La grossesse et les impacts dentaires et parodontaux

Les modifications physiopathologiques au cours de la grossesse

3 Modifications physiopathologiques au cours de la grossesse : impacts dentaires et parodontaux

La grossesse est une période de modifications importantes, en particulier hormonales. L’état bucco-dentaire, à l’image du reste du corps, subit les conséquences de ces modifications.

3.1 Modifications physiologiques et conséquences sur les tissus dentaires et parodontaux

3.1.1 Effets des modifications hormonales

L’imprégnation hormonale au cours de la grossesse (augmentation des taux de progestérone et d’œstrogène) est à l’origine d’une augmentation de la prévalence de la gingivite.

En effet, l’augmentation du taux d’œstrogène et progestérone entraînent une fluidité plus importante de la matrice des tissus conjonctifs avec, comme conséquences, hyper-vascularisation, tendance œdémateuse et état congestif.

La progestérone agit également sur la perméabilité vasculaire gingivale, induisant une prolifération et une néoformation capillaire. De plus, elle a une action immunosuppressive sur les tissus buccaux favorisant la prolifération de certains germes. (9-11)

Cliniquement, cela se traduit par une inflammation gingivale accompagnée de rougeur et parfois de saignement spontané.

On parle alors de gingivite « gravidique » (en rapport avec la grossesse). Cette gingivite « gravidique » est un évènement physiologique qui peut être plus ou moins important selon les patientes.

Cependant, elle doit être pris en charge et surveiller afin d’éviter l’aggravation des symptômes et la survenue d’une gingivite pathologique . (9, 10)

3.1.2 Effets des modifications immunologiques

L’immunodéficience caractéristique chez la femme enceinte rend les tissus parodontaux plus sensibles à l’action pathogène de la plaque dentaire.

L’effet immunosuppresseur de la progestérone sur les tissus gingivaux aggraverait également une gingivite préexistante. (11)

3.1.3 Effets des modifications salivaires

Les changements dus à l’état gravide provoquent des modifications qualitatives et quantitatives de la salive (abaissement du pH lié à l’influence de la progestérone et hypersialorrhée), et favorisent le développement d’une flore bactérienne pathogène.

Le débit salivaire augmente surtout au cours des trois premiers mois. Il n’existe pas, à l’heure actuelle, d’explication à ce phénomène.

Cette hypersialorrhée diminue généralement au fil des mois, et peut être en rapport avec les perturbations digestives fréquentes au cours de la grossesse (reflux gastroœsophagiens (RGO) ou vomissements), mais n’engendre pas de pathologies. (10, 12)

Le pH salivaire évolue dans le sens d’une légère acidité ; il passe de 6.7 à 6.2. Cette baisse entraîne une diminution du pouvoir tampon et peut aggraver un état bucco-dentaire déjà défectueux et entraîner, par son acidité, l’apparition de la carie dentaire.

D’autre part, cette acidification buccale qui favorise l’érosion de l’émail est renforcée par la survenue fréquente de nausées, de vomissements et de RGO qui vont également augmenter le risque cariogène. (12)

3.2 Impacts de la grossesse sur l’état bucco-dentaire

Sur le plan pathologique, ces bouleversements s’expriment pour l’essentiel au travers des maladies parodontales, mais aussi l’épulis gravidique, la carie et l’érosion dentaire.

La prévention de ces pathologies, parmi d’autres, vise à éviter toute présence de foyer infectieux préjudiciable en règle générale au bon déroulement de la grossesse.

3.2.1 Les maladies parodontales

Ce sont des maladies infectieuses poly microbiennes de type mixte. Leur survenue est liée à des germes anaérobies supposés très parodontogènes.

Il existe deux types de maladies parodontales : la gingivite, si la gencive est la seule structure touchée et la parodontite, si les tissus sous-jacents et en particulier l’os alvéolaire sont atteints.

La gingivite : l’atteinte de la gencive peut aller d’une légère inflammation avec rougeur à une inflammation accompagnée d’un œdème avec des saignements.

Les gingivites sont répertoriées selon la classification d’Armitage; il existe celles associées à la plaque dentaire uniquement et celles associées aux facteurs systémiques et notamment les modifications endocriniennes.

Chez la femme enceinte, elle est expliquée en partie par les altérations tissulaires dues aux modifications hormonales, mais également par des changements dans les habitudes alimentaires.

Notons que le tabac et l’alcool sont des facteurs d’agression.

La gingivite peut-être exacerbée par la présence de plaque dentaire et localisée à un secteur dentaire ou être plus étendue, voire généralisée. Entraînant un inconfort, elle peut cependant être négligée par la femme enceinte car elle est peu douloureuse et le saignement des gencives lors du brossage peut paraître normal.

Son traitement repose sur une amélioration de l’hygiène bucco-dentaire et alimentaire, et un détartrage. (9, 10, 12)

Chez la femme enceinte, le risque de développer une gingivite varie selon le taux plasmatique des hormones stéroïdes au cours de la grossesse (élévation en début de grossesse, maintien du 4ème au 8ème mois, baisse au cours du dernier mois et disparition en post-partum). (9)

La fréquence de la gingivite chez la femme enceinte est difficile à évaluer (de 10 à 70% selon les études).

Elle est corrélée au niveau socioprofessionnel, au tabac, à l’état dentaire préalable et au degré d’hygiène bucco-dentaire, mais peut également survenir chez une femme ayant une hygiène bucco-dentaire satisfaisante. (10)

La parodontite : elle consiste en une inflammation des tissus de soutien de la dent appelés « parodonte » (gencive, cément, ligament alvéolo-dentaire et os alvéolaire). Elle peut être responsable de la destruction irréversible de ces tissus et conduire à la perte de la dent.

Seul un odontologiste pourra déterminer le niveau d’atteinte parodontale permettant d’envisager un plan de traitement.

Son traitement est le même que la gingivite combiné à une décontamination mécanique de la surface radiculaire (qui se rapporte à la racine) exposée aux bactéries pathogènes. Il peut être associé à un traitement antiseptique et/ou antibiotique adapté. (13)

Les maladies parodontales peuvent être des facteurs de risque pour la prématurité et le petit poids de naissance, l’endocardite infectieuse, la maladie coronaire, les accidents vasculaires cérébraux, les pathologies pulmonaires et le diabète. (14)

De manière plus générale, elles peuvent également avoir des conséquences à type de :

  • Inconfort
  • Infections sinusiennes et osseuses
  • Edentation et difficulté à la mastication
  • Désordre d’équilibre de la mâchoire et perte osseuse à long terme
  • Coût socio-économique important

3.2.2 La carie

La carie est la destruction progressive des tissus durs de la dent. Elle est d’origine bactérienne associée à la présence de la plaque dentaire non éliminée par le brossage. Les bactéries vont transformer les sucres des débris en acides.

Ces acides attaquent l’émail des dents en provoquant une déminéralisation et l’effondrement des tissus dentaires et la formation d’une cavité : la carie. (15, 16)

Schéma de Keyes - La grossesse et les impacts dentaires et parodontaux

Figure 2 : Schéma de Keyes (15)

Selon le schéma de Keyes, la carie résulte de l’association de 4 facteurs. Chez la femme enceinte ces facteurs pourraient être exacerbés.

– L’alimentation

Pour remédier à l’inconfort causé par les nausées/vomissements et RGO, fréquents au cours de la grossesse, la femme enceinte est amenée à modifier son comportement alimentaire en fractionnant ses prises alimentaires.

Ceci induit une prise alimentaire plus cariogène et moins équilibrée (ex. pauses sucrées).

– Le temps

Le retard de prise en charge de la femme enceinte, laisse le « temps » à la carie de se développer.

– L’hôte

Une diminution du pH salivaire et les RGO entraînent une fragilisation plus importante des dents pendant la grossesse.

– Les bactéries

Les saignements provoqués par le brossage, la fatigue en début de grossesse et les réflexes nauséeux peuvent conduire les femmes enceintes à une hygiène bucco-dentaire moins rigoureuse et par conséquent à l’accumulation de la plaque bactérienne.

3.2.3 L’érosion dentaire

L’érosion est une dissolution des tissus dentaires liée à l’attaque de substances chimiques. Dans le cas de la femme enceinte, cette attaque est provoquée par les vomissements observés lors du premier trimestre mais également par les RGO et la consommation d’aliments trop acides.

Ces érosions peuvent provoquer des douleurs brèves survenant après les repas. (11, 12)

Pour les prévenir, il est conseillé d’éviter le brossage après un vomissement ou un reflux et de réaliser plutôt un rinçage de la bouche avec une solution de bicarbonate de sodium ou de l’eau et d’éliminer de l’alimentation des aliments trop acides (sodas, agrumes…). (11)

3.2.4 L’épulis gravidique

L’épulis gravidique est une tumeur bénigne hyperplasique se situant au niveau gingival. Il survient généralement au 3ème mois de grossesse. Sa fréquence de survenue est de 5%. C’est un tissu pédiculé mou, très inflammatoire, de couleur rouge, qui croît rapidement, sans dépasser 2 cm, et qui siège entre deux dents.

S’il est trop volumineux, il peut entraîner une mobilité dentaire. Il est indolore, mais saigne au moindre contact. (9, 10)

Son étiologie reste inconnue, bien qu’une hygiène insuffisante et les modifications hormonales soient vraisemblablement impliquées dans son processus. Les épulis régressent après l’accouchement et peuvent récidiver à la grossesse suivante ; leur apparition est alors plus précoce et plus volumineuse.

Durant la grossesse, aucun geste ne sera pratiqué si l’épulis n’est pas gênant (peu de saignement, pas de gêne lors de la mastication ou du brossage), et sa régression sera contrôlée en post-partum. (12)

Si l’épulis entraîne une gêne au niveau du parodonte adjacent, il sera éliminé chirurgicalement, sous anesthésie locale, au cours du deuxième trimestre ou en post-partum. Par ailleurs, l’examen anatomo-pathologique de l’épulis est indispensable afin d’éliminer l’existence probable d’une tumeur gingivale maligne sous-jacente. (9, 10)

Rechercher
Télécharger ce mémoire en ligne PDF (gratuit)

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Scroll to Top