Processus de changement organisationnel: la gestion et la réussite

5.2 Les modalités d’implantation de la gestion innovatrice selon les besoins de chacune des institutions

Si la gestion du changement paraît la même pour les trois institutions en ce qui a trait aux phases du processus de changement, du point de vue du contenu, il y a quand même une grande différence.

Certaines de ces approches se situent à court terme, d’autres à moyen et long termes, en fonction des objectifs fixés et de la pression environnementale.

Autrement dit, chaque institution a des préoccupations spécifiques et la concrétisation de l’une de ses préoccupations constitue un aspect ou quelques aspects de la modernisation, que nous appelons les sous-projets de la modernisation.

En effet, la modernisation est le fruit d’un processus de changement long et dynamique nécessitant une implantation par tranches selon les besoins du moment (environnement), sans pour autant qu’il y ait une discontinuité ou une séparation entre les sous-projets de celle-ci.

5.2.1 Le Ministère des Finances de la C-B et son modèle de gestion du changement par projet : Modèle partiel

Le Ministère des Finances de la C-B et son modèle de gestion du changement par projet

5.2.2 Bureau du Registraire Général du Ministère de la Consommation et du Commerce de l’Ontario et son modèle de gestion du changement par programme : Modèle Global

Bureau du Registraire Général du Ministère de la Consommation et du Commerce de l’Ontario et son modèle de gestion du changement par programme

5.2.3 La CSST et son modèle de gestion du changement par résolution des problèmes : le modèle porte feuille

La CSST et son modèle de gestion du changement par résolution des problèmes : le modèle porte feuille

5.2.4 La  comparaison des trois modèles

La qualification que nous avons donnée au modèle de la CSST, « Modèle de porte- feuille », s’explique par le fait que la conception et la conduite du changement vont de pair. Celle-ci s’explique à son tour par l’absence d’un plan d’action.

En effet, l’urgence de la situation a fait en sorte que la CSST a opté pour la fixation d’objectifs bien précis selon la nature des problèmes vécus par l’organisme et a procédé directement à la mise en œuvre des solutions choisies.

Il s’agit en fait, d’une situation claire et bien précise où les solutions se trouvent à l’intérieur même des pratiques et des modes de gestion existants « faire les choses autrement » ; ce qui a nécessité un mode d’intervention rapide pour remédier à la défaillance gestionnaire.

À cet égard, l’accent a été mis beaucoup plus sur la technologie d’information et sur la motivation et l’implication des fonctionnaires pour résoudre les deux grands problèmes et améliorer les pratiques de gestion en place.

Cependant, ce modèle ne peut pas servir, à notre sens, un projet stratégique où la complexité organisationnelle (la relation de cause à effet n’est pas bien déterminée) (Hafsi et Toulouse, 1996) prend place dans le processus d’implantation.

Le modèle de gestion du changement du Ministère des Finances et des Relations corporatives (Bureau d’enregistrement) et celui du Ministère de la Consommation et du Commerce de l’Ontario (Bureau du registraire) illustrent bien cette idée.

En effet, à travers leurs modèles de gestion innovatrice, nous remarquons que la conception précède la mise en œuvre dans les deux institutions. Celle-ci s’explique par le fait que ces deux institutions sont préoccupées à la fois par la résolution de leurs crises et par la modernisation de leur appareil administratif.

Autrement dit, tous les deux ont opté pour un changement qui prévoit, à la fois, la résolution des problèmes, l’amélioration des pratiques de gestion existantes et l’introduction d’un nouveau système de gestion moderne.

Il s’agit d’un processus de changement qui s’intéresse au présent et au futur de la gestion des affaires publiques.

Ceci explique les effets considérables ou énormes sur le processus et les techniques de production, la structure, les ressources, les stratégies futures, le style de gestion et sur le comportement et la culture organisationnelle.

Le changement organisationnel: définition, types et approches

Ainsi, le modèle du Bureau d’enregistrement des titres mobiliers à distance, que nous avons qualifié de partiel dans la mesure où certaines activité ont été retenues, vise à la fois l’introduction d’un nouveau système d’enregistrement parallèlement au système existant, dont le bureau a retenu une partie jugée utile et a procédé à l’amélioration de l’autre partie.

Le nouveau système permettra à la fois de résoudre les problèmes de paperasses et de procédures administratives lentes, de répondre aux attentes accrues des citoyens et de relever le vrai défi exigé par le monde moderne, un monde où la technologie de l’information devient au centre de la gestion, facilitant ainsi, l’accès des citoyens aux services publics.

En fait, l’actualisation des anciens registres s’est traduite par un vrai rapprochement de l’organisation aux citoyens ou aux clients du bureau : « décentralisation à domicile ». Un rapprochement qui a pris le temps convenable pour être bien conçu et bien mis en œuvre.

Cependant, le Bureau du registraire du Ministère de Consommation et du Commerce de l’Ontario a profité de la réinstallation du bureau modèle à Thunder Bay pour décentraliser ses activités et pour procéder à la rénovation complète de ses opérations.

Il s’agit d’une rupture avec le passé. Donc, un modèle global de gestion du changement stratégique était nécessaire pour mener à bien son nouveau programme.

En effet, il est évident qu’un tel projet avec une telle ampleur exige la présence d’un plan d’action stratégique mettant le même poids sur la formulation et sur la mise en œuvre, ainsi que la cohérence entre les deux phases.

5.3 La discussion des propositions

En modélisant le processus de ses trois institutions, nous observons que les propositions que nous avons formulées sont bien vérifiées. Aucune de ces institutions n’a pu négliger l’importance de la phase de conception ni de celle de mise en œuvre dans la réussite du changement stratégique.

À ce titre, nous signalons que toutes les trois ont mis l’accent sur la coordination entre l’organisation en tant que système, les sous systèmes constituant celle-ci et son environnement dans la conception du changement, et ceci, pour assurer la réussite de la mise en œuvre.

En effet, en partant de la pression environnementale venant de l’interne et de l’externe, les trois institutions ont pris en considération les interrelations qui existent entre la dimension humaine (le personnel et la clientèle), la dimension technique (le besoin technologique), la dimension culturelle (le retour à la culture de solidarité et de coopération en instaurant le climat de confiance) et la dimension financière (l’évaluation financière du projet) pour réussir la phase de conception.

Ainsi, le Bureau d’enregistrement des titres mobiliers a fait appel aux membres du personnel et de la direction qui ont travaillé en étroite collaboration avec la clientèle pour bien concevoir le changement, ce qui eut pour conséquence d’impliquer tout le personnel dans le changement.

À son tour, le Bureau du registraire du Ministère de la Consommation et du Commerce de l’Ontario (la haute Direction) a désigné un groupe « le groupe de planification » constitué du personnel du ministère pour concevoir et conduire le changement.

Vu l’ampleur du projet, la haute direction a fait appel à une force externe (les consultants) à l’organisation qui a travaillé en collaboration avec le groupe désigné. Cependant, dans la mise en œuvre, une autre force s’est ajoutée pour concrétiser efficacement le projet.

Il s’agit d’un groupe intergouvernemental organisé par le Ministère des Services sociaux communautaires, qui s’est impliqué dans le processus après avoir eu la formation nécessaire.

Encore une fois, la CSST était bien consciente que les gestionnaires (ou employés) sont mieux placés pour proposer et conduire le changement puisqu’ils sont plus proches des citoyens et par conséquent, connaissent mieux les aspirations de ces derniers. En effet, la CSST a fait appel à ce que l’organisation a de plus précieux, à sa plus grande force : son personnel.

Ce dernier est devenu son consultant sans égard à la hiérarchie. Ce personnel a participé à toutes les étapes du changement.

Donc, la réussite de la première phase du changement est liée à la fois à la coordination entre les éléments constitutifs de l’organisation et son environnement, ainsi que l’implication de son personnel dans la conception.

Ce qui confirme notre proposition de départ et y inclut ses sous propositions facilitant celle-ci :

La réussite du processus de changement organisationnel dépend de la nature de la conception de celui-ci.

Parallèlement à la nature de la conception du changement, la réussite du changement est liée aussi à la nature de la conduite de celui-ci. Celle-ci est à son tour liée au rôle joué par les dirigeants lors du processus du changement.

La présence d’un leadership solide, visionnaire et motivant au sein de l’organisation est essentielle pour mener à bien un changement organisationnel.

Ainsi, dans toutes les institutions étudiées, nous avons soulevé un consensus sur le rôle primordial du leadership de la haute direction. L’implantation du changement stratégique ou de la gestion innovatrice ne pouvait pas se faire en dehors d’un engagement ferme de cette partie stratégique de l’organisation.

Celle-ci joue un rôle important dans l’implication et la motivation du personnel vis-à-vis du changement. Ce qui a permis de créer chez ce dernier un sentiment d’appartenance et d’identification à son organisation, dans la mesure où il a bien accueilli le changement.

En effet, dans aucun cas, la résistance de ce dernier au changement n’a été soulevée.

De même, nous observons que la haute direction a assuré toutes les énergies nécessaires pour mettre en marche le projet : la structure adéquate, les ressources nécessaires (humaines, matérielles et financières) et le processus de production (les procédures simples, el s règles vivantes, la formation continue, la technologie, y compris le support technique, etc.).

En fait, les premières personnes qui doivent croire au besoin du changement et à la réussite de la nouvelle philosophie de gestion dans le but d’améliorer la qualité des services publics sont celles placées au sommet de la hiérarchie. Et c’est à elles que revient le devoir de soutenir les efforts du personnel et de le doter des moyens nécessaires.

Cependant, le leadership n’est pas seulement l’affaire de la haute direction ou des cadres supérieurs. Ce trait doit être présent chez tous ceux qui sont chargés de l’implantation d’un projet d’innovation et cela rejoint les gestionnaires situés au plus bas de la hiérarchie.

En fait, ce sont eux qui vivent quotidiennement les problèmes administratifs et peuvent apporter des réflexions intéressantes dans ce sens.

D’autant plus, se sont eux qui vont vivre au jour le jour un tel changement, car l’innovation demande aussi bien les talents nécessaires que la diversité de visions pour qu’elle se concrétise. Ceci a été bien démontré dans les trois cas à travers la représentation forte des employés et à travers le groupe de travail hétérogène formé du personnel à compétences diversifiées, abstraction faite de la hiérarchie.

Ceci est vrai aussi pour tous les candidats pour le Prix d’excellence de l’IAPC de l’année 1994. À ce titre, Thomas (1994 : 21) souligne lors de son analyse des dossiers des candidats pour le dit prix :

« Notre conception du rôle de chef est en train de changer.
En effet, nous sommes conscients qu’il existe des chefs de file à tous les rangs hiérarchiques d’un organisme, mais ces chefs doivent se mériter la confiance de leurs adeptes avant que ceux-ci leur soient fidèles.
Les sept finalistes comprenaient des chefs de file inspirants et engagés. Les 112 candidats ont présenté de nombreux exemples de leadership remarquable
. »

Ce qui confirme encore notre deuxième proposition à travers ses sous propositions et à travers les résultats escomptés par chacune des institutions :

La nature de la conduite du changement conditionne la réussite de celui-ci.

Pour ce qui est de la troisième proposition :

La réussite du changement se traduit par une amélioration des performances de l’administration publique.

À cet égard, les résultats honorables réalisés par chaque institution restent un grand témoin de sa validité. L’investissement dans le personnel (formation contenue), l’augmentation de l’efficacité et de l’efficience, la satisfaction des clients, la nouvelle culture (coopération solidarité et esprit de groupe) la nouvelle structure (flexibilité de la communication) et les nouveaux modes et pratiques de gestion sont la voie la plus appropriée vers la performance organisationnelle.

En conclusion, les innovations, dans le secteur public, comporteront toujours une part d’incertitude et de risque qui peut être à l’origine de réajustements du processus de changement, ce qui n’était pas le cas pour ces trois institutions.

En d’autres termes, bien que nous nous soyons situés dans la perspective du succès, nous ne nous attendons pas à ce que le processus d’innovation dans le secteur public, où la complexité prend une large place, soit parfait.

Nous aurions souhaité que les institutions en question aient fourni plus de données et plus d’informations notamment, en ce qui concerne les obstacles confrontés et les difficultés surmontées lors de l’implantation de leur processus d’innovation, un processus complet comportant les points forts et les points faibles de leur démarche et le processus de dépassement de ces derniers, afin de nous permettre de faire une analyse assez large du processus du changement.

De plus, nous avons beau essayer de combler cette lacune qui représente l’inconvénient de cette étude en contactant directement l’IAPC afin qu’elle nous fournisse des informations autres que celles que nous avons déjà présentées dans nos études de cas, or celle-ci ne possède pas des informations supplémentaires sur leur processus du changement.

De son côté, Thomas (1994 : 23) affirme bien cette remarque en soulignant que : « le conseil à donner aux futurs concurrents, si on nous le demandait, serait qu’ils fournissent une évaluation complète de leur innovation. Étant donné qu’il existe une certaine incertitude dans la plupart des innovations, il est important de présenter aussi bien les réussites que les échecs obtenus au cours du processus de mise en œuvre.

C’est en admettant les problèmes rencontrés que vous favoriserez l’avancement des connaissances et augmenterez vos chances de remporter l’un de ces prix prestigieux ».

Cependant, cet inconvénient ne remet aucunement en question leur démarche, bien au contraire, elle reste une approche cohérente et un modèle à inspirer d’autres organismes et d’autant plus elle peut servir de leçons pour d’autres expériences d’innovations. La preuve est que ces institutions ont mérité le prix d’excellence de l’IAPC pour la gestion innovatrice.

D’où la question suivante : Quelles leçons pour l’administration publique marocaine?

La réponse à cette question représente la conclusion générale de ce travail de recherche.

Conclusion Générale : Quelles leçons pour le Maroc ?

L’administration publique a toujours occupé une position particulière au sein de la société marocaine en raison de la conception même de l’État dans l’esprit des citoyens et de l’importance attachée au concept de puissance publique.

Le Maroc est un Royaume dirigé par le Roi avec un Premier ministre à la tête du gouvernement.

Le service public marocain est réparti en trois fonctions publiques : l’administration centrale (les ministères), l’administration régionale (services locaux) et les établissements publics, avec une forte concentration au centre.

En d’autres termes, l’administration centrale joue un rôle important dans la prise des décisions, la planification des activités, le contrôle et l’évaluation des programmes. En fait, il est l’émetteur des stratégies et les services locaux sont les exécuteurs de celles-ci.

Cependant, Hafsi et Toulouse (1996) affirment que la centralisation est très efficace au début, mais avec la multiplication et la diversité des activités, elle devient problématique à tel point que la décentralisation devient une nécessité.

Quant à l’interventionnisme étatique auprès des établissements publics en ce qui concerne la politique des prix, le mode de gestion et de recrutement ainsi que le contrôle des activités, il a privé ce secteur d’une capacité concurrentielle semblable à celle des entreprises privées.

Ce n’est pas étonnant si actuellement la privatisation commence à prendre place dans ce secteur pour remédier à sa gestion défaillante.

Par ailleurs, le besoin de recrutement au sein de l’administration publique s’est traduit par une offre massive à certaines époques (1970-80) de postes de travail à tous les niveaux hiérarchiques.

Autrement dit, ayant besoin de fonctionnaires, le service public a joué un rôle important dans la résorption du chômage auprès des diplômés jusqu’à la moitié des années 80. Il en a résulté une augmentation considérable des effectifs de fonctionnaires.

En fait, le secteur public a été le seul secteur qui absorbe un nombre important de la population jeune marocaine titulaire d’un diplôme universitaire ou collégial.

Les raisons motivant la modernisation sont nombreuses.

D’une manière générale, les études de l’État lui-même citent la mal-gestion des affaires publiques, le déficit des Finances publiques, les exigences environnementales aussi bien nationales qu’internationales, les exigences accrues des citoyens qui ne peuvent plus se contenter du minimum.

À cela s’ajoutent la mondialisation, la globalisation, la libéralisation, le bouleversement technologique, la compétitivité etc., qui réconfortent les entreprises privées et qui forcent l’État à s’adapter à son environnement.

Il est temps pour l’État de renforcer son action en tant que régulateur et facilitateur.

D’une manière spécifique, le fonctionnement interne de l’administration demeure globalement inadapté et marqué par une lenteur excessive qui tranche avec un monde en pleine mutation. Les modes de fonctionnement suivent une approche archaïque et trop procédurale induite par une structure trop verticale où la communication est quasi inexistante.

Bien que la prise de décisions soit centralisée, elle souffre de l’éparpillement de l’informations entre les différents niveaux hiérarchiques ; ce qui cause la lenteur de la transmission de celle-ci.

Trop d’escales alourdissent le processus administratif et retardent l’aboutissement des dossiers et le règlement de problèmes aussi simples soient-ils. Le citoyen est obligé de faire le va et vient entre le centre et son administration locale et de revenir plusieurs fois sur les lieux pour satisfaire ses besoins.

Les fonctionnaires de la base sont démunis et font face à la situation en rassurant le citoyen que « son dossier est à la signature ». En outre, cette lourdeur génère des frais supplémentaires, aussi bien pour l’administration que pour le citoyen.

Certaines directions, comme la direction de contrôle et des engagements des dépenses (ministère des Finances et de l’Économie) a fait l’objet de critiques ouvertes et sévères dans le rapport de la banque mondiale de septembre 1995.

On a reproché au système de contrôle des dépenses publiques son inefficacité et son inadaptation à l’environnement actuel.

De plus, il existe des contrôles de diverses natures (régularité- opportunité; contrôle budgétaire-contrôle d’engagement ou comptable; contrôle sur pièces ou de matérialité), répartis entre plusieurs organes de contrôle (Direction du budget, Direction de contrôle des engagements de dépenses, Direction de la comptabilité publique, Direction de l’inspection générale des Finances..), qui prêtent à confusion et ralentissent encore plus le processus.

Il a été recommandé de simplifier les procédures, d’actualiser les règles et de clarifier les objectifs afin que l’ensemble de ces contrôles forme un système cohérent. Il est de même souhaitable que ces divers contrôles soient effectués par une seule entité et assistés par l’organisme d’origine qui, au fond, reste le premier responsable du contrôle des dépenses publiques.

L’idée est de responsabiliser les gestionnaires en amont et en aval et à tous les niveaux.

Malgré les efforts déployés pour concrétiser le projet de réforme du système de rémunération, notamment en optant pour le projet de gestion intégrée du personnel, il n’en demeure pas moins que le Ministère des Finances et de l’Économie, à travers le service concerné doit redoubler d’efforts pour rattraper les retards chroniques dans la régularisation des dossiers du personnel, de simplifier les procédures, d’unifier les règles et d’adopter un système automatique d’avancement et de régularisation.

Il s’agit en fait, une façon de valoriser nos ressources humaines et de les motiver en tant qu’acteurs principaux du ministère.

En plus, en optant pour cette nouvelle approche de gestion des dossiers du personnel, on pourrait libérer le fonctionnaire des tâches cléricales qui sont devenues inutiles et trop routinières avec l’introduction de l’informatique (la technologie de l’information) dans la vie de l’organisation.

Dans cette mouvance, l’administration marocaine fait l’objet actuellement d’un examen détaillé et d’un effort soutenu dans le but d’en faire un outil mieux adapté aux exigences nouvelles de son environnement. En effet, l’allègement des procédures et des modalités de fonctionnement est ressenti partout comme une priorité.

De ce fait, la modernisation du Ministère des Finances et de l’Économie est apparue comme une réponse à ces problèmes et un modèle à suivre par d’autres ministères.

En effet, le plan de modernisation du Ministère des Finances et de l’Économie, qui se situe au cœur de ce débat, traduit une volonté de dynamiser le système en entier, en se préoccupant de l’efficacité et de l’efficience de l’administration et en utilisant l’approche client.

Ses objectifs du plan se résument ainsi :

  • S’ouvrir sur les partenaires et clients du Ministère.
  • Optimiser l’utilisation des ressources.
  • Entretenir la motivation des hommes et des femmes du Ministère.
  • Faire vivre une dynamique permanente.

Cela doit préparer le ministère à faire face au défi du nouveau millénaire. Étant le moteur de l’économie, le ministère se doit de jouer le rôle moteur d’entraînement pour l’ensemble de l’administration.

Le plan traduit la bonne volonté du ministère de rendre la gestion des affaires publiques très flexible et à la hauteur.

En même temps, il reste une initiative très forte et très ambitieuse. Il s’agit en fait de rompre avec les modèles de gestion traditionnels en faveur d’une nouvelle culture organisationnelle (la coopération, l’ouverture à la population et la motivation des fonctionnaires) et d’une nouvelle philosophie de gestion (une gestion participative).

Entre autres, le plan vise à doter le ministère d’instruments d’anticipation et de prévision et à mettre en place une gestion efficiente des ressources humaines (Al Malia, 1997).

Néanmoins, sa concrétisation avec succès mérite une attention particulière dans la mesure où le Ministère, à travers ce plan, opte pour un changement radical qui transforme son champ d’action, ses stratégies, sa structure et sa façon de voir.

Même s’il est encore précoce d’avancer un jugement, il est temps de porter des réflexions sur le processus.

Par ailleurs, bien que le plan fasse preuve d’un changement structuré à travers la conception des objectifs et les moyens de les atteindre, le risque de l’échec est très présent si on ne s’interroge pas sur la meilleure façon d’y arriver, car, beaucoup d’organismes ont été engagés dans ce genre de changement avec une bonne volonté, mais peu d’entre eux l’ont réussi.

Dans cette perspective, notre curiosité scientifique a pour but de contribuer à la réussite de cette mutation. L’élaboration d’un modèle intégré de gestion du changement avec un caractère standard et dynamique ne peut qu’aider les organisations à mener à bien le processus du changement.

La leçon que nous avons tirée de cette recherche, et qui est confirmée par les études de cas réussis, est que la réussite d’un changement stratégique est liée à la bonne conception et à la bonne conduite de celui-ci.

Ainsi, l’élaboration du modèle de gestion du changement vient répondre à cette préoccupation, dans la mesure où elle montre aux gestionnaires les éléments à prendre en considération dans chacune des phases. De même, elle met l’emphase sur la cohérence entre la conception et la mise en œuvre.

À titre d’exemple, on ne peut concevoir une nouvelle culture si on est incapable de mettre en place un processus de production, de communication, de formation, etc., nécessaires à cette fin.

Pour moderniser avec succès, il est important de réunir tous les éléments d’une approche cohérente. Cependant, nous attirons l’attention du ministère sur certaines erreurs à éviter :

  1. Le changement stratégique ne devrait pas être urgent
  2. Il ne devrait pas être dirigé contre le personnel de l’organisation
  3. Il ne faut pas mettre la pression sur la performance à court terme

Par ailleurs, afin d’assurer la continuation et le succès du processus, nous suggérons au ministère d’opter pour les sous-plans de modernisation pour chaque direction, qui s’inscrivent dans le cadre du plan général de la modernisation du Ministère des Finances.

En effet, le Ministère est composé de 15 Directions dont la mission, la nature des activités, les problèmes et les clients diffèrent largement d’une direction à l’autre. Ainsi, il convient à chaque direction d’établir son plan de modernisation et le délai de sa réalisation, tout en respectant les grands axes du plan général.

Il s’agit, en fait, d’impliquer directement tous les acteurs de l’organisation dans le changement à travers les sous-projets de modernisation.

Cette conception pluraliste de l’organisation et de la stratégie, qui introduit la compétence de tous les acteurs et leur rôle dans la prise de décisions stratégiques (Hafsi et Toulouse, 1996), permet de rompre avec les modèles de gestion traditionnels.

Cependant, le comité de pilotage continuera de jouer son rôle en tant que superviseur, orienteur, évaluateur et appréciateur et notamment coordinateur entre toutes les directions.

Ainsi pouvons-nous attirer l’attention du ministère sur le fait que le changement de culture de l’organisme et celui de l’attitude des fonctionnaires sont souvent la partie la plus difficile du processus de modernisation ; ce qui nécessite une auto-transformation des personnes de l’organisation qui est liée, à son tour, à la compréhension de ce qui va arriver à l’action collective et donc, aux personnes elles- mêmes et à leurs interactions avec les autres (Hafsi et Toulouse, 1996).

À ce titre, une explication des objectifs et des buts à atteindre d’une façon simple est nécessaire, étant donné que le ministère ou l’organisme en général est constitué d’un ensemble de niveaux différents, ce qui fait d’ailleurs sa force. En plus, la formation ne peut que jouer un rôle favorable dans la réussite du changement et par la même, de l’organisation.

C’est pourquoi beaucoup d’auteurs ont accordé une importance considérable à la formation.

Les travaux de Simon, depuis 1945, ont montré l’importance de la formation dans l’accroissement de la rationalité des personnes dans les organisations. Ces éléments ont été bien affirmés par beaucoup de théoriciens et approuvés par les expériences de modernisation, que nous avons présentées dans ce travail de recherche.

Généralement, tout ce travail de recherche propose des leçons à tirer, des modèles à transférer et des erreurs à éviter pour chaque organisme ou institution préoccupée par un projet de modernisation.

En effet, dès le début de notre approche nous avons mis l’accent sur les expériences de modernisation de certains pays, qui servent comme modèle pour d’autres pays.

À ce titre, nous avons vu que la modernisation vise, partout dans le monde l’amélioration de la qualité des services publics, l’introduction d’une nouvelle philosophie de gestion axée sur l’introduction de la nouvelle culture (solidarité, coopération, esprit de groupe), sur la nouvelle technologie, sur la communication informelle, sur la créativité dans le secteur public, etc., l’amélioration de la performance de l’administration publique et le rapprochement de l’administration aux citoyens.

Cependant, les moyens utilisés et les objectifs tracés différent d’un pays à l’autre selon les besoins et les priorités de chacun. Or, celles–ci s’expliquent par le fait que la modernisation vise un changement de grande envergure, un changement stratégique.

À cette fin, nous avons présenté dans notre revue de littérature la théorie du changement organisationnel comme un cadre de référence général pour toutes les tentatives de changement et celle du changement stratégique comme fondement théorique spécifique pour la modernisation.

L’idée est de mettre en lumière le lien de rencontre entre les praticiens et les théoriciens à travers les contributions de ces derniers. En fait, ces auteurs cherchent à aider les gestionnaires à faire face aux pressions grandissantes provenant d’environnements externes et internes plus turbulents et imprévisibles.

Notre contribution s’inscrit dans ce sens dans la mesure où nous cherchons, à notre tour, à aider les gestionnaires à mener à bien un projet de modernisation. Pour cela, nous avons jugé utile l’examen de trois institutions ayant réussi la modernisation.

Ceci a pour but de valider notre modèle d’analyse afin qu’il serve comme modèle de référence pour tout organisme s’intéressant au changement stratégique, et en même temps, de savoir comment les autres font pour réussir leur processus.

Ainsi, nous clôturons notre étude par la présentation d’un modèle intégré de gestion du changement qui n’est autre que notre modèle ajusté. En effet, comme toutes nos propositions sont confirmées, le modèle reste un cadre d’analyse valable pour réaliser avec succès un changement organisationnel stratégique.

Cependant, pour lui donner le caractère intégrateur répondant aux divers aspects du changement stratégique, et une formule standard qui convienne à toutes les organisations, nous allons introduire quelques détails et précisions, inspirés des cas étudiés.

Ce qui répond à notre objectif de départ qui est celui de forger un modèle intégré de gestion du changement stratégique, qui pourra aider les gestionnaires préoccupés par l’implantation de la modernisation dans le secteur public.

En effet, Il fallait tout un investissement et autant d’efforts pour arriver à cette fin.

Le modèle intégré de gestion du changement stratégique

Le modèle intégré de gestion du changement stratégique

Étant le fruit d’une étude théorique (la théorie du changement organisationnel et le modèle de gestion de celui-ci) et pratique (les expériences réussies : Comment font les autres ?), le modèle a davantage le mérite d’être un moyen de rapprochement des écarts entre la haute direction et le personnel, dans la mesure où les deux unités sont obligées de travailler en étroite collaboration pour réussir le processus du changement.

En effet, l’implantation du changement exige la participation de tous les acteurs concernés par celui-ci dans toutes les phases de son processus.

La participation ne peut pas se faire en dehors d’une structure flexible permettant la communication informelle, la créativité et la libre circulation des informations, ce qui met ainsi fin à la structure rigide.

Bien que le modèle permette le succès du changement, il n’en demeure pas moins que la gestion du changement exige des chefs de file de qualité, de leadership visionnaire et dynamique, afin de pousser les gens à coopérer pour la réalisation d’un but commun.

Enfin, rappelons quelques recommandations qui devraient être toujours présentes à l’esprit non seulement au cours du processus de changement, mais aussi après la réussite de celui-ci.

En effet, comme l’affirme Hafsi (1995) dans son article, le changement c’est la vie, « il n’y a de permanent que le changement », « il faut faire le changement, […] ne serait –ce que pour rester la même (l’organisation). »

Les recommandations sont les suivantes :

  1. 1- Être à l’écoute.
  2. 2- Avoir l’esprit de groupe.
  3. 3- Instaurer une culture de coopération et de solidarité.
  4. 4- Valoriser les ressources humaines et développer les compétences (formation et motivation).
  5. 5- S’ouvrir vers le client.
  6. 6- Responsabiliser les fonctionnaires à tous les niveaux.
  7. 7- Doter le client des moyens de contrôle (on fixe les délais d’attente à 15 jours au maximum, par exemple).
  8. 8- Personnaliser l’administration.

Cependant, une question qui nous revient constamment à l’esprit tout au long de l’examen des expériences de modernisation réussies et que nous laissons ouverte pour les recherches ultérieures : Comment peut-on gérer les imprévus qui surviennent au cours du processus de changement et qui peuvent influencer négativement ce dernier ?

Table des matières

Introduction générale 1
Chap. 1 La mise en situation 9
1.1 Qu’est ce que le management public ? 10
1.1.1 Les fonctions du management selon Dunlop 11
1.1.2 L’environnement externe du management public 14
1.1.3 Fondement du nouveau management public (N.M.P) : 16
1.2 Les expériences de réformes administratives 19
1.2.1 L’expérience de modernisation française 20
1.2.2 La réforme au Royaume-Uni 26
1.2.3 L’expérience de modernisation aux États-Unis 32
1.2.4 La réforme administrative en Nouvelle-Zélande 38
1.2.5 Les réformes administratives au Canada 40
1.3 Pourquoi ces tentatives de réformes? 48
1.3.1 La crise de la gestion publique 48
1.3.2 Les besoins de changement en général. 51
1.3.3 La mondialisation et la crise de la gestion 52
Chap.2 Le changement organisationnel 56
2.1 Définition du changement organisationnel 56
2.2 Les différentes approches du changement 57
2.2.1 L’approche néo- institutionnelle et écologiste 58
2.2.2 L’approche culturelle 60
2.2.3 L’approche configurationniste 61
2.3 Les différents niveaux du changement 62
2.4 Le changement stratégique 63
2.4.1 Les classiques et le changement stratégique 64
2.4.2 Les contemporains et le changement stratégique 65
2.4.3 Définition du changement stratégique 66
2.4.4 Le rythme d’implantation 69
Chap. 3 Le cadre théorique, propositions et modèle 71
3.1 Le cadre théorique 71
3.1.1 Le développement organisationnel (DO) 72
3.1.2 Les modèles de Lewin et de Collerette (1951, 1997) 73
3.1.3 Le modèle de changement planifié (1958) 76
3.1.4 Le modèle intégrateur de Bullok et Batten (1985) 77
3.2 Le cadre opératoire 78
3.2.1 La construction du modèle d’analyse du changement stratégique 80
3.2.2 Les propositions de recherche 85
3.2.3 Définition des concepts clés 86
3.3 La méthodologie 91
3.3.1 La méthode de collecte des données 92
3.3.2 La méthodologie utilisée pour tester les propositions. 96
Chap. 4 Description des cas 98
4.1 Le cas du Ministère des Finances et des Relations corporatives de la Colombie-Britannique (C-B) : Bureau d’enregistrement des titres mobiliers 100
4.1.1 La conception du changement chez le Ministère des Finances et des Relations corporatives de la C-B 100
4.1.2 La mise en œuvre du nouveau système (du changement) 103
4.1.3 Les résultats 105
4.2 Le cas du Ministère de la Consommation et du Commerce de l’Ontario : Bureau du registraire général 106
4.2.1 Les raisons du changement 108
4.2.2 La conception du changement 108
4.2.3 La mise en œuvre du changement 110
4.2.4 Les résultats 112
4.3 Le cas de la Commission de la Santé et de la Sécurité du Travail 115
4.3.1 La conception du changement chez la CSST 116
4.3.2 La mise en œuvre du changement chez la CSST 117
4.3.3 Les résultats 119
Chap. 5 Analyse et discussion 121
5.1 Analyse générale du processus de changement 122
5.2 Les modalités d’implantation de la gestion innovatrice selon les besoins de chacune des institutions 128
5.2.1 Le Ministère des Finances de la C-B et son modèle de gestion du changement par projet : Modèle partiel 129
5.2.2 Bureau du Registraire Général du Ministère de la Consommation et du Commerce de l’Ontario et son modèle de gestion du changement par programme : Modèle Global 130
5.2.3 La CSST et son modèle de gestion du changement par résolution des problèmes : le modèle porte feuille 131
5.2.4 La comparaison des trois modèles 132
5.3 La discussion des propositions 134
Conclusion Générale : Quelles leçons pour le Maroc ?

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
Université 🏫: Université de MONTREAL - Ecole des hautes études commerciales affiliée
Auteur·trice·s 🎓:
Hayat BEN SAID

Hayat BEN SAID
Année de soutenance 📅: Mémoire présenté en vue de l’obtention du grade de maître ès sciences (M. Sc.) - Avril 2025
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