Les dispositions et les parties à un accord collectif de travail

Les dispositions et les parties à un accord collectif de travail

2. Les dispositions d’ordre public et le rôle désuet des parties à une convention ou un accord collectif de travail

Il n’est pas question ici d’évoquer le critère de détermination des dispositions d’ordre public263. En revanche, il convient d’aborder dans ce paragraphe de notre étude l’influence des dispositions d’ordre public sur le prononcé de la nullité du contrat de travail lorsqu’existe une volonté de la part des parties contractantes de faire jouer un rôle aux clauses du contrat pourtant nulles selon ces dispositions.

En fait, la solution est simple : l’ordre public est d’application générale et supplante la volonté des parties à un contrat quand bien même celles-ci subordonneraient leur consentement à l’existence de la (les) clause(s) déclarée(s) nulle(s) par des dispositions législatives ou réglementaires ayant cette valeur. Dès lors, pas question de prendre en compte la volonté du salarié et/ou de son employeur ni même leurs intérêts quant à l’éventuelle survie de la clause litigieuse.

Reste à savoir si, dans l’hypothèse où la nullité ne touche qu’une clause du contrat de travail, la volonté des parties au contrat de travail peut s’avérer déterminante. Comme on vient de le voir ci-dessus, dans cette hypothèse, le critère décisif du prononcé de la nullité de tout ou partie du contrat de travail va alors résider dans le caractère déterminant ou non du consentement d’une ou des parties de la convention, de la clause jugée non valable. Dès lors que l’existence de cette clause aura déterminé l’une au moins des parties contractantes à conclure ladite convention de travail, cette clause litigieuse déclarée non valable entraînera alors le prononcé de la nullité de l’ensemble de ce contrat. Dans l’hypothèse inverse, seule cette clause sera annulée, le reste du contrat demeurant valable.

En ce qui concerne cette fois la volonté non des parties à un contrat de travail mais celle des parties à une convention ou un accord collectif de travail c’est à dire les partenaires sociaux, ceux-ci influencent généralement de manière considérable le contenu de chaque type de contrat. En effet, ces acteurs de la vie de l’entreprise prévoient dans leurs accords des dispositions que doivent respecter les parties au contrat de travail dans l’élaboration des dispositions de celui-ci.

Or, quelle sanction encourt les parties contractantes en cas de non-respect de ces dispositions ? Certes, la notion d’ordre public social, protectrice des intérêts du salarié, aurait pour conséquence l’application des dispositions envisagées par l’accord ou la convention collective applicable à la relation de travail quand bien même celle-ci comporterait une disposition contraire. Cependant, les partenaires sociaux ont envisagé depuis longtemps de sanctionner l’irrespect des dispositions de ces accords par le contrat de travail. En effet, une clause violant ces dispositions doit être déclarée nulle.

263 Cf. Partie 1, Section 2, §2, B, 1. (pour des exemples de dispositions d’ordre public en matière de nullité du contrat de travail).

Dès lors, la jurisprudence sociale avait pris pour habitude de se référer au contenu de la convention ou de l’accord. Si celle-ci envisageait de sanctionner par la nullité de la clause la violation de la convention ou de l’accord, les juges prenaient en compte cette volonté des partenaires sociaux pour prononcer la nullité de ladite clause.

Dans l’hypothèse où rien n’était prévu les juges prud’homaux restaient alors libres de prononcer ou non cette sanction. Or, il faut aujourd’hui considérer cette jurisprudence comme désuète. En effet, nous l’avons vu dans nos développements antérieurs, la chambre sociale se prononce, depuis un arrêt du 13 janvier 1998, pour la nullité de la clause violant les dispositions des conventions ou accords collectifs de travail quand bien même ces textes ne prévoiraient rien de tel264.

Outre les dispositions d’ordre public (ordre public strict comme ordre public de protection et ordre public social), le juge prud’homal ne semble pas aujourd’hui lié par un quelconque support textuel. Il dispose alors, dans cette hypothèse, d’un grand pouvoir dans le prononcé effectif de la nullité du contrat de travail. Seuls les textes d’application impérative conduisent donc ce dernier à passer outre son pouvoir souverain d’appréciation pour appliquer ces textes dès lors que les conditions de leur non-respect sont remplies par le contrat de travail mis en cause.

Le rôle autrefois attaché au libellé des conventions et accords collectifs de travail est donc sans incidence de nos jours, les partenaires sociaux n’ont plus à intervenir dans ce cadre au prononcé de la nullité du contrat de travail.

Cependant, c’est peut être dans cette hypothèse, dans un soucis de respect de ces accords, que la jurisprudence se prononce désormais pour la nullité de toute ou partie d’un contrat de travail qui violerait, dans un sens moins favorable au salarié, les dispositions de ces textes quand bien même ces derniers n’auraient rien ou auraient omis d’envisager une telle sanction.

Hormis les dispositions d’ordre public, la référence au caractère déterminant du consentement de l’une des parties, salarié ou employeur, au jour de la conclusion du contrat de travail est de nature à influencer la décision des juges prud’homaux.

Se référant alors à cette notion de critère déterminant du contrat de travail que connaît les juridictions civiles, la chambre sociale de la Cour de cassation n’apparaît pas faire œuvre novatrice en matière de nullité d’un contrat. En effet, celle-ci applique, surtout en matière de vices du consentement, cette solution qui lui permet de garder un pouvoir souverain dans l’appréciation de la sanction à prononcer à l’encontre du contrat vicié en tout ou partie.

264 Cass. soc 13 janvier 1998 Société européenne de sélection c/ Madame Saddok, op. cit.

Or, cette marge de manœuvre apparaît rare en pratique. Souvent, ce sont les dispositions du Code du travail qui sont invoquées au soutien d’une action en nullité du contrat de travail265. Dès lors, en quoi les solutions de cette chambre de la Cour de cassation apparaissent-elles différentes de celles issues des chambres civiles ? Il faut se placer, dans cette optique, au sein même des solutions données par la chambre sociale. En effet, les conséquences attachées au prononcé de cette nullité démontrent l’originalité d’une telle sanction dans le cadre du droit du travail.

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