Les formes d’engagement de l’assureur – la micro-assurance

Les formes d’engagement de l’assureur – la micro-assurance

C. Les formes d’engagement de l’assureur

Les assureurs ont plusieurs possibilités pour développer une stratégie dans la micro-assurance. Il leur faut déterminer le rôle qu’ils vont jouer dans l’ensemble du processus de vente et de gestion de l’assurance.

Faut-il confier la distribution à une institution ou intervenir directement auprès du marché ? Quelle institution favoriser pour atteindre la clientèle attendue ? Quel type de partenariat sera le plus simple et le plus rentable ? Le choix des entreprises d’assurances va dépendre de leurs affinités avec certains milieux (coopératives, mutuelles, assurances commerciales) ; les coopératives vont préférer utiliser des partenaires du milieu coopératif pour distribuer leurs produits car elles connaissent déjà leurs interlocuteurs.

Il existe actuellement plusieurs types de partenariats, qui ont chacun leurs avantages et leurs inconvénients. Certains modèles vont mieux fonctionner que d’autres selon le pays ou la région choisie en fonction des habitudes, du contexte politique, des contraintes légales de chaque milieu.

1. Le modèle « partenaire-agent »/assureur

La compagnie d’assurance s’associe avec une institution de microfinance (IMF) ou tout autre agent pour distribuer ses produits. « La compagnie alimente les réserves financières, fixe les primes, supervise les demandes d’indemnisation et garantit le respect des obligations légales. L’agent se charge du transfert rationnel du risque, des ressources et du partage des connaissances entre les secteurs formel et informel. »

L’exemple type est celui d’AIG en Ouganda. La micro-assurance est devenu pour est devenue pour cet assureur une « ligne de business » comme une autre. Les partenariats sont noués dans le monde entier et notamment en Ouganda où le groupe s’est associé à l’IMF FINCA.

Le programme, débuté en 1996, couvre à présent 1,6 millions de vies (13% de la population ougandaise) par le biais de 26 IMF, moyennant un encaissement de primes estimé à USD 800 000 pour 200435. Bénéfice de l’ordre de 20% réalisé sur la prime.

Pour AIG, la micro-assurance est devenue une ligne de business comme une autre. L’assureur développe des partenariats dans le monde entier et notamment en Ouganda avec FINCA. « L’assureur peut ainsi développer ses ventes de produits à travers les partenaires tout en gardant une maîtrise de la souscription. »

La distribution de ce produit d’assurance emprunteur est facilitée par la présence de réseaux déjà installés et qui détiennent déjà des statistiques sur les populations concernées, nécessaires au calcul actuariel des primes. Des programmes de formation sont aussi mis en place au niveau local pour sensibiliser les populations à la gestion du risque mais cet aspect éducation semble souvent négligé aux dires des études réalisées sur ce programme.

35 Michael J. McCord, Felipe Botero, and Janet S. McCord, AIG Uganda, Case Study n°9, April 2005

Ce modèle permet de simplifier les tâches administratives mais l’institution qui distribue le produit a bien souvent l’obligation d’obtenir une licence au niveau de l’autorité de contrôle nationale. Si bien que les procédures deviennent plus complexes qu’elles ne pouvaient paraître.

2. Le modèle de la vente directe

Le modèle de la vente directe peut faire peur aux assureurs dans un premier temps puisque, généralement, ils ne connaissent pas bien la population de personnes à faibles revenus à laquelle ils doivent s’adresser.

La tentation de s’associer à un acteur proche du « terrain » comme un IMF est grande. Mais il est souvent difficile de trouver des institutions capables de comprendre les enjeux de la micro-assurance et dont le personnel soit formé à vendre ces produits.

Tata-AIG en Inde36, a préféré trouver une solution innovante au problème de distribution de ses produits plutôt que de créer un mauvais partenariat avec une institution qui ne soit pas performante. La vente est réalisée par des « micro-agents » recommandés par des Organisations Non Gouvernementales qui sont liées aux communautés locales. Chaque agent forme un groupe d’assurés « a Community Rural Insurance Group (CRIG) » qui souscrivent séparément.

L’agent est chargé de faire souscrire les contrats, régler les tâches administratives et sert d’interface entre le client et l’assureur en échange d’une commission. La vente directe est un modèle déjà bien rodé par des entreprises comme Tupperware mais l’utilisation d’un réseau de distributeurs indépendant est une solution innovante pour vendre de la micro-assurance. Le travail de l’ONG consiste à verser les primes collectées en une fois à l’assureur, aider matériellement les agents (en leur prêtant leurs locaux par exemple) et former les agents.

36 James Roth and Vijay Athreye, Tata-AIG, Case Study n°14, September 2005

Distribution des produits de micro-assurance Tata-AIG avec l’aide de l’organisation St Anne.

Distribution des produits de micro-assurance Tata-AIG avec l’aide de l’organisation St Anne.

La société d’assurance commerciale Delta Life37 cotée à la bourse de Dhaka au Bangladesh propose des contrats de micro-assurance depuis 1988. Cette compagnie prouve à travers le succès de ses deux produits Gono et Grameen Bima qu’il est possible de vendre de la micro-assurance uniquement grâce à son propre réseau de distribution.

Delta Life est considérée comme la « Grameen Bank » de la micro-assurance. Les contrats qu’elle propose à plus d’1 million de clients aujourd’hui combinent le crédit, l’épargne et l’assurance. La distribution est organisée autour de la vente directe au domicile du particulier.

3. Les caisses de crédit et les coopératives/mutuelles d’assurance

Les assureurs sont ici de mutuelles ou des coopératives qui distribuent principalement des produits d’assurance crédit qui permettent au débiteur d’annuler sa dette en cas de décès. La gamme de produit est élargie à l’épargne, l’assurance invalidité, le paiement des frais funéraires et également l’assurance habitation.

Les coopératives et mutuelles distribuent leurs produits auprès de leurs membres de leur propre réseau ou de réseaux associés. Les assurances de groupe sont donc très souvent utilisés et associés avec d’autres services (par exemple en prêt).

37 Mc Cord, Churchill, Delta Life Bangladesh, Case Study n°7, February 2005

La Equidad est une coopérative colombienne fondée en 1970 par un ensemble de coopératives pour fournir des services d’assurance aux plus démunis. En plus de ses fonctions d’assureur traditionnel du marché (classé

13ème sur 21 pour le total primes collectées en vie), elle propose des produits de micro-assurance depuis la fin des années 90. Une première tentative peu fructueuse avec le produit à adhésion individuelle « Primero Mi Familia », a évolué vers 2 nouveaux types de produits dès 2003. Ces produits d’assurance groupe très semblables au niveau des garanties sont distribués grâce à deux réseaux différents.

Le premier partenariat rejoint le modèle vu précédemment puisqu’il s’agit d’une alliance avec une institution de microfinance locale, la Women’s World Foundation (WWF) qui fournit des services de microfinance (prêts notamment) aux personnes à faibles ressources. Le produit « Amparar » (protéger) est donc couplé avec la vente du micro-crédit ce qui facilite la collecte groupée des primes pour l’assureur ; les coûts de transaction sont réduits et les incidents de paiement évités.

Le deuxième partenariat utilise un réseau de plus de 1000 coopératives affiliées pour distribuer le produit « Equivida ». Le produit rencontre un succès plus mitigé avec ce type de distribution. Les raisons peuvent être expliquées comme suit38 :

Le produit est plus complexe

  •  Les commissions de vente vont à la coopérative et non directement aux employés.
  •  Le produit n’est pas totalement intégré à un prêt
  •  Les moyens de communication utilisés ne mettent pas en valeur l’assurance.

38 Gloria Almeyda, Francisco de Paula Jaramillo, La Equidad Seguros Colombia, Case Study n°12, September 2005

Distribution des produits Amparar et Equivida

Distribution des produits Amparar et Equivida

D’autres problèmes touchent ce type de partenariat puisque ce genre de coopérative dépend très fortement du réseau qui lui est associé. L’assureur ServiPerú a souffert de l’effondrement des coopératives qui le soutenaient et de l’économie nationale au début des années 90.

Aujourd’hui, il s’est spécialisé dans les services d’assurance Maladies et Funérailles et a crée une filiale qui gère son portefeuille d’assurance. A peine 10% des assurés sont des membres des coopératives.

Ce mode de vente de la micro-assurance dépend donc essentiellement du dynamisme du mouvement coopératif implanté dans le pays. La participation de l’agent dans la compagnie d’assurance a son importance puisqu’elle lui permet d’influer sur la conception et la gestion du programme d’assurance et directement sur le partenaire par voix démocratique.

4. Analyse comparée de ces modèles

Tableau récapitulatif des modèles de distribution de la micro-assurance pour un assureur traditionnel (de type « commercial » ou « coopératif/mutualiste »)

ModèleModèleIMF/assureurModèle de vente directeModèle communautaire spécifique coopératif/mutualiste
Exemples typeAIG (Ouganda)Tata-AIG (Inde)Delta Life (Bangladesh)La Equidad (Colombie)
+Avance des montant d’indemnisation par les IMF (règlement plus rapide)Nouvelle « profession »pour les femmesSouvent en complément de l’assureur emprunteurProduits d’assurance groupe moins chers
La micro-assurance, souvent liée à un prêt, n’est pas la priorité de l’IMFLe paiement des indemnités en cas de sinistre n’est pas immédiatProduits pas toujours adaptés à l’hétérogénéité des populations
Avantages pour l’assureurCoûts de transaction réduits (réception d’un montant global de primes)Primes intégrées à des prêts (moins de risque d’impayés)Réseau déjà en placePas besoin de trouver uneIMF performanteCollecte des primes globale (via une ONG par exemple)

Utilisation de structures collectives existantes

(Self Help Group en Inde) Dissociation des activités

de microcrédit

Canaux de distribution existentClientèle = membres de la coopérative
Inconvénients pour l’assureurDifficulté pour trouver une IMF performante et viableDifficulté pour trouver des agents et les formerCoûteux à mesure que les agents doivent atteindre des personnes éloignées (coûts administratifs et transport)Marché limité aux membres de la coopérativeForces de vente moins performantes (les commissions sont distribuées à la coopérative)

L’assureur a donc trois possibilités pour organiser la vente de ses produits de micro-assurance. Le partenariat avec une institution de microfinance ou un autre type d’organisation locale préexistante lui permet de distribuer ses produits à moindre frais administratifs en profitant de l’expérience et du réseau de celle-ci.

Mais il n’est pas toujours facile de trouver un collaborateur institutionnel performant, le modèle de vente directe permet de contrôler toute la chaîne de distribution et d’intervenir sur un marché où les institutions de microfinance adéquates se font rares.

S’il est encore trop tôt pour conclure sur l’échec ou le succès de ce mode de distribution, il est possible de trouver ses limites : les assureurs peuvent éprouver des difficultés à trouver des personnes qualifiées pour exercer en tant qu’agent et les former. Le commissionnement devient plus coûteux à mesure que les agents augmentent le nombre de membres de leur groupe.

La dernière possibilité d’organisation est particulière au monde coopératif et mutualiste. Les assureurs utilisent leur réseau afin de distribuer les produits à leurs membres. La recherche d’une clientèle est donc facilitée mais elle est limitée au nombre d’adhérents. De plus, le milieu mutualiste et coopératif n’a pas la même puissance dans tous les pays, si bien que ce modèle ne peut être adaptée que dans des contextes particuliers.

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