Causes de l’essor des MARC dans les litiges de cyberconsommation

Le développement du recours aux M.A.R.C. (Modes Alternatifs de Règlement des Conflits) dans les litiges de cyberconsommation – Troisième partie :

Le recours aux modes de résolution extrajudiciaire des litiges de consommation, qui connaît actuellement un engouement particulier, n’est pas un phénomène nouveau.

La transformation de notre société a contribué à la croissance de la juridicité des rapports sociaux et a favorisé le développement des contentieux. Cela a pour conséquence l’engorgement des tribunaux222. La pratique a vu, très tôt, se développer de nombreuses solutions de remplacement de la justice étatique.

Il s’agit de modèles de justice non contraignants qui permettent en outre d’éviter de porter les différends sur la place publique. C’est une justice basée sur la recherche d’un accord négocié et non sur le prononcé d’une décision autoritaire. Dès 1790, Prugnon, député du baillage de Nancy avait déclaré que rendre la justice n’est que la seconde dette de la société. Empêcher le procès c’est la première.

Ces alternatives à la justice étatique ne sont pas récentes. En Grèce classique (VIème- IVème siècle avant J.C.), d’innombrables arbitrages ont eu lieu entre cités grecques et à Rome, l’arbitrage, présent dès la plus haute antiquité (VIIèmes-VIème siècle avant J.C.) a connu son apogée sous la révolution. Ce sont les Etats-Unis qui, à la fin des années 70, ont les premiers conceptualisé ces alternatives au règlement juridictionnel des litiges sous le nom de « Alternative Dispute Resolution (A.D.R.)».

En France, la doctrine a retenu le vocable général de « Modes Alternatifs de Règlement des Conflits » (M.A.R.C.). Ce terme M.A.R.C. s’est peu à peu imposé chez les juristes français, alors que plusieurs autres termes ont été envisagés223. Selon Monsieur JARROSSON, un des auteurs qui a le plus écrit sur le sujet, « le terme M.A.R.C. a été choisi pour une raison euphonique car cela sonne mieux à l’oreille ».

Si dans un premier temps l’apparition du terme M.A.R.C. dans le discours des juristes français a été assimilé à un effet de mode, tout droit venu des Etats-Unis, force est de constater que les M.A.R.C. ont aujourd’hui vocation à se développer et à s’installer définitivement, si tant est qu’ils ne le soient déjà. Nous en voulons pour preuve l’abondance des ouvrages, revues, études et articles récents224 y faisant référence et l’existence d’organismes spécialisés225.

222 Notons en effet qu’une procédure peut durer 5 mois pour un Tribunal d’Instance, 9 mois pour un Tribunal de Grande Instance, 14 mois en Cour d’Appel et 2 ans pour les Tribunaux administratifs.

223 Pour une étude sur le terme M.A.R.C., voir GIP Mission de recherche droit et justice, Les M.A.R.C. : un objet nouveau dans le discours des juristes français ? , 2001.

Le droit de la consommation ne fut pas l’un des domaines précurseurs de l’utilisation des M.A.R.C., mais c’est dans le droit des contrats que les M.A.R.C. se sont le plus développés et le commerce électronique constitue aujourd’hui l’un de ses domaines de prédilection.

Les M.A.R.C. constituent une catégorie ouverte, et donc mal délimitée. Si le législateur a parfois encadré les conséquences de leur mise en œuvre, il n’a pas pris la peine de les définir. Les principaux M.A.R.C. rencontrés en pratique sont l’arbitrage, la médiation, la conciliation et les dérivés de la médiation.

L’arbitrage n’a pas de définition légale. Dans sa thèse, Monsieur JARROSSON226 le décrit comme « l’institution par laquelle un tiers, règle le différend qui oppose deux ou plusieurs parties, en exerçant la mission juridictionnelle qui lui a été confiée par celles-ci ». L’arbitre a une obligation de trancher le litige par une décision obligatoire, appelée sentence.

A la différence de l’arbitrage, la médiation et la conciliation permettent un rapprochement des points de vue plutôt qu’une prise de décision autoritaire par un tiers. Lorsque la conciliation et la médiation aboutissent, elles donnent lieu à une transaction, qui est un contrat par lequel les parties traitant sur un droit litigieux terminent une contestation à naître au moyen de concessions ou de sacrifices réciproques227.

On associe souvent la médiation à la conciliation car ils partagent la même finalité philosophique et juridique228. Pourtant, ces deux notions peuvent être distinguées. La médiation implique en effet obligatoirement l’intervention d’un tiers qui est chargé d’une mission plus active que le conciliateur dans la recherche des éléments d’une entente qu’il propose aux parties. Là où le conciliateur favorise le dialogue entre les parties, le médiateur leur propose des solutions.

224 Voir la bibliographie située dans GIP Mission de recherche droit et justice, Les M.A.R.C. : un objet nouveau dans le discours des juristes français ? , 2001.

Certaines revues de procédure et d’arbitrage consacrent une rubrique aux M.A.R.C.

225 Ex : – le CEMARC, Centre d’Etude des M.A.R.C.

– le Centre National de la Médiation, qui a édicté un code de la médiation

– les nombreux centres privés et associations de médiation et de conciliation comme le centre de médiation et d’arbitrage de Paris (voir le site www.cmap.asso.fr).

226 JARROSSON (Ch.), La notion d’arbitrage, L.G.D.J. 1987.

227 Le régime de la transaction est définit aux art. 2044 à 2058 c. civ.

228 PERRIN (M-D.), Conciliation-Médiation, Petites affiches, 26 août 2002, n°170.

Parmi les dérivés de la médiation, on trouve d’abord le Mini trial, très répandu au Québec, qui est un système de médiation organisé autour d’un collège composé d’un haut représentant de chacune des parties en litige et présidée par un tiers. Les parties présentent, « plaident » leur dossier devant ce collège qui délibère ensuite afin de trouver un accord.

Il y a ensuite le Med/Arb229, qui permet de conjuguer la médiation et l’arbitrage. Ainsi, si la médiation ne permet pas aux parties de se mettre d’accord, le médiateur tranche et statue en qualité d’arbitre. Une variante, le « co-med-arb », consiste à faire intervenir deux personnes différentes.

Enfin dans le Base ball Arbitration chacun propose une solution ferme et écrite et l’arbitre choisit celle qui correspond le mieux aux intérêts de chacun, sans pouvoir lui-même proposer une solution intermédiaire.

Les M.A.R.C. ne sont pas restés étrangers au développement d’internet et du commerce électronique. Ils ont su s’adapter à l’environnement numérique. Désormais, on trouve également une vaste gamme de M.A.R.C. en ligne230, qui correspondent aux M.A.R.C. « traditionnels » et qui ont pour seule spécificité la gestion électronique du processus.

Le recours aux M.A.R.C.231 peut s’effectuer à travers des processus autres que en ligne et inversement les M.A.R.C. en ligne peuvent permettre de résoudre des litiges autres que ceux issus du commerce électronique. Les M.A.R.C. en ligne apparaissent naturels et sont presque unanimement préconisés pour les litiges de cyberconsommation. On observe, en effet une convergence édifiante des textes, des praticiens et de la doctrine, qui confèrent tous leurs encouragements au développement des M.A.R.C. dans les litiges de cyberconsommation (Chapitre I). Toutefois, ces encouragements s’accompagnent d’un encadrement naissant et nécessaire (Chapitre II).

229 ZARKALAM (S.), Les avantages et les inconvénients du « med-arb » comme M.A.R.C., Rev. Gén. Proc., 1998, p. 589.

230 Pour une liste des organismes présentant leurs services de MARC sur internet voir http://www.ombuds.org.

231 SIIRIAINEN (F.), Réflexion sur les modes alternatifs de règlement des conflits dans le com

merce électronique, in Les modes alternatifs de résolution des conflits : approche générale et spéciale, Centre de recherche en droit économique (CREDECO), 2001.

Chapitre I – Un recours encouragé

Même si les encouragements de la pratique ont joué un rôle important dans le développement du recours aux M.A.R.C., c’est essentiellement à leurs atouts pratiques que les M.A.R.C. doivent leur essor dans le domaine des litiges de cyberconsommation (section I). Face à ce constat, le législateur s’est joint à la pratique pour encourager à son tour le recours aux M.A.R.C. et favoriser ainsi la poursuite de leur développement dans ce domaine (section II).

Section I : Les causes pratiques de l’essor des M.A.R.C. dans les litiges de cyberconsommation

Le succès des M.A.R.C. réside précisément dans leur alternative à la justice étatique car ils permettent aux cyberconsommateurs de pallier les inconvénients d’un procès classique (§1). Néanmoins, tous les M.A.R.C. ne se sont pas révélés adaptés aux litiges de cyberconsommation, seuls la médiation et la conciliation ont eu les faveurs des praticiens (§2).

§1 : Les avantages des M.A.R.C.

Le cyberconsommateur, en raison du faible enjeu financier du litige, hésitera à exposer les frais d’une longue procédure en justice, surtout si le dossier présente un élément d’extranéité232. Les M.A.R.C. permettent de pallier ces inconvénients car ils rapprochent les parties (A) et offrent un recours peu onéreux (B) et une solution rapide et adaptée (C).

232 Voir Rapport final du groupe de travail « Internet et les modes alternatifs de règlement des différends », 17 juin 2002, Forum des droits de l’internet, www.foruminternet.org

A. Le rapprochement des parties

Le commerce électronique a une vocation internationale et permet la délocalisation de l’activité. Cette internationalité constitue également l’une des caractéristiques des litiges en matière électronique.

Or l’éloignement géographique des litigants ne facilite pas l’exercice de l’action en justice. Outre la question délicate de la loi applicable, le demandeur devra souvent obtenir la reconnaissance et l’exequatur de la décision à l’étranger et il risque de rencontrer des difficultés pour son exécution233. Autant dire que cela risque fort de dissuader le cyberconsommateur.

Les M.A.R.C. permettent d’arriver à une solution sans que se pose le problème de la loi applicable ou de la juridiction compétente et sans que les parties n’aient à se déplacer. En effet, les échanges peuvent se faire par courrier papier ou électronique et même par audience virtuelle234.

B. Un recours peu onéreux

Les difficultés successives, que peut rencontrer le cyberconsommateur lors de l’exercice d’une action en justice, peuvent paraître disproportionnées au regard de l’enjeu financier souvent très faible des litiges contractuels nés à l’occasion d’une relation de consommation.

En effet, l’enjeu de ces litiges représente souvent moins de 30 € alors que le seuil des petits litiges fixés pour l’arbitrage du commerce international est de 200 000 €235.

Le considérant n° 3 de la recommandation de 1998236, concernant les principes applicables aux organes responsables pour la résolution extrajudiciaire des litiges de consommation, précise lui aussi que « la majorité des litiges de consommation, de par leur nature, se caractérisent par une disproportion entre l’enjeu économique de l’affaire et le coût de leur règlement judiciaire » ce qui peut dissuader le cyberconsommateur de faire valoir ses droits.

233 CACHARD (O.), La régulation internationale du marché électronique, LGDJ ; t. 365, 2002.

234 Par exemple par visioconférence mais ce procédé coûte cher.

235 CACHARD (O.), op. cit.

236 Recommandation de la Commission du 30 mars 1998, 98/257/CE, concernant les principes applicables aux organes responsables pour la résolution extrajudiciaire des litiges de consommation, JOCE, L 115/31, 17 avr. 1998.

Avec les M.A.R.C., le problème du coût devient accessoire et ne constitue plus un obstacle pour le cyberconsommateur. Pour autant, les M.A.R.C. ne sont pas des services gratuits. Les tiers qui interviennent, à savoir l’arbitre, le médiateur ou le conciliateur sont bien souvent des professionnels qui vont demander une rémunération. Mais cette dernière n’a rien de comparable avec les honoraires d’un avocat et le montant des divers frais d’instance. En recourant à un M.A.R.C., le cyberconsommateur sera donc moins préoccupé par la question du coût financier de son action et pourra espérer une réponse plus rapide et adaptée à son litige.

C. Une réponse rapide et spécifique

Avec internet, on assiste à une accélération du temps, tout se fait beaucoup plus vite que dans le commerce traditionnel. L’exécution du contrat peut d’ailleurs être simultanée à sa conclusion et un auteur note l’urgence car avec la multiplication des contrats à exécution successive comme les contrats d’abonnement, l’écoulement du temps est préjudiciable au créancier de l’obligation inexécutée car si en plus il y a eu prélèvement automatique, il est difficile de mettre en œuvre l’exception d’inexécution237.

Le risque d’une procédure longue et hasardeuse, en raison de la technicité de la matière238, constitue un frein considérable pour le cyberconsommateur, qui bien souvent renoncera à engager une procédure judiciaire. Les M.A.R.C. en ligne permettent de répondre à la célérité des transactions par la rapidité des procédures de règlement des litiges. Les techniciens, plus au fait des NTIC et plus proche de la pratique, seront plus à même de trouver des solutions plus rapides et surtout mieux adaptées.

Tous ces avantages permettent de convaincre le cyberconsommateur de choisir un M.A.R.C. Toutefois le cyberconsommateur n’a aucune obligation de choisir tel M.A.R.C. plutôt que tel autre M.A.R.C. Pourtant, on constate que la médiation et la conciliation sont préférées à l’arbitrage.

237 CACHARD (O.), op. cit.

238 Le juge sera souvent amené à faire appel à un expert, ce qui rallonge la procédure.

§2 : Faveurs accordées à la médiation et la conciliation

L’avantage de la médiation et de la conciliation réside dans la perspective d’une exécution spontanée de la transaction et l’avantage de l’arbitrage réside dans la force obligatoire de la sentence et le caractère optionnel de la clause compromissoire.

Or l’arbitrage comme l’arbitrage électronique239 s’adresse surtout aux litiges entre professionnels.

L’arbitrage électronique connaît d’ailleurs un certains succès. Un projet expérimental a été mis en place au Québec : le Cybertribunal. Cet organisme québécois, créé à l’initiative du Centre de Recherches en Droit Public de l’Université de Montréal propose sur son site240 de résoudre en ligne des litiges survenant sur internet. Le projet a depuis été remplacé par celui d’E-resolution241. Il existe le même exemple aux Etats-Unis avec le Virtual Magistrate242.

En pratique, l’arbitrage est peu utilisé par les cyberconsommateurs pour résoudre leur litige et dans l’ensemble la doctrine est plus favorable à la médiation et la conciliation. Le contrat type de commerce243 électronique recommande d’ailleurs le recours à la médiation. Cela s’explique par le caractère consensuel de la médiation et de la conciliation et par le fait que contrairement à l’arbitre le médiateur et le conciliateur n’ont pas l’obligation de trouver une solution au litige, leur action est axée sur le dialogue. De plus, l’arbitre a une mission juridictionnelle, il tranche et impose une sentence aux parties qui n’en connaissent pas les termes lorsqu’elles s’étaient engagées à la respecter.</ p>

Le développement du recours aux M.A.R.C. est désormais également assuré par le législateur, qui joue un rôle primordial en consacrant leur existence et en encourageant leur utilisation.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Le contrat électronique : protection du cyberconsommateur
Université 🏫: Université de Lille 2 - Faculté des Sciences Juridiques, Politiques et Sociales
Auteur·trice·s 🎓:
Nathalie MOREAU

Nathalie MOREAU
Année de soutenance 📅: Mémoire DEA Droit des contrats - 2002/2003
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