L’iPad ou l’hypermédia au service d’Apple

«… lancement sur le marché américain, l’iPad se vend à plus de 200 000 exemplaires par semaine5, soit deux fois plus que les ordinateurs Mac. Présenté comme une révolution numérique, l’iPad a vu sa commercialisation sur l’hexagone débuté…»
Université Paul Cézanne Aix-Marseille III
IREDIC

Mémoire Master Professionnel « Droit des médias »

L’iPad ou l’hypermédia au service d’Apple

par M. Zouaghi Madjer

Sous la direction de M. Le Professeur Jean FRAYSSINET

Aix-en-Provence
2009-2010

« L’innovation, c’est ce qui distingue le leader du suiveur ».
Steve Jobs.
Remerciements
En préambule à ce mémoire, je souhaite adresser mes remerciements les plus sincères aux personnes qui m’ont apporté leur aide et qui ont contribué à l’élaboration de ce mémoire. Je tiens à remercier Monsieur le Professeur Jean Frayssinet pour avoir su me guider. J’exprime ma gratitude à tous les consultants et internautes rencontrés sur les différents blogs, pour le temps qu’ils m’ont accordé et leurs réflexions inspirées.
Je remercie, en particulier Monsieur Damien Breuillé et Mademoiselle Nadia Belkhafd pour leurs conseils éclairés.
Enfin, j’adresse mes plus tendres remerciements à ma mère.

Introduction :

D’après le théoricien des médias Marshall MacLuhan, les médias ne sont pas uniquement un canal passif d’informations mais ils fournissent les bases de la réflexion. Ils modèlent le processus de la pensée. C’est le flux d’informations qui attirent et plus l’information à part entière.
Lorsqu’il envisage l’histoire des médias, MacLuhan affirme que l’on peut résumer l’histoire de l’humanité dans l’histoire des médias. A partir de ce constat, il divise l’histoire de l’humanité en deux époques qu’il appelle galaxie : la galaxie Gutenberg et la galaxie Marconi.
La galaxie Gutenberg débute avec l’invention de la presse à imprimer, au XVème siècle. Il s’agit là d’une évolution technologique. Il est alors possible de tirer un nombre illimité d’exemplaires d’un livre. Auparavant, ce sont les moines qui avaient le monopole. Avec la presse à imprimer, on se libère du manuscrit. L’invention du papier va permettre l’essor de la culture de l’imprimé. A cet exploit technique, il faut ajouter la révolution économique. Il y aura un marché. Le métier d’auteur va se développer.
Les libraires vont s’étendre et les journaux vont connaître un essor considérable. Mais la révolution sera également culturelle, avec une élévation du niveau culturel de la population.
Chacun va acquérir un bagage intellectuel. Une révolution d’ordre politique également, car les pouvoirs politiques vont se méfier des contenus imprimés. L’imprimé devient alors une composante essentielle de la civilisation occidentale, tant comme instrument de combat que comme instrument de connaissance1.
En 1895, un électronicien, Marconi, invente la télégraphie sans fil. Le télégramme existait déjà mais qu’avec fil. L’invention de Marconi utilise des ondes. Il s’agit là d’un pas en avant considérable. On s’affranchit du câble. Et pour MacLuhan, c’est à partir de ce moment qu’on est entré dans la galaxie Marconi. On ne s’écrit plus, on se téléphone. Il y a moins de presse écrite, plus de télévision, plus de radio. A terme, l’électronique va chasser complètement le papier.
C’est donc en divisant l’histoire de l’humanité en deux époques que MacLuhan a mis en évidence la fin de l’écrit. Ces théories vont faire peur aux libraires, et aux éditeurs qui vont le ridiculiser en le surnommant le prophète de Toronto.
Cependant, bien que la fin de l’écrit soit inévitable, est-ce que l’on peut ou l’on doit considérer cela comme un bienfait ? L’apparition de l’imprimerie n’a-t-elle eu que des répercussions positives ?
Avant même l’apparition de l’imprimerie, aux débuts de l’alphabétisation, il existait déjà des sceptiques. En effets, dans le Phèdre de Platon, Socrate déplore le développement de l’écriture et met en garde ses contemporains contre les dangers de l’écriture, qui ne « produira que l’oubli dans l’esprit de ceux qui apprennent, en leur faisant négliger la mémoire ».
Il avait peur que, comme les gens se reposaient de plus en plus sur les mots écrits comme un substitut à la connaissance qu’ils transportaient d’habitude dans leurs têtes, ils allaient selon un des intervenants d’un dialogue « arrêter de faire travailler leur mémoire et devenir oublieux ».
Et puisqu’ils seraient capables de « recevoir une grande quantité d’informations sans instruction inappropriée », ils risquaient de « croire posséder une grande connaissance, alors qu’ils seraient en fait largement ignorant ».
Socrate n’avait pas tort, mais il manquait de vision à long terme. Ainsi, il ne pouvait pas prévoir les nombreux moyens que l’écriture et la lecture allaient fournir pour diffuser l’information, impulsant des idées fraîches et élargissant la connaissance humaine2.
C’est ainsi, qu’à l’arrivée de l’imprimerie, certains avancèrent leurs scepticismes. L’humaniste italien Hieronimo Squarciafico craignait que la facilité à obtenir des livres conduise à la paresse intellectuelle, et rende les hommes « moins studieux » en affaiblissant leurs esprits. D’autres avançaient que des livres et journaux imprimés à moindre coût allaient saper l’autorité religieuse, rabaisser le travail des érudits et des scribes, et propager la sédition et la débauche.
Comme le professeur de l’université de New-York, Clay Shirky le souligne, « la plupart des arguments contre l’imprimerie était corrects et même visionnaires ». Mais comme Socrate, ils ne pouvaient imaginer l’infinité de bienfaits que le texte imprimé allait amener.

2 Article de Nicolas Carr, Is Google making us stupid ?

Cependant, aujourd’hui se pose un autre problème, celui d’internet. Le net est devenu un média universel, le tuyau d’où provient la plupart des informations. Et c’est ce surplus d’informations qui amène à discuter.
Conrad Gessner, un scientifique suisse de renom, a sans doute été le premier à s’inquiéter des répercussions négatives d’un trop-plein d’informations. Dans un ouvrage de référence, Gessner décrivait un monde moderne submergé de données, une situation à la fois « déroutante et néfaste ». Aujourd’hui, les médias s’en font l’écho à coups de rapports sur les risques sans précédent d’un environnement virtuel continuellement « branché ».
Il est cependant intéressant de préciser que Gessner n’a jamais envoyé un mail de sa vie, et n’y connaissait absolument rien en informatique. Non pas qu’il fut technophobe, simplement, il mourut en 1565. Les inquiétudes qu’il formulait alors concernaient le déluge d’informations qu’avait déclenché à l’époque l’invention de l’imprimerie.3
A chaque évolution, à chaque étape de la communication, de l’alphabétisation à l’imprimerie, jusqu’à aujourd’hui, à l’aube de l’ère numérique, le même leitmotiv alimente les débats. Cette nouvelle ère va-t-elle contribuer à augmenter le semblant d’intelligence (et donc d’ignorance) de la population ou va-t-il l’amener à s’expatrier, s’exporter encore plus qu’elle ne l’est, afin d’élever les consciences à des cultures jusqu’alors méconnues ?
Pour entrer dans cette nouvelle ère, il est nécessaire de s’affranchir de l’imprimé, avec l’avantage de la mobilité. Il faut donc inventer le support permettant l’accès aux trésors de l’imprimé.

3 Article de Vaughan Bell, Fuyez les livres, fuyez l’école, fuyez Facebook!

« Le moyen le plus sûr de prévoir l’avenir, c’est de l’inventer »4
Initialement prévu pour la fin du mois d’Avril 2010, le lancement international de la tablette tactile d’Apple avait été repoussé d’un mois à la mi-avril par le géant américain. Submergé de commandes aux Etats-Unis deux mois après son lancement sur le marché américain, l’iPad se vend à plus de 200 000 exemplaires par semaine5, soit deux fois plus que les ordinateurs Mac. Présenté comme une révolution numérique, l’iPad a vu sa commercialisation sur l’hexagone débuté le 7 Juin 2010.
Dernier bijou informatique de la firme de Cupertino6, l’iPad est une tablette électronique conçue et développée par Apple. Elle est particulièrement orientée vers les médias tels que les livres, journaux, magazines, films, musiques, jeux, mais aussi vers l’Internet et l’accès à ses courriers électroniques.
À environ 700 grammes, sa taille et son poids sont situés entre ceux des Smartphones et ceux des ordinateurs portables. C’est une sorte d’ardoise numérique. Pour schématiser, on pourrait dire qu’il s’agit d’un iPod Touch7 avec un écran beaucoup plus grand. Avant de présenter l’objet, il est nécessaire de s’interroger sur Apple.

Apple ou la « technologie design »

Apple est une société américaine d’informatique. Elle a été créée par Steve Jobs et Steve Wozniak le 1er Avril 1976. L’Apple I8 fut le premier produit d’Apple. Conçu dans le garage californien des parents de Jobs, l’Apple I a été mis en vente en avril 1976. Son prix était alors de 666,66 $. Environ 200 unités furent produites.
À la différence d’autres ordinateurs amateurs de cette époque, qui étaient vendus en kit, l’Apple I était une carte assemblée comprenant environ trente puces. C’est l’apparition du clavier et d’un moniteur qui rendit l’appareil innovant alors que la concurrence utilisait des lumières clignotantes en guise d’affichage.

4 Citation des ingénieurs de la Silicon Valley.
5 Estimation faite par une étude par Sanity Team.
6 Siège d’Apple aux Etats-Unis, dans la Silicon Valley.

« N’inventez jamais quelque chose que les gens ne veulent pas »9
Dès leurs premières inventions, les fondateurs d’Apple ont marqué d’un sceau leurs gammes informatiques. Ainsi, au fil des années, il s’est dégagé un savoir-faire, un label « made in Apple ».
Interfaces utilisateur simples, design épuré, et capacité à faire connaître au grand public des technologies existantes en les rendant faciles d’accès même pour un public non spécialisé sont les signes distinctifs de la marque. Le tout premier Macintosh10 sorti en 1984 illustre parfaitement la ligne directrice empruntée par Apple.
Comparé à la concurrence existante de l’époque, le premier Macintosh n’a strictement rien avoir avec le Commodore 64, le TRS-80 de Tandy. Dans la conception même de l’outil informatique, il y a une différence d’approche totale. D’un côté, il y avait des produits fonctionnels, comme l’IBM PC et de l’autre un objet conçu avec un sens de l’esthétique. Le talent de Jobs et de Wozniak fut de concevoir des ordinateurs conviviaux que tout le monde pouvait utiliser.
Malgré toutes ses qualités, le Macintosh ne va pas réussir à s’imposer face à la concurrence des ordinateurs PC (personal computer). Accroché à son propre système d’exploitation, le Macintosh n’est pas compatible avec les autres ordinateurs qui, peu à peu, optent tous pour les logiciels DOS11, puis Windows, développés par Microsoft, l’entreprise de Bill Gates. Hors compétition, la firme voit ses parts de marché diminuées.
En 1985, sous la pression des actionnaires, John Sulley12, devenu président d’Apple, pousse Steve Jobs vers la sortie. Le voilà « viré » de l’entreprise qu’il a fondée par l’homme qu’il a embauché.

9 Thomas Edison
10 Illustration en Annexe avec l’IBM PC.
11 « Disk operating system », système d’exploitation développé par Microsoft.
12 Président de Pepsi Cola en 1983, c’est Jobs qui lui proposa la même année de le rejoindre chez Apple, « Allez-vous continuer à vendre de l’eau sucrée toute votre vie ou voulez-vous changer le monde avec moi ? »

En 1987, Steve Jobs achète NeXT Computer, une société spécialisée dans la fabrication d’ordinateurs haut de gamme. Parallèlement, il convainc son ami George Lucas, réalisateur de la Guerre des étoiles, de lui céder pour dix millions de dollars une petite société de production de dessins animés par ordinateurs. Baptisée Pixar13, le nouveau studio se lance, à partir de 1991, dans la production de moyens et de longs métrages. En 1995, il sort Toy Story, le premier film entièrement réalisé en images de synthèse.
C’est un énorme succès. Il sera suivi par bien d’autres, comme le Monde de Nemo, Ratatouille, Wall.E… Sentant le danger, Disney finira par acheter Pixar pour la somme de 7,4 milliards de dollars (par échange d’actions), faisant de Steve Jobs l’un des plus gros actionnaires individuels de Disney.
Entre-temps, la situation s’est dégradée chez Apple. En 1996, la firme a enregistré ses premières pertes, et est en situation de « mort clinique ». Aux abois, quasiment morte née, obligée d’emprunter de l’argent à son ennemi juré Microsoft, et, qui comptait sur Internet explorer pour relancer le Mac, les actionnaires d’Apple se retournent vers Steve Jobs.
On est en 1997. Le monde de l’informatique et de l’électronique grand public est en pleine révolution numérique dont Internet est à la fois le produit et le symbole. Dès son retour, Steve Jobs impose un nouveau défi à ses équipes d’ingénieurs : « Think different »14. Avec sa forme monobloc et ses couleurs pimpantes, l’ordinateur iMac15, sorti en 1998, est le premier produit de cette nouvelle ère Jobs. Apple en vendra 6 millions d’exemplaires.
Une deuxième étape est franchie en octobre 2001 avec la mise sur le marché d’un baladeur musical équipé d’un disque dur. Cette fois, Apple va vendre 250 millions d’exemplaires de cet appareil qui, baptisé iPod16, contribuera à populariser l’achat de musique sur Internet, via une plate-forme de distribution iTunes.
A Wall Street, l’action Apple s’envole. Rien ne semble devoir arrêter la course de Steve Jobs. Pas même la maladie. En 2004, il doit ainsi subir l’ablation d’une tumeur cancéreuse au pancréas.
Les rumeurs les plus folles courent sur son état de santé. Trois ans plus tard, Steve Jobs est toujours là. En 2007, Apple frappe un grand coup en présentant son téléphone intelligent, l’iPhone17. Il est le premier téléphone mobile entièrement tactile du marché.
Véritable ordinateur de poche, il permet non seulement de téléphoner et d’envoyer des courriels, mais aussi de surfer sur Internet et d’accéder à de multiples services : météo, GPS, jeux, actualités radiophonique et télévisé. Aujourd’hui, le seul iPhone représente près du quart des revenus du groupe Apple.

13 FIEVET C., Apple & Pixar Mania, L’année Steve Jobs, Broché, 2004.
14 Pensez différemment.

Apple est aujourd’hui la société à laquelle tout le monde veut ressembler, qui fait des produits innovants, vers lesquelles deux catégories de personnes se tournent, d’abord les fans de la firme, mais aussi tous les concurrents qui se demandent comment faire pour se positionner sur un tel produit.
Des chiffres permettent de prouver cette renaissance dont bénéficie Apple. En effet, le 26 Mai 2010, la capitalisation boursière d’Apple a dépassé celle de Microsoft qui en fait la seconde capitalisation américaine et la troisième mondiale, alors qu’il y a dix ans, Microsoft valait plus de dix fois ce que valait Apple. Une victoire signée Jobs.
Depuis son retour aux commandes, Apple a réussi à prendre une nouvelle dimension, en vendant iPhone, iPod, Mac comme des accessoires de la vie de tous les jours, une sorte d’indispensable du quotidien. L’iPod a créé un attachement inhabituel sur les objets de consommation. Steve Jobs n’a pas inventé l’ordinateur portable, ni le baladeur musical, ni le téléphone intelligent (Smartphone).
Tous ces produits existaient déjà sur le marché avant les siens. Mais il a su les rendre « irrésistibles » en améliorant leur design et leur fonctionnalité. Avec Apple, Steve Jobs a réussi à créer des objets qui ressemblent à des œuvres. Les choix de Steve Jobs rendent compte de cette vision attachée à l’objet. En effet, ce dernier a une vision d’artiste. La pre
uve réside dans le fait qu’il a lui-même recruté Jonathan Ive, un simple artiste, pour lui donner les rênes du design d’Apple.
A une question posée par un journaliste sur le fait de savoir s’il avait fait une étude de marché avant de lancer le Macintosh, Jobs répond : « Est-ce que vous croyez que Graham Bell a fait une étude de marché avant d’inventer le téléphone ? Est-ce que Léonard de Vinci a fait une enquête avant de peindre la Joconde ? ».
Avec l’iPad18, Apple suit sa logique d’esthétisme. Nous sommes face à un objet qui permet une nouvelle consommation de l’information. En s’affranchissant d’un clavier et d’une souris, Apple crée le parfait modèle de consommation de contenu, en alliant simplicité d’utilisation et beauté technologique.
Il conviendra de traiter d’abord l’iPad comme un outil pour finir sur les services proposés et espérés.

Sommaire :

Introduction
Partie 1 L’IPAD comme outil
Chapitre I UN livre numérique
Chapitre II L’iPad ou l’hypermédia
Chapitre III Le fruit d’une guerre technologique
Partie 2 L’art du service
Chapitre I Le sauveur de la presse
Chapitre II iPad ou la plateforme publicitaire d’Apple
Conclusion

Sommaire :

  1. L’iPad ou l’hypermédia au service d’Apple
  2. L’iPad ou le support inévitable – Un livre numérique
  3. Le marché des livres électroniques: une concurrence technologique
  4. L’iBookstore, les livres électroniques et les éditeurs
  5. L’iPad : le Web, l’image et une console de jeu ?
  6. Le refus d’intégrer Flash aux logiciels d’iPads : Une iGuerre
  7. iPad : Un produit fermé et surveillé – Un combat contre Adobe
  8. Pourquoi les médias ont-ils autant associé l’iPad à la presse ?
  9. iAd : Une nouvelle compétence pour Apple
  10. iAd ou la plateforme publicitaire d’Apple
  11. iAd et AdMob : la guerre entre Apple et Google

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