La clause de non-concurrence, rare clause du contrat de travail

La clause de non-concurrence, rare clause du contrat de travail

2. Le cas particulier de la clause de non-concurrence.

La clause de non-concurrence est l’une des rares clauses du contrat de travail qui soit constitutive d’obligations après la rupture du contrat de travail telle que la clause de respect de clientèle ou clause de non-démarchage325.

En effet, la clause de non-concurrence se définit comme étant la clause ayant pour objet d’interdire au salarié, à l’expiration de son contrat de travail (donc quelle que soit la cause mettant un terme à la relation de travail), l’exercice d’une activité professionnelle concurrentielle susceptible de porter préjudice à son ancien employeur que ce salarié devienne salarié d’une entreprise concurrente de celle de son ancien employeur ou qu’il crée lui-même sa propre entreprise.

Entourée de diverses conditions de validité et de proportionnalité326 touchant au caractère indispensable de cette clause pour la protection des intérêts de l’entreprise et la possibilité laissée au salarié d’exercer une activité professionnelle conforme à sa formation et ses connaissances (donc dans des limites non-excessives à la fois dans le temps et dans l’espace), cette clause de non-concurrence est souvent invoquée par le salarié en vue d’obtenir le prononcé de sa nullité.

Dès lors, quel intérêt au prononcé d’une sanction touchant exclusivement cette clause ? En effet, le contrat de travail est le plus souvent éteint lorsqu’une telle action est intentée par le salarié lequel constate, au moment où la clause de non-concurrence s’applique, les conditions parfois exorbitantes de son étendue. De même, c’est dans l’hypothèse où l’ancien employeur constate le non-respect de ladite clause par le salarié que ce dernier peut agir devant le Conseil de Prud’hommes et que le salarié par voie d’exception invoquera la nullité de celle-ci. Dès lors, quel est l’intérêt du prononcé de la nullité partielle du contrat de travail dans cette hypothèse puisque cette sanction permet habituellement la survie du contrat de travail ? Or, ici le contrat n’existe plus depuis un certain temps.

325 Cf. en ce sens Les clauses du contrat de travail, numéro spécial de Liaisons sociales, op. cit., p.70 et s.

326 Cf. cass. com. 16 décembre 1997 SA Banexo c/de Reynal de Saint-Michel, Juris-Data n°005119 in Droit de la concurrence, chronique n°1, MALAURIE-VIGNAL (M.), Les Petites Affiches du 20 mai 1998, pp.17-25.

En fait, il nous faut constater que la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation n’a pas pour préférence le prononcé d’une telle sanction en matière de clause de non-concurrence. En effet, celle-ci, lorsque la clause apparaît excessive, lui préfère la sanction de la réduction bien que la doctrine lui conteste cette attitude (voir la Section 2).

En matière de nullité de ladite clause, cette action est réservée au seul salarié, l’employeur ne pouvant s’en prévaloir327. Par ailleurs, c’est seulement si la clause ne permet d’exercer aucune activité que la nullité de cette dernière sera généralement prononcée328, aucune réduction de celle-ci dans cette hypothèse n’étant alors possible.

Dès lors que la nullité de la clause de non-concurrence est prononcée, celle-ci est donc considérée comme n’ayant jamais existé. Ainsi, le salarié ne peut se voir reprocher la violation de cette clause même si l’employeur estimait que les limites fixées par celle-ci n’avaient pas été respectées.

De plus, l’éventuelle clause pénale insérée dans le libellé de cette clause en cas de non-respect de ses termes par le salarié n’est pas due par celui-ci puisque c’est la totalité de la clause de non-concurrence qui subit la sanction de la nullité.

De même, lorsque la clause prévoyait le versement d’une contrepartie pécuniaire pour pallier les termes de son application, l’employeur ne peut, en cas de nullité de cette clause de non-concurrence, obtenir le remboursement de l’indemnité compensatrice déjà versée au salarié, dès lors que cet employeur n’apporte pas la preuve que le salarié a violé la clause pendant la période durant laquelle elle s’était appliquée avant que la nullité n’en soit judiciairement constatée329.

Enfin, l’employeur qui se prévaut d’une clause de non-concurrence non valable pour contraindre le nouvel employeur à licencier le salarié, cause à ce dernier un préjudice dont le montant est apprécié par les juges du fond330.

327 Cass. soc. 7 mai 1981 et 10 janvier 1991 in La rupture du contrat de travail, équipe rédactionnelle de la Revue Fiduciaire, op.cit.

328 Pour exemple, cass. soc. 14 octobre 1992, arrêt n°3384D in La rupture du contrat de travail, équipe rédactionnelle de la Revue Fiduciaire, op.cit.

329 Cass. soc. 28 octobre 1997 SA CGR c/Assedic FNGS, arrêt n°4043P+B, Liaisons sociales Juris. Hebdo n°7827 du 13 mars 1998.

330 Cass. soc. 27 février 1996 Société Siemens c/François, arrêt n°92-43.469, RJS 4/96 n°406.

En conséquence, le salarié se prévalant de la nullité d’une clause de non- concurrence se trouve dans une situation plutôt avantageuse. En effet, celui-ci bien que le contrat de travail le liant à son employeur comportait une clause de ce type, perd toute relation avec son ancien employeur du fait de cette sanction.

Bien plus, ce salarié peut rechercher et exercer un nouvel emploi sans tenir compte des limites de cette clause et au cas où il le ferait avant que la nullité de la clause ne soit prononcée, seule l’hypothèse d’une indemnité compensatrice versée postérieurement à l’obtention de cet emploi pourrait lui être réclamée.

Dès lors, le salarié ayant subi les termes de la clause de non-concurrence non-valable peut bénéficier d’indemnités auxquelles il n’aurait pas eu droit en l’absence de toute clause de ce type (dans l’hypothèse par exemple où une indemnité compensatrice a été versée par l’employeur ce dernier croyant la clause valable).

Montrer ici le cas particulier de la clause de non-concurrence permet d’observer toutes les conséquences attachées au prononcé de la nullité partielle du contrat de travail. En effet, la clause déclarée nulle, celle-ci peut avoir provoqué un préjudice au salarié et à sa situation actuelle.

Dès lors, outre la nullité de la seule clause du contrat, le salarié va pouvoir bénéficier d’un ensemble d’indemnités : dommages et intérêts en vue de la réparation du préjudice subi, indemnités compensatrices dont le salarié n’est pas redevable à son ancien employeur,… De plus, ce dernier va retrouver, en matière de nullité de la clause de non-concurrence, la clause de respect de la clientèle et la clause de non- démarchage, une certaine liberté de mouvement et de manœuvre dans son nouvel emploi ou dans le cadre de la recherche de celui-ci.

Au contraire, l’employeur n’a que des désavantages dans le prononcé de cette nullité. En effet, il perd à la fois le pouvoir de direction qui subsistait encore à l’égard de son ancien salarié et les indemnités qu’il a pu verser avant le prononcé de cette sanction.

La nullité partielle du contrat de travail a connu depuis quelques années un large succès auprès des Conseils de Prud’hommes. Sanction efficace et limitée dans son étendue aux seules dispositions non-valables, cette nullité permet ainsi de sauvegarder la situation dans laquelle se trouvent les parties contractantes en particulier le salarié. En effet, la nullité partielle a pour objectif d’effacer toutes les dispositions interdites par les textes applicables en matière de contrat de travail ainsi que celles qui, bien que licites, apparaîtraient excessives.

Aidés en cela par la distinction opérée entre clauses déterminantes et clauses accessoires du contrat de travail, les juges prud’homaux peuvent alors bénéficier d’une certaine marge de manœuvre en la matière. Ainsi, le soucis de préserver la situation pécuniaire du salarié et de faire valoir l’idée d’équité entre les parties confère à cette nullité un fondement que personne, pas même la Cour de cassation, ne semble pouvoir remettre en cause.

Faut-il s’en féliciter ? S’il est vrai que cette solution ne semble guère reposer sur un quelconque fondement textuel, cette dernière apparaît cependant, en pratique, la mieux à même de considérer les cas spécifiques qui sont soumis aux juges et de protéger les parties au contrat de travail sans que pour autant un principe unique puisse malheureusement se dégager en la matière.

A première vue, le choix entre la nullité totale ou seulement partielle du contrat de travail semble facile. Dès lors que la cause de nullité affecte l’ensemble du contrat, celui-ci encourt le prononcé de sa nullité. Au contraire, la clause non-valable car interdite ou excessive est nulle mais sa nullité n’entraîne pas de facto la nullité du contrat de travail tout entier dont elle est issue.

Cependant, cette distinction n’est pas si aisée en pratique. En effet, il faut savoir composer en la matière entre dispositions d’ordre public et volonté des parties contractantes. Ainsi, la nullité de l’ensemble du contrat peut être imposée par le législateur sous couvert d’une disposition impérative.

De même, la nullité du contrat est encourue lorsqu’il apparaît que la clause litigieuse à conditionner le consentement d’au moins une des parties au contrat de travail. Dès lors, cette dernière condition au prononcé de la nullité de l’ensemble ou non de la relation de travail repose il est vrai sur un critère difficilement contestable de part la partie qui s’en prévaut et les juges qui la constatent. Une fois révélée, la solution en découlant ne semble pas en effet pouvoir souffrir d’une quelconque contestation et apparaît, de plus, la plus respectueuse des volontés et des intérêts des parties au contrat.

Dès l’instant où la nullité, totale ou partielle, du contrat de travail est prononcée, les effets attachés à cette sanction semblent pour le moins surprenants pour un spécialiste de droit civil. En effet, bien que celui-ci connaisse les particularités attachées au prononcé de la nullité d’un contrat à exécution successive tel que le contrat de travail, la non- rétroactivité n’en est pas la seule conséquence. Ainsi, le salarié peut se voir octroyer diverses sommes qui ne devraient pourtant être consécutives qu’à la rupture du contrat de travail non à sa disparition.

De même, dans l’hypothèse de la nullité partielle du contrat de travail que le droit civil connaît également, le salarié bénéficiera d’une certaine protection quant à sa situation pécuniaire et ce bien que la clause soit considérée, du fait de cette sanction, comme n’ayant jamais existé.

Comme le droit civil, le droit du travail connaît les deux types de nullité pouvant toucher un contrat. Cependant, contrairement au droit commun, le droit du travail semble avoir « inversé la donne ». En effet, la nullité partielle du contrat de travail semble avoir la préférence des Conseils de Prud’hommes à l’inverse des juridictions civiles qui se prononcent encore aujourd’hui beaucoup plus pour une nullité touchant l’ensemble du contrat.

Dès lors, de nos jours, en droit du travail, la nullité partielle apparaît comme étant la règle, la nullité de l’ensemble du contrat, l’exception. Or, comme en droit civil cependant, les juges prud’homaux disposent également de sanctions a priori beaucoup plus souples permettant soit le maintien d’un lien contractuel avec l’employeur soit la condamnation pénale de celui-ci.

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