Le traitement d’un LBO en difficulté, Crise du Leveraged Buy-out

Le traitement d’un LBO en difficulté, Crise du Leveraged Buy-out

F. Le traitement d’un LBO en difficulté. La crise du LBO ne peut-elle que conduire à l’échec définitif de l’opération ?

Maintien du dialogue et qualité de négociation, comme clés de la réussite ou tout au moins comme barrières à l’échec.

Un LBO en crise se caractérise par des free cash-flows durablement inférieurs aux prévisions ce qui implique que non seulement l’investissement réalisé n’a pas atteint la rentabilité escomptée mais de plus, dans la mesure ou la transaction a été en grande partie financée par concours financiers externes l’équilibre de l’opération risque d’être bouleversé et la bonne fin du LBO remise en cause.

Dans ce cas, l’échec du LBO est constaté à tous les niveaux c’est à dire pour les investisseurs, pour les mezzaners mais également pour les prêteurs et le management. L’issue peut au pire se conclure par une situation de cessation de paiements, mais cette situation reste rare dans la mesure où la dette aura la plupart du temps été réaménagée, où le taux aura été diminué, en fonction de la nouvelle donne économique ayant justement conduit à la crise du LBO.

Les situations ne sont pas toujours irrémédiablement compromises. Il existe des moyens de réagir, à condition que les constats de défaillance soient faits le plus en amont possible. La capacité d’adaptation des protagonistes de l’opération et leur aptitude à proposer des solutions permettant le déblocage de certaines situations constitue d’autant en finalité un réel facteur de réussite.

Un LBO peut connaître une crise, liée à un mauvais diagnostic initial ayant conduit à la mise en place d’une configuration financière inadaptée. La reconfiguration, après renégociation peut finalement déboucher sur une opération satisfaisante pour les banquiers seniors qui se voient remboursés de leur capital et rémunérés de leurs intérêts, ainsi que pour les investisseurs dont le TRI peut s’avérer en fin de compte conforme à leurs objectifs initiaux.

Dans ce cas et peut être de façon encore plus évidente qu’aux autres stades de l’opération, la réussite dépend de la capacité des parties à mener une négociation intelligente et équilibrée.

Chaque cause produit cependant des situations différentes et les solutions des unes ne prévalent pas forcément pour les autres. La crise du LBO conduit effectivement toujours à l’exacerbation des conflits issus des divergences d’intérêts entre chacune des parties.

En ce sens, la crise du LBO constitue un catalyseur des effets liés à la totalité des conflits d’agence démultipliés par ce type d’opération.. La résorption de la crise fait appel aux techniques de résolution des conflits dont l’issue dépend de la qualité de l’architecture juridique mise en place, mais également de l’équilibre relatif de l’intérêt entre les parties défini par les conditions de répartition de la richesse et du risque au moment de l’initiation du projet.

1. Principales causes de difficultés

Une conjoncture défavorable se traduit par une baisse des ventes ou par un accroissement des coûts d’achat ou de commercialisation ou encore par l’apparition d’investissements exceptionnels non initialement budgétés (modification d’une norme ou d’une réglementation par exemple, ou mauvaise appréciation industrielle).

Ces événements bouleversent alors la génération de cash flows qui deviennent dès lors inférieurs aux prévisions ayant prévalu lors de la mise en place de l’opération, et donc insuffisants pour servir le remboursement de la dette d’acquisition.

Par ailleurs, comme nous l’indiquions dans notre développement sur la valorisation des sociétés non cotées, une des principales sources d’erreur se situe au niveau même de la prévision qui tend souvent à sur-estimer les flux entrants et à sous-estimer les flux sortants.

Cette erreur conduit à accepter, voire à proposer (dans le cadre des procédures «open-bid » ou mises aux enchères) des valorisations beaucoup trop généreuses par rapport aux capacités intrinsèques de la cible à générer de la valeur et surtout par rapport au coût du capital engagé par les investisseurs.

Cette approche doit cependant être relativisée et, si une part importante de l’approche en terme de valorisation de la cible dépend des potentiels de croissance de celle-ci, la plupart des opérateurs, qu’ils soient investisseurs ou prêteurs, analysent les dossiers dans des bornes qui limitent les erreurs de diagnostic et de prévision. Malgré l’abondance de capitaux à disposition des fonds d’investissement, on ne peut effectivement estimer que l’attitude des professionnels de cette industrie soit particulièrement laxiste.

Le succès reposant sur la juste anticipation des cash flow disponibles pouvant être affectés au remboursement de la dette d’acquisition, il est important que le plan d’affaire soit précisément établi conjointement par les investisseurs et les managers. Le principal risque est lié à la technique de modélisation sur tableur.

En effet, l’analyse traditionnelle réside dans le repérage des tendances structurelles issues de l’observation historique : on applique un taux de croissance et on détermine, à partir de cette application, une structure de coût permettant de dégager un free cash flow. Cette modélisation permet de déterminer par la suite une structure d’endettement optimale en vue du financement de l’acquisition.

Le risque est grand de se tromper de taux de croissance et, parallèlement, de sous-estimer les coûts liés aux investissements de même que l’évolution du besoin de fond de roulement.

On constate en pratique que les plans d’affaires irréalistes voués à l’échec le sont dès l’initiation de l’opération. Les risques sont statistiquement maximisés au cours des 24 premiers mois suivant la mise en place du LBO .

Ce risque explique l’importance accordée aux due diligences (juridiques mais également économiques et stratégiques). Le diagnostic doit être aussi pertinent que possible et il n’est pas question de simplement se contenter de tracer des trends sur le futur à partir de l’évolution historique. Il s’agit avant tout de déterminer les fondements du business modèle de l’affaire ciblée et de s’assurer que celle-ci ne risque pas de subir une mutation de son métier ou de son environnement économique et stratégique.

Une autre cause de difficultés est le montage de l’acquisition par un levier sur- dimensionné. On comprendra aisément qu’un montage trop tendu laissant une portion très étroite à la capacité d’autofinancement future peut, en cas de retournement ou de simple ralentissement, empêcher l’entreprise de procéder à des investissements fondamentaux ou des adaptations structurelles lui permettant de conserver son leadership ou tout simplement de continuer son exploitation dans des conditions normales.

Aujourd’hui l’heure n’est plus à l’amateurisme du début des années 80 quand cette technique n’était pas encore mure aux Etats-Unis et encore pratiquement inconnue sur le continent européen. Les montages de LBO ont tendance à se sophistiquer de plus en plus.

Or, plus le financement d’origine a été sophistiqué, plus la restructuration sera le cas échéant facilitée du fait que, précisément, ces montages complexes ont pour objet de flexibiliser la structure de la dette. Ces types de financement sont malheureusement réservés aux grandes opérations.

Pour le repreneur d’une petite entreprise, la restructuration peut rapidement s’avérer souvent bien plus difficile que pour un grand groupe dont le financement concerne une syndication de multitudes de banques à divers niveaux. On retrouve là, l’effet de taille comme facteur de risque mesuré par Sofaris. Le risque opérationnel se double d’un risque de taille lié au montage lui-même et à ses enjeux sur le bilan des financeurs.

Les questions de principe prévalent souvent dans les relations banque entreprise; elles tendent à s’effacer quand les montants en jeu sont tels qu’ils dament les intérêts égotiques de telle ou telle personnalité de l’industrie ou de la banque.

Les diversifications hasardeuses non prises en compte par le business plan, la constatation d’un management insuffisant (notamment dans les cas de LBI ou ce risque est maximum), le montage d’une opération sur une activité dont la cyclicité a été sous- estimée ou non-détectée peuvent également constituer des facteurs d’échecs pouvant tous ensemble ou chacun pris séparément conduire à une situation de crise du LBO.

Suivant le degré de responsabilité de chacun dans les situations énoncées, la négociation va évoluer en faveur de l’une ou l’autre des parties et déboucher sur le choix d’une stratégie. Il faudra dans un premier temps avoir circonscrit et dépasser les freins propres à la restructuration et à la mise en place d’un jeu de négociation intelligente.

Les financiers s’accordent à dire que le facteur clé de la réussite de la restructuration d’un LBO en crise est la détection précoce et en amont des signaux d’alerte.

2. La gestion en amont des difficultés : un facteur clé du succès de l’opération

Plus la situation est décelée en amont, plus les chances de pouvoir remédier à un LBO en proie à des difficultés feront le succès de l’opération. Le coût d’un retard de diagnostic peut être très important puisque ce retard, fût-ce de courte durée, aurait pu permettre de passer d’une situation de difficulté passagère à une situation beaucoup plus compromise.

Le temps, plus précisément la rapidité dans la réaction des différents acteurs, est donc un facteur primordial dans la réussite de restructuration du LBO. Cette réaction est d’autant plus rapide et efficace que l’opération est suivie de près, notamment lorsque des signaux d’alarme ont été introduits dans la documentation de crédit sous la forme de ratios, tels les ratios de performance par rapport aux engagements financiers de la société (exemple : EBIT coverage70, ratio d’endettement, ratio d’exploitation…), ou sous la forme d’engagement d’information souscrit par l’emprunteur, de tout élément lié à l’activité de l’entreprise et susceptible d’affecter la politique de financement ou de déroger aux clauses du contrat de financement, tel un changement fondamental dans l’exploitation de l’entreprise ou une diversification qui ne correspondrait pas au plan initial ou des dérogations à la politique d’investissement décidée en commun au départ.

L’objectif de ces ratios est d’alerter les acteurs financiers sur une décroissance de l’activité, une baisse de rentabilité, une augmentation anormale des frais financiers, plus généralement, tout élément susceptible de mettre en péril la bonne fin de l’opération ou le remboursement des crédits.

Le diagnostic précoce de la situation de défaillance de l’entreprise permet d’évaluer les opportunités de redressement et les mesures d’urgence qui doivent être prises afin de :

  • * Sécuriser le fonds de commerce de l’entreprise à court terme, notamment dans la capacité de réinvestissement des co-investisseurs ou l’entrée de nouveaux partenaires;
  • * Minimiser les risques d’engagement de responsabilité pour le dirigeant et les investisseurs;
  • * Retrouver une crédibilité, notamment par les perspectives offertes par la restructuration envisagée.

70 EBIT coverage : rapport entre le résultat d’exploitation avant impôts et taxes et les frais financiers de la société.

Pour ce faire, lorsqu’un de ces signaux se déclenche, la méthodologie consiste, si le problème est structurel, à démonter l’opération, vérifier les erreurs commises, établir un nouveau diagnostic et élaborer de nouvelles projections financières qui correspond à la nouvelle situation. La mise en œuvre d’une stratégie de restructuration distingue deux cas de figure : d’une part, la situation où l’EBIT est négatif et qui réclame la chirurgie lourde, et d’autre part, la situation où l’EBIT est faible mais positif et qui impose une simple renégociation entre les acteurs.

La première typologie de négociation repose sur un partage de prise de risques : au banquier de rééchelonner la dette et à l’investisseur de rajouter de l’argent. La seconde typologie consiste pour le banquier à assumer seul les risques, en baissant les intérêts, et donc sa rémunération, ou en abandonnant sa créance, pendant un laps de temps, contre compensation si la situation se rétablit.

Pendant cette période de crise, il est vital que les différents partenaires maintiennent leurs relations et prennent conjointement des mesures permettant d’éviter de précipiter la société dans une situation de blocage pouvant entraîner l’état de cessation des paiements. Si tous les partenaires se sentent concernés, si la communauté d’intérêt est ainsi préservée et si les difficultés ont été identifiées à temps, les facteurs de réussite de sortie de crise sont alors réunis.

Alors que, dans le cas de la constatation tardive des difficultés, l’échec de sortie de crise passe souvent par la cession des titres, le changement d’actionnaire, la restructuration du management, la restructuration de la société opérationnelle.

3. Freins à une restructuration préventive et à une conduite de négociation intelligente

Les fonds d’investissement sont généralement discrets concernant leurs lignes difficiles. La crise a souvent complètement éclaté quand la mise en place des mesures correctrices est envisagée.

Les managers peuvent amplifier une crise naissante en refusant toute remise en cause de la stratégie initiale dont ils ont la plupart du temps contribué activement à l’élaboration et bien entendu dont ils sont toujours les artisans de la mise en œuvre.

Après éclatement de la crise du LBO, apparaissent en pleine lumière l’ensemble des divergences entre les parties, révélant ainsi la nature conflictuelle de l’ensemble des relations d’agence entre les parties (dettes et fonds propres, d’une part, investisseurs et managers, d’autre part).

Les actionnaires considèreront, ainsi, que leur rôle n’est pas de soutenir un investissement défaillant et répugneront généralement à toute recapitalisation. C’est souvent à ce moment que la notion de responsabilité de l’actionnaire n’a de sens que pour les seules instances politiques.

Les banques en France, contrairement aux banques anglo-saxonnes agissant aux Etats unis ou en Grande-Bretagne sont rarement enclines à transformer leurs créances en capital : tradition issue de la segmentation des rôles et de la défiance vis à vis du pouvoir judiciaire qui selon les banques ne manquera pas de leur réclamer le règlement de l’intégralité du passif en cas de défaillance.

Cette défiance est poussée au point où l’on a vu certaines banques préférer une renégociation sèche alors que la partie adverse proposait une renégociation assortie d’un kicker sous forme d’OBSA; la perte d’opportunité était pourtant de plusieurs centaines de points de bases en final. Les principales banques au financement des LBO sont également les banques les plus actives sur le plan de l’activité commerciale domestique vis-à-vis des PME.

On assiste parfois à une confusion de genre quand la même banque est à l’étage holding et à l’étage opérationnel, la partie holding, mieux rémunérée et moins garantie ayant tendance à faire pression sur la cible via son bras armé commercial afin de sauvegarder ses intérêts. On comprendra que cette situation doit, dès la mise en place de la syndication, être détectée et strictement encadrée voire exclue.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
Université 🏫: CNAM PARIS DESS Finance d'Entreprise - Chaire de Finance du Professeur Denis DUBOIS - Spécialisation Finance d'entreprise
Auteur·trice·s 🎓:
Virginie PHAM

Virginie PHAM
Année de soutenance 📅: Mémoire présenté pour l'obtention du DESS Finance d'entreprise - 2001-2032
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