Qualités requises pour la sélection des cibles et Leveraged Buy-out

Qualités requises pour la sélection des cibles et Leveraged Buy-out
2. Examen des qualités requises pour la sélection des cibles

Toutes les sociétés ne se prêtent pas identiquement à un buy-out. La plupart des fonds d’investissement ont développé une méthodologie de sélection qui leur est propre.

Cette approche est issue du cumul des expériences de leurs équipes et est également sous tendue par le fondement théorique issu des enquêtes statistiques initiées d’abord aux Etats-Unis puis en Europe.

a) Les approches anglo-saxonnes

Une étude de Ken Lehn et Anette Pouslen concernant 108 LBO américains intervenus pendant la période 80-84 a permis de dégager certaines tendances fortes. La moitié des LBO se concentreraient sur un nombre réduit de secteurs d’activités, dont :

  •  vente au détail
  •  entreprises textiles
  •  agro-alimentaire
  •  électroménager
  •  boissons non alcoolisées

Les caractéristiques communes de ces cinq secteurs sont les suivantes :

  •  biens de consommation non durables à dominante alimentaire (faible élasticité de la demande)
  •  secteurs matures avec perspectives de croissance modérées

57 Kohlberg Kravis Roberts & co est le précurseur du LBO au Etats-Unis. Cette société a monté les opérations les plus importantes tant sur le continent américain avec le LBO dépeçage de Nabisco que sur le plan européen avec le LBO Legrand

Une étude menée par KKR57 recensait les quatre principales caractéristiques suivantes :

  •  cash flow larges et prévisibles
  •  dispositions d’actifs aisément séparables de l’entreprise et de départements susceptibles d’être cédés indépendamment des autres («asset stripping», largement utilisé dans la conduite du LBO RJR Nabisco initié justement par KKR)
  •  produits et marques à forte notoriété, et forte position en terme de marché, forte insensibilité aux mutations technologiques
  •  sensibilité restreinte aux changements et effets de cycles

Michael Jensen, note pour sa part que quantité d’autres activités sont compatibles avec la pratique du LBO (radio, télévision, brasseries, tabac, acier, produits chimiques…), et que certains secteurs entiers (comme l’industrie du pneumatique) sont reliés au LBO.

Il semble plus rationnel de rechercher en fait les caractéristiques des secteurs qui, en aucun cas, ne pourraient être éligibles à l’acquisition par levier. Toujours selon Michael Jensen, on note : l’informatique, les biotechnologies, les produits pharmaceutiques, les services financiers. Quantité de sociétés appartenant à ces secteurs ont pourtant fait l’objet de LBO durant la précédente décennie. Ni la théorie, ni l’approche empirique ne nous révèle donc un procédé infaillible de détection par application sectorielle.

b) L’approche française et l’étude de la Sofaris58

La Sofaris59 réalise périodiquement des enquêtes sur la population des sociétés dont elle garantit la reprise. Une première enquête sur plus de 1 700 transmissions garanties avait été menée entre 1984 et 1993. une seconde enquête a été menée sur un échantillon de population d’un peu plus de 1 600 entreprises entre 1993 et 1997.

Cette enquête retrace les principaux facteurs de défaillance des PME françaises à la suite de leur reprise par d’autres PME ou par des personnes physiques dans le cadre d’opérations à levier60.

Cette enquête ne nous instruit que sur le taux de défaillance des opérations de reprise simples. La contre-garantie Sofaris n’est généralement pas accordée aux financements des prises de participations majoritaires des fonds d’investissements.

En outre, la contre-garantie n’est accordée qu’au financement de la reprise de sociétés industrielles et commerciales qui ne dépassent pas un certain plafond de chiffre d’affaires. Ce plafond est, la plupart du temps, dépassé dès lors qu’il s’agit de cibles éligibles à cette nature d’opération, faisant intervenir des fonds d’investissement majoritaires professionnels.

La notion d’échec reprise par la Sofaris consiste en la défaillance de la cible, ou du repreneur s’il s’agit d’une personne morale, ou de la holding de reprise dans le cas d’un financement avec effet de levier.

58 La transmission des PME en France – 10 années d’expérience de la Banque du Développement des Petites et Moyennes Entreprises. Septembre 1998 (auto édité).ou disponible sur http://www.bdpme.fr

59 Société Française d’Assurance des Risques, est aujourd’hui fusionnée avec la BDPME, Banque du Développement des Petites et des Moyennes Entreprises. Une de ces principales mission est d’améliorer la garantie des risques des concours à l’économie des banques prêtant aux PME françaises en proposant sa contre garantie.

60 Un tableau des résultats synthétiques de cette enquête est reproduit en annexes de ce mémoire.

On constate que le principal facteur discriminant du risque de défaillance consiste dans la nature du management. Si 30% des PME disparaissent suite à leur transmission et 20% dans les cinq premières années, le risque d’échec est près de six fois plus important quand il s’agit d’un repreneur externe à l’entreprise que quand il s’agit d’un membre de la famille de cédant.

Si l’on compare le risque d’échec entre salariés et entre descendants, le multiple est respectivement de 3,8 et de 1,52 fois entre les repreneurs externes et les salariés de l’entreprise.

L’étude n’affine pas les données en fonction de la taille de l’entreprise cédée. Si nous considérons que les cessions familiales sont souvent réalisées à des conditions hors marché, nous constatons qu’effectivement la reprise d’une PME par un manager externe à l’entreprise est en moyenne trois fois plus risquée et situe donc le LBI et le LMBI au sommet de la hiérarchie des pratiques à risque.

Cette statistique est confirmée si l’on considère le fait que le repreneur ait l’expérience ou non du secteur d’activité. Le risque est à peu près du double avec un repreneur non expérimenté d’avec un repreneur qui maîtrise le métier de l’entreprise.

La présence du cédant et sa participation au dispositif de reprise constitue, par ailleurs, un facteur déterminant de maîtrise du risque de défaillance puisque l’indice de défaillance est à 114 en cas d’absence du cédant tandis qu’il n’est seulement que de 83 en cas de participation de celui-ci.

Cette approche confirme ainsi nos conclusions issues de l’étude Desbrieres. On sait à présent que les indicateurs financiers et industriels de l’entreprise reprise ont tendance à se dégrader en l’absence de participation du vendeur au montage de reprise.

Le critère de prix est un critère très discriminant. En effet, le risque de défaillance passe d’un indice 88 à 115 selon que la valorisation est inférieure ou supérieure à un multiple de sept fois le résultat net.

La proportion de défaillance est de plus de 1,5 fois supérieure suivant que les dettes à terme sont inférieures à 2 fois la MBA ou supérieures à 4 fois la MBA. L’indice passe ainsi de 86 à 134. Ce résultat n’est guère surprenant et confirme la proportionnalité du risque de défaillance, du niveau de prix et de la proportion d’endettement sur la marge brute d’autofinancement, qui constitue une expression de la faculté de l’entreprise à générer du cash flow d’exploitation.

Enfin, le dernier critère déterminant est la taille de l’entreprise cible. Si l’on considère la taille non pas selon une expression du chiffre d’affaires mais en fonction des effectifs, on constate que le risque est croissant jusqu’à un effectif de 100 pour décroître rapidement par la suite mais uniquement dans le cas de repreneurs extérieurs à l’entreprise. En effet, on observe fréquemment qu’en cas de reprise par un salarié de l’entreprise, le risque constitue une dérivée de la taille des effectifs de l’entreprise reprise.

En résumé, les reprises familiales sont six fois moins risquées que les reprises initiées par des personnes externes à l’entreprise. Les raisons invoquées sont :

  •  la qualité du profil du repreneur
  •  la meilleure préparation de l’opération de transmission
  •  et surtout, la moindre valorisation de l’entreprise

On note, par ailleurs, que les niveaux de prix, de même que les multiples du levier financier, n’ont eu de cesse de baisser depuis la fin des années 80, passant respectivement de multiples 8,2 à 7,6 fois le résultat net en ce qui concerne les nivaux de prix et de 6,2 à 5,7 en ce qui concerne les applications de levier

Ce type de reprise correspond bien à ce que l’on qualifie d’opérations à effet de levier mais ne semblent pas pour autant devoir être qualifiées de LBO, dans la mesure où les investisseurs financiers ne sont pas, à proprement parler, des investisseurs indépendants, mais de simples instruments à la disposition des politiques commerciales des banques régionales ou d’expression des politiques pour l’initiative industrielle et la préservation de l’emploi des collectivités locales et régionales.

Selon Jean Bodin, « il n’est de richesse que d’hommes ». Cette maxime semble également s’appliquer aux opérations à effet de levier. L’examen des conditions requises pour la mise en place de ce type d’opération démontre en effet que les facteurs de type économique ou conjoncturel ne sont pas les plus déterminants.

On peut, à ce titre, noter que l’initiation et le financement de ce type d’opération ne peuvent être que le fait d’opérateurs professionnels parfaitement au fait des mécanismes et des ressorts propres à cette nature de montage. Il n’est donc pas question de simplement réaliser une opération de temps en temps en bénéficiant de l’euphorie conjoncturelle générale.

Les contractions de crédit ont, en effet, généralement lieu dans les périodes économiques de basses eaux, les échecs concernant des affaires mises en place dans des périodes où l’ensemble des clignotants macro économiques incitent à une attitude volontariste en terme de distribution de crédit.

Les acteurs doivent donc appréhender un certain nombre de réalités externes au montage qui échappent aux critères habituels des opérations classiques de financement en fonds propres ou à crédit.

Chaque fonds a su développer une méthodologie propre en fonction de son historique ou de son tropisme sectoriel et géographique. Au-delà de l’ensemble de ces critères, nous noterons qu’un facteur s’affirme en tant que constante : la participation du vendeur au capital de l’opération de reprise. Il est vrai que ce critère ne semble s’appliquer que pour les opérations réalisées en France.

Il pourrait tordre le cou aux préjugés des détracteurs des OBO ou à la doctrine habituelle des conseils qui, systématiquement, préconisent une vente à 100% et un abandon de toute position du vendeur au sein de la société cédée.

Au-delà des facteurs externes, il est nécessaire d’examiner les facteurs propres à l’opération. En effet, si nous reprenons l’affirmation de Jensen selon lequel toute opération de LBO ou de LBI constitue le catalyseur de l’ensemble des conflits d’agence, le soin apporté à la négociation entre les parties et l’utilisation judicieuse des outils de construction du montage est, au final, destiné à éviter une résolution non négociée des conflits et donc, l’aboutissement à l’accroissement très sensible des risques d’échec de l’opération.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
Université 🏫: CNAM PARIS DESS Finance d'Entreprise - Chaire de Finance du Professeur Denis DUBOIS - Spécialisation Finance d'entreprise
Auteur·trice·s 🎓:
Virginie PHAM

Virginie PHAM
Année de soutenance 📅: Mémoire présenté pour l'obtention du DESS Finance d'entreprise - 2001-2024
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