La maladie du charbon en France: Zoonose d’actualité en milieu agricole

Institut National de Médecine Agricole INMA

Mémoire Pour l’obtention du Diplôme De Médecine Agricole

La maladie du charbon : Zoonose d’actualité en milieu agricole

Présenté par

le Dr Audrey De Jésus

Adresse :

61 avenue Jean Jaurès 54500 Vandoeuvre-les-Nancy

Date d’expédition :

5 janvier 2010

Remerciements

M. le docteur Patrick Allard, médecin chef du service Santé au travail de la MSA Lorraine,

Mme le docteur Peggy Rasquin, vétérinaire à la Direction Départementale des Services Vétérinaires de Moselle,

M. Marc Bordin, conseiller en prévention de la Caisse Accident de Moselle,

M. Jean-Marc Kimenau, infirmier de Santé Publique à la Direction Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales de Moselle.

Résumé

La maladie du charbon ou anthrax est une maladie professionnelle quelque peu oubliée en France. En 2008, des foyers de bovins sont diagnostiqués dans l’est de la France : dans le Doubs et en Moselle. Nous avons étudié l’épisode mosellan qui s’est accompagné de trois cas humains d’anthrax cutané et du décès d’une vache.

La réactivité des services vétérinaires et du service de santé publique ont permis de juguler la contamination.

Cette zoonose est sporadique, mais ses enjeux en santé publique sont importants. Des mesures de prévention doivent toujours s’appliquer dans les exploitations agricoles et dans les activités professionnelles en relation avec des animaux sensibles à la maladie et leurs sous-produits.

Les spores de Bacillus anthracis peuvent être utilisées dans le bioterrorisme et entraîner une nouvelle cause d’exposition professionnelle.

Mots clés : maladie du charbon, anthrax, sporadique, maladie professionnelle

Abstract

Anthrax is an occupational disease a little forgotten in France. In 2008, anthrax outbreaks are diagnosed in the east of France: in the Doubs and in the Moselle. We studied the mosellan episode which came along with three human cases of cutaneous anthrax and with the death of a cow. The ability to react of the veterinarian and public services allowed to stop the contagion.

This zoonose is sporadic but its stakes in public health are important. Prevention measures always have to apply in farms and in professional activities in connection with animals sensitive to the disease and their by-products. The spores of Bacillus anthracis can be used in the bioterrorism and entail a new cause of professional exposure.

Keyword : anthrax, sporadic, occupational disease

1 Introduction

La maladie du charbon ou anthrax est une zoonose, connue depuis le XIXe siècle, provoquée par Bacillus anthracis. Bacillus anthracis est une bactérie aérobie à Gram positif, sporulée. Sa capacité de sporulation lui confère une forte résistance dans le milieu extérieur. Elle peut survivre plusieurs décennies dans l’environnement.

C’est une maladie à déclaration obligatoire et une maladie professionnelle (tableau 4 du Régime Agricole et tableau 18 du Régime Général).

Le nombre humain et animal de cas infectés a considérablement diminué depuis le développement du vaccin animal et des règlements sur l’équarrissage. Pourtant durant l’hiver 2008, en Moselle, trois personnes se connaissant dont deux travaillant dans une même exploitation agricole ont déclaré la forme cutanée de la maladie. L’évolution fut favorable sous traitement antibiotique.

L’enquête épidémiologique menée par les autorités sanitaires et vétérinaires locales et nationales et l’Institut de veille sanitaire a permis d’identifier l’origine de la contamination et de limiter la propagation tant humaine qu’animale de la maladie. Pourtant existe-t-il des protocoles de nettoyage-désinfection des endroits et du matériels souillés ?

Actuellement, qu’en est-il du risque réel pour une exploitation agricole ?

Quels moyens de prévention doit-on développer en milieu agricole pour diminuer le nombre de foyers d’animaux et de salariés ou exploitants malades ?

2 La maladie du charbon ou anthrax

2.1 Bacillus anthracis

La maladie du charbon est due à Bacillus anthracis. C’est un bacille Gram+, immobile disposé en chaînettes. Il mesure de 5 à 6 µm de long et de 1 à 1,5 µm de large. Bacillus anthracis est toxinogène, sporulant en aérobiose (1). Il en existe plusieurs souches (2,3). Ce germe est classé dans le groupe 3 de la liste des agents biologiques pathogènes fixée par l’arrêté du 18 février 1994 modifié.

C’est en utilisant Bacillus anthracis comme modèle biologique que Robert Koch a pu définir, en 1876, « l’agent infectieux d’une maladie »(4).

La bactérie existe sous deux formes (5):

a- La forme sporulée

De formation rapide en conditions favorables (O2 libre, température), elle constitue la forme de résistance de la bactérie avec persistance jusqu’à plus de 100 ans si la composition du sol est adéquate (ph≥ 7, ions Ca++, et matières organiques). Les spores sont résistantes à de nombreux désinfectants et restent sensibles au glutaraldéhyde à 2%, au formaldéhyde et à la formaline à 5 %.

C’est par cette grande résistance que cet agent pathogène est susceptible d’être utilisé comme arme bactériologique dans le bioterrorisme.

En 1970, l’organisation mondiale de la santé (OMS) a estimé que 50 kg de spores du charbon épandus par avion sur une zone urbaine de 5 millions d’habitants pourraient contaminer 250 000 personnes et entraîner la mort de 100 000 personnes (6).

Après l’ouverture d’un cadavre infecté, les spores se forment en très grandes quantités.

b- La forme végétative (bactéridie)

Suite à la pénétration de la spore dans l’organisme, son développement et sa multiplication est rapide. Le bacille sécrète, alors, deux toxines composées de trois protéines distinctes:

  1. LF (facteur letal),
  2. PA (antigène protecteur)
  3. et EF (facteur oedématogène), atoxiques séparément, mais qui, groupés deux par deux, donnent les toxines oedématogénes et létales.

Mais la forme végétative est très fragile et sensible à la compétition avec les autres germes de putréfaction (Proteus, Pseudomonas, bactéries anaérobies).

La bactéridie disparaît assez rapidement après la mort de l’animal d’où la difficulté d’établir un diagnostic de certitude sur les prélèvements d’animaux morts (7).

En conditions de carence nutritionnelle, la bactérie sporule très rapidement entre 15 et 41°C (optimum 30-35°C) en atmosphère humide en présence d’oxygène. Ces spores se forment très rapidement si le cadavre de l’animal mort du charbon est ouvert sans précaution ou dépecé par des charognards (8).

Par contre, pour des températures comprises entre 9°C et 12°C, Bacillus anthracis ne peut pas sporuler. Les pays chauds sont le plus souvent des pays endémiques à l’infection (9).

L’action pathogène de Bacillus anthracis résulte de toxines contenues dans deux plasmides :

  1. PX01, 182 kb, où sont localisés les gènes encodant pour le facteur oedematogène (EF), le facteur létal (LF), et l’antigène protecteur (PA)
  2. PX02, 96 kb, où sont localisés les gènes encodant la capsule.

L’expression de ces facteurs de virulence, en réponse à des signaux spécifiques de l’hôte mammifère (température de 37°C et teneur en co2 de 5%) provoque toxémie et septicémie (8).

2.2 Épidémiologie

La maladie du charbon : Zoonose d’actualité en milieu agricole

** Départements ayant eu des cas répertoriés de 1980 à 2000

• Cas humains ou contaminations avec blessures et chimioprévention

Figure 1 : Localisation des terres charbonneuses en France (2000) et des cas de charbon bactéridien animaux et humains et des contaminations humaines (J. Vaissaire/Afssa 2001).

En France, la maladie apparaît généralement de la fin du printemps à la mi-automne, dans des zones connues pour leur passé « charbonneuses » (les « champs maudits »), au moment où les conditions favorables sont réunies (animaux en pâturage, humidité, chaleur modérée à sec).

Mais des cas de fièvre charbonneuse liés à du fourrage contaminé sont régulièrement décrits sur des animaux en bâtiments. Il est important de se méfier des mortalités brutales en hiver.

La transmission est d’autant plus aisée que des lésions des muqueuses préexistent (5).

Une étude rétrospective de foyers animaux et des cas et contaminations humains recensés de 1980 et 2000 décrit la répartition géographique (figure 1) et montre que la maladie a été trouvée dans 23 départements : Ain, Allier, Hautes-Alpes, Aude, Cantal, Cher, Côte d’Or, Doubs, Eure-et-Loir, Essonne, Lozère, Haute-Marne, Meurthe-et-Moselle, Moselle, Nièvre, Pyrénées- Atlantiques, Haute-Saône, Savoie, Haute-Savoie, Tarn, Vienne, Yonne, Territoire de Belfort.

Elle est retrouvée en cas répétitifs sur plusieurs années dans certains départements: Cantal, Cher, Cote d’Or, Lozère, Haute-Marne, Nièvre, Pyrénées- Atlantiques, Haute-Saône, Savoie.

Au total, 114 foyers ont été répertoriés chez les animaux entre 1980 et 2000 en France dans 23 départements dont 44 foyers entre 1997 et 2000 (7).

En général, on détecte des foyers de charbon animal en France de l’ordre de la dizaine par an avec une légère augmentation en 2008 et 2009 (10). Ils sont souvent de faible importance avec un ou deux animaux morts par foyer.

Cependant des épisodes plus importants peuvent se produire (11)comme l’épisode dans le Doubs au cours de l’été 2008.

Au cours de cet événement, on recensa (5):

  • 21 foyers, 39 animaux morts sur 10 communes
  • 45 prélèvements sur bovins trouvés morts analysés ; 23 souches isolées
  • 12 000 animaux vaccinés sur 15 communes,
  • 91 bovins vaccinés dans 20 lots d’animaux
  • 30 parcelles contaminées environs
  • 103 personnes sous antibioprophylaxie.
Sommaire

1 Introduction
2 La maladie du charbon ou anthrax
2.1 Bacillus anthracis
2.2 Épidémiologie
2.3 Maladie chez l’homme
2.3.1 Clinique
2.3.2 Durée d’incubation
2.3.3 Diagnostic
2.3.4 Traitement
2.3.5 Conduite à tenir devant une suspicion de maladie du charbon
2.3.5.1 Définitions
2.3.5.2 Quand et comment signaler ?
2.3.5.3 Investigation épidémiologique
2.3.5.4 Traitement
2.4 Maladie chez l’animal
2.4.1 Clinique
2.4.2 Diagnostic
2.4.3 Traitement et prévention
2.4.4 Conduite à tenir lors d’une épizootie animale
4 Discussion
4.1 Analyse de l’épisode mosellan
4.2 Prévention dans les exploitations agricoles
4.3 Rôle du médecin du travail en milieu agricole
4.4 Nouvelle cause d’exposition en milieu professionnel
5 Conclusion

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