Place de la sage-femme dans la prévention en santé bucco-dentaire

Place de la sage-femme dans la prévention en santé bucco-dentaire

La place de la sage-femme dans la prévention en santé bucco-dentaire

Nous nous devons de souligner que 80% des sages-femmes considèrent qu’elles peuvent être une « personne ressource » dans le domaine de prévention en santé bucco- dentaire et grossesse.

Ce résultat est particulièrement encourageant et incite à mettre en œuvre dès que possible ce rôle de « personne ressource ». Le résultat aurait été plus probant s’il n’y avait pas eu un biais dans la compréhension de ce qu’est une « personne ressource » (13% des sages-femmes ne sont pas prononcées à l’énoncé de cette question).

Les conditions nous paraissent ainsi particulièrement bien remplies pour engager des actions de prévention. Parmi celles-ci, citons l’idée d’un dépistage bucco-dentaire systématique au cours de la grossesse qui reçoit dans notre enquête 87% d’avis favorables parmi les sages-femmes interrogées.

Notons qu’en pratique, la majorité d’entre elles (75%) orientent leurs patientes vers un chirurgien-dentiste lorsqu’elles se plaignent de douleurs dentaires (50% des sages-femmes rapportent que leurs patientes se plaignent souvent d’avoir des douleurs dentaires ou des gingivorragies) ; or, à ce stade, les pathologies sont déjà installées.

Nous pouvons aussi évoquer les conseils d’hygiène bucco-dentaire prodigués par les sages-femmes au cours du suivi de grossesse. La HAS recommande d’ailleurs une information sur l’hygiène dentaire au cours de l’entretien prénatal du quatrième mois. (8)

Nos résultats montrent que seulement 35% des sages-femmes prodiguent de tels conseils à leurs patientes. Ceux qui reviennent le plus sont : la technique de brossage de dents, la consultation chez un chirurgien-dentiste, les soins concernant les gingivorragies, et une bonne hygiène alimentaire. Ces points font particulièrement écho aux recommandations de l’UFSBD (29).

Dans la littérature, pour les études concernant les connaissances en santé bucco-dentaire chez les professionnels de l’obstétrique, nous retrouvons des résultats similaires. Par exemple, bien que les notions de parodontite et de gingivite soient apparemment connues des obstétriciens, il y a une intégration limitée de ces connaissances en pratique clinique.

Seulement 51% d’entre eux recommandent un examen dentaire au cours de la grossesse, alors que 84% ont signalé la maladie parodontale comme facteur de risque d’accouchement prématuré et de naissance d’enfant hypotrophe. (31)

Une étude conduite aux Etats-Unis auprès de 240 professionnels (médecins, sages- femmes, infirmières) a montré que 55% des personnes interrogées reconnaissaient un lien entre parodontopathies et risques pour la grossesse.

Dans la pratique, 63% d’entre eux faisaient une vérification de la cavité buccale de leurs patientes ; seuls 43% ont déclaré être formés pour faire un examen oral et 41% d’entre eux estimaient avoir le temps d’appliquer cette prévention durant leur temps de consultation. La collaboration avec les chirurgiens- dentistes pour réduire les risques au cours de la grossesse était jugée nécessaire pour 52% d’entre eux.

Plus de la moitié souhaitaient être formés en prévention santé bucco-dentaire. L’intégration d’un cours sur la santé bucco-dentaire dans les programmes de tous les professionnels en contact avec la femme enceinte a été envisagée, même si l’article ne précise pas si elle a été mise en place. (32)

Vers un enseignement en santé bucco-dentaire

Alors que la HAS stipule que tous les professionnels en contact avec la femme enceinte devraient avoir un programme de formation concernant la maladie carieuse (8), la majorité des sages-femmes interrogées, quelle que soit leur ville initiale de formation ou leur promotion, indiquent n’avoir jamais bénéficié d’enseignement en santé bucco-dentaire au cours de leurs études. A l’heure actuelle, par exemple, cet enseignement ne fait pas partie du programme d’études de l’école de sages-femmes de Bordeaux.

De fait, il apparaît que le champ de connaissances en santé bucco-dentaire des sages- femmes relève pour l’essentiel du domaine informel, entre autres via leur chirurgien dentiste personnel (66%), les revues médicales (29%), internet, télévision, magazines, entourage ou expérience professionnelle.

L’étude montre aussi l’existence de fausses croyances comme l’idée qu’une anesthésie, une extraction ou un détartrage ne puissent être réalisés durant une grossesse. Deux sages- femmes ont répondu notamment que le soin de la carie était contre-indiqué pendant la grossesse alors que celle-ci peut, et surtout, doit être impérativement traitée.

Ce caractère informel des connaissances se traduit dans notre étude par une adhésion quasi-totale des sages-femmes interrogées (97%) à la demande d’informations de niveau professionnel en santé bucco-dentaire chez la femme enceinte.

Dans un premier temps, il nous semblerait nécessaire d’insérer un module d’enseignement concernant la santé et les pathologies bucco-dentaires, par exemple dans le programme de la 2ème phase des études de sages-femmes.

Il serait important d’y aborder principalement les modifications physiologiques de la sphère bucco-dentaire pendant la grossesse, les pathologies bucco-dentaires observées au cours de cette période et plus particulièrement les maladies parodontales, ainsi que leurs conséquences sur le déroulement de la grossesse et la santé du nouveau-né.

Sans oublier, la problématique des soins bucco-dentaires et des périodes de la grossesse, les traitements spécifiques dont l’antibiothérapie, l’anesthésie et la radiographie de la sphère bucco-dentaire.

Il faudra insister sur les conseils de prévention et d’hygiène que l’on peut dispenser à la parturiente au cours du suivi de la grossesse et même après et promouvoir une visite systématique chez un chirurgien-dentiste.

Une sage-femme doit en sortant de l’école, être sensibilisée à ce problème afin qu’elle soit apte à appliquer cette prévention au début de sa carrière et diffuser ces notions. Cet enseignement permettra de « briser » les fausses croyances qui persistent et de d’aider à la mise en place d’une prise en charge systématique de la santé bucco-dentaire au cours de la grossesse.

Tous les postes fonctionnels occupés par les sages-femmes sont-ils candidats au titre de « personne ressource » en prévention santé bucco-dentaire et grossesse ?

Les sages femmes réalisant majoritairement des consultations de suivi de grossesse (exercice libéral, PMI, CHU avec poste fixe en consultation) sont-elle des « personnes ressources » idéales, du fait de leur rôle prépondérant en période d’ante-partum ? Nos résultats ne confirment cette hypothèse que pour les conseils d’hygiène bucco- dentaires (p= 0.014) ; sur les autres critères, aucune différence significative n’a été retrouvée, ce qui peut être dû à un effectif relativement insuffisant de notre étude.

Ces sages-femmes, plus particulièrement chargées du suivi de la grossesse et en première ligne pour la prévention, constitueraient alors la cible privilégiée pour une formation spécifique à la prévention en santé bucco-dentaire et grossesse.

C’est un point qui peut se révéler important dans le développement d’une campagne de formations à la prévention, notamment en matière de réduction des coûts de la campagne ou surtout en termes d’efficacité. Sans doute, faudrait-il étendre notre étude à un plus grand nombre pour confirmer la place particulière de ce groupe de sages-femmes dans une politique de prévention.

D’un autre côté, l’existence d’un seul test significatif ne suffit pas à affirmer une tendance, et la population de notre étude, même s’il manque la moitié des sages-femmes en exercice libéral, constitue un panel plutôt représentatif du groupe professionnel des sages- femmes de Bordeaux.

Il est donc possible que les deux groupes ne présentent pas en réalité de réelles différences (en dehors de celle citée) au plan global. Par ailleurs, le parcours des parturientes n’est pas nécessairement standard et toute sage-femme, même si elle n’est pas spécialement axée sur le suivi de la grossesse (polyvalence), peut être amenée à une prise en charge initiale d’une parturiente pouvant bénéficier de conseils adaptés en santé bucco- dentaire.

D’où notre préconisation de s’adresser à l’ensemble des sages-femmes comme vecteur d’informations et de prévention, quel que soit le poste qu’elles occupent. Il est impératif en tout cas, qu’en matière de formation de base, elles puissent bénéficier dans leur ensemble de connaissances établies et structurées sur ce champ de la pratique.

En matière de formation continue, cela peut se discuter, sauf pour le groupe des sages- femmes chargées du suivi de la grossesse qui reste, quels que soient les résultats, celui qu’il faut privilégier comme interlocuteur et porteur de messages de prévention.

La plaquette d’information comme vecteur de message de prévention

Notre plaquette d’information a été très bien reçue par les sages-femmes. Elles ont trouvé les informations qui y figuraient pertinentes et ont jugé qu’elles pourraient être utiles dans leur pratique courante. De plus, pour la quasi-totalité d’entre elles, elle leur a apporté ou confirmé de nouvelles connaissances. Par ailleurs, elle a généré une plus grande adhésion à l’idée de pouvoir jouer un rôle de « personne ressource » dans la prévention en santé bucco-dentaire et grossesse (80% avant vs 95% après lecture de la plaquette).

Pour un quart des sages-femmes interrogées, il manquait sur la plaquette des informations concernant l’antibiothérapie, les conséquences sur le nouveau-né et les soins dentaires durant l’allaitement. Elles auraient également souhaité qu’il y ait plus de conseils pratiques comme le type de brosse à dents à utiliser, le type de dentifrice, la méthode de brossage efficace et les soins spécifiques en cas de gingivorragies.

Ces résultats nous encouragent à promouvoir le support des plaquettes d’information comme vecteur de message de prévention. Il nous semblerait d’ailleurs pertinent d’en généraliser la distribution et d’en construire d’autres sur des thématiques plus spécifiques.

De l’importance d’un accompagnement oral

Malgré le taux élevé de non participation des sages-femmes libérales à notre étude, il faut souligner le très bon accueil que nous avons reçu des sages-femmes au moment de la présentation de notre étude ; elles ont été réceptives aux informations que nous leur avons données.

Le fait d’être présent au moment de la remise et de la réception des questionnaires nous a permis d’avoir un échange plus approfondi avec les sages-femmes grâce auquel nous avons pu récolter d’autres informations.

Cet échange a fait ressortir notamment l’intérêt d’élaborer une plaquette à l’intention des femmes enceintes pour sensibiliser ces dernières aux problèmes de santé bucco- dentaire. Elles suggèrent d’adapter la plaquette en l’illustrant davantage et en mettant plus d’informations pratiques ; plus intéressant encore, une sage-femme de PMI nous a suggéré de publier des plaquettes en plusieurs langues pour les patientes ne parlant pas français.

A ce propos, il importe de souligner combien la simple distribution d’une plaquette ne suffit pas à assurer la transmission de messages de prévention. Il est indispensable qu’elle soit accompagnée d’un discours oral adapté et accessible à la parturiente.

Le travail réalisé à Metz par une étudiante sage-femme sur santé bucco-dentaire et grossesse a montré notamment que 17 femmes enceintes sur 30 se souviennent avoir reçu une plaquette d’information alors que cette dernière a été distribuée à la totalité d’entre elles ; c’est dire l’importance d’un support d’accompagnement oral au support d’accompagnement écrit de la plaquette. (33)

La question du relais de la prévention

Lors de nos discussions, les sages-femmes ont fréquemment mentionné le fait que les dentistes refusaient souvent la prise en charge des femmes enceintes et préféraient repousser les soins en post-partum.

Ces refus pourraient décourager les sages-femmes à adresser leurs patientes à un professionnel de l’odontologie et expliquerait le fait que les sages-femmes n’adressent leurs patientes aux chirurgiens-dentistes qu’en cas de réel problème.

Après vérification, il s’avère qu’en effet, le sujet de la femme enceinte est abordé de manière insuffisante lors de la formation des étudiants de l’UFR d’odontologie de la faculté de Bordeaux, comme d’ailleurs à l’échelle nationale où il semblerait qu’il existe à ce sujet des disparités de formation entre les facultés dentaires.

Un magazine intitulé « Le courrier du dentiste » a publié un article sur les soins possibles au cours de la grossesse en mettant en avant le fait que certains praticiens étaient assez réfractaires à l’idée de soigner des femmes enceintes ; l’article rappelle qu’aucun soin dentaire n’est contre-indiqué au cours de la grossesse, et qu’au contraire, l’abstention de soins pourrait avoir des répercussions chez la femme enceinte et le fœtus.

Il est souligné par ailleurs que la période la plus appropriée pour un soin dentaire se situe idéalement entre le 4ème et le 7ème mois et ; le 1er et le 3ème trimestre étant préférentiellement réservés aux soins d’urgence (12). Ceci pourrait expliquer certains refus de soins par les chirurgiens-dentistes mais il serait nécessaire d’interroger ces professionnels afin de connaître les raisons précises de ces refus.

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