Retour tempéré du droit commun dans le plan de continuation

Retour tempéré du droit commun dans le plan de continuation

Section 2: Retour tempéré du droit commun dans le plan de continuation

A l’issue de la période d’observation, le tribunal peut décider d’arrêter un plan de continuation si un projet de plan lui a été remis.

Ce plan de redressement de l’entreprise est proposé par le débiteur lui-même. Le tribunal adoptera ce projet que s’il existe des possibilités sérieuses de redressement et de règlement du passif176. Si tel est le cas, le débiteur reviendra à la tête de l’entreprise et sera libre de ces actes.

Aucune disposition légale ne traite du sort des contrats en cours en cas d’adoption d’un plan de continuation. Cependant certaines modalités spécifiques au plan de continuation affectent les contrats.

A compter du jugement qui arrête le plan, la période d’observation est terminée et le droit commun retrouve application (§ 1) sous certaines réserves. (§2)

Paragraphe 1 Retour du droit commun…

Le principe qui veut que les contrats en cours continués soient de nouveau régis par le droit commun concerne la période d’observation.

Mais il vaut aussi pour le plan de continuation puisque dès son adoption, la procédure collective est clôturée et le débiteur redevient in bonis. Le débiteur retrouve toute sa capacité de gestion et de direction de l’entreprise.

En conséquence, les règles de protection instaurées pour préserver l’actif de l’entreprise et octroyer un répit au débiteur n’ont plus lieu d’être.

Les dispositions exorbitantes du droit commun que sont la priorité de paiement177, la continuation forcée des contrats en cours178, le gel du passif179, la suspension des poursuites180 n’ont plus de raison de se maintenir puisque l’entreprise est de nouveau in bonis.

171 Com 25 janv 1994 JCP E 1994 p. 471.

172 Lamy droit commercial, Redressement et liquidation judiciaires, n°2828.

173 Voir le § 1.

174 Article L 621-28 al 3.

175 J. VALLASAN, Redressement et liquidation judiciaires, Litec 2000, p. 67.

176 Article L 621-70 du Code de commerce.

Le passif né après l’ouverture du plan de continuation relève entièrement du droit commun. La priorité de paiement ne s’applique plus.

La Cour de cassation l’a clairement énoncé dans un attendu de principe d’un arrêt du 3 avril 1990 (181):

« Vu l’article 40 de la loi du 25 janvier 1985; – Attendu que ne sont pas soumises aux dispositions de ce texte les créances nées après le jugement arrêtant le plan de continuation de l’entreprise. » Ainsi les créances doivent être payées à leur échéance et les créances de somme d’argent n’ont plus à être payées comptant.

D’autre part, aucun texte ne fixant le sort des contrats dans le cadre d’un plan de continuation, il faut en déduire que l’article L 621-28 du Code de commerce est inapplicable.

En effet, la continuation forcée des contrats a comme contrepartie la priorité de paiement, cette dernière ne jouant plus, sa contrepartie ne se justifie plus182. Le droit commun retrouve son empire de sorte que les parties doivent exécuter le contrat conformément à ses dispositions d’origine.

Le cocontractant peut décider d’y mettre fin dans les conditions prévues par le droit commun ou par le contrat.

Il peut exercer l’ensemble des voies de recours sachant qu’il ne pourra pas invoquer le défaut de paiement de sommes d’argent antérieur au jugement d’ouverture comme justification de rupture. Il ne pourra pas non plus saisir les biens déclarés inaliénables par le tribunal183.

Hormis ces réserves, la liberté contractuelle de chacune des parties retrouve entière application.

177 Article L 621-32 du Code de commerce.

178 Article L 621-28 du Code de commerce.

179 Article L 621-24 du Code de commerce.

180 Article L 621-40 du Code de commerce.

181 Com 3 avril 1990, RTD com 1990, 497, n°3, obs. A. Martin-Serf.

182 M.H. MONSERIE, Les contrats dans le redressement et la liquidation judiciaires des entreprises, p. 194 n°206.

183 Voir infra.

Paragraphe 2 …dans le respect des modalités du plan

Le débiteur retrouve sa liberté de gestion sous réserve de respecter les dispositions du plan que le tribunal aura fixées. Ces modalités sont d’ordre économique, social et financier184. Ces mesures s’avèrent nécessaires à la réussite du plan.

Un plan de continuation doit permettre de redresser l’entreprise et de régler son passif.

Pour y parvenir le législateur a permis au tribunal de rendre certains biens inaliénables pendant une durée limitée (A) et surtout d’établir un échéancier en fonction des remises et délais accordés ou imposés aux créanciers. (B)

A. Inaliénabilité de certains biens

L’article L 621-72 du Code de commerce dispose que le tribunal peut décider que les biens qu’il estime indispensables à la continuation de l’entreprise ne pourront être aliénés, pour une durée qu’il fixe, sans son autorisation.

Cette disposition a pour but de garantir l’exécution du plan185.

Son objectif est d’éviter que le débiteur ne vende de l’actif nécessaire au fonctionnement et à la survie de l’entreprise afin de reconstituer de la trésorerie ou de céder son entreprise à un repreneur à moindre coût pour ce dernier. Il s’agit d’éviter le démantèlement de l’entreprise afin de protéger les créanciers antérieurs.

Cet article limite donc temporairement la liberté de disposition du débiteur sur certains de ses biens.

Parallèlement, ni les nouveaux créanciers ni même les créanciers de l’article L 621-32 ne pourront saisir ces biens.

L’inaliénabilité entraînant en principe l’insaisissabilité186. Leur droit de poursuite est donc fortement limité.187

La liberté des cocontractants-créanciers et du débiteur n’est une nouvelle fois pas totale afin de préserver l’entreprise, objectif premier de la législation188.

184 F. PEROCHON, R. BONHOMME, Entreprises en difficultés…, 5e éd., p. 340 n° 318.

185 C. SAINT-ALARY-HOUIN, Droit des entreprises en difficulté, 3e éd., p 545 n° 850. Cette inaliénabilité judiciaire est également prévue dans les plans de cession (article L 621-92 du Code de commerce.)

186 F. PEROCHON, R. BONHOMME, op. cit., p. 344 n° 322.

187 A. LEBORGNE, note sous Civ.1 15 juin 1994 D. 1995. 342.

B. Respect des délais fixés par le plan

Le second objectif du plan, après la continuation de l’activité, est l’apurement du passif constitué antérieurement au jugement d’ouverture.

La loi a fixé des modalités de règlement189 auquel le passif né après l’ouverture du plan n’est pas soumis puisqu’il relève du droit commun.

Les créanciers antérieurs ont pu accepter les propositions de remises et/ou de délais190 faites par le débiteur ou ont pu se voir imposer des délais de grâce uniformes, par le tribunal.191

Ces délais conditionnent la réussite même du plan, ils doivent être impérativement respectés par le débiteur sous peine de résolution du plan et de sa mise en liquidation judiciaire192.

Si le débiteur n’exécute pas ses engagements, de quelque nature que ce soit, dans les délais du plan, il encourt donc cette double sanction, à moins d’obtenir au préalable une modification substantielle dans les objectifs et les moyens du plan par le tribunal193.

Ces sanctions sont particulièrement graves d’autant que la liquidation judiciaire n’est pas subordonnée à la constatation de la cessation des paiements du débiteur.

Elles ont un but dissuasif et garantissent l’exécution du plan et sa réussite.

La liberté contractuelle du débiteur n’est pas atteinte ici puisque même s’il est soumis au respect des engagements du plan, fixés par le tribunal, c’est lui qui est à l’origine de ces propositions.

En effet, le débiteur est l’initiateur du projet de continuation. Seule la liberté contractuelle des créanciers antérieurs au jugement d’ouverture et au plan est affectée par les éventuels délais qui peuvent leur être imposés par le tribunal.

Quant aux créanciers nouveaux ils relèvent exclusivement du droit commun.

Le droit commun des obligations n’est donc pas totalement occulté par des dispositions dérogatoires. Il n’est pas entièrement exclu du droit des procédures collectives.

Nous venons de voir qu’il peut retrouver pleine et entière application, toutefois, il peut connaître des ajustements afin de l’adapter aux spécificités du droit des procédures collectives.

188 Article L 620-1 du Code de commerce.

189 Article L 621-76 et suivants du Code de commerce.

190 Article L 621-76 al 1 du Code de commerce.

191 Article L 621-76 al 2 du Code de commerce.

192 Article L 621-82 du Code de commerce.

193 Article L 621-69 du Code de commerce.

Lire le mémoire complet ==> (Les atteintes de la procédure collective à la liberté contractuelle)

Mémoire de DEA Droit des affaires

Université Robert Schuman de Strasbourg

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