La fondation dans les systèmes de common law – aspects juridiques

La fondation dans les systèmes de common law – aspects juridiques

Section 2 – La fondation dans les systèmes de common law – aspects juridiques

Les pays de common law – principalement les Etats-Unis et le Royaume-Uni – connaissent une forte tradition philanthropique, qui s’épanouit dans des régimes juridiques souples et des dispositifs fiscaux incitatifs. Les fondations, telles que nous les connaissons en France, sont désignées sous les vocables généraux de charity organization ou charity.

§1- Des structures variées : corporations, trusts et unincorporated associations

Les fondations en common law peuvent revêtir des formes variées. L’institution du trust, commune aux systèmes anglais et américain, est utilisée de façon traditionnelle dans le secteur philanthropique (A).

Cette catégorie n’épuise cependant pas l’éventail des formes juridiques que peut revêtir la fondation (B). L’exposé des structures juridiques propres aux fondations doit être complété par l’exposé d’une distinction, propre au système américain, entre deux types de régimes applicables aux fondations, et ce quelle que soit la forme juridique qu’elles prennent (C).

A- L’institution traditionnelle du trust

Le trust, institution traditionnelle de common law et inconnue des systèmes de droit continentaux, constitue une forme très originale de fondation. Le trust peut être défini comme une relation juridique entre trois parties, le constituant qui affecte des biens, le(s) trustee(s) qui administre(nt) ces biens et le(s) bénéficiaire(s). Le trust est régi par un document appelé trust deed ou declaration of trust. Cependant, le trust n’est pas un contrat. Il ne naît pas d’un accord de volontés, mais prend effet par la seule volonté du constituant. En effet, si le trustee désigné refuse ses fonctions, il sera remplacé.

De même, le transfert des biens du constituant n’a pas de contrepartie alors que celle-ci est la cause du contrat – la considération du droit anglais. Dans un contrat, les biens qui en sont l’objet passent d’un patrimoine à un autre. Il en va différemment dans un trust où le bien transféré par le constituant ne passe pas dans le patrimoine du trustee mais constitue une masse séparée.

En outre, la constitution d’un trust modifie la nature juridique des biens concernés : le transfert d’un bien au trustee avec attribution de revenus au bénéficiaire fait que le trustee reçoit le titre, la propriété légale (legal ownership), tandis que le bénéficiaire reçoit la propriété équitable (equitable ownership). Cet éclatement du droit s’explique par la distinction traditionnelle entre le common law et l’Equity et ne se produit normalement pas dans un contrat.

Cependant, dans les pays qui connaissent le trust mais ignorent l’Equity, les droits conférés aux bénéficiaires à l’encontre du trustee ou des tiers (droit de suite) sont aussi forts que ceux qui découleraient du droit de propriété.

Quand le trust est utilisé à des fins d’intérêt général, il est désigné sous le nom de « charitable trust » – ou trust charitable. Le trust charitable se distingue du trust exprès privé en ce qu’il doit bénéficier au public et non à des personnes déterminées ou déterminables individuellement. Les bénéficiaires doivent ainsi relever d’une catégorie d’individus sans autre lien entre eux que l’appartenance à la catégorie.

Au Royaume-Uni, les trusts charitables sont enregistrés sur un registre spécial et bénéficient d’une fiscalité avantageuse. Leur nombre dépasse soixante mille. Dans ce type de trust, le constituant affecte des fonds ou biens à un trust irrévocable, c’est-à-dire un trust dont les termes du contrat ne peuvent être modifiés ou dont la libéralité ne peut être révoquée, géré par un trustee indépendant, où les biens ont vocation à bénéficier à une œuvre à but charitable à la mort du constituant, mais où le constituant (ou un bénéficiaire dénommé) perçoit des revenus réguliers durant la vie du constituant.

Les inconvénients majeurs du trust résident dans l’absence de personnalité juridique et dans la responsabilité personnelle des trustees.

B- Les autres formes juridiques empruntées par les fondations

Le terme fondation ne revêt aucune signification juridique ni au Royaume-Uni ni dans le système juridique fédéral des Etats-Unis. Certaines structures intègrent ce terme à leur dénomination, mais cela ne préjuge en rien de leur régime juridique. Par conséquent, une organisation peut utiliser le terme fondation dans sa dénomination sans pour autant répondre à la définition et aux exigences légales. Cependant, certains états des Etats-Unis imposent des restrictions quant à l’utilisation du terme de fondation, tels que le Michigan.

Si le trust charitable est très répandu, les fondations modernes prennent le plus souvent la forme de « corporations95 » ou de « unincorporated associations96 ». Au Royaume-Uni, les fondations peuvent prendre d’autres formes, telles que les « companies limited by guarantee97 ». Il convient de remarquer que la loi régissant les fondations, qui implique des contrôles et limitations, s’applique quelle que soit la structure juridique de l’entité.

La loi applicable aux fondations est à la fois d’origine jurisprudentielle et légale et concerne, au Royaume-Uni, principalement les fondations qui font l’objet d’une immatriculation auprès de la « charity Commission », organe régulateur des fondations.

95 Par souci de simplification, les « corporations » seront désignées sous le terme de sociétés de capitaux.

96 Cette forme d’association est propre aux systèmes de common law et sera désignée dans les développements suivants sous le terme d’ « association sans personnalité morale ».

97 Cette forme de société est inconnue du droit français et sera désignée dans les développements suivants sous le terme de « société à responsabilité limitée par garantie ».

Les associations sans personnalité morale sont la forme la plus répandue dans le secteur caritatif en Angleterre et au Pays de Galle. Cette forme est également usitée aux Etats-Unis. Une association sans personnalité morale consiste essentiellement en un engagement contractuel entre personnes physiques ou morales qui se mettent d’accord pour créer une organisation, dans un but particulier.

Les associations sans personnalité morale sont régies par un contrat constitutif, dont l’objet est de nommer les administrateurs de l’association et d’établir les règles auxquelles sont soumis les membres de l’association.

Cette forme de fondation ne constitue pas une entité juridique à part, comme l’indique son nom. Par conséquent, une association sans personnalité morale n’est pas habilitée à agir en justice, ni à emprunter de l’argent ou à s’engager dans des liens contractuels en son nom propre. Par ailleurs, les administrateurs de l’association sont personnellement responsables des dettes de l’association.

Une société à responsabilité limitée par garantie est une société à responsabilité limitée, non cotée. Le capital de ce type de société n’est pas divisé en actions, les membres ne sont pas actionnaires mais de simples associés qui garantissent personnellement les dettes de la société. Ce type de fondation dispose de la personnalité juridique et est donc habilitée à conclure des contrats, tels que des contrats de travail en son nom propre. Elle constitue une alternative intéressante au trust, car elle offre au trustee une responsabilité limitée.

Au Royaume-Uni, un petit nombre de fondations sont créées par Royal Charter, c’est- à-dire par Charte royale, document qui confère à ces institutions la personnalité juridique. La Charte doit faire l’objet d’une approbation par le Privy Council avant de recevoir la signature royale.

Bien que la nature de la fondation varie selon les clauses contenues dans la Charte, les fondations créées par Charte royale offrent généralement à leurs fondateurs une responsabilité limitée, à l’instar des fondations revêtant une forme sociétale, ainsi que la possibilité d’entrer dans des liens contractuels. Enfin, une nouvelle structure juridique a été introduite en 2006 par le Charities Act, dénommée Charitable Incorporated Organisation.

C- La distinction aux Etats-Unis entre private foundation et public charity

Le code des impôts américain, désigné sous le nom d’Internal Revenue Code (IRC), identifie de nombreux types d’organisations à but non lucratif qui sont exemptées d’impôt sur leurs résultats.

Cependant, seuls les dons effectués aux « charitable organizations98 », telles que définies à l’article 501(c)(3) de l’IRC, ouvrent droit à une exonération. Ces fondations, qui bénéficient d’avantages fiscaux conséquents, peuvent être divisées en deux catégories : les private foundations et les public charities99. Les private foundations sont régies par l’article 509 de l’IRC, tandis que les public charities relèvent de l’article 501(c)(3) du même code.

La principale différence entre les private foundations et les public charities réside dans l’origine des fonds. Ces deux institutions constituent des organisations non-gouvernementales à but non lucratif.

Les private foundations trouvent leur financement principal dans les dons effectués par leurs fondateurs, qu’il s’agisse d’une personne physique, d’une famille ou d’une société et ne peuvent solliciter de fonds du public. Au contraire, les public charities disposent d’un spectre de financement plus large, puisqu’elles peuvent faire appel à la générosité publique.

Leurs fonds peuvent dès lors provenir de particuliers, du gouvernement, voire des private foundations elles-mêmes. En effet, ces dernières ont vocation à soutenir des œuvres caritatives principalement par des dons effectués à d’autres organisations à but non lucratif, tandis que les public charities ont davantage tendance à mettre en œuvre de véritables activités caritatives.

Selon l’IRC, les organisations caritatives nationales ou étrangères qui remplissent les conditions de l’article 501(c)(3) sont qualifiées de private foundations, à moins qu’elles démontrent qu’elles relèvent d’une autre catégorie. D’une manière générale, les organisations qui ne relèvent pas de la catégorie des private foundations constituent des public charities au sens de l’IRC.

98 Ce terme est spécifique au droit américain et sera traduit dans les développements suivants, afin d’en faciliter la lecture, par le terme de fondation.

99 La traduction de ces deux termes en français ne peut se faire sans en dénaturer la complexité ; dès lors, ces termes juridiques ne seront pas traduits dans les développements suivants

Cette dernière catégorie comprend principalement des institutions telles que des hôpitaux ou des universités et, de façon plus générale, les institutions bénéficiant d’un large soutien public ou qui elles-mêmes soutiennent activement des public charities.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Les fondations internationales : Aspects juridique & fiscaux
Université 🏫: Université Panthéon-Assas (Paris II) - Droit-Économie-Sciences Sociales - Magistère de juriste d’affaires
Auteur·trice·s 🎓:
Marguerite GALOIS-BOYE

Marguerite GALOIS-BOYE
Année de soutenance 📅: Mémoire de fin d’année - 2010/2011
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