de toute création par définition née de l’intelligence et de l’imagination : l’idée, et plus spécifiquement l’idée commerciale.

De l’idée issue du cerveau fécond de quelque inventeur, résultat des efforts intellectuels fournis par celui-ci, vont en effet naître la technique, le savoir-faire mais aussi la marque, le nom commercial, l’enseigne, le slogan, l’ambiance 376…pour les premiers si spécifiques et pour les seconds si originaux et distinctifs qu’il vont conférer à l’entreprise de leur créateur une certaine renommée, fruit des investissements matériels et / ou intellectuels fournis.

Parce qu’il s’agirait, par le biais de la protection des idées, de protéger la valeur économique qu’elles représentent, serait dès lors « poliment mais proprement écartée »377 l’image dégagée par M. Henri Desbois selon laquelle « Les idées sont de libre parcours » 378.

Une distinction, en effet, est opérée par les partisans de cette protection des idées entre les idées qu’ils nomment « pures », c’est à dire les pures spéculations intellectuelles sans aucune valeur marchande et qui donc restent en effet exploitables par quiconque et les idées dites « appliquées » qui, eu égard aux investissements qu’elles auront nécessité pour leur mise en œuvre concrète, sont dès lors dotées d’une valeur économique qu’il convient de protéger contre toute usurpation : tout idée originale extériorisée donnerait donc naissance à un droit exclusif d’exploitation de telle sorte que son utilisation sans autorisation par un tiers à des fins lucratives pourrait être interdite.

376 Rappelons-nous notamment du jugement rendu le 23 Mars 1992 par le Tribunal de commerce de Paris dans l’affaire « Chevignon », espèce dans laquelle les juges ont reconnu la valeur économique et la nécessaire protection de ce qu’ils ont appelé « l’idée commerciale ».

377 Parléani (I.) et (G.), 2001-La tentation du Moyen-Age : l’exemple du parasitisme, réf. précitées, spéc. n° 16.

378 L’auteur relève que « quelle qu’en soit l’ingéniosité et même si elles sont marquées au coin du génie, la propagation et l’exploitation des idées exprimées par autrui ne peut être contrariée par les servitudes inhérentes aux droits d’auteur : elles sont par essence et par destination de libre parcours. Les idées, comme telles, échappent à l’appropriation ; c’est au développement que l’idée a reçue, à la composition et à l’expression que le monopole temporaire est attaché » (Desbois (H.), Le droit d’auteur cité par M. Lindon in L’idée artistique fournie à un tiers en vue de sa réalisation, JCP éd. G. 1970, Etude n° 2295, spéc. n° 7).

M. Le Tourneau, toutefois, ne place pas le débat sur le terrain des droits privatifs dont il s’agirait de créer un nouveau cas mais sur celui de « l’interdiction générale de causer un dommage à autrui par une faute » 379.

Aussi serait-il fautif d’utiliser une idée originale extériorisée, laquelle, en effet, deviendrait – selon l’expression de cet auteur – « opposable erga omnes » : ainsi la faute ne proviendrait-elle que du non respect d’une prétendue opposabilité erga omnes, ce qui revient cependant – selon Mme et M. Parléani – à « écrire d’une autre façon monopole ou exclusivité » alors, soulignent-ils, que nul ne peut se dire propriétaire d’une idée et que l’exclusivité paraît bien aléatoire dans un ‘‘monde’’, celui des marchands, où « tout est fluctuant, temporaire, et où ce sont le marché ou les consommateurs qui font et défont les positions concurrentielles » 380.

Si M. Le Tourneau voit dans la jurisprudence 381 et la pratique commerciale 382 confirmation de son opinion favorable à la protection des idées appliquées, protection par laquelle il s’agirait de préserver l’égalité entre les opérateurs sur le marché, les derniers auteurs cités – au contraire – voient quant à eux dans cette proposition qui conduit à « punir tous ceux qui utilisent les idées qu’ils n’ont pas eues » la volonté de ses partisans de freiner la libre marche du progrès et des innovations, de contrer par là même le libre exercice de la concurrence, c’est à dire en d’autres termes d’éviter le jeu normal du marché qu’il s’agirait de « figer » alors que celui-ci requiert au contraire une grande fluidité.

Aussi le « camp » des opposants suggère-t-il que demeurent de libre parcours les idées extériorisées et que soit pleinement assuré le libre jeu de la concurrence dont il faut – dans une optique de progrès – assumer les risques : dès lors, « parce qu’elles dispensent les seconds de parcourir à leur tour tout le chemin des premiers », les idées sont le moteur même du progrès et doivent donc – dans l’intérêt de tous – rester à la libre disposition de quiconque entend les utiliser et / ou les perfectionner.

Ainsi y aurait-il une ligne (cependant bien difficile) à tracer entre les exigences de la morale des affaires, les besoins du progrès et les exigences de la concurrence.

Comme le souligne en effet très clairement M. Vatier, si la protection du marché a ses exigences qui imposent de sanctionner les agissements parasitaires qui viendraient en perturber le jeu normal, il faut prendre garde à une extension de ce droit de la responsabilité civile car « la concurrence, c’est précisément le renouvellement des idées et l’utilisation du savoir acquis par les générations antérieures ».

Aussi ne faudrait-il pas que la concurrence, au nom du respect de la moralité et alors que « la vie économique est faite d’échanges », ne vienne à se retrouver faussée par une protection excessive des idées.

379 Le Tourneau (P.), Le parasitisme dans tous ses états, réf. précitées, spéc. n° 18.

380 Parléani (I.) et (G.), 2001-La tentation du Moyen-Age : l’exemple du parasitisme, réf. précitées, spéc. n° 16.

381 L’auteur estime en effet qu’en affirmant notamment que « l’algorithme est une idée » dont l’usurpation peut être condamnée au titre du parasitisme ainsi que l’a fait le Tribunal de grande instance d’Evry en 1985 (GI Evry 11 Juill. 1985, Gaz. Pal.1985, II, p. 700 et s., note Bonneau J.-R.), la jurisprudence a ouvert la voie à la protection des idées extériorisées ou appliquées.

382 De même l’auteur trouve-t-il notamment une illustration de la nécessité de protéger les idées commerciales contre toute usurpation dans la constitution de réseaux de franchise assurément fondés sur le savoir-faire transmis au franchisé, savoir-faire qui – issu de l’imagination fertile du franchiseur – représente à lui seul toute la valeur économique du « concept »

Ainsi la théorie du parasitisme n’aurait-elle pas d’autre but que de satisfaire ceux qui n’acceptent pas le libre jeu de la compétition économique et se positionnent donc en fervents opposants du principe pourtant fondateur de la liberté du commerce et de l’industrie : le parasitisme, en effet, viserait, selon ses détracteurs, à contrer ou – à tout le moins – réduire la difficulté des affaires, difficulté pourtant naturelle sur tout marché où règne la concurrence, où tous s’observent, spectateurs avides du moindre élément « pioché » chez un tiers concurrent ou non et susceptible – sur un marché mondial où les modes et la créativité sont sans cesse en ébullition – d’accroître leur compétitivité, d’assurer leur « leadership » sur le marché considéré…

Le débat, dès lors, paraît insoluble, chaque argument frappant par sa légitimité mais aussi par la force de l’argument tout aussi légitime qui lui est opposé.

Soumis à la bienveillance des tribunaux – dont nous n’aurons pas manqué les occasions de voir que la « souveraine appréciation » prend en matière parasitaire tout son sens -, l’avenir du parasitisme se dessinera-t-il en rose ou en gris ?

L’incontestable richesse du corpus jurisprudentiel qui s’est d’ores et déjà – décision après décision – lentement mais sûrement érigé laisse sans doute présager d’un futur sinon radieux, du moins paisible, l’optimisme pouvant d’ailleurs venir d’un début (certes timide) de consécration légale de la théorie du parasitisme mais aussi du souci de moralité qui, incontestablement, fonde cette théorie et qui – quoi que puissent en dire et en penser les détracteurs, lesquels cependant se gardent bien de le contester – doit rester la source, le « pilier » des rapports humains et, plus spécifiquement ici, marchands. A l’inverse toutefois, il faut bien admettre que ce genre de théorie, faite de ces « standards », de ces « concepts mous » dénués de définition claire et précise et dès lors livrés à la libre appréciation des juges auxquels une large marge de manœuvre est ainsi laissée, est susceptible d’entraîner très loin et de rendre difficile le tracé des limites à ne pas franchir, tant les conceptions et les exigences de cette fameuse morale différent selon les milieux mais aussi selon les individus et donc, par là même, selon les magistrats.

Billiographie

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Le parasitisme économique : passe, présent et avenir
Université 🏫: Université Lille 2 - Droit et santé - Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales
Auteur·trice·s 🎓:
Monsieur PETIT Sébastien

Monsieur PETIT Sébastien
Année de soutenance 📅: Mémoire - D.E.A. Droit Des Contrats Option Droit Des Affaires - 2001-2002
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