L’innovation financière comme vecteur de liquidité

L’innovation financière comme vecteur de liquidité

Dans cette direction, l’avènement de la titrisation a ouvert un premier front, en décuplant du même coup le champ des possibles. Le phénomène a introduit un changement radical dans les problématiques de financement immobilier : en rapprochant les marchés de capitaux et la sphère bancaire autour d’un même projet de financement, elle a considérablement amélioré la liquidité globale du secteur.

Dans le cas des titrisations de prêts hypothécaires dont l’objet est un immeuble commercial par exemple100, le prêt lui-même est le plus souvent garanti par les loyers encaissé : la titrisation réduit alors sensiblement les coûts d’investissement, en abaissant les niveaux de fonds propres requis pour chaque transaction.101 Cette source de financement permet ainsi aux emprunteurs de se soustraire aux contraintes d’un endettement traditionnel, souvent limité par des ratios d’endettement sur fonds propres… Dans la mesure où chaque transaction est isolée dans un SPV102, la dette titrisée ne figure plus au bilan du cédant : ce type de montage peut donc se révéler très efficace pour des fonds immobiliers qui souhaiteraient accéder à un surcroît de liquidité, sans augmenter pour autant leur niveau d’endettement.

Si la technique semble vouée à optimiser les problématiques de financement, et améliorer en conséquence la liquidité globale du secteur, elle ne peut toutefois constituer une réponse au problème de l’illiquidité tel que les fonds immobiliers non cotés le connaissent ; nous ne nous égarerons donc pas plus longtemps dans cete direction.

Un nouvel axe d’innovation touche aux structures d’investissement elles-mêmes. A cet égard, l’univers non coté a été marqué ces dernières années par l’apparition d’un nouveau véhicule, plus que jamais profilé pour réaliser l’amalgame entre la liquidité et la pierre : les fonds de fonds immobiliers.103 Ces véhicules ouvrent incontestablement un nouveau chapitre de l’histoire du non coté, en vue de concilier l’exigence de liquidité avec les nécessités d’un engagement de long terme, propre à l’immobilier.

Les fonds de fonds immobiliers peuvent en effet répondre de manière plus flexible aux demandes de remboursement, et pour cause : ils sont en mesure de négocier les parts de fonds sous- jacents sur un marché secondaire.

Pourtant, chaque crise de liquidité devient une menace vitale pour eux : si chacun des fonds sous-jacents suspend les liquidités, c’est tout leur business model qui est menacé. En l’état, il semble trop tôt104 pour évaluer dans quelle mesure l’essor des fonds de fonds sera de nature à améliorer de manière globale la liquidité du secteur. On peut toutefois supputer que la trajectoire des fonds immobiliers en sera impactée, si l’on en juge par l’évolution ressentie ces dernières années.

Ces véhicules pourraient par exemple concentrer des investisseurs au profil plus « sensible » du point de vue de la liquidité (nous entendons par là des associés susceptibles de recourir à des arbitrages massifs, et sans horizon d’investissement prédéfini), et détourner des fonds immobiliers traditionnels une partie du risque associé…

100 Il existe plusieurs formes de titrisation, viser si besoin l’excellent papier de l’AFG sur le sujet.

101 d’autant plus que le cédant conserve en général le rôle de gestionnaire des créances cédées (gestion courante, recouvrement, etc.) ce qui lui permet de devenir prestataire de service et ainsi de bénéficier d’une rémunération supplémentaire.

102 Special Purpose Vehicle, un véhicule ad-hoc.

103 Le premier d’entre eux fut lancé en 2005, par une filiale du groupe Aberdeen.

104 Pour l’heure, ce type de placement reste naturellement en dehors du périmètre grand public, et demeure l’apanage de quelques happy few institutionnels, engagés à un stade encore « expérimental » du produit.

Le paysage financier recèle par conséquent de potentialités à explorer, avec plus ou moins de visibilité cela dit. Mais dans cette quête d’efficience, une technique nourrit d’ores et déjà tous les fantasmes en matière de gestion de la liquidité : il s’agit des produits dérivés, dont l’avènement annoncé dans l’univers de la gestion d’actifs immobiliers nourrit les espoirs de nombreux gérants.

Pour rappel, un dérivé est un contrat organisant entre deux parties le versement de flux financiers futurs, basés sur ceux d’un actif sous-jacent. Ces contrats sont particulièrement prisés sur les marchés financiers, pour gérer le risque de prix. … Lors d’une transaction sur un produit dérivé immobilier, on échange donc la rémunération de la trésorerie contre le rendement total donné par un indice lié au marché de la pierre (ou l’inverse) ; c’est le cas des swaps notamment, qui représentent la quasi-totalité des opérations.

En pratique, trois grandes familles de dérivés démontrent une certaine pertinence dans le cadre d’une exposition à l’immobilier : les swaps, les certificats, et les options. Les certificats de revenus immobiliers s’attachent à délivrer simplement les rendements affichés par IPD pendant un laps de temps défini à l’avance. Les swaps de rentabilité globale, eux, permettent à l’acheteur de recevoir le rendement de l’immobilier, en échange d’une commission. Enfin, les options offrent la capacité d’acheter ou vendre différents supports pendant une période déterminée, sur la base d’un prix fixé à l’avance.

Intrinsèquement, les marchés immobiliers ne constituent pourtant pas un terreau favorable à l’essor de produits dérivés. Ils se caractérisent en effet par une certaine opacité, une illiquidité patente, et un volume de transaction bien moindre qu’en Bourse.

Mais la tentation de lorgner vers les dérivés reste vive, car les atouts sont légion : vitesse d’exécution des transactions, aptitude à sauter d’une position à l’autre (à des années lumières des quelques mois nécessaires à la réalisation d’actifs immobiliers physiques), absence de droits de mutation sur certains produits dérivés, et surtout coûts d’intermédiation minimes, sans commune mesure avec la rémunération des intermédiaires à une vente… L’inventaire des bénéfices attendus effleure ainsi bon nombre de chimères immanentes à l’investissement immobilier… !

105 Financial Services Authority

Les premières émanations de ces techniques firent donc leur apparition dans le cénacle immobilier il y a une vingtaine d’années, mais la crise des années 90 leur porta vite un sévère coup d’arrêt. Elles ressurgirent finalement à l’aube des années 2000, sous l’impulsion d’une place londonienne dynamique.

Le coup d’envoi fut donné par une décision de la FSA105 permettant aux compagnies d’assurance-vie – dont on sait qu’une part importante de l’actif est investie en immobilier – de comptabiliser les swaps et contrats à terme (forwards) immobiliers dans le calcul de leurs ratios de solvabilité. Le premier swap de performance globale (total return swap) vit le jour dans la foulée,en 2002.

Les dérivés immobiliers affichent depuis un succès croissant, tant au Royaume-Uni que sur le continent, où le système a fait des émules. En 2006, l’ISDA106 publia des définitions normatives pour les contrats de swaps immobiliers, leur offrant du même coup le format juridique indispensable à leur expansion.

Celle-ci ne se fit pas attendre : le premier swap de performance sur l’indice IPD France fut conclu fin 2006 (entre Merrill Lynch et Axa REIM), puis la technique gagna l’Allemagne, la Suisse et l’Italie l’année suivante.

Depuis, le marché n’a cessé de s’internationaliser : les places asiatiques enregistrèrent leurs premières opérations peu après, avec l’entrée en jeu de l’Australie puis du Japon aux 2ème et 3ème trimestre 2007.

Sur la seule place londonienne, les montants transactés s’élevaient à près de 15 milliards d’euros avant la crise « post-Lehmann », soit près de 20 % du marché immobilier britannique. Le mouvement semblait alors plus timide dans l’hexagone, oscillant entre 3 et 5 % de l’investissement dans la pierre. (Soit un volume avoisinant les 850 millions d’euros, répartis sur 45 contrats.) Les chiffres restent donc modestes, comparés au volume d’investissement sur le sous-jacent physique107 ; on peut d’ailleurs parler de marchés embryonnaires si l’on considère les volumes d’échanges enregistrés sur les autres classes d’actifs, tels que les taux d’intérêts.108

A l’origine, ces produits dérivés sur immobiliers étaient destinés à une clientèle constituée en majorité d’end-users (investisseurs, foncières, utilisateurs…) souhaitant gérer leur positionnement immobilier de façon active – soit pour se couvrir, soit pour créer une poche de performance à côté de l’investissement immobilier physique lui-même. Cependant, très peu interviennent régulièrement sur ce marché dans les faits : la technique reste essentiellement confinée à un cercle de spécialistes et d’établissements bancaires.

Les dérivés ont donc encore du chemin à parcourir avant d’inonder les marchés immobiliers. Aux Etats-Unis par exemple, de nombreuses tentatives de lancement ont avorté, essentiellement en raison de la qualité insuffisante des indices. On perçoit là tout le défi du secteur : l’obligation pour les supports utilisés de reproduire fidèlement la performance du marché immobilier.

106 International Swaps and Derivatives Association.

107 A titre indicatif, il s’élevait pour l’année 2007 à 78 Milliards d’euros au Royaume-Uni, et 28 milliards d’euros pour la France, données CBRE.

108 Sur les marchés financiers classiques, les dérivés représentent régulièrement cinq à dix fois les volumes d’investissement sur le comptant.

Mais une fois cette difficulté surmontée, les dérivés révèlent une incomparable aptitude à traiter les faiblesses structurelles de l’immobilier : ils prodiguent une liquidité améliorée, engendrent des coûts de transaction moindres, ouvrent des perspectives d’exposition à des marchés difficiles d’accès, et – cerise sur le gâteau – permettent même de dégager de la performance à contre-cycle, lorsque les prix de l’immobilier s’effondrent ! Il ne faut toutefois pas perdre de vue qu’au demeurant, le marché se crée parce que les anticipations des uns et des autres diffèrent.

L’expression de besoins divergents entre acteurs d’une même industrie est donc une condition indispensable au développement de produits dérivés. (On peut aisément imaginer d’un côté le souhait de s’assurer contre d’éventuelles fluctuations des prix de l’immobilier, et de l’autre des ambitions spéculatives, ou un besoin d’exposition particulière, par exemple) Enfin, un fonctionnement totalement efficient implique la préexistence d’un marché sous-jacent fiable et transparent, disposant si possible d’un historique conséquent. Dès lors, comment les produits dérivés sont-ils susceptibles de faire le jeu de la liquidité des fonds immobiliers ?

Autant dissiper d’emblée toute inclinaison utopiste : ils ne sauraient incarner l’antidote absolu, et ne constituent certainement pas un remède a posteriori en cas de crise d’illiquidité. Mais de manière plus réaliste, leur usage peut révéler des vertus préventives, permettant d’étouffer nombre de départs de feu.

Pour ceux qui avaient su anticiper le récent retournement de marché par exemple, il eut été intéressant de capitaliser sur ces prévisions méritoires, et cristalliser sur la durée une performance, quand tout le secteur enregistrait des pertes… Comment ? C’est là tout l’intérêt des options, dont l’ingénieux mécanisme aurait permis de réduire à temps son exposition à l’immobilier, et prendre date lorsque la courbe des rendements semblait au plus haut.

Techniquement, l’opération consiste à prendre des positions vendeuses nettes sur le marché. Ainsi, si la conjoncture se dégrade, la baisse des valeurs d’actifs sous-jacents sera compensée par une augmentation de sa position vendeuse sur l’indice (grâce à l’évaluation Mark-to-market du swap), à condition bien entendu que le gérant ait établi une position optimale, qui minimisera la volatilité de son portefeuille immobilier. Saluons ici l’innovation, qui offre aux professionnels de la gestion d’actifs immobiliers les moyens d’être plus fourmi que cigale. L’image laissera difficilement insensible une industrie qui a su prospérer sur la gestion d’une épargne- retraite, et qui vénère avant tout la sécurité du placement.

Il convient toutefois de tempérer la portée d’une telle solution. Toute la limite du mécanisme réside en effet dans son fondement : si les acteurs anticipent tous de la même façon les évolutions de marché, point de transactions.

Structurellement, les investisseurs restent positionnés ‘long’ sur l’immobilier. Or, dans l’optique d’une gestion stratégique de l’allocation, les transactions sur produits dérivés ouvrent clairement la voie aux changements tactiques de court terme. Le recours aux synthétiques permet ainsi une exposition ‘short’, réduisant de manière drastique l’horizon temporel des placements immobiliers. Les cycles s’accélérant, le marché gagne en fluidité. En cela, les dérivés constituent un formidable vecteur de liquidité du marché ; ils peuvent être exécutés rapidement et facilement.

Le contraste parle de lui-même : la vitesse de négoce frôle l’instantanéité sur le marché synthétique, alors que la réalisation d’un immeuble peut demander plusieurs mois, et que les fonds imposent fréquemment des délais de sortie du même ordre.

Pour un institutionnel, la potentialité de nouer un contrat de swap immobilier, et le déboucler un an plus tard aux mêmes conditions, ouvre alors une fenêtre de tir idéale… Sur le terrain de la vitesse d’exécution, les dérivés immobiliers marchent dans les pas du secteur coté, offrant une réactivité théorique de tout premier ordre. De fait, le magnétisme pour la liquidité rencontre ici un pôle d’attraction sans égal !

En marge du critère de « réactivité » pure, l’illiquidité est également imputable aux coûts d’entrée sur le marché, lesquels tendent à s’effacer miraculeusement dans le cadre d’une exposition à travers les dérivés. En contournant les frottements de l’immobilier physique (frais de commercialisation, conseil, imposition, etc.), ainsi que l’ensemble des frais de fund et d’asset management 109 inhérents à l’investissement indirect, les produits élaborés sur la base des indices IPD offrent une liquidité bien supérieure.

Le coût de l’opération apparaît marginal. Seul l’écart offre- demande (bid-offer spread) justifie une marge, ainsi que les frais de courtage s’ils sont applicables ; de fait, lorsque l’on compare aux frais réels engagés dans la pierre, le montant devient dérisoire.

En l’espèce, l’amplitude du spread s’apprécie elle-même en fonction de la liquidité du segment : il s’affine à mesure que les acheteurs et vendeurs potentiels affluent sur le marché, et inversement. Dans la pratique l’écart demeure bien plus fin dans l’univers synthétique que dans un marché immobilier traditionnel110, ce qui suggère un niveau de liquidité supérieur.111

Les investisseurs stigmatisent pourtant toujours le manque de profondeur du marché, véritable défaut de jeunesse. Malgré des volumes croissant d’année en année, l’ensemble demeure immature112, et les contreparties peuvent venir à manquer sur les plus grosses opérations. Or l’illiquidité agit comme un frein à la volatilité, laquelle est pourtant nécessaire afin de générer des positions non-alignées. Le marché des dérivés immobiliers sera-t-il un jour suffisamment fluide pour soutenir l’effort de liquidité des fonds ? La réponse apparaît polémique, et mériterait un développement à part entière ; ce n’est toutefois pas là l’objet de notre réflexion, nous nous garderons donc de nourrir le débat.

On mentionnera simplement que le turnover observé jusqu’alors sur certains créneaux synthétiques s’approche des niveaux atteints sur les actions des REITS, tutoyant ainsi les cimes les plus liquides du compartiment immobilier.

Un usage judicieux des dérivés peut conduire à d’autres applications, plus fines encore, vouées à diluer le risque de liquidité. L’idée centrale vise à conjuguer le recours aux dérivés avec la cyclicité des actifs. Dans cette optique, on pourrait imaginer une stratégie s’appliquant à hedger systématiquement les actifs producteurs de cash-flows longs mais illiquides (au travers de contrats de swap par exemple), et garder en première ligne les immeubles les plus matures, susceptibles d’être réalisés.

L’avantage appréciable pour un investisseur de taille, c’est d’éliminer ainsi les barrières à l’entrée inhérentes aux grosses transactions immobilières, et même contourner la difficulté à trouver les actifs désirés. Plus besoin de considérer l’horizon de détention comme « long terme » de manière intangible, et de provisionner en conséquence l’illiquidité de ces actifs… La solution synthétique permet de prendre position sur un créneau immobilier sans avoir à porter matériellement l’immeuble !

109 avec pour corollaire, les commissions de surperformance, pénalités de sortie et autres forfaits divers.

110 Le spread varie généralement au sein d’un fourchette comprise entre 1 et 1.5% – légèrement plus en dehors du Royaume-Uni – quand l’investissement direct et les véhicules de placement collectifs affichent 10 à 20%

111 « si la liquidité doit être mesurée à travers le bid / ask, alors ‘oui’ le marché peut être qualifié de liquide, avec un spread de quarante points de base sur les segments les plus actifs – Les All property UK » dixit Loic Guilloux, Managing Director chez Merrill Lynch.

112 On estime qu’environ 40% du volume transacté correspond à de l’inter-banque pour l’instant, source Merrill Lynch toujours.

Il y a peu, un institutionnel qui souhaitait réduire son exposition n’avait d’autre solution que de céder une partie de ses actifs, consommant beaucoup de temps et engendrant des coûts de transaction élevés. Grâce aux dérivés désormais, nul besoin de céder les immeubles : le risque immobilier est transformé en risque de taux durant une période définie à l’avance, allant généralement de un à cinq ans. La méthode se pose donc en sérieuse alternative à la vente des actifs, d’autant plus qu’elle épargne à l’investisseur le désagrément de vendre dans un marché orienté à la baisse.

On peut identifier là un progrès considérable du point de vue de la liquidité en général, dans la mesure où ça permet de se positionner concrètement sur un actif sans même disposer de cash portefeuille. De façon analogue, vendre l’indice est une excellente manière d’alléger sa position sur le secteur, sans avoir à se dessaisir physiquement des immeubles.

Pour un fonds immobilier, cette technique permet donc d’assurer le besoin de liquidité sans se séparer matériellement des actifs – autrement dit, sans pénaliser le fonds à plus long terme ! Si l’on part du principe que la vocation d’un fonds immobilier reste la détention des actifs jusqu’à maturité des immeubles, et que l’arbitrage ne doit être effectué qu’en dernier ressort, les dérivés offrent là une marge de manœuvre prodigieuse aux sociétés de gestion.

Tout l’enjeu pour elles consistera alors à savoir réduire à bon escient leur exposition à l’immobilier, de manière temporaire, pour éviter la contrainte d’arbitrer un portefeuille dans sa totalité – et traverser les zones de turbulences sans effet préjudiciable à la liquidité du fonds.

L’industrie immobilière a probablement tout intérêt à promouvoir ces outils. Ils portent en eux le germe d’un vaccin efficace contre l’illiquidité. Ils pourraient surtout offrir aux institutionnels un substitut enviable à l’arbitrage franc et massif de leurs positions. Plutôt que de toquer à la porte d’un véhicule pour demander à en sortir, les assureurs et autres fonds de pension auraient recours à des swaps pour ajuster leur allocation… ainsi, plus d’appels d’air massifs fatals à la liquidité du fonds ! Les volumes réduits d’appel de capitaux, et la plus grande liquidité qui en résulte, amèneraient également un surcroît de flexibilité dans l’exécution des stratégies d’investissement immobilier…

Enfin, la conception de l’endettement comme réponse au besoin de liquidités pourrait également être bouleversée. Lorsqu’une crise génère un stress ponctuel de liquidité, le recours à la dette apparaît en effet comme une option privilégiée par les fonds immobiliers non cotés – pour la fraction d’entre eux qui disposent de cette opportunité. Les cessions d’immeubles nécessitant des délais importants, le robinet du crédit demeure l’un des seuls moyens permettant de servir une liquidité immédiate. Mais la manœuvre introduit dans le même temps une menace importante : elle surexpose aux risques idiosyncratiques de l’immobilier les investisseurs restants, via l’augmentation de l’effet de levier ! Sur ce point encore, le marché synthétique dispose d’amortisseurs.

En utilisant des swaps de performance, le gérant peut effectivement corriger la surexposition de son fonds : il lui suffit d’échanger la fraction excédentaire de l’exposition immobilière contre un taux variable (Euribor, plus une marge). Ce faisant, il neutralise la surexposition au risque immobilier des investisseurs les plus fidèles. Dans l’hypothèse où des souscriptions interviendraient peu après les sorties effectives, l’asset manager a toute latitude pour retourner ensuite sa position de swap…

La technique ouvre donc de nouvelles perspectives à l’industrie immobilière, en vue de maîtriser les variations de passif dans ses fonds. L’observation de la décennie écoulée suggère une corrélation étroite entre le marché immobilier direct, et le niveau de liquidité dans le marché non coté. Notre conviction, c’est que les dérivés immobiliers offrent désormais à l’industrie les moyens de déjouer cette fatalité. L’évolution des dérivés immobiliers ne se fera pas cependant sans celle de ses indices.

La robustesse des indices IPD et l’indépendance à long terme de la société constitue donc un point sensible en vue de la croissance du marché.113 Dans un avenir proche néanmoins, l’émergence des OPCI pourrait contribuer à propulser ces outils sur le devant de la scène. « Avant d’investir les liquidités confiées, les OPCI achèteraient la performance de l’indice IPD afin d’être exposés sur le marché et, au fur et à mesure de leurs investissements, réduiraient cette exposition sur indice », anticipe Loïc Guilloux.111 Pour conclure sur ce thème, notons que les motivations premières d’une allocation en immobilier traduisent de plus en plus une demande de bêta des investisseurs, c’est-à-dire une volonté d’exposition au risque spécifique du secteur.

Une gamme complète de produits indiciels répondrait parfaitement à ce souhait. In fine, son développement permettrait à la liquidité de se maintenir sur le marché synthétique, même lorsque les marchés direct et indirect se font plus arides… Gageons qu’un marché des dérivés dynamique constituerait ainsi un forum à la liquidité, dont les vertus bénéficieraient aux gérants de fonds immobiliers autant qu’aux investisseurs.

A travers les hypothèses envisagées jusqu’ici, les techniques financières révèlent un dénominateur commun : elles permettent de réduire sensiblement la consommation de fonds propres, ce qui favorise d’autant la liquidité du marché.

113 En France, on évoque parfois la possibilité d’avoir recours à l’indice INSEE établi par les notaires, qui porte sur les transactions réalisées dans le secteur résidentiel, par ailleurs.

Mais dans la longue listes d’outils adossés à la pierre figurent également les ‘notes’, (selon la terminologie anglo-saxonne) qui désignent des obligations structurées à caractère immobilier. Et contrairement aux schémas précédents, il s’agit là d’un réel investissement : des liquidités sont mises entre les mains d’un émetteur, lequel rétribue ce prêt sous forme de coupons indexés sur un indice immobilier. En proposant ces notes innovantes aux investisseurs, l’émetteur lève plus facilement des fonds pour financer sa dette, et conclut ensuite un swap avec une banque d’investissement, afin de transférer son risque immobilier en taux d’intérêt interbancaire.

Dans l’absolu, les notes ne diffèrent pas fondamentalement des swaps, dans le sens où les deux outils s’attachent à répliquer les rendements tirés d’un investissement immobilier. Une nuance se profile néanmoins : sous le régime d’une note, il y a échange du principal (appelé également notionnel), ce qui n’est pas le cas pour un swap. Et si l’outil rencontre un certain succès chez les fund managers, c’est en partie grâce à ce détail : « ça ressemble à de l’immobilier », avec un transfert de cash, comme lors d’une transaction physique.

Derrière cette familiarité transparait une réalité implacable : « Cash is king », pour reprendre un aphorisme répété à l’envie en temps de crise. Un échange de liquidités qui se matérialise agira toujours, quoi qu’il advienne, comme un stimulus sur la confiance des investisseurs. La problématique introduit là une nouvelle dimension : le facteur psychologique entre dans l’arène. « La liquidité, c’est la matérialisation de la confiance. Sans confiance, il n’y a plus de liquidité, et inversement. » 114

Et lorsqu’une crise de confiance se propage à l’industrie, ses effets deviennent rapidement incontrôlables pour les gérants de fonds, qui n’ont que peu de prise sur le phénomène.115

Chaque contraction du marché reproduit alors les mêmes mécanismes grégaires : les épargnants se précipitent massivement pour exercer leurs prérogatives de liquidités, dès lors qu’une portion significative d’entre eux aura agi de même au préalable, dans un réflexe pavlovien bien connu.

Face à ce type de conditionnement psychologique, dont les gérants doivent se résoudre le plus souvent à subir les effets, l’industrie toute entière semble relativement démunie : seule la fermeture des véhicules d’investissement offre une alternative à l’hémorragie. Dans ce combat contre les effets dévastateurs d’une crise de confiance sur les fonds immobiliers, un début de solution (très imparfaite) réside du côté de la taille des véhicules, et plus largement de la profondeur des marchés immobiliers non cotés.

114 La phrase est de Xavier Lépine, président du Directoire du Groupe UFG

115 Cette inquiétude des marchés pourrait être comparée alors aux vents tourbillonnants qui attisent les incendies de forêts, qui réduisent les combattants du feu à l’impuissance et les condamnent à attendre un climat favorable…

On discerne déjà une partie de l’enjeu : diluer ainsi le signal d’alarme émis par une frange isolée d’investisseurs désireux de sortir d’un fonds immobilier, de manière à le rendre insignifiant au regard de l’épargne restant engagée à long terme, et étouffer ainsi dans l’œuf toute crise de confiance potentielle. De façon plus générale, la croissance du secteur dans son ensemble devrait permettre une amélioration sensible de la liquidité des fonds immobiliers.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
La liquidité des fonds immobiliers non cotés
Université 🏫: Université Paris 1 – Panthéon – Sorbonne
Auteur·trice·s 🎓:
Emmanuel TARNAUD

Emmanuel TARNAUD
Année de soutenance 📅: Mémoire de fin d’études - Promotion 2008 – 2009
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