Le droit au logement en droit européen et en droit communautaire

b) Le droit au logement en droit européen et en droit communautaire

Le droit au logement apparaît dans deux grands textes qui se complètent en droit européen : la Convention Européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (Convention EDH), adoptée le 4 novembre 1950 et la Charte sociale Européenne (CSE), signée à Turin le 18 octobre 1961 et révisée le 3 mai 1996.

En droit communautaire, le droit au logement n’apparaît pas explicitement, mais il a été reconnu à plusieurs reprises par les institutions de la Communauté Européenne. La Charte des droits fondamentaux, quant à elle, reconnaît un droit à une aide au logement, garantissant ainsi une protection minimale du droit au logement.

39 BOCCADORO Nathalie, « Vers la reconnaissance d’un droit au logement en droit européen? », Mémoire de DEA de droit communautaire, Université Paris II, Panthéon-Assas, 1996-1997

droit

europé du Conseil de l’Europe

Convention

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ne fait pas mention

du droit au logementinterprétation extensive de la Convention EDH

effet direct
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Européenne

article 30 article 31« droit à la protection contre

la pauvreté et l’exclusion sociale »« l’exercice effectif du droit au logement »

droit

commu

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de

l’Union

Européen

le logement ne fait pas partie des compétences confiées à l’Union

Européenne mais la nécéssité de garantir le droit au logement a été nrenceo»nnue dans différents textes.

Charte des droits

fondamentaux

article 34 § 3« le droit à une aide au

logement »

Parlement

Européen

résolution sur le logement des sans abris dans la

Communauté Européenne (1987) résolution sur un programme d’action sociale à moyen terme 1995-1997 (1995)résolution sur la conférence des Nations-Unies- Habitat II (1996)résolution sur les aspects sociaux du logement (1997)résolution sur le respect des droits de l’homme dans l’Union Européenne (1997)

Commission

Européenne

programme d’action communautaire

1985-1988programme d’action communautaire

1989-1994

Conseils

Européens

Lisbonne(mars

2000)Nice (décembre

2000)Stockholm (juin

2001)

engagement pour promouvoir

une croissance économique durable, réduire les risques de pauvreté et d’exclusion sociale et renforcer la cohésion sociale dans l’Union Européenne entre

2001 et 2010.

∙ Textes européens et communautaires

La Convention EDH est considérée comme l’instrument de protection des droits de l’homme le plus abouti en droit européen. Elle est l’un des rares textes internationaux dont l’effet direct est reconnu en droit interne. Cependant, la Convention EDH ne mentionne pas le droit au logement.

Le système CEDH assure malgré tout une protection du droit au logement grâce à l’interprétation par la Cour EDH de certains articles de la Convention EDH (voir infra 1.2.2-a). La Cour EDH s’est appuyée sur divers articles de la Convention EDH, jugés particulièrement importants par les juristes pour la reconnaissance du droit au logement :

– l’article 8, relatif au droit au respect de la vie privée et familiale, qui énonce que :

« Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection et la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »

– l’article 1, relatif au droit de propriété, et l’article 14 concernant l’interdiction des discriminations, tous deux issus du 1er Protocole additionnel à la Convention signé à Paris le 20 mars 1952 :

Art.1 : « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.

Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes. » Art. 14 : « La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou tout autre situation. »

– l’article 2 reconnaissant le droit à la vie et l’article 3 sur l’interdiction des traitements inhumains et dégradants, ont également servi à la protection du droit au logement mais dans une moindre mesure.

La Charte Sociale de 1961, inspirée par les articles 22 à 25 de la DUDH, regroupe la plupart des droits sociaux, économiques et culturels qui n’ont pas été repris par le Convention EDH.

Afin de faire face aux nouveaux enjeux économiques et sociaux, la Charte Sociale a été révisée le 3 mai 1996 pour permettre l’intégration des articles 30 et 31 sur l’exclusion sociale et le droit au logement. La Charte Sociale ainsi révisée est entrée en vigueur le 1er juillet 1999, signée par 32 Etats et ratifiée par 13 Etats.

La Charte sociale du Conseil de l’Europe prévoit notamment la garantie par l’Etat de l’habitat des personnes handicapées (article 15), des travailleurs migrants (article16). La Charte sociale révisée de 1996 engage les Etats signataires à garantir le droit à une protection contre la pauvreté et l’exclusion sociale (article 30) et à assurer l’exercice effectif du droit au logement (article31).

La Charte Sociale reconnaît non seulement le droit au logement, mais elle rend également sa mise en œuvre obligatoire. En effet, l’article 30 sur le droit à la protection contre la pauvreté et l’exclusion sociale, dispose que « les Etats s’engagent à prendre les mesures pour promouvoir l’accès effectif à l’emploi, au logement, à la formation des personnes en situation d’exclusion ». Et l’article 31 le complète en listant les mesures que les Etats doivent prendre pour assurer « l’exercice effectif du droit au logement » :

Art. 31 : « En vue d’assurer l’exercice effectif du droit au logement, les parties s’engagent à prendre les mesures destinées à favoriser l’accès au logement d’un niveau suffisant ; à parvenir et à réduire l’état des sans-abri en vue de son élimination progressive ; à rendre le coût du logement accessible aux personnes qui ne disposent pas de ressources suffisantes.»

La France fait partie des pays qui ont ratifié la Charte. Par conséquent, l’Etat peut être attaqué en responsabilité dans la perspective de mise en œuvre du droit au logement. De plus, le Conseil de l’Europe a défini une procédure de « réclamation collective », visant à mettre en cause l’application de tel ou tel article par un ou plusieurs Etats.

Cette plainte est alors examinée par le Comité des droits sociaux et le Conseil des ministres européens, selon une procédure contradictoire.

Dans le cadre de cette procédure, la France a été récemment montrée du doigt par le Comité des droits sociaux, qui a rendu deux rapports particulièrement sévères au Comité des ministres au sujet de la mise en œuvre du droit au logement en France.

En effet, deux plaintes ont été déposées en 2006 auprès du Comité des droits sociaux, qui a conclu à une violation de la Charte Sociale Européenne par la France:

La Fédération européenne des Associations Travaillant avec les sans-abri (FEANTSA avait déposé une plainte, portant sur la violation de l’article 31 de la Charte sociale européenne, en se fondant sur le rapport annuel 2005 de la Fondation Abbé Pierre et alertant sur la politique du gouvernement envers les sans-abri, le logement décent et le manque de logements abordables.

Le Comité a conclu à l’unanimité qu’il y avait violation de l’article 31§1 de la Charte Sociale Européenne, en raison du progrès insuffisant concernant l’éradication de l’habitat indigne et le manque d’infrastructures adéquates pour un grand nombre de ménages. De plus, il a reconnu également qu’il y avait violation de l’article 31§2, en raison de :

– l’application non satisfaisante de la législation en matière de prévention des expulsions et en raison du manque de dispositifs permettant de proposer des solutions de relogement aux familles expulsées,

– l’insuffisance des mesures qui sont actuellement en place pour réduire le nombre de sans-abri, d’un point de vue tant quantitatif que qualitatif, Albanie, Bulgarie, Chypre, Estonie, Finlande, France, Irlande, Lituanie, Moldavie, Norvège, Portugal, Roumanie, Slovénie.

– de l’insuffisance de l’offre de logements sociaux accessibles aux populations modestes

Le Comité des Droits Sociaux a également conclu à une violation de l’article 31§ 3 en raison du dysfonctionnement du système d’attribution des logements sociaux ainsi que des voies de recours relatives.

La plainte déposée par ATD Quart Monde en janvier 2006 portait quant à elle sur la violation des articles 16 et 30 et 31. Le Comité n’a pas retenu l’article 16 mais a reconnu la violation des articles 30 et 31 de la Charte Sociale Européenne en France.

Concernant la violation de l’article 31 , le Comité a condamné les procédures d’expulsion et leur mise en œuvre, l’insuffisance de logements à prix accessible, les modalités d’attribution des logements sociaux aux personnes les plus pauvres.

De plus, ATD Quart Monde avait mis en avant la violation de l’article 31 combiné avec l’article E de la charte révisée en raison de discriminations à l’encontre de Roms et de gens du voyage. Le comité a reconnu l’existence de pratiques discriminatoires en matière d’accès au logement, fondées sur la nationalité ou l’origine des demandeurs. Le Comité a estimé également que la mise en œuvre insuffisante des aires d’accueil pour les gens du voyage constituait une violation de l’article 31 combiné avec l’article E de la Charte révisée.

Concernant, la violation de l’article 30, en ayant pris en compte les points de vue d’ATD Quart Monde et du gouvernement, le comité a estimé que la politique de logements en faveur des personnes les plus pauvres était insuffisante.

Le Comité a entendu les arguments des deux organisations ainsi que les réponses du gouvernement français au cours d’une même audience publique, en septembre 2007 à Strasbourg et il a rendu ses décisions en décembre 2007. Ces deux décisions ont été transmises au Comité des ministres, l’instance de décision du Conseil de l’Europe. Le comité des Ministres a choisi de ne pas voter de résolution sur le sujet, considérant que la décision du Comité des Droits Sociaux était fondée sur une appréciation du droit et de la pratique qui excluait l’examen de la loi DALO, puisque rendue en février 2008.

Le droit communautaire ne fait pas mention explicite du droit au logement car le logement ne fait pas partie des compétences de l’Union Européenne. Ainsi, l’interprétation du principe de subsidiarité et le silence des traités de 1951, 1975, 1986, 1992 et 1997 ont laissé chaque pays membre élaborer sa propre politique du logement.

Cependant, l’Union Européenne a pris conscience de l’importance du logement dans la lutte contre l’exclusion. Les institutions communautaires ont donc veillé à plusieurs reprises à prendre en compte le droit au logement dans l’élaboration des normes et dans la mise en oeuvre des politiques communautaires.41

Notamment lors du Conseil Européen de Nice du 7 décembre 2000, le droit au logement a fait l’objet d’importants débats durant la proclamation de la Charte Européenne des Droits fondamentaux.

Ce texte de compromis fut l’aboutissement de dures négociations entre les 62 personnalités représentant des pays membres. Cette Charte européenne des Droits Fondamentaux avait pour objectif de synthétiser « l’essence même de l’acquis européen commun en matière de droits fondamentaux ».

Ce « catalogue de droits fondamentaux » fut élaboré dans la perspective de faire respecter une plateforme minimale de droits reconnus par tous les Etats-membres et protégés par les institutions communautaires, comme la Cour de Justice des Communautés Européennes.

Cependant, lors de la rédaction de la Charte Européenne des Droits fondamentaux, de profondes divergences se sont faites ressentir sur les droits sociaux, et notamment le droit à l’accès aux services d’intérêt général et le droit au logement. En effet, une rupture entre les pays du sud et du nord du continent est apparue :

– d’une part, les pays du Nord qui faisaient confiance à la flexibilité, à la négociation entre les partenaires sociaux et considéraient que l’affirmation constitutionnelle n’était pas une garantie de protection des plus faibles mais une source de rigidité.

– d’autre part, les pays du Sud, qui croyaient aux vertus d’une législation centralisée et à l’affirmation constitutionnelle

Guy Braibant43, ancien conseiller d’Etat et ancien président de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH),rapporta que les adversaires des droits sociaux étaient d’abord ceux qui trouvent qu’ils coûtent cher. Ainsi, Guy Braibant révéla certains propos du président du groupe des parlementaires européens à la Convention qui déclara: « si on reconnaît le droit à un logement, ils vont tous venir devant un tribunal pour demander leur logement ».

Un accord fut finalement trouvé sur un minimum de droits sociaux : droits des travailleurs (article 27 à 33) et droits à l’aide sociale et à la sécurité sociale (article 34).

Ainsi, le droit au logement apparut à article 34 § 3 de la Charte des Droits Fondamentaux :

« Afin de lutter contre l’exclusion sociale et la pauvreté, l’Union reconnaît et respecte le droit à une aide sociale et à une aide au logement destinées à assurer une existence digne de tous ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes, selon les modalités établies par le droit communautaire et les législations et pratiques nationales. »

Ce compromis permit de concilier les deux approches représentées à la Convention : nulle proclamation d’un droit invocable devant un tribunal mais reconnaissance de l’existence d’une politique publique d’aide au logement.

Ainsi l’insertion du droit à une aide au logement dans la Charte des droits fondamentaux ne constitue qu’une protection juridique minimale, bien qu’elle représente certaines garanties sur le plan politique.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Le droit au logement opposable en France : une avancée pour le droit au logement ?
Université 🏫: Université LYON 2 - Institut d’Etudes Politiques de Lyon
Auteur·trice·s 🎓:
Elsa JOHNSTONE & André Vianès

Elsa JOHNSTONE & André Vianès
Année de soutenance 📅: Septembre 2008
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