Médiation entre la situation du non-logé et le logement effectif

1.2. Les recours contentieux

La loi DALO va donner lieu à deux types de contentieux : le contentieux des décisions de la commission de médiation et le contentieux de l’inexécution des décisions de la commission.

Le contentieux des décisions de la commission découle des voies de recours contentieuses classiques.

Le contentieux de l’inexécution des décisions de la commission sera engendré par le recours contentieux spécial, créé par la loi DALO.

Le contentieux du droit au logement va connaître d’importantes évolutions, qui préciseront le rôle du juge administratif dans la protection du droit au logement.

1.2.1. Le contentieux de l’annulation des décisions de la commission de médiation

Les décisions de la commission n’étant plus de simples avis, le législateur a apporté certaines garanties au demandeur.

La loi DALO ne prévoit pas de recours particulier contre les décisions de la commission de médiation. Mais dans la mesure où il s’agit de décisions administratives, les actes pris par la commission de médiation peuvent être contestés selon les voies de recours de droit commun.

En effet, comme il est indiqué sur l’accusé de réception du recours amiable, en cas de rejet, les demandeurs ont le droit de contester la décision de la commission comme celle de toute autorité administrative, devant le juge administratif.

Ainsi, les décisions de la commission peuvent faire l’objet d’un contrôle de la légalité sur le plan interne (telle qu’une erreur manifeste d’appréciation) ou sur le plan externe (tel qu’un vice de forme).

Par exemple, la rédaction de la décision devra être suffisament détaillée et personnalisée afin de ne pas entacher la légalité externe des actes de la commission de médiation.

En effet, l’article 7 de la loi du 5 mars 2007 oblige la commission à notifier « par écrit au demandeur sa décision qui doit être motivée. » L’obligation d’une notification par écrit de la décision motivée apparaît comme une garantie pour le requérant.

Par conséquent, une formule-type telle que « vous ne relevez pas des critères de la loi DALO » pourrait faire l’objet d’un recours contentieux, étant donné l’absence de personnalisation de la décision. Sur le plan de la légalité interne, une telle notification conduit à penser que la commission n’a pas examiné les critères spécifiques de la situation du requérant et qu’elle a ainsi commis une erreur de droit en n’appréciant pas de façon suffisamment approfondie le caractère urgent et prioritaire de la demande.

Si l’on considère le manque de moyens auxquels font face les commissions de médiation pour le moment103, on peut s’attendre à ce que le contentieux de l’annulation des décisions de la commission porte principalement sur la rédaction insuffisante des notifications.

a) Des décisions défavorables faisant grief

Les avis de la commission étant reconnus comme décisoires, ils peuvent être considérés comme des décisions faisant grief en cas d’avis défavorable. En effet, si la commission ne reconnaît pas la situation d’un demandeur comme prioritaire et urgente, le requérant ne peut avoir accès à la procédure d’attribution de logement, ni à la voie de recours contentieux spéciale ouverte à partir du 1 er décembre 2008.

Une décision défavorable de la commission de médiation a déjà fait l’objet d’un recours. Conseillée par l’association Droit Au Logement, Madame Fofana avait saisi le Tribunal Administratif de Paris d’une requête en annulation, complétée d’une requête en référé- suspension contre l’avis défavorable de la commission de médiation.

Madame Fofana, hébergée depuis juin 2006 avec ses deux enfants dans un centre d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), avait saisi la commission de médiation de Paris le 4 janvier 2008, dans la perspective de l’arrivée à échéance de son contrat de séjour le 9 juin 2008.

La commission de médiation, réunie le 28 février 2008 avait rendu un avis défavorable, considérant que la situation de la requérante n’avait pas de caractère urgent tant qu’elle était toujours hébergée en CHRS et qu’il lui faudrait par conséquent mener à terme son contrat de séjour, en préalable à la saisine de la commission.

Le juge des référés a suspendu l’avis défavorable de la commission, considérant qu’il était entaché d’un doute sérieux sur sa légalité. En effet, il a considéré que le fait de subordonner l’avis favorable à la fin du contrat de séjour en CHRS constitue une erreur de droit.

La commission ne devait se prononcer qu’au regard de l’urgence du relogement de la requérante et du caractère prioritaire de sa demande. Son appréciation pour cela devait se fonder sur les autres demandes en présence, sur la durée de séjour de la requérante en CHRS et sur les possibilités de le prolonger.

Ainsi le juge des référés a considéré que l’urgence était constituée dans la mesure où les CHRS ne peuvent êtres considérés que comme des structures d’hébergement d’urgence, dans la mesure où le contrat de séjour arrivait à échéance le 9 juin et qu’aucune autre possibilité de relogement ne lui avait pas été proposée.

Cette décision a permis de préciser le rôle des commissions de médiation et de leur imposer le respect des critères légaux d’appréciation du caractère urgent et prioritaire des demandes.

Par conséquent, au cas où elles n’appliqueraient pas ces règles, le juge administratif pourra être saisi pour permettre aux demandeurs d’accéder à la procédure spéciale d’attribution de logement puis de contentieux.

b) Des avis favorables faisant grief ?

Certains commentateurs de la loi du 5 mars 2007 s’interrogeaient sur l’étendue du contentieux de l’annulation des décisions de la commission. Ainsi, Florian Roussel, commissaire du gouvernement auprès du Tribunal Administratif de Paris s’interrogeait :

« Si un avis défavorable constitue un acte faisant grief susceptible d’un recours en excès de pouvoir, en va-t-il de même d’un avis favorable ? En particulier, le préfet pourrait-il contester un tel avis devant le juge administratif ? »

Et de répondre par l’affirmative : « juridiquement un tel recours n’aurait a priori rien d’impossible. »

En effet, la jurisprudence administrative conçoit qu’une administration puisse contester une décision prise par une autre administration.

Or, la commission de médiation est composée de 13 membres, parmi lesquels l’Etat est représenté de façon minoritaire.

Cependant, Florian Roussel nuance cette possibilité, en rappelant que l’article L.441-2-3 du Code de la Construction et de l’Habitation indique que la commission de médiation est placée « auprès du représentant de l’Etat dans le département », qui doit lui fournir les moyens administratifs nécessaires à l’exercice de ses missions.

De plus, le représentant de l’Etat est chargé d’assurer la défense de la commission de médiation devant le juge administratif en cas de recours.

Ainsi le juge administratif pourra être conduit à contrôler la légalité des décisions de la commission, sur le plan de la légalité externe (notification insuffisance) comme de la légalité interne (décision défavorable faisant grief).

Cependant, il semble que le contrôle du juge intervienne davantage sur le plan de la légalité externe, étant donné le manque de moyens des commissions de médiation pour rédiger des notifications suffisantes.

De plus, sur le plan de la légalité interne, le juge administratif ne peut exercer qu’un contrôle restreint de la légitimité de la décision de la commission puisqu’elle fonde son appréciation sur la comparaison entre les différents dossiers éligibles.

Par conséquent, le juge pourra parfois enjoindre la commission à réexaminer sa décision lorsque des moyens tirés de vice de forme voire d’erreur de droit apparaîtront fondés. Mais il semble très incertain que le juge intervienne pour ordonner à la commission de considérer un dossier comme prioritaire et urgent.

En donnant aux commissions de médiation un rôle d’autorité administrative, le législateur a soumis ses décisions au contrôle du juge administratif.

Rendre les décisions de la commission de médiation susceptibles de recours est une garantie essentielle du droit des administrés.

Cependant, cette source supplémentaire de recours risque de participer à l’engorgement des juridictions administratives, si elle ne s’accompagne pas de moyens suffisants aux tribunaux administratifs.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Le droit au logement opposable en France : une avancée pour le droit au logement ?
Université 🏫: Université LYON 2 - Institut d’Etudes Politiques de Lyon
Auteur·trice·s 🎓:
Elsa JOHNSTONE & André Vianès

Elsa JOHNSTONE & André Vianès
Année de soutenance 📅: Septembre 2008
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