L’intégration des étudiants immigrés en Europe

L’intégration des étudiants immigrés en Europe

5.2.4 « L’intégration » et la bonne distance

Les étudiants Erasmus participent, par leurs séjours et leurs réseaux, aux nouveaux mouvements de l’argent, des Hommes, des idées et des techniques qui fractionnent les collectifs les plus construits historiquement et défont les « tranquilles certitudes séculairement établies à partir des hiérarchies locales » 47.

C’est ce que met notamment en avant Alain Tarrius dans ses ouvrages en sociologie de l’Urbain. De par ses enquêtes empiriques, Alain Tarrius acquiert la conviction qu’il existe deux événements majeurs qui accompagnent ces transformations. Le premier réside dans l’apparition de « collectifs, plus ou moins stables et durables, où les critères d’identification des individus et la hiérarchie des préséances sont tributaires des temporalités, des fluidités, des mobilités, et plus précisément des capacités circulatoires de chacun »48.

Pour lui des élites professionnelles internationales contribuent à la construction d’espaces nouveaux du mouvement, de la mobilité. En aval, nous pouvons ajouter que les étudiants Erasmus participent à cet édifice. Mais à la différence de Anne-Catherine Wagner, qui étudie seulement ces « élites de la mondialisation » et les distingue des autres « étrangers », Alain Tarrius, tente d’observer les invariants de cette condition d’étranger. En effet, si tous les migrants ne bénéficient pas des mêmes dispositifs et facilités à la mobilité, les populations pauvres, ségréguées ne participent pas moins activement au mouvement et au développement de territoires circulatoires et de nouveaux cosmopolitismes. Le second événement, selon Alain Tarrius, est donc l’apparition concomitante d’individus, isolés ou regroupés, souvent étrangers aux nations qui les hébergent, « qui bricolent, précisément à partir de leurs expériences circulatoires, des identités métisses entre univers proches et lointains, transnationaux souvent, imposant à la classique opposition entre les nôtres et les leurs, entre être d’ici ou de là-bas, une autre forme, triadique, c’est-à-dire hautement processuelle : l’être d’ici, l’être de là-bas, l’être d’ici et de là-bas à la fois »49

46Halbwachs Maurice (1950), la mémoire collective, PUF (2ème édition 1968) page 119

47 TARRIUS (A), Les Nouveaux cosmopolitismes. Mobilités, identités, territoires, éditions de l’Aube, 2000

48 Idem Tarrius (2000) Page 6

49 Op. Cit. Tarrius page 7

L’anthropologie du mouvement dans laquelle Alain Tarrius souhaite s’inscrire, rend alors caduques les différenciations entre mobilités et migrations et voit la circulation des élites professionnelles et estudiantines comme une facette d’un ensemble de mouvements, qui est provoquée par le remaniement contemporain de l’internationalité européenne. Après avoir ségrégué, découpé cette population mobile étudiante et l’avoir étudiée indépendamment du monde professionnel, nous allons tenter de la replacer parmi la multiplication des échanges internationaux et leurs recompositions sociales.

Ce qui est commun à tous les arpenteurs de nouveaux territoires est la plus grande interaction possible entre altérités, et en cela les étudiants Erasmus ne font pas exception. Néanmoins au concept « d’entre-deux », dans lequel demeurent parfois longtemps les étrangers que propose Alain Tarrius, nous présenterons un « entre-multiples » plus caractéristique des étudiants Erasmus, car leur mobilité, après le séjour effectué, ne se limite pas souvent à un mouvement pendulaire, mais à des mouvements multi-centriques, entre territoires investis de divers affects et pratiques. Si nous nous attachons à cette conception, alors ce que l’on voyait comme ethnique devient étranger et la migration ou l’immigration devient mobilité.

Nous pouvons ainsi saisir les mouvements généralisés redéfinissant les règles de « l’être ensemble », dans des côtoiements, des voisinages momentanés plus ou moins durables. La mobilité étudiante institutionnalisée est donc seulement une des formes de mobilité qui participent aux transformations sociales et économiques générales actuelles, en instituant des modes de transversalité, des métissages. Mais ces derniers bousculent-ils les topiques de la centralité ?

Bien que la fluidité et la complexité des identifications, ainsi que la capacité d’entrer momentanément ou durablement dans des univers de normes, soient communes à l’ensemble des populations mobiles, nous ne pouvons oublier que la variabilité des origines sociales des migrants rend leur jeu avec les appartenances et le national différent.

Alors que le mot « intégration » avait d’abord servi à qualifier la vocation inclusive de la société (à l’époque d’ Emile Durkheim), il a été souvent utilisé depuis comme un moyen officieux ou officiel d’imposer des normes à des personnes qui pourraient se réclamer d’appartenances multiples. Le poids politique du terme, comme nous le rappelle Dominique Schnapper50 est très important, il faut donc être vigilant sur cette notion d’intégration chargée de sens social. Nous allons donc dans cette étude comparée, marquer notre distance à l’égard des acteurs politiques en évitant la confusion avec les politiques publiques de l’intégration, désormais également européennes.

L’utilisation de la notion d’intégration, comme celles de culture et d’identité, commence par sa critique. Comme Dominique Schnapper, qui reprend Claude Lévi-Strauss, nous définirons ces notions comme des « concepts-horizon », qui n’ont jamais d’existence réelle et sont purement théoriques. Ils doivent ici nous aider, après un travail empirique, à orienter les interrogations sociologiques qui sous-tendent toute recherche analytique. Tout d’abord, les politiques d’intégration doivent être distinguées du processus d’intégration.

Pour définir l’intégration de toute « société », religieuse, domestique ou politique, Emile Durkheim fait intervenir deux dimensions : le nombre des interactions entre les individus et le partage de valeurs communes. Même si cette intégration est purement momentanée, elle peut « survivre aux causes qui l’ont immédiatement suscitée, surtout quand elle est intense », nous dit Emile Durkheim51. Le rôle que ce dernier accorde à l’éducation est de susciter entre les futurs citoyens la communauté d’idées et de sentiments sans laquelle une société politique cesse d’être intégrée. D’ailleurs l’éducation consiste à nous faire croire que « nous avons élaboré nous-mêmes ce qui est imposé à nous du dehors »52.

50 SCHNAPPER (D), Qu’est-ce que l’intégration, Edition Gallimard, 2007, 240p.

51DURKHEIM (E), Le suicide. Etude de sociologie, Paris, PUF, 1990 p222.

L’intensité des relations entre les individus est bien, elle aussi, condition de l’intégration sociale et nationale. Les étudiants Erasmus sont à cet égard des modèles, tant ils ont intériorisé et illustré par leurs parcours scolaire, leurs choix d’orientation et par l’intensité des relations qu’ils nouent lors du séjour, les impératifs de l’intégration sociale, aujourd’hui européenne.

La coopération dans nos sociétés à « solidarité organique », entre institutions, passe aussi par des accords provisoires qui ne remettent pas réellement en question l’indépendance fondamentale de chacune d’elles. « C’est pourquoi la société civile devient essentiellement une société d’échanges »53. Là encore le programme Erasmus est un archétype de ce qui est pensé depuis Emile Durkheim en sociologie « normative » comme condition d’intégration. Serait-ce pour cela que les étudiants Erasmus échappent aux recherches empiriques sur le « problème » des migrations et sur la « désorganisation sociale » ? Recherches qui se sont dével

oppées abondamment aux Etats- Unis à l’Université de Chicago. On analysait alors que les changements sociaux intervenus dans la vie quotidienne des migrants entraînaient un affaiblissement de l’influence des normes sociales sur les membres du groupe.

On assistait dans un premier temps à une « désorganisation », puis à une réorganisation, à un réaménagement progressif de nouvelles règles et de nouvelles institutions. La première étape caractérise de façon exemplaire le « phénomène Erasmus ». Lorsqu’il y a retour dans le pays d’origine, la réorganisation n’a pas lieu. Mais cet affaiblissement de l’influence des normes sociales sur les étudiants Erasmus est très visible et médiatisée par leur enthousiasme.

L’appartenance au groupe Erasmus à l’étranger, comme l’appartenance à des groupes ethniques dans le cadre des grandes vagues d’immigration aux Etats-unis, aident les étudiants à s’adapter par étapes à la vie collective de la société d’accueil. Ce qui nous amène à une réflexion sur l’intégration, qui n’est, en définitive, jamais achevée. Nous ne pouvons donc l’analyser en tant que telle, mais nous allons nous intéresser à ses différentes dimensions et aux processus, à un moment donné, pour une population particulière.

52 DURKHEIM (E), les règles de la méthode sociologique, Paris, PUF, 1968 (1984), p7.

53Op. Cit Schnapper p42.

S’intéresser à une minorité statistique, aux étudiants Erasmus, qui jonglent avec des appartenances multiples, est intéressant, car ce sont les analyses des ruptures, des marges, qui contribuent à la connaissance des processus et des modalités de l’intégration, comme le soulignait déjà Emile Durkheim. Cependant, malgré l’imposition du couple migration- intégration dans beaucoup de débats, les conséquences du phénomène migratoire n’amènent pas toujours sur le terrain de l’intégration et celles-ci ne concernent pas toujours les migrants et les étrangers.

Il n’existe pas d’intégration en soi, intégration à quoi ? de qui ? de quoi ? Les relations entre groupes mobiles et sédentaires doivent être comprises à partir des rapports objectifs entre les groupes et les classes sociales ; par rapport aux conflits sociaux et de pouvoir. Si nous prenons cette perspective, le problème n’est donc plus celui de l’assimilation ou de l’intégration dans l’absolu, mais de l’égalité devant l’éducation et l’emploi notamment, de toutes les populations, quelles que soient leurs origines ethniques, géographiques ou sociales.

L’homogénéisation croissante d’une culture plus ou moins mondialisée, l’harmonisation plus ou moins réussie des systèmes d’enseignement, ne suffisent pas pour que s’établissent des échanges égalitaires entre des individus issus d’histoires diverses ou de groupes sociaux éloignés. Car les groupes culturels sont le produit d’une construction historique et de rapports de force sans cesse renouvelés. Mais quels critères, quelles dimensions permettent d’affirmer que les étudiants en mobilité institutionnalisée, comme les cadres de la mondialisation, sont intégrés au point que nous nous interrogeons jamais sur cette question les concernant ?

Pour la population Erasmus, comme pour les cadres internationaux, on pourrait dire que l’intégration sociale semble réussie sans que l’intégration culturelle ne soit pourtant recherchée. La mobilité sociale est fréquente, mais la population se mêle peu au reste de la société d’accueil. En effet les étudiants Erasmus participent à la société globale par l’acte de mobilité dans le cadre d’un apprentissage des nouvelles normes de l’Europe en construction au travers une institution, l’université, qui en est l’assise.

Néanmoins, si nous reprenons les mêmes indicateurs que ceux utilisés dans la plupart des études sur l’intégration des « populations immigrées », comme ceux de l’enquête Mobilité Géographique et Insertion Sociale (MGIS), de l’INED en collaboration avec l’INSEE, alors de manière sciemment provocatrice, nous pourrions affirmer que les « migrants » des catégories socioprofessionnelles élevées en Europe ne sont pas intégrés ! Puisque les critères qui permettent de conclure à une intégration socioculturelle réalisée dans le cas des migrants « pauvres » sont:

  •  la faiblesse de la fréquentation des lieux de cultes,
  •  l’importance des mariages hétérogames,
  •  des opinions peu traditionnelles sur le statut social des femmes,
  •  la perte de la langue d’origine parlée en famille.
  • es indicateurs de mesure de l’intégration politique sont quant à eux:
  •  les taux de renoncement à sa nationalité d’origine,
  •  l’inscription sur les listes électorales,
  •  la participation électorale.

Qu’observons nous pour notre population et plus généralement à l’immigration « dorée » en Europe ? Contrairement à ce que nous avons vu précédemment, la mémoire collective du groupe est valorisée et prend appui sur des espaces qui lui permettent de retrouver le passé dans le présent. Les migrants de haut niveau social reconstruisent rapidement à l’étranger un univers (matériel, linguistique et social) qui leur est familier, limitant ainsi les ruptures liées au changement de pays.

Chez eux, ce n’est pas la négation des références nationales, mais au contraire l’accumulation de plusieurs compétences linguistiques et culturelles nationales qui est valorisée et entretenue pratiquement. En famille différentes langues sont parlées et posséder la double nationalité n’est pas rare. L’homogamie y est notable et la division sexuelle des rôles très traditionnelle, comme l’observe Anne- Catherine Wagner pour les cadres internationaux de la mondialisation.

Ainsi tous les indicateurs pris pour mesurer l’intégration des populations immigrées défavorisées se retrouvent caduques ou portent à la conclusion de la non-réalisation de l’intégration. Pour certaines populations, faire valoir la valeur internationale de ses attributs nationaux n’est pas problématique ou signe de ghettoïsation. Les populations immigrées « dominées », quant à elles doivent au contraire refouler les attributs nationaux de leur histoire familiale pour être considérées comme intégrées scientifiquement, comme politiquement. Là où la spécificité des éducations bourgeoises réside justement dans les limites apportées à l’intégration, à l’acculturation à la société d’accueil.

Il importe donc de s’interroger non plus seulement sur l’intégration de telle ou telle population particulière à la société d’installation, mais sur les modalités de l’intégration de la société démocratique. A quoi les migrants doivent-ils s’intégrer et pourquoi ? La question est en fait davantage celle de la participation à la vie collective.

C’est pourquoi dans son article sur l’intégration et la ségrégation, Sako Musterd54 donne une « définition opérationnelle » du concept d’intégration, comme liée à la notion de participation à la société et distingue cinq domaines : la participation scolaire, professionnelle, sociale, politique et locative. Il conclut que la relation positive que nous constatons entre phénomène de ségrégation et d’exclusion n’est pas avérée, car des niveaux similaires de ségrégation entraînent des niveaux différents d’intégration.

Si les formes extérieures de la vie des individus démocratiques semblent toujours plus proches, donnant l’image ou l’illusion d’une absence de contrainte et d’une uniformisation des conditions, les ressources sociales pour accéder à un certain statut n’en restent pas moins significativement inégales.

Choisir ses références, sa ou ses langues, sa ou ses destinations, ses identifications sont des possibilités inégalement reparties au sein des populations mobiles et plus généralement au sein de l’ensemble de la société. Souvent la discrimination, la ségrégation par nationalité, cachent une discrimination sociale. Or, dans une société de compétition ouverte, où l’on nous assène que seul l’individu, est pleinement responsable de son échec ou de son destin, l’intégration normative de ceux qui ont hérité d’une socialisation familiale et historique forte ne peut que se renforcer.

Nous ne pouvons occulter, lorsque nous traitons de migrations, que sur bien des points les chercheurs constatent encore une différence importante entre une Europe du Nord de tradition protestante et une Europe du Sud de tradition catholique, avec des valeurs qui leurs sont associées reflétant leurs expériences historiques. Chaque pays se caractérise ainsi par une articulation originale entre la famille, le marché et l’Etat, liée à l’histoire de la constitution nationale. Chaque catégorie ou groupe social au sein de ces pays n’a pas les mêmes droits de fait ou opportunités face à la mobilité des attributs de son choix.

Dominique Schnapper nous dit que la tendance à « l’éthnicisation » est contraire à l’idée de mobilité, sociale et géographique, et à la possibilité d’échanges généralisés propres à la société démocratique moderne »55. Elle souligne aussi que la ségrégation spatiale contribue à ce processus de communautarisation. Le rassemblement des immigrés « nourrit les processus d’enfermement dans le quartier et de marginalisation, la langue et les manières deviennent des marqueurs qui rendent de plus en plus difficile la participation à la vie sociale », « ainsi s’enclenche le cercle vicieux du processus de mise à l’écart »56.

Comment se fait-il alors que nous encensions l’expérience Erasmus et la mobilité professionnelle des cadres internationaux? La « communautarisation » les concernant n’est-elle pas, somme toute, une « mise à l’écart » elle aussi ? On retrouve également chez les étudiants Erasmus une sorte de « sous-culture » marquée par « un hédonisme à court terme », qui s’inspire de la culture dominante mais en retourne volontairement le sens, décrite par les sociologues ayant étudié la délinquance au cours des années 1970 ! Dans son ouvrage Dominique Schnapper pose alors la question suivante : est-ce que le rôle de l’Etat consiste à organiser et subventionner les particularismes ? Pourquoi alors ne pas poser la question également pour les populations de l’immigration en « col blanc » ? Nous la rejoignons lorsqu’elle conclut la dernière partie de son ouvrage par le fait que « la dépolitisation des démocraties », « l’aspiration exclusive au bien-être de ses membres », « comportent un risque de dés-intégration sociale ».

Mais nous ajoutons, qu’il en va de même pour l’excessive personnalisation des parcours et la négation des effets de structure ou de contexte. Pourquoi réserver les questions d’intégration aux seuls « immigrés » (entendu par là l’immigration en « col bleu ») et à leur descendants et non à l’ensemble de la population ? La distinction que nous pouvons opérer entre les populations mobiles ne peut se faire sans prendre au sérieux le critère social. Bien souvent celui-ci est étroitement lié à une origine géographique.

Nous allons donc maintenant nous intéresser plus particulièrement aux différences qui existent au sein même de l’immigration en « col blanc ». Il faut savoir que toutes les cultures nationales ne procurent pas les mêmes profits.

54MUSTERD (S), “Segregation and integration: a contested relationship”, In Journal of Ethnic and Migration Studies, vol. 29, n°4, July 2003, pp623-640

55Op. Cit SCHNAPPER (D), Qu’est-ce que l’intégration, p192

56Idem p193

***

Les étudiants Erasmus par leurs parcours scolaires et par la multiplication des relations qu’ils nouent lors du séjour, ont bel et bien intériorisé les impératifs de l’intégration sociale, aujourd’hui européenne, sans que la participation culturelle ou politique ne soit pourtant recherchée.

Qu’en est-il alors de l’intégration « professionnelle » qui s’ensuit ? L’homogénéisation des styles de vies par des conditions de mobilité favorables (étudiant/européen) de cette population ne doivent pas faire oublier son hétérogénéité, basée sur des appartenances à des sociétés dont les structures occupationnelles, économiques et sociales divergent.

Nous allons voir en quoi les étudiants Erasmus sont le produit de contextes nationaux différents qui ne leur donnent pas les mêmes chances dans la compétition économique européenne. Comment « l’intégration » économique des étudiants mobiles se fait-elle au sein de l’Union Européenne ? Quelle est la force plus ou moins grande des liens qui existent entre les systèmes éducatifs et les marchés du travail, comparativement dans les trois pays choisis pour l’enquête ? Peut-on encore parler de fuite des cerveaux en Europe ?

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