Les décisions du contrôleur de gestion

Les décisions du contrôleur de gestion

B. Les décisions du contrôleur de gestion

Nous l’avons dit dans la première partie, les décisions traduisent souvent un certain degré de pouvoir. Nous allons donc nous intéresser aux décisions que peut prendre un contrôleur de gestion dans le cadre de ses fonctions.

Avant cela, il convient de rappeler que le contrôleur de gestion ne dispose normalement d’aucune autorité pour prendre des décisions.

1. Un sujet inattendu

La première chose que l’on remarquera est que le sujet de la décision du contrôleur est un sujet relativement inattendu. En effet les hésitations à répondre sont majoritaires.

« Décisions que l’on prend… On a une… comment dire ? […] Alors controlling en termes de décisions, heu… » « Si j’en prends c’est toujours de concert. C’est jamais… jvais pas encore prendre tout seul dans mon coin. Il y a toujours, enfin en tous cas il me semble j’ai toujours essayé de… …. En fait j’ai du mal à cerner la question… » « … C’est un petit peu vague… Les décisions… » « Oui parce que forcément oui. Sur l’activité… tu parles de décisions…. » « Après… non je sais pas trop. »

Cela traduit bien le fait que le contrôleur de gestion n’est pas a priori un acteur qui prend des décisions, puisque les réponses ne viennent pas de manière évidente mais après réflexion. D’emblée la pratique confirme la théorie sur ce point.

2. Le contrôleur dans les décisions d’entreprise

Cependant, si les réponses ne viennent pas forcément d’emblée, cela ne veut pas dire qu’elles sont inexistantes.

Concernant les décisions qui engageraient le groupe ou l’entité organisationnelle, ce que l’on pourrait appeler des décisions opérationnelles, il est clair que le contrôleur de gestion n’a pas de poids :

« Après si tu me demandes si le service était en mesure de produire des éléments qui ont induit une décision commerciale, non » [CGO, Topélec]

« Mais c’est vrai qu’on n’est pas des décisionnaires… enfin on fait pas tourner l’entreprise non plus quoi. […] Après moi te dire quel effort il faut faire, le côté commercial : ben oui il faut mettre en avant en table d’attaque les pantalons machin… moi jdonne des alertes c’est tout» [CGO, Topfringues]

« Alors en tant que responsable financier, pareil au niveau de l’usine je ne peux rien prendre comme décision. Que au niveau financier : donc avec les banques, les assurances, mais je ne peux pas influer au niveau de l’usine. » [CGU, Coolagro]

De même, concernant les décisions d’investissement on remarque qu’il est très peu fait appel aux contrôleurs de gestion, à l’exception des contrôleurs de site :

« On intervient en amont. On a toutes les infos pour déterminer les conditions de rentabilité et puis ensuite on donne un avis. » [CGO, Topfringues] « Je suis arrivé chez Topfringues il y avait deux cent magasins, maintenant il y en a cinq cent, on m’a pas demandé pour ouvrir les trois cent autres hein, ça s’est fait sans moi quoi. » [CGB, Topfringues]

« Pour les investissements, non. » [CGO, Topélec]

« Non, c’est pas du tout dans mon périmètre » [CGC, Superauto] « Alors non, pas chez nous en tous cas. Le Capex etc. c’est la partie finance. Après moi je ne fais qu’une validation sur la partie retour sur investissement. » [CGU, Coolagro]

« Enfin ça l’a été quand j’étais contrôleur de site. » [CGC, Superauto] « On va recevoir la demande d’investissement, on va en discuter, le pourquoi du comment, aider à bien justifier leurs chiffres, à voir si les hypothèses sont bonnes, et ensuite on chiffre. » [CGU, Superauto]

Cela donne l’impression que l’on tranche avec le modèle General Motors. Ainsi Lambert (2005, p.75) indique que la fonction finance était « devenue le centre névralgique de l’information, parfois même de la prise de décision. Ainsi, concernant les investissements, le département financier est systématiquement tenu au courant, et le comité des investissements juge, sur des critères industriels et financiers, le bien-fondé des demandes. » Bouquin, (2005, p.43) indique également à propos de l’organisation de General Motors sous Sloan que « tout choix important [passait] par son approbation (budgets et investissements) ».

Il convient de se demander ici si un autre représentant de la fonction finance s’assure que la voix financière est entendue au sein des grandes décisions d’entreprises. Concernant la participation à l’élaboration de la stratégie, chez Superauto le contrôleur semble davantage jouer un rôle de garde-fou :

« Oui parce que la stratégie c’est toujours lié à des coûts, donc il faut voir si les coûts sont réalistes ou pas. Et donc voir si la stratégie est réaliste. Tu vas pas la choisir ni y participer mais tu vas voir si elle est bien en phase. » [CGU, Superauto]

En outre, on notera également que certains contrôleurs sont dans une situation (formellement) de fournisseur d’information pure :

« Quand j’étais contrôleur de gestion ? Aucune. Aucune, aucune décision. Vraiment que du support et de l’information » [CGU, Coolagro]

3. Le contrôleur dans les autres types de décisions

Cependant, le contrôleur de gestion prend tout de même des décisions. D’ordre financier et comptable d’abord, en accord avec les obligations légales et les procédures du groupe le cas échéant. Cela correspond à ce qu’indique Hatch (2000, p.286) : « Dans les structures fonctionnelles, les décisions relevant du marketing sont prises dans les départements de marketing, les décisions de comptabilité par les départements de comptabilité et ainsi de suite. » Pour les contrôleurs de gestion, on pensera notamment au cas des passages de provisions :

« On est aussi assez puissants sur la partie Closing en ce qui concerne les provisions ou pas que l’on a à prendre. » [CGU, Superauto]

« Et puis je sors mon résultat comptable, mais je prends des décisions sur telle provision à passer ou à ne pas passer… Tout le domaine financier oui » [CGU, Coolagro]

« On prend des tonnes de décisions, quand on est contrôleur de gestion usine, on prend la décision de provisionner, de ne pas provisionner, donc certes c’est toujours en accord avec son patron hiérarchique. Bon c’est clair c’est pas la décision de fermer l’usine, ce sont pas des décisions aussi clinquantes. […]La plupart du temps dans les tableaux de bord on met de petits smileys. Ces petits smileys souvent sont sous condition. Moins de 5% il fait la tronche, plus de 5% il est vert, etc. D’accord. Qui choisit les seuils à ton avis ? Ça c’est une décision.» [CGC, Superauto]

Il prend également des décisions quant à la construction des outils, soit des outils qu’il utilise, soit des outils créés à destination des dirigeants ou des opérationnels :

« Et bien si dans le système d’information, parce que lorsqu’on construit un budget, lorsqu’on construit un Forecast, lorsqu’on fait une analyse sur du réel […] Donc si vous voulez il faut quand même créer des outils de présentation, pour qu’on présente de la même manière. Et il faudra décider de ce qu’on met dedans. Je veux savoir où on en est sur les impayés, il faut décider de ce que ça veut dire un impayé » [CGS, Superauto]

Cependant cela ne vaut pas pour tous les niveaux de l’organisation, surtout lorsque la taille de l’entreprise est importante :

« Non tu peux pousser en fait à faire changer les systèmes, mais c’est pas toi qui va décider. Tout est centralisé donc tu peux pas décider. » [CGU, Superauto]

On remarque aussi que le contrôleur a un poids concernant des décisions à orientation financière, ou à finalité de prévision.

« Le montage du budget, tout ça, c’est des décisions. » [CGO, Topélec] « On a une voix forte, on est assez puissants dans la partie budget. » [CGU, Superauto] « Ensuite quand il faut couper les coûts on intervient à ce niveau là. Donc à ce niveau là on est puissants aussi. » [CGU, Superauto]

Enfin, le contrôleur de gestion peut aussi être un manager, en particulier s’il est directeur du contrôle de gestion :

« A un certain niveau on prend quand même des décisions de management. On manage sa propre équipe donc moi je considère que je prends des décisions tous les jours. Car je prends des décisions de management. » [CGC, Superauto]

« En tant que manager, c’est toi qui chapeautes ton équipe, c’est toi qui organises la répartition des tâches, c’est toi qui choisis tes collaborateurs qu’il faut, c’est toi qui remanies l’organisation du travail, classique. C’est toi qui dis si il faut aller plutôt dans telle direction ou pas. » [CGO, Topélec]

« Ah oui tout à fait et aussi je gère mon équipe » [CGU, Coolagro]

En conclusion, les contrôleurs de gestion interrogés ne semblent pas avoir un poids très important dans les décisions de l’entreprise, même si ce point sera à approfondir ultérieurement. Par contre ils restent les décideurs dans le périmètre de la comptabilité et de la finance. Ils prennent aussi parfois des décisions de manière officielle en ce qui concerne les outils de gestion.

Cependant le fait de prendre formellement des décisions ou non ne donne pas une information complète du pouvoir des acteurs, et c’est ce que nous allons voir maintenant.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Du rapport des contrôleurs de gestion au pouvoir
Université 🏫: Université Paris – Dauphine - Master 2 Contrôle de gestion
Auteur·trice·s 🎓:
Bénédicte Lécuyer

Bénédicte Lécuyer
Année de soutenance 📅: Mémoire de fin d’études - 2008/2009
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