Les affinités d’un instant et la relation de couple

Les affinités d’un instant et la relation de couple

Les affinités d’un instant et la relation de couple : des formes et contours différents (arbre thématique AT4)

Les affinités : définition

Au carrefour du rapport au sensible et de la vie relationnelle se dessinent donc des affinités. Nous l’avons déjà évoqué plus haut, Thierry situe l’affinité comme une « alchimie de goût et de force entre soi et l’autre ». En ses propres termes, la définition qu’il en donne est la suivante : « Pour moi c’est clair […] en présence de l’autre, il y a la reconnaissance du goût de l’autre. Mais après, il y a une alchimie de la rencontre, entre le goût de soi, le goût de l’autre, entre la force de soi, la force dans l’autre. On appelle cela une affinité » (167-170).

Nous avons également vu que Thierry fait une distinction entre d’une part l’affinité et d’autre part l’amour qui peut se donner à vivre en traitement : « Du point de vue de notre réciprocité au sensible, on constate qu’il y a des affinités, autrement dit, des relations d’amour plurielles qui sont beaucoup plus que le simple amour inconditionnel envers un patient » (32-35).

En nous appuyant sur l’arbre thématique AT4, nous pouvons approfondir.

Tout d’abord, l’affinité correspond à « une résonance qui déclenche ou non un élan d’aimer ». Et il importe de nommer « l’immédiateté comme condition de la résonance ». Rappelons que l’immédiateté est une condition d’accès au sensible et nous voyons ici un lien de plus entre rapport au sensible et enrichissement de la vie relationnelle.

Questionnements sur la nature des affinités entre personne

Nous retrouvons sous le thème « résonance et affinités entre personnes », le débat qui anime Thierry quant au lien entre « affinité du sensible » et « élan d’aimer », en particulier quand la « complémentarité homme-femme » entre en jeu. Il précise : « Qu’est-ce qui fait que, en ce qui me concerne par exemple, il y a spécificité de l’élan d’aimer dans le sensible, entre l’homme que je suis et la présence d’une femme qui me touche ? Je n’ai pas la même résonance face à un homme dont je peux me laisser toucher par la présence du sensible.

Qu’est-ce que ça vient chercher de plus dans cette complémentarité entre une énergie féminine et une énergie masculine ? Qu’est-ce qui fait que certaines de ces résonances nourrissent profondément sans appeler une réaction, une résonance charnelle, alors que d’autres appellent et créent une résonance charnelle, un élan d’aller dans l’acte d’amour ? D’autres touchent mais ne créent pas cet élan » (174-182).

Examen de quelques différences entre affinités et relation de couple

Commencent alors à se dessiner des contours permettant la différentiation entre relation d’affinité et relation de couple.

Attention cependant, cette différentiation n’est pas forcement là où on l’attendrait : « En tout cas, la chose qui est sûre pour moi, c’est que la résonance dans le lieu de l’amour, la résonance qui appellerait l’acte d’aimer n’est pas spécifique à la rencontre avec le partenaire ou la partenaire avec qui on choisit la figure du couple. Ça c’est clair » (182-186).

Un fait semble clair pour Thierry : l’affinité qui appelle l’élan d’aimer n’est pas limitée à sa conjointe. Les spécificités de la relation de couple par rapport à la relation d’affinité se situent bien ailleurs. Mais où ?

Thierry poursuit en précisant que la figure du couple crée des conditions pour que les affinités premières prennent « de la force et de la puissance ». Il y a alors « convocation » dans le lieu de « l’exister en relation » :

« En même temps, il est clair pour moi aussi que la figure du couple, l’expérience du couple crée des conditions favorables pour que les conditions d’affinités premières prennent de la force et de la puissance et viennent progressivement et de façon évolutive travailler à l’intérieur de moi comme un mouvement, une force de croissance qui peut-être me convoque dans le lieu de mon existence en relation » (186-191).

Pour Thierry, la relation de couple doit sa portée spécifique au fait notamment qu’elle s’inscrit dans une certaine durée et dans un climat de confiance : « ce processus [voir ci-dessus] est un processus précieux qui demande des conditions particulières, des conditions de confiance, qui demande un facteur temps » (191-193).

Le rapport à la temporalité et les effets déclenchés entre personnes diffèrent entre relation de couple et relations d’affinités : « Pour moi, vivre d’immédiats en immédiats les affinités amoureuses qui naissent du sensible ne mène pas au même processus qu’introduire dans le choix de mon existence la figure de l’engagement […], qui demande que l’on prenne soin de ce qui est né et de ce qui continue d’être » (196-202).

Une certaine constance présente dans la figure du couple se révèle favorable au projet de vie lui- même : « Je décrirai l’amour comme un ingrédient particulièrement aidant dans des phases difficiles de la naissance à soi-même. Et l’amour que nous porte l’autre est capable de nous tenir sur une distance parce que l’amour de l’instant ne suffit pas; il faut être tenu sur une distance.

Donc une des spécificités […] de la relation de couple au sein d’un processus de développement de la personne, c’est de pouvoir nous tenir dans des moments où l’on ne peut pas tenir tout seul. Encore faut-il que l’autre aime qui nous sommes, et pas l’ensemble de nos habitudes d’existence seulement » (278-284).

À la question : « Mais les amis proches, ne crois-tu pas qu’ils pourraient t’aimer à cet endroit ? » (287), Thierry confirme la spécificité de la relation de couple : « Oui, ils peuvent m’aimer à cet endroit-là, mais ce ne sont pas eux qui vont se tenir à mes côtés pendant mes 10 pas, 20 pas, 100 pas, 1000 pas nécessaires pour traverser cette transition là » (288-290).

Pour une vision synthétique de ces différences entre affinités et relation de couple nous vous recommandons la lecture de l’arbre thématique Thi4. Poursuivons cette analyse en enrichissant encore de quelques détails et de quelques spécificités la description faite par Thierry de son expérience de la relation de couple.

La relation de couple : une opportunité de soutien réciproque dans la démarche de transformation (arbre thématique AT5)

L’arbre thématique AT5 détaille les éléments qui, pour Thierry, font voir le couple comme « un soutien pour soi dans la démarche de transformation » et comme « un soutien pour l’autre dans sa croissance ».

Thierry ne se leurre pas : pour lui, « être deux » constitue « des forces supplémentaires » mais s’accompagne également de « contraintes supplémentaires ». Cependant dans son entretien, ce sont les aspects porteurs du couple qui sont très développés.

Au passage, il est intéressant de relever le renversement de perspective proposé par notre participant au début de l’entretien : « On peut proposer des variantes pour une problématisation et se poser la question : en quoi la relation de couple vient-elle enrichir le rapport au sensible ? » (7-8). Le renversement vient ici du fait que Thierry ne s’inscrit pas dans une dynamique à sens unique, qui partirait du sensible pour aller vers la vie inter personnelle.

Et il est affirmatif en précisant : « Dans un projet où la relation au sensible fait l’objet d’une attention, d’un projet de vie porté par l’un et l’autre […], il y a un enrichissement du rapport au sensible par l’expérience de la relation » (36-39).

L’arbre thématique qui suit nous semble suffisamment explicite pour que nous laissions le lecteur le parcourir. Il y a là une belle expression de la forme que prend la réciprocité au sein du couple, pour Thierry. En quelques traits forts, le portrait d’une dynamique à deux se dessine.

Soulignons malgré tout que notre participant s’interroge sur la véritable « responsabilité » au sein de cet accompagnement. À propos de sa partenaire, il précise : « Il y a une forme de veille, je veille sur cet être en devenir et j’ai peut-être parfois le sentiment d’une responsabilité qui est illusoire parce que ce processus à son autonomie, parce que je ne suis pas le seul à alimenter cette partie d’être en devenir. Mais en même temps, il y a une responsabilité. C’est l’amour, le lien d’amour qui permet des conditions favorables à ce que cette partie d’être en devenir devienne. C’est ma conviction » (332-337).

Le rapport à l’amour, comme nous l’avions constaté dans l’analyse thématique générale est un sujet essentiel pour Thierry, non seulement en quantité mais également en qualité. Toutes ses réflexions relationnelles intra personnelles ou interpersonnelles semblent en être issues. L’Amour semble en être le liant suprême.

L’expérience du couple : une ouverture à l’infinie richesse des possibles de l’engagement (arbre thématique AT6)

Comment l’engagement relationnel – le couple en étant une figure clé – s’accorde-t-il avec l’engagement dans une démarche de naissance à soi-même ? Nous avons déjà donné des éléments de réponse autour de la nécessité pour Thierry, par exemple, de s’exposer à la vie relationnelle signifiante.

Le couple peut se faire l’écho favorable d’un facteur temps, incontournable dans la démarche de transformation au contact du sensible. Il n’y a pas forcément opposition entre démarche au contact de l’immédiat et processus à moyen ou long terme : « Même si cette résonance [d’affinité avec ma partenaire] se donne dans un immédiat, le processus de construction de soi ou de déconstruction de ses habitudes ou d’accouchement de l’être en relation que je suis demande du temps » (194-196).

Ici encore, nous invitons le lecteur à parcourir l’arbre thématique pour découvrir les facettes de « l’expérience de l’engagement » telle que nous les livre Thierry.

Au décours de l’entretien, apparaît une redéfinition de la notion de « fidélité à l’autre » autour de trois caractéristiques : « une non exclusivité organisationnelle », « une non exclusivité sexuelle » mais un « lien à l’être en devenir ». Thierry développe cette « fidélité fondatrice » (342).

Elle est tout d’abord de nature perceptive et de présence : « C’est un rendez-vous où il m’est donné d’avoir accès, dans ma partenaire, à une potentialité d’exister et la façon dont je pose mon amour, mon attention, ma présence au contact de cette potentialité d’exister est unique pour cette potentialité d’exister, la révèle sous un angle particulier » (343-346).

Une fois encore, la relation en tant que « lieu unique » de la rencontre entre deux êtres livre sa spécificité et ses limites : « Cet angle peut être vital pour son développement comme parfois il peut ne pas être vital parce que d’autres parviennent à toucher cette potentialité sous d’autres angles qui sont plus porteurs; voire même d’autres touchent des potentialités que moi je ne touche pas » (346-350).

Enfin, la fidélité fondatrice s’accompagne d’une « constance », d’une « responsabilité » et d’une « veille ». À propos de cette dernière, Thierry est explicite : « Mais dans la relation d’amour d’être à être, pas dans la relation de névrose à névrose, dans la relation d’amour qui existe sur le plan de l’être à l’être et de l’être humain à l’être humain, il y a une veille que j’exerce.

Et je sens l’exercice de cette veille de la part de ma partenaire sur des potentialités qui sont miennes et qui demandent du temps pour se déployer et qui demandent que quelqu’un se tienne à leur côté, quelqu’un d’autre que moi. Parce que tout seul, je n’en ai pas la force suffisante » (351-357).

Dernier volet ouvrant sur les « possibles de l’engagement », la relation de couple est pour Thierry « productrice de maturités » dans les secteurs clés de la personnalité.

De son entretien ressortent des définitions des différents visages de la maturité. Maturité affective :

« Une maturité affective, ce serait la capacité de tenir en face de quelqu’un ou d’un groupe, que l’échange affectif soit de l’ordre d’un échange positif qui confirme ou d’un échange négatif qui infirme, qui critique; pouvoir se tenir sans s’invalider affectivement entre soi et soi dans un contexte favorable ou au contraire défavorable » (474-478).

« Plus concrètement par exemple, être capable de s’aimer en présence de quelqu’un qui ne t’aime pas » (362-363).

Maturité psychique ou intellectuelle : « Une maturité psychique ce serait pouvoir se tenir dans ses points de vue de façon stable mais perméable en même temps, dans un environnement où ses points de vue sont confirmés, dans un environnement où ses points de vue sont infirmés. Est-ce que l’on est capable de s’y tenir sans perdre sa solidité tout en se laissant bouger ? Ou est-ce qu’on perd pied dans un environnement argumentaire qui vient de façon pertinente nous percuter ou de façon très impertinente ? Ça c’est une maturité intellectuelle » (479-485).

Maturité spirituelle : « Est-ce que l’on perd le rapport à notre être, dans un contexte défavorable qui ne prend pas en compte l’être, par exemple dans lequel il y a un exercice de pouvoir, ou est-ce que l’on est capable de déployer les décisions nécessaires pour préserver le rapport à l’être ? » (486-489).

* Maturité sensuelle, enfin : « Une maturité face à l’acte de l’amour et au désir, à la gestion, à la façon de se tenir dans le lieu du désir et de la résonance charnelle. Liberté de se donner, liberté d’accepter que l’autre se donne. Liberté de se tenir dans cette résonance là. Liberté d’être touché, d’avoir de l’élan pour l’autre et de choisir de donner expression à cet élan ou ne pas donner expression mais sans pour autant se sentir atteint » (502-507).

Pour terminer, osons ajouter que pour prendre la mesure des défis auxquels renvoient ces différentes maturités, il est bon de s’interroger comme nous le propose Thierry, mais en se mettant en scène auprès d’une personne hautement signifiante. Le ou la partenaire dans le couple nous place au rendez-vous de cette signifiance, par les profondeurs de soi qu’il ou elle sollicite, tout autant que par les enjeux liés à la force de l’amour qui vit là.

Est-on capable de se tenir affectivement, intellectuellement, spirituellement stable tout en étant ouvert au changement dans un contexte favorable, dans un contexte percutant ? Cela demande certainement beaucoup de travail et de temps.

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