Fonds à formule : Comment éviter de nouvelles affaires benefic ?

Fonds à formule : Comment éviter de nouvelles affaires benefic ?
SECTION 2

COMMENT EVITER DE NOUVELLES AFFAIRES BENEFIC ?

Nous avons constaté dans la section précédente que les contraintes juridiques occupent une place non négligeable dans la création des fonds à formule. Les nombreux acteurs de ce marché se mobilisent de plus en plus afin de restituer à ces fonds leur réputation de placement attractif, performant et sécuritaire.

Mais cela est-il encore possible ? Il semble, en effet, qu’il est grand temps de réagir : les pertes en capital constatées à l’échéance par les souscripteurs de fonds à formule sont à l’origine de 336 réclamations et questions reçues auprès de l’AMF en 2003.

Elles constituent l’ensemble homogène le plus important reçu par le service de la Médiation. On peut vraisemblablement parler d’une « affaire » distribution de fonds à formule, qui n’est d’ailleurs pas terminée, à la fois parce que des litiges nés ne sont pas encore réglés et parce que les prochaines échéances sont potentiellement génératrices de nouveaux litiges.

A. Des modes de commercialisations mis en cause

Comme nous avons pu l’entrevoir dans la partie consacrée aux cas Bénéfic et Ecureuil Europe, le mode de commercialisation de ces fonds semble aujourd’hui mis en cause. Mais revenons quelques instants sur les circonstances dans lesquelles ces fonds ont été vendus, cela risque de vous surprendre. On ne s’imaginerait, en effet, pas un seul instant, que de telles pratiques puissent survenir dans un établissement qui porte le nom de La Poste. Constatez-le par vous-même :

* Les conseillers vendeurs mettaient en avant le caractère dépassé et inadéquat du comportement d’épargnant des particuliers puis leur présentaient le produit capable à la fois de les faire entrer dans la modernité financière (« quand les indices montent, il ne faut pas en rester aux placements traditionnels ») et de les rassurer (« de toute façon, vous ne risquez rien »).

* L’enquête sur la situation financière des plaignants a été sommaire.

* Les épargnants ont accepté de désinvestir dans un produit d’épargne administrée, mais en déclarant explicitement soit qu’ils ne voulaient prendre aucun risque en capital, soit qu’ils ne voulaient pas « entrer en bourse ».

* Le produit leur a été présenté oralement tantôt comme comportant une garantie en capital, tantôt comme susceptible d’entraîner une perte quelconque, car celle-ci ne pouvait résulter que d’une baisse des indices de référence jugée invraisemblable au moment de la souscription.

* La notice d’information ne leur a pas été remise.

* Les documents publicitaires ne parlaient que des avantages des produits. Lorsque les plaignants reconnaissent que les risques étaient mentionnés, ils affirment que la typographie et la localisation des informations étaient dissuasives et que, de fait, ils n’ont pas lu les indications correspondantes.

* Lorsque les épargnants ont réagi à la baisse de la valeur liquidative constatée sur leurs relevés périodiques avant l’échéance, ils ont été dissuadés de racheter à l’aide des arguments suivants : « si vous sortez maintenant, cela vous coûtera cher », « la valeur liquidative de maintenant n’a rien à voir avec celle de l’échéance », « attendez encore, cela va remonter ».

Il paraît évident, ces témoignages à l’appui, que la commercialisation des fonds à formule nécessite aujourd’hui un meilleur encadrement. L’Association Française de la gestion (AFG) a d’ailleurs entrepris la rédaction d’une charte de commercialisation qui devrait bientôt voir le jour. Le gouvernement a, lui aussi, décidé de s’attaquer aux modes de commercialisation de ces produits d’épargne.

En effet, le ministre de l’Economie et des Finances, Thierry Breton, a décidé de mandater Jacques Delmas-Marsalet, membre du collège de l’AMF, afin qu’il mène une étude sur l’information des souscripteurs, la transparence des frais et clarifie les responsabilités respectives des producteurs et des distributeurs de produits financiers. L’affaire Bénéfic aura bel et bien provoqué la montée d’une prise de conscience collective : il est aujourd’hui urgent de lutter contre ces pratiques commerciales douteuses.

B. Comment lutter contre les commercialisations abusives ?

1. Mieux informer et conseiller

L’objectif est de limiter les risques de commercialisation abusive résultant de documents commerciaux pouvant prêter à confusion, par exemple, et d’harmoniser les pratiques au sein des établissements. Si les services de médiation des banques ne sont pas assaillis, les réclamations, en nombre croissant du fait de la meilleure information des clients, portent le plus souvent sur un défaut d’information ou de conseil lors de la vente.

Certains quiproquos persistent. Si La Poste a procédé à quelques indemnisations, la Caisse d’Epargne vient seulement d’être condamnée pour défaut de conseils par le tribunal de grande instance de Paris. La réflexion en cours est certes intéressante, à condition que les textes qui en émaneront soient plus adaptés que la procédure en cours. Rappelons que, en l’état actuel de la jurisprudence, le devoir de conseil n’est qu’une obligation de moyens et non de résultat7. Le professionnel ne répond donc d’une faute qu’en cas de mauvais conseil avéré.

La charge de la preuve pèse sur l’épargnant. Il n’en va pas de même pour l’information du client qui constitue pour le professionnel une obligation de résultat. Dans ce cas, il appartient à ce dernier de prouver qu’il a donné à l’épargnant toute l’information nécessaire. Par ailleurs, les professionnels pourraient imposer une limite à leur devoir d’information. En effet, l’épargnant, bien que profane, est tenu à une obligation de renseignements.

Pour Thierry Breton, qui souhaite ne pas noyer le souscripteur sous une masse de documents, plus d’information ne signifie pas trop d’information. Néanmoins, devant la complexité et l’abondance des informations fournies, on constate souvent que l’épargnant opère ses choix en fonction des conseils des professionnels et de la publicité. La formation des conseillers occupe alors une place centrale. Les grandes banques à réseau n’ont pas attendu la mission confiée à l’AMF pour faire travailler de concert les gestionnaires et les commerciaux afin d’informer au mieux les clients finaux.

Ainsi, Olivier Bonneyrat, spécialiste des produits structurés chez Sgam Alternative Investment, explique dans un article de La Tribune8 que des actions de formations sont menées auprès des formateurs des conseillers de clientèle. « Il s’agit d’un accompagnement pédagogique assez large permettant d’expliquer de manière simple les produits complexes que sont les fonds à formule.

De nombreux exemples et simulations sont utilisés afin de présenter tous les avantages ainsi que les limites du produit. » On apprend aussi que, chez Crédit Agricole Asset Management, les conseillers de clientèle ont accès à un centre d’appel téléphonique qui répond à leurs questions. De la même façon, dans le groupe Société Générale, il existe une cellule au sein de la branche investissement et financement chargée de former et de soutenir les conseillers des réseaux.

De son côté, le groupe des Caisses d’Epargne a mis en place, en mars 2003, le premier site internet9 dédié à l’information, par le biais de simulations, sur les fonds à formule. Les banques sont donc bien décidées à parfaire l’information et le conseil destiné aux investisseurs afin d’établir une relation de confiance et bien sûr améliorer la transparence des produits.

7 au regard de l’article 1147 du Code Civil

8 édition du 6 septembre 2005, dossier gestion d’actifs.

2. Améliorer la culture financière du souscripteur

Comme les méthodes de vente, la culture financière des souscripteurs est à affiner. On constate à l’AMF que nombre de personnes dont la formation économique est très faible souscrivent des produits complexes dont ils ne comprennent pas le mécanisme. Ce manque de connaissance financière, aggravé par l’insuffisance de conseil, peut se révéler dramatique.

Ainsi, selon un sondage Sofres de décembre 2004, plus d’un français sur deux s ‘estimerait insuffisamment armé pour choisir un produit financier sur lequel investir, et seul un souscripteur d’OPCVM ou d’actions sur cinq mettrait en concurrence les établissements financiers au moment de souscrire. De fait, un tiers des français se dit prêt à suivre une formation dans ce domaine.

Fort de ces arguments, le gouvernement a mis en place un groupe de travail réunissant des représentants d’instances comme l’AMF ou la FBF (Fédération française des banques), des personnels de l’éducation nationale et des journalistes.

Parmi les hypothèses de travail : unifier l’information et la formation des particuliers. Les conclusions de ce groupe doivent être prochainement rendues publiques.

9 pour les plus curieux, l’adresse est la suivante: www.fondsgarantis.caisse-epargne.fr

3. Etablir les différentes responsabilités

Le débat est ouvert : qui, du distributeur et de l’émetteur, est responsable en cas de manquement au devoir d’information et de conseil ? Dans ce domaine, il y a pour l’instant un flou juridique. Néanmoins, la mise en place des CIF10 (conseillers en investissement financier) et d‘un statut pour les démarcheurs responsabilise déjà les indépendants et sécurise les pratiques.

En effet, le statut des CIF stipule entre autres que ces derniers, pratiquant d’abord une activité de conseil, seront répertoriés auprès de l’AMF et disposeront d’un numéro d’enregistrement via les associations professionnelles agréées. Celles-ci auront plusieurs obligations, dont celle de rédiger un code de bonne conduite et de mettre en place un programme de formation de leurs membres. Quant à l’AMF, elle disposera d’un pouvoir de sanction à l’égard des CIF en cas de manquement aux règles s’appliquant à la profession.

Parmi ces obligations : agir au mieux des intérêts du client, s’enquérir avant de formuler un conseil de la situation financière du souscripteur, de son objectif et de son expérience en matière d’investissement. Le démarcheur, également astreint à des règles de diligence, devra justifier d’un mandat de commercialisation de la société qu’il représente, portant un numéro d’enregistrement consultable par le souscripteur sur le site de l’AMF.

Des efforts ont donc été faits du côté des indépendants, il reste à mettre en place des actions concrètes afin de protéger plus efficacement les particuliers et établir les différentes responsabilités au sein même des banques. Certaines d’entre elles proposent notamment de mettre en place une obligation de signature de toutes les notices afférentes au produit afin d’être sûr que ces documents ont été lus par le particulier.

Le gouvernement, quant à lui, préconise l’abolition des documents contractuels peu lisibles. D’autres pistes de réflexion peuvent être proposées:

  •  Rechercher une approche concrète et cohérente des besoins de l’épargnant ;
  •  Exprimer clairement et de manière détaillée les conditions de rémunération des distributeurs ;
  •  Rédiger un « référentiel » mis à la disposition de l’épargnant, l’incitant à se poser les bonnes questions avant de souscrire ;
  •  Créer un institut de formation des épargnants.
CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE

La seconde partie de ce mémoire aura, je l’espère, répondu ou, du moins, apporté des éléments de réponse, aux nombreuses interrogations formulées initialement. Elle aura mis en évidence les failles des fonds à formule mais aussi une volonté évidente de la part des autorités de marché, comme du gouvernement, de les combler et de redonner confiance aux investisseurs sur ce type de produits.

Cela sera-t-il payant ? Seul l’avenir nous le dira. En ce qui me concerne, je pense qu’il y a encore un long chemin à parcourir avant que les investisseurs des fonds Bénéfic et Ecureuil Europe ne s’essaient à d’autres fonds de ce genre. Néanmoins, en améliorant l’information et la transparence de ces produits, les investisseurs n’en seront que mieux avertis : un fonds à formule reste un placement risqué, comme tout placement boursier.

10 par la loi n°2003-706 de sécurité financière du 1er août 2003

Conclusion générale

En introduisant ce mémoire, nous présentions les fonds à formule comme le placement alliant sécurité et performance capable de répondre aux attentes des épargnants. Quant est-il maintenant ?

Certes, ce placement présente indéniablement de nombreux atouts, comme un parachute en cas de baisse ou une garantie du capital, mais il faut savoir en peser les risques. Ainsi, comprendre le fonctionnement de la garantie est primordial pour les épargnants souhaitant s’aventurer vers ce type de fonds. Il est donc essentiel de poursuivre les initiatives des autorités dans l’amélioration de l’information et la protection de l’épargnant.

Les opposants des fonds à formule ne voient en ce produit qu’un beau concept marketing et une alternative de placement destinée à des investisseurs timorés qui n’osent pas investir directement dans des fonds actions. Mon avis est autre : certes, ces fonds ont été crées afin de rassurer des investisseurs échaudés des tourmentes boursières mais, plus qu’un concept marketing, ils permettent aussi de réaliser des performances comparables à certains fonds actions traditionnels en période d’incertitude des marchés.

Néanmoins, je ne suis pas une fervente protectrice de ces fonds. Certains établissements bancaires ont tendance aujourd’hui à privilégier les fonds à formule à garantie totale mais la conjoncture ne paraît pas idéale pour ces fonds, en effet, avec des taux historiquement déprimés, la protection du capital mobilise une part de plus en plus conséquente de l’investissement, réduisant d’autant les espérances de gain.

Les conditions de marché favoriseraient donc plutôt les fonds à capital protégé, plus risqués mais dont le potentiel de rendement est aussi plus important.

Force est de constater qu’en Bourse, le placement miracle n’existe toujours pas. Le rapport risque/performance est toujours bien d’actualité. Un fonds à formule doit donc s’appréhender plutôt comme un pari que l’on prend sur un gain hypothétique impossible à chiffrer et non pas le placement miracle dont nous parlions au début de ce mémoire. Il reste un bon compromis pour des investisseurs avertis et aptes à comprendre son fonctionnement. J’espère que ce mémoire y aura contribué.

Ce travail soulève toutefois une ultime interrogation : Les établissements bancaires ne s’enthousiasmeraient-ils pas un peu trop en proposant des produits innovants et complexes à une clientèle inadéquate ? A l’heure où même des hedge funds peuvent être proposés à des particuliers, on peut être en droit à se demander si les banques prendront une nouvelle fois leurs responsabilités face aux problèmes de transparence qu’engendrent de tels produits.

Par ailleurs, certains professionnels du secteur des fonds à formule prévoient, qu’à l’avenir, les sous-jacents de ces fonds pourraient évoluer vers les matières premières, les dérivés de crédit ou encore les dérivés climatiques. Proposer de tels produits à une clientèle novice paraît pour l’instant invraisemblable. Les autorités de marché et de contrôle auront, encore une fois, un rôle essentiel à jouer.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Les fonds à formule, historique et marché des fonds à formule
Université 🏫: Université RENE DESCARTES (PARIS V) - Faculté de Droit
Auteur·trice·s 🎓:
Sandrine QUIGUER

Sandrine QUIGUER
Année de soutenance 📅: Mémoire soutenu en vue de l’obtention du Master 2 Professionnel “Banque & Finance” - 2004/2005
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