Economie et éducation : Problématique économique des TICs

2.3. ECONOMIE ET EDUCATION
L’éducation serait-elle une économie qui possède les mêmes aspects que celle de la presse ? À l’image des discours invoquant que l’information n’est pas une marchandise, mais bien plus des biens culturels ne pouvant être considéré comme de « vulgaire » produit ? L’éducation échapperait-elle aussi aux lois du marché ?
À titre individuel, il est commun de considérer l’éducation comme un investissement à long terme. Ceci correspond à la notion de « capital humain ». Pour la collectivité, le l’intérêt d’une formation est calculé en fonction des retours financiers par rapport aux dépenses engagées pour la formation de chaque individu.
L’introduction des TICE se fait aujourd’hui dans un environnement économique fortement concurrentiel et en évolution rapide. En effet :
« parmi les tendances lourdes qui marquent l’éducation et la transmission des savoirs, le numérique en général et Internet en particulier ont une place sensible.»119
Les TICEs soulèvent différentes problématiques. Nous verrons premièrement la question du financement, puis celui du phénomène de « marchandisation » de l’éducation, sans oublier d’aborder l’approche idéologique des discours.
2.3.1. Problématique économique des TICs
L’éducation se veut un service public gratuit qui l’est certes pour les familles, mais pas pour la collectivité. Les TICs impliquent de frais très importants en matériel comme en formation dont la prise en charge est à l’origine à de âpres négociations entre les différents financiers (état, collectivités locales, établissements…).Il est donc important de bien coordonner les efforts financiers entre ces différents acteurs pour ne pas engendrer
de gaspillages. Ces financements sont parfois destinés à des investissements précis, parfois mis à la disposition des enseignants qui peuvent faire un choix adapté à leurs besoins.120
Au début les établissements investissaient dans des équipements collectifs (une salle multimédia), puis individuels (portable par élève…). À présent, l’engouement est davantage orienté vers un accès toujours plus grand à internet (ENT, ressources numériques) avec une croissance des technologies sans fil. Nous remarquerons aussi une évolution significative qui va des postes fixes vers les postes mobiles (portable par élève, téléphone, iPod…).121
Il s’en dire que le coût des dispositifs varie selon les projets. Toutefois, la tendance générale des dépenses en matière de TICE va en s’accroissant, notamment pour les universités.
2.3.2. Liens industriels
Les décisions ont donc une facette économique importante. P. Moeglin établit que : « dès sa naissance, au début du XIXe siècle, le système éducatif moderne est marqué par des tendances industrielles, même si elles ne se nomment pas ainsi. »122
Par conséquent, l’industrialisation de l’éducation est « l’un des éléments constitutifs du système éducatif moderne ». À titre d’exemple, le manuel scolaire est pour P. Moeglin le « vecteur d’une histoire industrielle de l’éducation » et cela « d’un triple point de vue: industrialisation dans l’éducation, parce que le manuel est conçu, réalisé et diffusé industriellement; industrialisation de l’éducation, parce qu’il participe de la standardisation des méthodes et des pratiques; constitution d’un secteur éducatif à part entière, au sein des industries culturelles.»123
Comme précédemment souligné par J-L Bouillon et S. Bourdin, les TICs sont souvent considérées comme un « vecteur de marchandisation de l’éducation. »124 Il est vrai que ce domaine croise les enjeux éducatifs, économiques et industriels à la fois.125 A ce titre le World Education Market illustre bien ce fait. Organisé trois années de suite, il fût l’opportunité pour le ministère, les grandes universités et les fournisseurs de matériel (informaticiens en tête) de se rencontrer et de conclure des partenariats.126
En parallèle des politiques d’équipement, la direction de la technologie au ministère de l’Education nationale a lancé des initiatives en faveur des ressources numériques.127 Cette politique des ressources numériques illustre l’intervention des industriels dans l’éducation, mais surtout la coopération, dans ce cas précis, de l’Etat. Pour faciliter la décision pour telle ou telle ressource, la direction de la technologie a incité l’ensemble des éditeurs de ressources publics et privés à se constituer sous la forme d’un GIE (groupement d’intérêt économique), le Canal numérique des Savoirs .128
L’Etat met aussi en place des actions qui lui sont propres, à l’image de la création en juillet 1999 de la marque « reconnu d’intérêt pédagogique » (RIP) identifiant les logiciels éducatifs. Ces logiciels et les créations multimédias éducatifs sont certifiés par un public d’enseignants et de spécialistes du domaine, ainsi que par décision de la commission multimédia.129
En matière de discours d’accompagnement des TICEs, ils sont principalement de deux types : le discours technologique et économique.
J-P. Archambault cite Viviane Reding, Commissaire en charge de l’éducation et de la culture lors de la commission européenne organisée les 10 et 11 mai 2001, où elle déclarait devant « […] le parterre d’industriels qui lui faisait face: « Votre rôle et votre responsabilité « éducatifs », en partenariat avec les acteurs de l’éducation, deviennent de plus en plus importants car, à travers les logiciels ou les modules de formation que vous concevez, des modèles d’éducation sont très souvent implicitement définis.»130
On observe ici l’importance qui est conférée aux industriels, qui induit, comme il en fait part, de nombreux impacts sur l’éducation des générations futures. Reste à savoir au nom de quelle légitimité et de quelles compétences les industriels se voient attribuer un tel rôle ? Pour J-P. Archambault, cela revient à substituer l’imprimeur à l’auteur.131 Surtout que, pour P Moeglin, même dans le domaine éducatif, la logique industrielle s’allie à la logique marchande et non à la logique civique.132
Les industriels ont tout intérêt à soutenir l’émergence du secteur des logiciels éducatifs. Dans cette perspective, les industriels devancent dès les années 1990, « la place de l’enseignement informatique comme une (pré)compétence professionnelle « fondamentale ».»133, sachant que ces compétences sont susceptibles d’engendrer un besoin marchand par la suite. Ils anticipent du même coup sur la demande managériale en terme d’« employabilité ».
Dans sa déclaration J-P. Boisivon, délégué général de l’institut de l’entreprise, fait penser aux discours utopistes à propos de l’internet. Lors de la conférence Enseigner demain, des enseignants qui innovent pour un métier qui change, à la chambre de commerce et d’industrie de Paris, il affirme que « les choses vont extrêmement vite du fait d’une révolution technologique. Il existe un véritable marché de l’éducation, qui ébranle les systèmes éducatifs nationaux. Ceux qui n’évolueront pas seront mis hors jeu ».134 Voilà qui réaffirme une fois encore les vertus supposées de la technique liée aux discours sur la « société de l’information ».135 En vérité, les TICs ont bon dos. Ils entretiennent le mythe de la bonne technologie qui serait à l’origine de la croissance économique.136
J-P. Boisivon met également en avant l’argument de l’augmentation des dépenses de l’éducation. Les TICs sont vu comme une réponse à un contexte économique difficile et à une concurrence accrue, par l’individualisation et la flexibilité de l’apprentissage qu’ils permettent.137 Pour autant, la réduction des coûts par les TICE n’est pas avérée. L’e- learning, qui est supposé pouvoir réduire les coûts, ne connaît pas l’explosion annoncée au début des années 2000.138
P. Moeglin soulève aussi le côté idéologique de l’industrialisation dont les valeurs « […] coexiste avec d’autres systèmes de valeurs, renvoyant eux-mêmes à d’autres logiques ; domestiques (relations interpersonnelles), civique (collectif), marchande (compétition) ou de l’opinion (apparence) […] »139
Comme le fait remarquer J-P. Archambault « dans tous les discours cités, il y a […] la volonté d’instrumentaliser la technique et d’en faire une caution implicite d’objectifs politiques ou économiques. ».140 Il est maintenant évident que l’enseignement supérieur se transforme et va continuer de se transformer ? A présent, le fond de la question est de savoir comment et qui seront les acteurs de cette mutation ? 141
Lire le mémoire complet ==> (Les TICs et l’enseignement : le cas du bureau virtuel de l’université Lyon II)
Mémoire de fin d’études
Université Lyon II : Institut de la communication

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Les TICs et l’enseignement. Le cas du bureau virtuel de l’université Lyon II
Université 🏫: Université Lyon II : Institut de la communication
Auteur·trice·s 🎓:

Lena BRANDENBUSCH
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