La fiscalité du parrainage en France

Université DE PARIS NORD-(Paris XIII)

Diplôme d’Etudes Approfondies DROIT DES AFFAIRES

La fiscalité du parrainage

Mémoire présenté et soutenu par Maria JESUS-FORTES BILLE

Sous la direction du Professeur Thierry LAMBERT

Année universitaire

2000- 2001

Introduction

L’organisation d’événements culturels, artistiques et sportifs nécessite de grands moyens financiers. Pour répondre à ces besoins, les organisateurs, artistes ou sportifs, ont recours à diverses possibilités. Parallèlement, les entreprises industrielles et commerciales éprouvent le besoin de promouvoir leurs images et leurs produits. A ces dernières, diverses techniques sont offertes.

Dans le premier cas, les protagonistes peuvent recourir à la technique du mécénat. Le mécénat, issu de la pratique, a fait l’objet d’une intervention législative en date du 23 juillet 1987 (loi n°87-571, JO du 24 juillet 1987). Il s’agit des « initiatives d’individus ou d’entreprises prenant la forme d’aides accordées à des personnes, à des institutions ou à des manifestations relevant de domaines extérieurs à leurs activités naturelles »1 . Cette technique se caractérise par son aspect essentiellement désintéressé. Les entreprises, quant à elles, peuvent faire appel à la publicité afin de promouvoir leurs images et produits auprès d’un public plus ou moins ciblé.

Ces deux techniques, au demeurant très utilisées, ne répondent pas de manière globale aux deux objectifs cités. Seul le parrainage permet à la fois à l’entreprise de se promouvoir et aux « protagonistes de la culture, du sport et de l’art » d’obtenir des subsides.

Selon Maître FRILET, avocat associé au Cabinet FRANCIS LEFEBVRE, « quiconque connaît les nouveaux challenges auxquels sont confrontées les entreprises en terme d’image, de notoriété, intégration dans le tissu social, environnement, etc. constate aisément que la réclame ou la publicité tapageuse ne suffisent plus à l’entreprise pour prospérer.

1 H. LENA, « La fiscalité du mécénat », PUF, collection Fiscalité, 1991

Dans son propre intérêt elle sait qu’elle doit aussi communiquer autrement, avec plus de finesse et de discrétion : la participation à des actions culturelles s’inscrit parfaitement dans ce cadre »2.

Outil de communication, incontournable aujourd’hui, le parrainage permet à lui seul la réunion de deux mondes aux réalités et contraintes différentes3.

Il est défini par la doctrine comme « un contrat par lequel une entreprise industrielle ou commerciale apporte son concours (financier ou matériel) à une personne physique ou morale, pour la réalisation d’un événement généralement sportif, à caractère exceptionnel ; en contrepartie cette dernière lui assure une certaine publicité dont l’accord prévoit les modalités »4. Cette définition met en relief le caractère synallagmatique du contrat de parrainage ; une double obligation qui, selon M. CHADEFAUX, serait à la base de son succès.

Le parrainage, à l’instar du mécénat, prend sa source dans la pratique. Le premier sponsor, aux dires de M. THEVENON, serait Isabelle de CASTILLE lorsqu’elle accepta de soutenir et aider Christophe COLOMB, à la fin du XIXème siècle. Cette technique de communication a connu un essor remarquable; en effet, il n’est plus possible de parler, voire même de réaliser certains événements sportifs ou culturels sans faire appel au parrainage. Il en est ainsi du Paris – Dakar, du tour de France ou du Vendée Globe, pour ne citer que ceux-là.

Ces manifestations touchent un large public et demandent des ressources financières faramineuses. Les organisateurs et les entreprises trouvent ainsi, dans le parrainage un outil répondant à leurs besoins.

2 T. BESANCON, « Les nouveaux enjeux du mécénat en Europe », ed. Juris-Service, 1993, p. 245

Dans cet ouvrage Maître FRILET traite d’une question d’actualité qu’est l’intérêt d’une réforme pour le mécénat d’entreprise. Selon lui, la distinction entre mécénat et parrainage n’est qu’une question de sémantique, l’entreprise ayant le choix entre l’une ou l’autre technique, de manière indifférente puisque toutes deux donnent lieu à déduction fiscale. Nous démontrerons à la suite de notre développement, que cette distinction n’est pas vaine, en dépit des ressemblances.

3 D. ROSKIS, « Le parrainage publicitaire », thèse de Doctorat, Paris 1, 1998

4 M. CHADEFAUX, « Aspects fiscaux du parrainage publicitaire ou sponsoring », JCP éd E, 1987, II, 14853

Le parrainage n’est pas une invention française, cette particularité se manifeste par l’usage du terme le plus couramment employé qui est d’origine anglophone. Le sponsoring est connu dans la plupart des Etats européens. Chaque Etat applique une législation propre.

De manière générale, tous les pays appliquent une taxation correspondant à l’impôt sur les sociétés, les déductions sont plafonnées en fonction du chiffre d’affaires5, du bénéfice ou du revenu imposable6, et plus rarement par un montant en valeur absolue (ainsi de la Belgique, du Danemark et de l’Irlande). Néanmoins ces législations ne sont pas toutes très incitatives pour les entreprises7.

Une réalité s’impose cependant : la technique du parrainage ne perd pas de son essor. Pour l’instant, aucune harmonisation n’est envisagée par les autorités européennes quant aux législations concernant le parrainage ou le mécénat. La seule directive relative au parrainage, est celle interdisant certaines actions en faveur de la promotion du tabac8. Cela est bien regrettable.

Il faut cependant souligner le fait que les dispositions normatives concernant « la société européenne » auront à s’appliquer dans certains cas aux actions de parrainage, dès lors que cela n’est pas exclu expressément.

Le parrainage reçoit plusieurs acceptions terminologiques, notamment celle de « sponsoring », très usité dans le langage courant. L’arrêté du 17 mars 19829, relatif à la défense de la langue française dans le domaine du tourisme, substitue au terme « sponsor » le mot « commanditaire » et au terme « sponsoring » celui de « parrainage ». Le terme commanditaire est peu adéquat. En effet, d’une part il n’est que peu utilisé en pratique, et d’autre part il engendre une confusion entre le parrainage et la société en commandite, dans laquelle, ce terme, désigne une catégorie d’associés10.

5T. BESANCON, « Les nouveaux enjeux du mécénat en Europe », op. cit. n°2. Il en est ainsi de l’Allemagne, de la France et du Portugal.

6 T. BESANCON, « Les nouveaux enjeux du mécénat en Europe », op. cit. n°2. Il en est ainsi des Pays-Bas et de l’Italie

7 T. BESANCON, « Les nouveaux enjeux du mécénat en Europe », op. cit. n°2

8 Dir. Parl. et Cons. CE, n° 98/43, 6 juillet 1998, JOCE 30 juillet 1998, n° L 213, p. 9, Code Lamy Droit économique 2000. Cette directive a en outre pour objectif de remédier aux divergences existantes de nature à créer des entraves à la libre circulation des produits et des services et à entraîner des distorsions de concurrence, tout en tenant compte de la santé des personnes et des jeunes en particulier. Le principe d’interdiction est assorti d’exceptions.

9 J.O. 3 avril 1982

Section 1

Le parrainage et le mécénat : « frais généraux et frais généreux »

Le mécénat est souvent entendu comme le terme général désignant toutes les actions de communication, en dehors de la publicité, mise en œuvre par les entreprises. La doctrine parle communément de « mécénat d’entreprise » pour la technique du parrainage.

Le mécénat a fait l’objet d’une loi essentiellement d’incitation fiscale11 en date du 23 juillet 198712, sur le développement du mécénat. L’article 10 de cette même loi vise le parrainage.

La distinction avec le mécénat est d’abord d’ordre fiscal. Mais ce critère est loin d’être suffisant. Il faut, en effet tenir compte de la motivation de celui qui apporte sa contribution matérielle ou financière.

Ces deux techniques ne sont pas diamétralement opposées. Bien au contraire, elles ont la particularité d’être des modes de communication par l’événement visant, ouvertement ou discrètement, à améliorer l’image de l’entreprise13.

10 Lamy CD-Rom 2000, n°2323

11 <http://www.finances.gouv.fr/reglementations-comptables/M91/titre4/chap-6.htm>

12 Loi n°87-571, J.O. du 24 juillet 1987

13 G. BIGLE et D. ROSKIS, « Sponsoring, le parrainage publicitaire », éd. DELMAS, 3ème édition

La doctrine, afin de les distinguer, a longtemps proposé un critère sectoriel. Suivant le domaine d’application, il était fait le choix du parrainage ou du mécénat. Ce dernier était davantage attaché à une idée de gratuité, de volontariat, de bénévolat. Alors que le parrainage était, lui, attaché à l’idée de retombées commerciales, d’attente financière.

La doctrine a d’abord assimilé au mécénat les événements artistiques et culturels. Cette sectorisation est d’origine historique. Il est constant de rappeler que le chevalier Gaius MAECENAS, conseiller d’Auguste s’était érigé en protecteur des Belles Lettres en prodiguant sa générosité à des auteurs, comme VIRGILE ou HORACE. De même qu’au XIV siècle, les grandes familles florentines, comme les STROZZI et les MEDICIS, soutinrent les arts du Quatrocento14.

Le mécénat était attaché à la noblesse culturelle.

Le parrainage, quant à lui, était plus attaché à une marque commerciale, dont le dessein était d’être jointe à une image dynamique des sports nautiques, mécaniques ou athlétiques.

Juridiquement, une telle sectorisation semble inexacte.

En effet, la loi de 1987, octroie au mécénat et au parrainage les mêmes domaines d’action. La pratique, nous montre que les mécènes et les sponsors ne se cloisonnent pas aux activités estimées de prédilection.

Le critère de la motivation dont est empreint l’auteur de l’aide financière ou matérielle, bien qu’en apparence déterminante, peut être discutée.

Il est communément admis que le mécène est inspiré d’une volonté altruiste de venir en aide financièrement ou matériellement au bénéficiaire. Alors que le parrain, lui, attend une retombée économique en échange de son aide.

Le mécénat témoigne plutôt de l’insertion de l’entreprise dans la vie sociale et culturelle. L’entreprise cherche à améliorer son image, de manière subtile. En effet son but affiché n’est pas la promotion de ses produits ou de sa renommée, mais de s’octroyer une certaine image bienfaisante aux yeux des consommateurs.

L’action de cette dernière sera par conséquent plus discrète. Le mécénat procéderait d’une action « entreprise-public », alors que la parrainage vise clairement le développement de la diffusion de la marque dans le public15.

En dépit de cette comparaison doctrinale, il ne semble pas illusoire d’admettre que l’action du mécène est loin d’être de nature désintéressée. En effet, par cette action, l’entreprise cherche à améliorer son image, à travers un événement médiatique, auprès d’un large public.

Le critère de la motivation est certes important mais il ne faut s’y arrêter de manière stricte.

Le réel critère de distinction entre ces deux techniques reste le critère fiscal. Les dispositions fiscales les régissant sont distinctes. Le parrainage est soumis à l’article 38-7 du Code Général des Impôts, tandis que le mécénat relève de l’article 238 du même code.

Les dépenses de parrainage, sous certaines conditions sont entièrement déductibles, tandis que les dépenses de mécénat ne sont déductibles du résultat comptable que pour partie et selon des règles assez contraignantes.

Les entreprises assujetties à l’impôt sur le revenu ou à l’impôt sur les sociétés peuvent déduire, dans la limite de 2 pour 1000 de leur chiffre d’affaires, les versements effectuées au profit d’œuvres ou organismes d’intérêt général à caractère philanthropique, éducatif, scientifique […]16.

14G. BIGLE et D. ROSKIS, « Sponsoring, le parrainage publicitaire », éd. DELMAS, 3ème édition, p. 24

15G. BIGLE et D. ROSKIS, « Sponsoring, le parrainage publicitaire », éd. DELMAS, 3ème édition, p. 25

Ce plafond est de 3 pour 1000, lorsque les versements sont effectués au bénéfice d’organismes reconnus d’utilité publique, à des établissements publics ou privés à but non lucratif d’enseignement supérieur, d’enseignement artistique ayant fait l’objet d’un agrément ministériel.

Avant la loi de finances 2000, le mécène pour avoir droit à la déduction des versements effectués, ne devait trouver aucune contrepartie directe ou indirecte à son acte, en raison de son caractère désintéressé. Ainsi, le nom de l’entreprise versante ne devait pas être associé aux opérations réalisées par l’organisme bénéficiaire, sauf en ce qui concerne les fondations d’entreprise et la fondation du patrimoine pour lesquels une exception avait été instituée17.

L’article 17 de la loi du 30 décembre 199918, la loi de finances pour 2000, a apporté quelques aménagements à cette règle. Elle permet désormais aux organismes visés par l’article 238 bis du CGI d’associer le nom de l’entreprise versante aux opérations qu’ils réalisent.

Sur le terrain des impôts indirects, le régime fiscal de ces deux techniques diffère. Le parrain bénéficie d’un système bien plus avantageux que le mécène au regard de la TVA.

16 Article 238 bis du Code Général des Impôts 17 Loi n°96-1181 du 30 décembre 1996 18 Loi n° 99-1172. Cette loi apporte d’autres tempéraments aux règles régissant le mécénat, notamment concernant le résultat comptable, qui devait auparavant être automatiquement bénéficiaire pour permettre la déduction du quota permis. Dorénavant, même déficitaire, l’entreprise versante a la possibilité de déduire les sommes versées.

Sommaire

Introduction
Section 1- Le parrainage et le mécénat : « frais généraux et frais généreux »
Section 2- Le parrainage et le la publicité : « réalité et fiction »
Première Partie- Le parrainage et les impôts directs
Chapitre 1- Le traitement fiscal de l’aide financière
Section 1- Une charge déductible pour le commanditaire
Section 2- L’imposition de la recette financière chez le parrainé
Chapitre 2- Le traitement fiscal de l’aide matérielle de parrainage
Section 1- L’opération d’acquisition du matériel
Section 2- L’opération de transfert du matériel
Deuxième Partie- Le parrainage et la T.V.A.
Chapitre 1- L’application de la T.V.A. à l’aide financière
Section 1- Le parrainé et la T.V.A.
Section 2- Le commanditaire et la T.V.A.
Chapitre 2- L’application de la T.V.A. à l’aide matérielle
Section 1- L’acquisition du bien par le parrain
Section 2- La remise du bien au sponsoré
Conclusion

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
La fiscalité du parrainage en France
Université 🏫: Université DE PARIS NORD-(Paris XIII)
Auteur·trice·s 🎓:
JESUS-FORTES BILLE

JESUS-FORTES BILLE
Année de soutenance 📅: Diplôme d’Etudes Approfondies DROIT DES AFFAIRES - 2000- 2001
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