Les autres techniques d’intervention au contrat de travail

Les autres techniques d’intervention au contrat de travail

2. Les autres techniques d’intervention au contrat de travail

Les recours à des techniques sanctionatrices autres que la nullité du contrat de travail sont issus tout comme la requalification et la révision du droit commun des contrats. Ainsi, ces dernières ont pour but d’éviter le recours au prononcé de la nullité du contrat et de tous les effets qui y sont attachés.

Or, on doit constater dès à présent que ces sanctions ont donc vocation à ne recevoir qu’un succès mitigé en droit du travail, la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation ayant, comme on l’a vu, adapté le régime de la nullité que connaît le droit civil à la situation particulière qu’est la relation contractuelle de travail pour n’en garder que les conséquences les plus favorables aux parties. Dès lors, ce paragraphe n’a vocation qu’à énumérer la sanction la plus propice à s’appliquer en la matière.

La substitution de certaines clauses irrégulières du contrat de travail par d’autres valables est en effet parfois appliquée par les juges prud’homaux. Cette sanction consiste donc quelque part à priver d’effet les clauses irrégulières, mais également à les remplacer par d’autres ayant le même objet mais cette fois valables ce, par la seule décision du juge prud’homal. Au titre de cette sanction, on peut remarquer comme le fait monsieur COUTURIER377 que la loi elle-même envisage la substitution en cas de discrimination entre hommes et femmes378 ainsi que plus largement lorsque le contrat de travail méconnaît la convention collective applicable ceci étant la conséquence automatique de l’ordre public social dans cette hypothèse.

377 La théorie des nullités dans la jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation, COUTURIER (G.), op. cit., pp. 277 et 278

.378 Art. L.140-4 du Code du travail.

Par ailleurs, comme le souligne monsieur GHESTIN379, la substitution conduit donc à enlever au contrat sa disposition irrégulière pour la remplacer par une clause qui sera valable. Dès lors, cette sanction va plus loin que la simple révision de la clause puisque cette dernière ne vise qu’à réduire le champ d’application, l’étendue des termes de la clause litigieuse. La substitution quant à elle, retire au contrat la clause pour la remplacer par une autre même si l’on peut considérer que l’objet de celui-ci ne semble pas occulté dans cette hypothèse.

De plus, cet auteur constate également que, de manière générale, « le législateur peut toujours réaliser une substitution. (Elle) se rencontre le plus souvent dans les domaines où la liberté contractuelle ne s’exerce qu’à l’intérieur ou, au moins parallèlement, à un régime ou statut légal.

Il en est ainsi, de façon aujourd’hui classique, en matière de bail ou de contrat de travail »380. Dès lors, dans les hypothèses où le législateur permet cette substitution, celle-ci se produira de façon pour le moins automatique, le juge prud’homal ne disposant alors d’aucun pouvoir d’appréciation en la matière.

De même, la loi peut conférer au juge le pouvoir de substituer la clause initiale par une disposition conforme aux prescriptions légales, dès lors cette sanction n’est que facultative et à défaut d’autorisation, celle-ci semble, « en principe, interdite au juge »381.

Pourquoi énoncer une telle interdiction faîte au juge de prononcer la substitution au sein de la relation de travail d’une clause du contrat de travail hors des hypothèses envisagées par le législateur? Il faut prendre en considération le fait ici que la substitution bien plus que la simple révision touche de près les principes d’autonomie de la volonté, force obligatoire des contrats et liberté contractuelle.

Dès lors, seuls les pouvoirs publics apparaissent donc à même de modifier le contenu des contrats en autorisant l’intervention de l’autorité judiciaire sous couvert de dispositions d’ordre public.

La sanction de la substitution d’une clause du contrat de travail par une autre valable est ainsi enserrée dans des contraintes de respect de « l’esprit » de la convention382 et donc de respect de la volonté commune aux parties contractantes.

Comparée à la nullité-réduction383, cette nullité-substitution a pour conséquence similaire de conférer aux juges un pouvoir important d’immixtion dans la relation liant le salarié et son employeur. Dès lors, on peut reprocher à ces deux sanctions de mettre à mal facilement, trop peut-être, la volonté des parties contractantes en leur imposant de continuer leur relation contractuelle à des conditions fixées par le juge prud’homal.

Or, le contrat de travail se présente bien comme un contrat intuitu personae où les parties fixent d’un commun accord leur rapport contractuel de travail et les conditions dans lesquelles celui-ci se déroule. Dès lors, sous couvert d’une autorisation de la part du législateur et de dispositions d’ordre public, la jurisprudence peut donc méconnaître les principes de liberté contractuelle et d’autonomie de la volonté dans ces hypothèses.

Cependant, la critique doit être moins forte en ce qui concerne la révision des clauses contractuelles. En effet, dans cette hypothèse, le juge ne fait que modérer la clause litigieuse qui reste ainsi la même dans son principe et proche de la volonté initiale des contractants. De plus, c’est en l’absence de toute autorisation du législateur qui reste muet en la matière que les juges ont appliqué la sanction de la réduction aux clauses de non-concurrence comme on l’a vu384.

C’est dire si le soucis de préserver à tout prix la relation contractuelle apparaît primordial en matière de contrat de travail !

379 GHESTIN (J.), Traité de droit civil-Les obligations, op. cit., n°905 et s.

380 Idem.

381 Ibidem, n°906.

382 En ce sens, Cf. A.BENABENT, Droit civil-Les obligations, op. cit., n°220.

383 Ibidem, n°219.

Face aux multiples sanctions dont dispose la chambre sociale de la Cour de cassation, la requalification constitue cependant la plus utilisée. D’ailleurs, cette chambre « utilise maintenant le terme de requalification dans des hypothèses où elle faisait précédemment état d’une nullité et ce changement terminologique correspond à un affinement de l’analyse (…) Désormais, le raisonnement conduit à la requalification »385.

Dès lors, cette sanction ne remet pas en cause de façon fondamentale l’exécution du contrat de travail sauf à en limiter ses effets, essentiellement au jour de la rupture de la relation salariale. La requalification apparaît donc comme étant une sanction concurrente de la nullité de l’ensemble ou d’une partie seulement du contrat386.

En effet, celle-ci intervient seulement dans la dénomination de la convention de travail établie entre salarié et employeur afin d’en éviter la nullité et de permettre la survie de la relation antérieurement établie tout en respectant les dispositions des différentes législations applicables en la matière.

Au contraire, la nullité apparaît, en comparaison, comme une sanction beaucoup plus radicale puisque celle-ci fait disparaître, on l’a vu, tout effet postérieur au prononcé de cette sanction que pourrait alors produire le contrat de travail. La sanction de la nullité semble donc contrainte, malgré elle, de subir la concurrence d’autres sanctions civiles toutes aussi efficaces qu’elle, voire même plus.

384 Idem.

385 G. COUTURIER, La théorie des nullités dans la jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation, op. cit. p.279.

Or, l’existence également de sanctions pénales en droit du travail semble amplifier de surcroît la difficulté pour la nullité de se créer un véritable champ d’application autonome. Cependant, il s’avère que ces dernières sont beaucoup plus utilisées en pratique en tant que compléments au prononcé de sanctions civiles plutôt qu’en tant que véritables sanctions particulières de la méconnaissance des règles de validité du contrat de travail.

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