La continuation du contrat pendant la liquidation judiciaire

Pendant la liquidation judiciaire – Paragraphe 2
L’article L 621-28 du Code de commerce, qui pose le principe de la continuation de plein droit des contrats en cours, s’applique aussi dans le cadre d’une liquidation judiciaire (A) même si la jurisprudence et surtout la doctrine ne sont pas encore homogènes sur ce point. (B)
A Application de l’article L621-28 à la phase liquidative
Antérieurement à la réforme de 1994, la loi de 1985 ne prévoyait pas l’application de l’article 37 au cours de la liquidation judiciaire. Pourtant la doctrine l’avait envisagée estimant que le liquidateur pouvait imposer la poursuite des contrats en cours si l’option de l’article 37 n’avait pas été exercée par l’administrateur, faute d’une période d’observation trop courte47. La jurisprudence est allée dans ce sens : dans une première décision, la Cour de cassation a précisé que « la liquidation judiciaire n’a pas pour effet d’entraîner par elle-même résiliation des contrats en cours48 » et dans un second arrêt49, elle énonce que « les articles 37 et 38 de la loi du 25 janvier 1985 sont applicables en cas de liquidation judiciaire. »
La loi du 10 juin 1994, qui permet désormais la mise en liquidation judiciaire immédiate d’une entreprise « dont l’activité a cessé ou dont le redressement est manifestement impossible50 », a consacré ces solutions. En effet l’article L 622-1251 du Code de commerce dispose que « l’administrateur, dans le cas mentionné au deuxième alinéa de l’article L 622-10, ou à défaut, le liquidateur, a la faculté d’exiger l’exécution des contrats en cours dans les conditions prévues à l’article L 621-28. » L’article L 622-13 rajoute que « la liquidation judiciaire n’entraîne pas de plein droit la résiliation du bail des immeubles affectés à l’activité de l’entreprise. » Le principe de continuation de plein droit des contrats cours s’applique à la liquidation judiciaire en cas de maintien de l’activité, afin de protéger les éléments d’actif et de pouvoir les réaliser. Cette solution légale semble à première vue surprenante car le but de la liquidation judiciaire est toute autre que celui de la période d’observation. En effet ici, l’entreprise est « morte », elle n’a plus aucune chance de se redresser elle doit donc être liquidée et l’actif réalisé au profit des créanciers; alors que pendant la période d’observation le but est de redresser l’entreprise, de maintenir l’activité le temps de trouver une solution permettant de la sauver.

47 Ph. PETEL, Le sort des contrats conclus avec l’entreprise en difficulté, JCP éd. N 1992, p. 125 n°28.
48 Com. 7 fév. 1989, Bull. civ. IV p.32 n°49.
49 Com. 17 octobre 1989, JCP 1990 I,15668, n°17; D. 1990 somm. p.2.
50 Article L 622-1 du Code de commerce.
51 Ancien article 153-2 de la loi de 1985.

Quel intérêt alors de permettre au liquidateur d’opter pour la continuation des contrats en cours ? D’autant plus que le cocontractant, dont l’accord de volonté n’est toujours pas demandé, espérant enfin être libéré comprendra difficilement qu’on lui impose la continuation de son contrat pendant cette phase ultime de la vie de l’entreprise. Pourtant l’application de l’article L 621-28 du Code de commerce à la phase liquidative se trouve justifiée pour conserver les éléments d’actif dont le contrat fait parti.
B Controverse sur la résiliation de plein droit des contrats en cours par l’ouverture de la liquidation judiciaire
L’application de l’article L 621-28 à la liquidation judiciaire a été consacrée légalement cependant la doctrine semble majoritairement exclure l’application de cet article à la liquidation judiciaire dans la mesure où la continuation de l’activité a cessé.
Il semble que la faculté d’option pour la continuation des contrats en cours soit limitée à la situation dans laquelle le maintien de l’activité a été autorisé par le tribunal si l’intérêt public ou celui des créanciers l’a exigé52, puisque l’article L 622-12 alinéa 2 du Code de commerce renvoie au deuxième alinéa de l’article L 622-10, lequel vise la poursuite de l’activité. Pourtant même en l’absence de maintien de l’activité la continuation de certains contrats peut s’avérer utile le temps de la liquidation afin de conserver certains biens permettant ensuite leur réalisation pour désintéresser au mieux les créanciers. Malgré une jurisprudence contraire53, il conviendrait d’admettre qu’il n’y ait pas résiliation des contrats en cours par la simple ouverture de la liquidation judiciaire même si l’activité cesse du fait de cette ouverture, par analogie à la personnalité morale qui subsiste pour les besoins de la liquidation jusqu’à la publication de la clôture de celle-ci54. Un arrêt récent de la Cour de cassation55 semble aller dans ce sens puisque la Cour casse un arrêt qui avait retenu la résiliation du contrat en raison de l’ouverture de la liquidation judiciaire au motif qu’il n’y avait pas continuation de l’activité et poursuite provisoire du contrat. La Cour estime que la Cour d’appel aurait du, pour retenir la résiliation, constater par l’existence d’une mise en demeure par le cocontractant la renonciation expresse ou présumée du contrat par le liquidateur ou l’administrateur.

52 Article L 622-10 du Code de commerce.
53 Com 20 janv. 1998, JCP éd. E, 1999.761, n° 14, obs. Gavalda et Stoufflet; Civ 1, 3 mars 1998, Defrénois 1998.1461, obs. Bénabent.
54 Article 1844-8 al 3 du Code civil.

Outre le maintien forcé du contrat auquel le cocontractant du débiteur doit se plier, le contrat peut être cédé à un tiers dans le cadre d’un plan de cession mettant à mal une nouvelle fois la liberté contractuelle du cocontractant.
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Mémoire de DEA Droit des affaires
Université Robert Schuman de Strasbourg
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