La non-responsabilité et l’absence de garantie dans la GPL

La non-responsabilité et l’absence de garantie dans la GPL

S. Sect 3

La clause de non responsabilité dans la GPL

La licence de GPL parle d’absence de garantie (P2) Cette non garantie résulte d’une absence de responsabilité dont la validité est plus que douteuse (P1)

P1 : Validité de la clause de non-responsabilité

Les Clauses élusives de responsabilité sont en principe valables en (A) Toutefois en droit de la consommation, il existe une exception à cette validité qu’il convient de relever (B)

A/ principes de validité en droit civil

On appelle clause de non-responsabilité toute clause dans un contrat qui stipule qu’une partie ne sera pas ou ne sera plus responsable et donc qu’il ne devra pas de dommages-intérêts en cas d’inexécution, de mauvaise exécution, d’exécution tardive de ses obligations ou de certaines d’entre elles.

Le code civil est muet quant à la validité de telles clauses contrairement aux clauses pénales (clauses qui fixent une sanction en cas d’inexécution d’un contrat) et de clauses limitatives de responsabilité dont la validité a longtemps été acquise. Il s’en est suivi une controverse doctrinale et jurisprudence au point que la loi est venue spécialement affirmer la validité de certaine clause de non-responsabilité dans des domaines où le problème se posait avec acuité croissante.

En effet la jurisprudence admet, en principe, la validité des clauses de non- responsabilité, sauf dans certains cas où des raisons diverses conduisent à les annuler. Cependant, la porté de cette règle de validité a longtemps été limitée par des atténuations, la jurisprudence admettant initialement que la clause de non-responsabilité n’exonérait pas définitivement le débiteur et qu’elle valait simplement renversement de la charge de la preuve.

Cass Civ 9 Nov 1915, DP 1921.1.23 La jurisprudence oppose en cette matière la responsabilité contractuelle de la responsabilité délictuelle. Elle décide que, sur le terrain de l’art 1382 (responsabilité délictuelle), les clauses de non responsabilité sont contraires à l’ordre public : Cass Civ, 17 Fév 1955 D 1956 P.17 : et qu’à l’inverse elles sont valables en ce qui concerne la responsabilité contractuelle Cass Civ, 24 Janv 1874, DP 1876 et Cass Civ 12 Mai 1930, DH 1930 .345.

Les critiques de la doctrine et d’une partie de la jurisprudence a amener la cour de cassation à un revirement jurisprudentiel. En effet elle a décidé que la clause de non-responsabilité ne vaut pas seulement renversement de la charge de la preuve, mais exonère le débiteur de ses fautes mêmes prouvées, du moins s’il s’agit de fautes légères. Cass Soc 3 Août 1948, D 1950.536 et Cass 1er Civ, 12 Déc 1984, Bull Civ I, n° 143

B/ Exceptions au principe de validité

Il paraît choquant de s’exonérer par avance de sa faute intentionnelle, à laquelle, en général, on assimile la faute lourde.Cass Civ 29 Juin 1948 JCP 1949 II 4660, aussi, Cass Ass plén, 30 Juin 1998, JCP 1998.II 10146.

Il s’agit là d’une nullité que l’on explique par le fait que le dol est un délit civil et que l’art 1382, d’ordre public serait alors applicable. Dès lors s’exonérer de son dol, c’est se réserver la possibilité d’être de mauvaise foi. Ainsi, si la clause de non responsabilité s’appliquait à la faute volontaire, le contractant conservait la faculté d’exécuter ou de ne pas exécuter à sa guise, ce qui revient à la condition purement potestative, prohibée par l’art 1174.

La controverse se fait jour quant on analyse la clause de non-responsabilité pour les dommages causés à l’intégrité physique du corps humain. Qu’à cela ne tienne, des lois spéciales viennent expressément posées la nullité des clauses de non-responsabilité dans certains cas pour protéger certaines catégories de contractants : c’est le cas des contrats de transport de marchandise; loi du 17 Mars 1905 pour les contrats de transport terrestre de marchandise.

Cass Com,3 Avril 1968 JCP 1968.II.15575; et les contrats internes et internationaux de marchandises par air, art L 321-3 du code de l’aviation civile. C’est aussi le cas du contrat de travail où les clauses de non-responsabilité sont écartées. L’art L 122-14-7 al 3 du code du travail prohibe toute renonciation au droit éventuel de demander des dommages-intérêts à l’occasion de la rupture du contrat de travail

P2 : La non-responsabilité et l’absence de garantie dans la GPL

NO WARRANTY

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A/ La clause de non-responsabilité

Le mode de fonctionnement des logiciels libres est particulièrement délicat puisque chacun peut et même devrait intervenir dans le code source. Dès lors il est possible d’avoir un logiciel non seulement inefficace, mais dangereux pour des applications. Les auteurs des licences de logiciel libre semblent avoir bien compris ce risque puisque les clauses de non-responsabilité sont communes à presque tous les licences de logiciels libres. V Bruce Perens ‘ The open source definition’ dans Dibona, Ockman note 22.

La GPL stipule qu’aucun détenteur de droits d’auteur, ou aucune partie ayant le pouvoir de modifier et ou de distribuer le programme conformément aux autorisations de la licence, sont responsable vis à vis du licencié pour ce qui sont des dommages y compris tous dommages généraux, spéciaux, accidentels ou incident résultant de l’utilisation du programme ou de l’impossibilité d’utiliser le programme même si le détenteur de cette autre partie a été avisé de la possibilité de tels dommages. Elle fournit une liste non limitative de dommages que vise cette clause : il peut s’agir de la perte de données.

Lorsque le logiciel est fourni à un consommateur, il faut tenir compte des dispositions relatives aux clauses abusives. Les rédacteurs de la GPL semblent l’avoir compris en prévoyant la possibilité d’aménager le contrat de manière conforme aux clauses abusives :art 11 ‘Except when otherwise stated in writing’ art 12 ‘in no event unless required by applicable law or agreed to in writing’ Aussi on pourrait envisager de remplacer la clause de non-responsabilité par un montant forfaitaire d’indemnisation.

Parlant de la responsabilité du fait des produits défectueux posé par la directive communautaire du 25 Juillet 1985, il y’a un régime de responsabilité sans faute des fabricants et autres distributeurs dès lors qu’un produit fini cause des dommages corporels ou matériels suite à un défaut ayant entaché sa fabrication.. Transposée dans le code civil, les clauses limitant la responsabilité dans ce domaine ne sont valables que si elles sont stipulées entre professionnels et ne concernent que les dommages causés aux biens. La commission européenne ayant déclaré que cette directive s’appliquait aux logiciels (Rép. Min 15 Nov 1988, JOCE 8 Mai 1989, C 144

P.42), on pourrait penser que ce cas est exceptionnel. En effet dire qu’un logiciel libre peut porter atteinte aux personnes paraît de l’hérésie, sauf à considérer qu’il s’agisse par exemple d’un logiciel de pilotage de certains appareils médicaux ou de pilotage des centrales thermiques ou nucléaire. Et même dans ces cas il s’agit généralement des systèmes-expert c’est à dire d’un ensemble logiciels qui s’imbriquent.

Alors le logiciel sera une composante de l’ensemble matériels et logiciels multiples et parfois complexes. C’est dans ce sens que s’est prononcé le ministre de la justice en 1988 en réponse à une question parlementaire :’ les seules dommages dont ladite loi assure la réparation sont les atteintes physiques à la personne et les dommages matériels causés aux biens. L’application de ce texte aux logiciels ne vise donc que les situations où ceux-ci seraient à l’origine directe d’une atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, hypothèses pour le moins résiduelles’ Rép Min n° 15677, JOANQ 24 Août 1988, http://www.questions.assemblée-nationale.fr.

Parlant de la garantie des vices cachés, la GPL n’est pas concerné car cette licence ne saurait être qualifiée de contrat de vente

B/ La garantie d’éviction du fait personnel et du fait des tiers

L’art 1626 pose le principe de la garantie d’éviction en matière de vente :’…Le vendeur est obligé de droit à garantir l’acquéreur de l’éviction qu’il souffre dans la totalité ou partie de l’objet vendu, ou des charges prétendues sur cet objet, et non déclarées lors de la vente’. Il s’agit d’une garantie légale dont on ne peut s’exonérer que dans des circonstances particulières; cas par exemple de l’éviction ou des dommages causés par le fait de l’autorité publique : Civ 3ème 30 Oct 1984 Bull Civ III n° 183; cas aussi des turpitudes réciproques des deux parties : Com 27 Avril 1981 D. 1982. 51.

La garantie d’éviction est aussi prévue dans le code de propriété intellectuelle aux art L.132-8 qui vise un cas particulier d’application :’L’auteur doit garantir à l’éditeur l’exercice paisible et, sauf convention contraire, exclusif du droit cédé. Il est tenu de faire respecter ce droit et de le défendre contre toutes atteintes qui lui seraient portées’. L’idée est de pouvoir garantir l’éditeur contre l’action en contrefaçon pouvant être intentée par un tiers.

Si l’on s’en tient à la rédaction de la licence GPL, on conçoit fort bien que cette licence n’exclut pas la garantie d’éviction puisse que l’exonération ne vise expressément que la qualité et les performances du programme ainsi que les dommages qu’il pourrait provoque, mais Le risque de contrefaçon quant à lui demeure. En effet le fait que le logiciel libre soit une somme de diverses contributions des uns et des autres augmente le risque de voir un contributeur introduire dans le programme des codes provenant d’un logiciel propriétaire ou tout simplement un code qui appartienne à autrui et dont il n’a pas obtenu d’autorisation préalable.

Théoriquement tout contributeur devrait faire mention de son nom afin que soit identifier l’auteur ainsi que son n° de version. Toutefois ceci n’est pas une obligation puisqu’elle tend seulement à transmettre à la FSF leurs droits d’auteur afin qu’elle puisse mieux les défendre notamment en justice (quoiqu’il n’existe à notre connaissance à ce jour aucun litige) et non pas d’identifier les auteurs dont la responsabilité sera engagée.

Dès lors se pose l’épineuse question de l’identification de l’auteur de sa surface financière afin de pouvoir envisager des poursuite. Et s’il arrivait même que l’auteur fût identifié restera à régler la question non moins importante du tribunal compétent et de la loi applicable.

Contrairement au logiciel propriétaire qui prévoient presque tous des options de juridiction en faveur des tribunaux plus ou moins acquis à leur cause, la licence GPL ne prévoit pas de tribunal compétent en cas de litige. Dès lors l’on peut penser que les règles traditionnelles de compétence juridictionnelle s’appliquent.

Toutefois les choses risquent se compliquer puisqu’il peut arriver et il arrive même très souvent dans ces liens un élément d’extranéité qui rendra le litige international. Nous avons encore tous en mémoire les soubresauts de la fameuse affaire Yahoo entre la France et le USA; que se passera-t-il si les contributeurs viennent de 3, 4 voire 5 pays différents.

Il est aussi envisageable de considérer que la FSF se fera la représentante des contributeurs pour plus de simplicité ou encore que les problèmes pourraient se résoudre à l’amiable; ce qui est tout à fait souhaitable.

L’autre problème qui à notre sens serait plus à craindre viendrait du fait que n’ayant pas pu identifier l’auteur contribution, les risques de contrefaçon soient transférés sur l’utilisateur du logiciel comme le pensent certains ‘ A report of the software licensing committee of the American Bar Association’s Intellectual Property Section’ http:// www.abanet.org/intelprop/opensource.html .

La contrefaçon étant un délit pénal, il pourrait à défaut d’être auteur ou co-auteur se voir qualifié de complice art L.716-10 du code pénal ‘sera puni des peines prévues à l’art précédent [art L.716-9 : 2 ans de prison et 1000000F d’amande] quiconque aura détenu sans motif légitime des produits qu’ils sait revêtus d’une marque contrefaite, ou aura sciemment vendu, mis en vente, fourni ou offert de fournir des produits ou des services sous une telle marque’ Toutefois cet argument à notre sens ne saurait prévaloir car en matière pénale, pour qu’il y’ait infraction il faut que trois conditions soient réunies : Un élément matériel qui est la commission de l’infraction, ici l’utilisation du logiciel, un élément légal qui est la règle de loi qui réprimande l’acte et enfin un élément moral qui est la connaissance, le fait d’agir sciemment.

Cet élément moral encore affirmée à l’art L.716-9 nous semble ici plus que douteux. En effet l’utilisateur d’un logiciel libre peut être assimilé à un consommateur qui récupère le produit tel quel et l’utilise sans savoir le contenu du code; quand bien même il le saurait il faudrait encore prouver qu’il s’avait que ce code est protégé par un droit de propriété et que le contributeur qui l’a introduit dans le logiciel libre n’a pas obtenu l’autorisation nécessaire.

C’est donc dire que cet utilisateur, qu’il soit professionnel ou profane de l’informatique peut tout à fait légalement invoquer sa bonne foi pour être considéré comme un utilisateur légitime au sens du code de propriété intellectuelle.

En effet l’art L122-6-1.I dudit code prévoit que ‘ les actes prévus aux 1 et 2 de l’art L.122-6 ne sont soumis à l’autorisation de l’auteur lorsqu’ils sont nécessaires pour permettre l’utilisation du logiciel, conformément à sa destination, par la personne ayant le droit de l’utiliser, y compris pour corriger des erreurs.’ Il s’agit de :

  •  La reproduction permanente ou provisoire d’un logiciel en tout ou partie par tout moyen et sous toute forme
  •  La traduction, l’adaptation, l’arrangement ou toute autre modification d’un logiciel et la reproduction du logiciel en résultant
  •  La mise sur le marché à titre onéreux ou gratuit, y compris la location, du ou des exemplaires d’un logiciel par tout procédé.

Ces dispositions résultent de la transposition de la directive européenne du 14 Mai 1991 relative à la protection des programmes d’ordinateurs dont l’art 5.1 vise’ l’acquéreur légitime’ Directive CE n° 91-250

Quant à la doctrine certains estiment que’ le problème ne saurait se poser’ du moment où ‘ l’utilisateur légitime d’un logiciel tire de la loi elle-même le droit d’accomplir des actes qui devraient normalement donner prise aux droits exclusifs. Or, le client qui a obtenu la mise à disposition d’u logiciel de la part d’un cocontractant qu’il pense être titulaire des droits doit, semble-t-il, être regardé comme un utilisateur légitime.

Cela devrait suffire à le mettre à l’abri d’une revendication visant à le priver du droit d’user le logiciel’ A Lucas, Jean Devèse, Jean Frayssinet. En somme si l’on conçoit que la garantie d’éviction de son propre fait soit évidente du fait que ni l’auteur ni la FSF ne sauraient empêcher l’utilisateur de jouir de l’œuvre, il n’en va pas de même de la garantie du fait d’un tiers en l’absence de toute stipulation expresse.

Aussi si l’utilisateur ne peut être poursuivi du chef de la contrefaçon il peut se voir perturber dans la jouissance du logiciel par un tiers qui aurait des droits à faire valoir. Que se passera-il si une entreprise ou un auteur quelconque vient à revendiquer des droits sur un logiciel libre déjà largement diffusé ? pourra t-il obtenir la révocation de la licence GPL et sous quels fondements juridiques ?

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
La révocabilité des licences de logiciels libres : Cas de la GPL
Université 🏫: Université Paris-I PANTHÉON SORBONNE - U.F.R. 01 Droit Administration Et Secteurs Publics - DESS Droit de l’internet administration-entreprises
Auteur·trice·s 🎓:
ALEXIS NGOUNOU

ALEXIS NGOUNOU
Année de soutenance 📅: Mémoire de fin d’études - 2003-2004
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