Enjeux économiques et juridiques des TICE

Enjeux économiques et juridiques des TICE

1.5.3 Enjeux économiques

Il est bien connu que l’adoption des TIC par les acteurs représente un investissement économique souvent important.

Quant aux institutions, les coûts principaux concernent l’équipement et la disponibilité du personnel spécialisé. Ce dernier est requis pour mettre en marche, maintenir et gérer les dispositifs techniques, mais aussi pour assurer l’assistance technique aux utilisateurs.

Quant à l’équipement, l’ample variété des produits disponibles dans le marché requiert une analyse préalable à toute commande selon le type de besoins de l’institution. Sans tenir compte de l’infrastructure de base (par exemple, serveurs Web, ADSL, WiFi), l’équipement technique est de deux types : matériel physique (hardware) et logiciels (software).

Pour les institutions désirant offrir une formation hybride, le matériel typique consiste en ordinateurs, vidéoprojecteurs, rétroprojecteurs, et peut aller jusqu’à l’acquisition d’appareils photographiques numériques, scanners, reproducteurs DVD, baladeurs multimédias, consoles de jeux vidéo, stations de travail informatiques spécialisés, tableaux blancs interactifs, etc.

Pour leur part, les formations entièrement à distance ne nécessitent pas nécessairement tous ce matériels sauf si elles accueillent les étudiants quelques fois par an. Néanmoins, les services d’infrastructure de base sont indispensables et peuvent comprendre, outre les services mentionnés précédemment, des satellites, des chaînes de télévision, des fréquences FM/AM, des maisons d’éditions, etc.

Au sujet des logiciels, les institutions, en général, établissent des accords avec des fournisseurs commerciaux sur le nombre de licences requises au niveau bureautique.

Outre ceci, le profil des formations et les disciplines délimitent également l’acquisition de logiciels spécialisés : traitement audiovisuel, multimédia, design mécanique industriel, architecture, simulations, 3D, réalité virtuelle, etc.

À ce propos, il est important d’indiquer que, peu à peu, les institutions se sont intéressées aux produits libres et open source, soit comme solution d’optimisation du budget, soit en raison d’une conviction et d’un dessein d’aider ce mouvement.

Dans tous les cas, bien qu’à l’heure actuelle la tendance du marché informatique soit à la baisse des prix, demeure toujours un facteur économique non négligeable.

Du côté des individus, l’équipement de matériel physique et de logiciels est aussi à considérer. Toutefois, quant aux particuliers, nous voudrions nous concentrer plutôt sur les coûts de la formation en ligne.

Se former à distance de manière autodidacte et sans prétendre recevoir un diplôme ou un certificat, seulement pour acquérir des connaissances dans un nouveau domaine, est une tâche qui peut être accomplie à partir de nombreux sites Web offrant des cours et ressources en ligne de manière gratuite.

Bien que la plupart de ces sites soient des projets commerciaux qui demandent l’activation d’un compte et qui incluent des espaces publicitaires, nous trouvons aussi des institutions éducatives qui ouvrent leurs cours à toute personne intéressée.

Tel est le cas du projet OpenCourseWare, lancé par le MIT en avril 2001, ayant comme objectif d’offrir des ressources éducatives libres à des enseignants et étudiants. Il s’agit d’un lieu de publication de matériels de cours créés par les membres du MIT.

Il ne requiert pas d’activation pour accéder aux contenus et ne fournit pas de certificats, de diplômes, ni n’offre la possibilité d’établir des contacts avec les enseignants. Actuellement, il existe 1250 cours dont 95 ont été traduits en espagnol et en portugais par l’intermédiaire du consortium Universia, et en chinois par le groupe CORE.

De manière similaire, des sites francophones sont apparus ces derniers temps, notamment les projets Thot, Merlot, Algora, Préau et Cursus.

Pour le cas de la formation diplômante en ligne et à distance, l’option récurrente est celle de centres d’enseignement à distance attachés à une université avec un statut reconnu par le système d’enseignement national.

Aux États-Unis, par exemple, la Virtual University propose un tarif de 20 dollars par période (qui varier entre 2 et 5 semaines), permettant l’inscription à 4 cours dont la plupart ne requirent pas l’achat de matériel supplémentaire.

Les unités d’accréditation des cours sont les Continuing Education Units équivalents à 10 heures de travail organisé. Les participants peuvent avoir au maximum 2 crédits pour un cours d’une durée de 5 semaines.

Il n’y a pas d’équivalence entre ces crédits et ceux des collèges ou des universités, néanmoins un certain nombre d’établissements reconnaissent les CEU en tant que crédits non traditionnels. Actuellement, la VU accueille plus de deux millions de personnes inscrites dans 130 pays du monde.

En France, dans le cadre des campus numériques en formation continue, le cycle peut être financé par l’employeur si la formation est incluse dans le plan de formation de l’entreprise (avec un financement possible par le Capital temps formation) ou par un fonds d’assurance formation (FONGECIF, AGECIF, UNIFORMATION).

Les tarifs sont variés entre les campus. À titre d’exemple, pour le campus numérique COMOR, le coût de la totalité de la formation pour la licence en Webmestre éditorial en 2004 – 2005 était de 4500 euros, soit 750 euros par unité d’enseignement dans le cadre d’une Validation d’acquis de l’expérience (VAE); pour le campus numérique CANEGE, deux années de formation en DESS en 2003 coûtait 6000 euros 1.

1 Un catalogue détaillant l’offre par campus numérique peut être consulté à l’adresse Web : http://www.educnet.education.fr/chrgt/Catalogue-Campus.pdf

Considérant les possibilités des universités virtuelles, Oillo et Barraqué indiquent que le terrain de l’enseignement « a tendance à la disparition de la segmentation des formes d’éducation (primaire, secondaire, universitaire, pour adultes, professionnelle, finalement continue) » [OIL 00 : 21] ce qui, pour eux, s’avère dangereux car elle tend aussi vers une marchandisation accrue des échanges.

En effet, lors du premier Marché mondial de l’éducation (World Education Market – WEM), tenu à Vancouver en mai 2000, le but était de favoriser les échanges commerciaux dans le domaine des supports technologiques de formation.

Cet événement a regroupé près de 3 mille professionnels et plus de 460 organismes publics et privés de 72 pays.

Après ce premier Marché mondial de l’éducation, les critiques ont porté sur l’e-learning comme moyen de multiplier la clientèle des éditeurs de produits, distributeurs et institutions éducatives. Jacques Perriault mentionne que le risque de dérive commerciale inquiète beaucoup car elle apparaît comme une menace pour la pensée critique.

Il compare les chiffres entre 1997 et 2002 : « Le marché de l’apprentissage en ligne, que représentait 197 millions de dollars en 1997, devrait rapporter 5,5 milliards de dollars en 2002, ce qui correspond à un taux d’augmentation de 95% » [PER 02 : 122].

Les prévisions favorables ou défavorables du marché sont aujourd’hui partagées. D’après Oillo et Barraqué, les tendances du marché de l’éducation sont [OIL 00 : 22] :

* l’apparition de propositions académiques globales et à distance dans les principales langues (anglais, espagnol, français, suivis par les langues orientales et asiatiques), en compétition sur le marché global de l’éducation avec une réduction progressive et sensible des coûts par la massification;

* l’apparition d’un « bazar » de l’éducation globale au tout-venant où la démarche purement mercantile et la question de la propriété intellectuelle deviennent critiques, à moins que l’évolution de l’Internet dans les cinq prochaines années apporte des esquisses de solutions.

1.5.4 Enjeux juridiques

L’accès aux contenus numériques disponibles sur le Web est un champ polémique auquel n’échappe pas le domaine de l’éducation et qui rapproche ce dernier du champ juridique.

Une des questions qui se posent est de savoir si le contenu inséré ou créé directement sur un système d’accès à distance par un enseignant doit ou non être disponible de manière libre, et si ce travail donne lieu à des droits d’auteurs. À ce sujet, les opinions, nous le verrons, sont variées.

Dans une perspective professionnelle, il est souvent affirmé que la production de contenus par les enseignants est une activité implicite de leur métier et, qu’étant donné que ces contenus sont en constante évolution, la protection intellectuelle devient compliquée.

Dans une perspective culturelle, il est suggéré que chaque pays, ou groupe de pays ayant une langue ou culture commune, doit promouvoir la création de lieux virtuels où les enseignants et les étudiants peuvent accéder librement à des ressources adéquates pour la formation.

Si tel n’est pas le cas, ils se tourneront vers d’autres offres publiques ou privées étrangères.

La pratique de l’enseignement assisté par les TIC utilisant les plateformes éducatives actuelles constitue un des moyens les plus efficaces pour sécuriser l’information disponible mais aussi pour contrôler l’identité des acteurs qui interagissent avec le dispositif. Comme nous l’avons indiqué dans [§ 1.3.3], l’accès aux environnements informatiques se fait via un identifiant et un mot de passe disponibles seulement aux enseignants et étudiants inscrits dans la formation.

De plus, l’accès est limité, dans la plupart des cas, aux cours dans lesquels l’étudiant est inscrit et, si le système est de type adaptatif, aux modules répondant à son parcours pédagogique.

Averous et Touzot indiquent que pour faire émerger une logique de « formation tout au long de la vie », chaque étudiant doit pouvoir accéder à tout moment à tous les modules de formation qui l’intéressent et pour lesquels il possède les pré-requis nécessaires.

Les auteurs s’intéressent aux conventions de partenariat ou de cession de droits qui peuvent faciliter le travail juridique des établissements, qu’il s’agisse de partenariats entre des établissements, entre des auteurs et des établissements, ou entre des établissements et des partenaires privés [AVE 02 : 20 ].

Étudiant l’architecture du cyberspace, où les lois du monde physique sont contrariées par la tension des individus vers la démocratie idéale, la liberté sans frontières et le contrôle par le consensus en opposition au contrôle par le gouvernement, Lawrence Lessig détaille les conséquences d’un cyberespace régulé par le code informatique fermé.

Un des arguments de Lessig est que les institutions se sont intéressées à la définition de droits d’auteur car la propriété intellectuelle favorise une prospérité forte et stable [LES 99].

La vision de Lessig est de rendre la culture accessible à tout le monde en ouvrant non seulement les codes informatiques de façon modulaire mais en proposant un point intermédiaire entre les partisans du « tout contrôlé » et ceux du « tout libre ».

Le résultat est l’initiative Creative Commons, une corporation à titre non lucratif lancé à Massachusetts en 2001 et qui a pour objectif de faciliter l’utilisation des œuvres entre les individus. L’idée est que l’auteur d’un contenu puisse exprimer à toute personne que son travail est libre pour construire à partir de lui.

Ceci se fait essentiellement par « balises simplifiées, attachées à des descriptions lisibles par les humains, attachées à des licences à l’éprouve des balles » [LES 04 : 282], c’est-à-dire, en ajoutant aux sites Web le logotype de Creative Commons et la légende correspondante au type de licence, par exemple « Some rights reserved ».

Actuellement, la licence « Partage des conditions initiales à l’identique 2.5 » permet de définir si le contenu (audio, vidéo, texte, image, média interactif, matériel éducatif) peut être utilisé à des fins commerciales ou non, et s’il peut être utilisé comme base pour créer un contenu nouveau. Les types de licences Creative Commons incluent Public Domain, Developing Nations, Sampling, Founder’s Copyright, CC-GNU GPL, CC-GNU LGPL, et Wiki.

L’impact de Creative Commons dans le domaine de l’éducation est en forte croissance. Aux États-Unis il est utilisé, entre autres, par le portail OpenCourseWare du MIT et la Connexions Repository de Rice University.

En France, cette corporation travaille avec le Centre d’études et de recherches de science administratives (CERSA) qui est un institut fondé en 1967, en partenariat entre l’Université de Paris II et le CNRS, ayant pour vocation l’étude des phénomènes administratifs à tous les niveaux géographiques (national, local, international) et dans toutes leurs dimensions (juridique, historique, sociologique).

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
L’objet technique hypermédia : repenser la création de contenu éducatif sur le Web
Université 🏫: Université De Paris VIII
Auteur·trice·s 🎓:
Everardo Reyes García

Everardo Reyes García
Année de soutenance 📅: Discipline: Sciences de l’information et de la communication - 14 février 2007
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