Rôle des organisations syndicales et Nullité du contrat de travail

Rôle des organisations syndicales et Nullité du contrat de travail

B. L’intervention exceptionnelle d’autres acteurs

Outre les parties au contrat de travail et l’intervention nécessaire en la matière du juge prud’homal, on pourrait envisager l’intervention de tiers à la relation de travail, tiers ayant un réel intérêt au prononcé de la nullité de ce contrat de travail. En effet, telle est l’objet de l’action en nullité absolue en droit commun.

Dès lors, quel personnage pourrait avoir vocation à intervenir en la matière et sur quel fondement ?

106 TERRE (F.), Introduction générale au droit, Précis Dalloz, 4ème éd. , 1999, n°603.

107 L’efficience des nullités, AMIEL-COSME (L.), op. cit.

108 Droit des obligations, responsabilité civile, contrat, DELBECQUE (PH.) et PANSIER (F.-J.), op. cit., p.97.

On peut évidemment penser au rôle des organisations syndicales ayant vocation à la protection des intérêts collectifs et individuels des salariés109, par exemple lorsque la nullité a pour objet la violation dans le contrat d’une convention ou d’un accord collectif de travail bien que des difficultés ont vocation à surgir en la matière (1). Ces derniers peuvent en effet reprocher le non-respect de ces accords, non au salarié mais à l’employeur.

De même, d’autres personnages semblent pouvoir prétendre à jouer un rôle dans le cadre de l’action en nullité mais ce dans des hypothèses rares voire même exceptionnelles (2).

1. Le rôle éventuel des organisations syndicales

On sait de part l’article L.411-11 du Code du travail que les organisations syndicales ont la capacité d’ester en justice, elles « peuvent devant toutes les juridictions exercer tous les droits réservés à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent ».

De plus, bien que le contrat de travail s’inscrit dans les relations individuelles de travail, ces partenaires sociaux peuvent être intéressés par la violation au sein de contrats des dispositions de leurs conventions ou accords collectifs de travail. Dès lors, sont-ils recevables à demander la nullité du contrat de travail ?

Dès lors, dans l’hypothèse où un employeur ne respecterait pas de manière fréquente les dispositions d’une convention ou d’un accord conclu avec ces partenaires sociaux, ces derniers disposeraient d’un intérêt collectif direct au prononcé de la nullité des clauses de contrats de travail contraires à ces dispositions créant un préjudice probable à l’ensemble des salariés concernés. En effet, selon les dispositions de l’article L.135-1 du Code du travail, « (…), les conventions et accords collectifs de travail obligent tous ceux qui les ont signé, ou qui sont membres des organisations ou groupements signataires (…) ».

Or, peut-on tout d’abord considérer la violation d’une convention ou accord collectif de travail comme une cause de nullité du contrat de travail ou tout du moins d’une partie de celui-ci ? Si auparavant on s’interrogeait sur le fait de savoir si oui ou non la convention ou l’accord prévoyait expressément la nullité de la clause contractuelle en cas de violation de ses dispositions, la position de la chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt du 13 janvier 1998110 est venue remettre en cause cette approche.

En effet, celle-ci décide de la nullité d’une clause de non-concurrence violant les dispositions d’une convention collective bien que celle-ci, en l’espèce, ne prévoyait pas une telle sanction. Dès lors, il faut en conclure qu’à partir du moment où un contrat de travail viole de telles dispositions, la clause litigieuse est annulable quelque soit la sanction prévue par la convention en cause si sanction prévue il y a.

109 Art. L.411-1 du Code du travail.

Cependant, cette nullité ne sera encourue que si la clause viole dans un sens moins favorable au salarié les dispositions de la convention ou de l’accord collectif de travail. Ainsi, ce rappel du principe de l’ordre public social figure à l’article L.135-2 du Code du travail lequel dispose que « lorsqu’un employeur est lié par des clauses d’une convention ou d’un accord collectif de travail, ces clauses s’appliquent aux contrats de travail conclu avec lui, sauf dispositions plus favorables ».

Dès lors, la clause plus favorable au salarié n’encourt pas le risque d’une annulation puisqu’en application de l’ordre public social, cette disposition prime sur le contenu des conventions et accords collectifs de travail applicables en la matière concernée.

Dès l’instant où une clause d’un contrat de travail apparaît moins favorable au salarié que les dispositions d’une convention ou d’un accord collectif de travail, les organisations salariales ont-elles alors vocation à agir en nullité sous prétexte d’un intérêt collectif ou individuel à défendre et reposant sur l’article L.411-1 du Code du travail? Il semble que l’intérêt d’une action en nullité soit ici résiduel car en application de l’ordre public social, le salarié pourra toujours se prévaloir de la disposition la plus favorable c’est à dire, dans cette hypothèse, de celle contenue dans la convention ou l’accord collectif de travail.

Seul le salarié peut y trouver un intérêt au moment de la rupture de sa relation de travail dans le calcul de ses indemnités ou les obligations dont il reste débiteur à l’égard de son ancien employeur (en présence d’une clause de non-concurrence notamment).

Dès lors, reste à imaginer l’action d’organisations syndicales aux côtés du salarié lorsque celui-ci invoque pour quelque motif que ce soit la nullité totale ou partielle de son contrat de travail. En effet, lorsqu’un salarié invoque la nullité totale ou partielle de son contrat de travail devant le juge prud’homal, ces partenaires sociaux peuvent avoir vocation à intervenir à l’action considérant alors que le motif invoqué par le demandeur concerne un ensemble de salariés de l’entreprise.

110 Cass. soc 13 janvier 1998 Société européenne de sélection contre Madame Saddok, D.1999, JP, pp.159-162, note (N.) BOUCHE et (C.) BOURRIER

Cependant, il faut tout de même constater que c’est dans de rares hypothèses (violation d’une convention ou d’un accord collectif de travail par exemple) que les organisations syndicales vont avoir vocation à intervenir en matière de nullité du contrat de travail. En effet, leur intervention doit revêtir un intérêt collectif et il ne faut pas oublier que l’on se situe ici en matière de relations individuelles de travail donc des relations mettant en jeu des intérêts particuliers. Dès lors, si une intervention des organisations syndicales n’est pas à négliger en la matière, celle-ci ne se situe qu’à un niveau résiduel.

Cependant, la jurisprudence de 1998 de la chambre sociale aura peut-être vocation à susciter dans un avenir proche l’intérêt des salariés mais surtout des organisations signataires de conventions et accords collectifs de travail (ce d’autant que les deux Lois AUBRY ont multiplié les accords d’entreprise portant sur la réduction du temps de travail).

Mais d’autres acteurs n’auraient-t-il pas également un intérêt à intervenir sur la scène de la nullité du contrat de travail invoquant à l’appui de leur action un soucis de protection des intérêts de tout salarié ce, conformément aux missions qui sont les leurs ?

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
La nullité du contrat de travail
Université 🏫: Université De Lille 2 - Faculté des sciences politiques, juridiques et sociales - Droit et Santé
Auteur·trice·s 🎓:
Séverine Dhennin

Séverine Dhennin
Année de soutenance 📅: Mémoire préparé dans le cadre du DEA droit social mention droit du travail - 2000-2007
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