L’évaluation d’un événement culturel au regard de la durabilité

L’évaluation d’un événement culturel au regard de la durabilité

3.2.2 Evaluation, durabilité et événement culturel

Evaluer les politiques culturelles, au regard des informations présentées dans ce mémoire de recherche est visiblement complexe car la politique culturelle reste avant tout un ensemble d’objectifs à atteindre en fonction d’un ensemble de déclinaisons d’action, d’organisation, de partenariat…

C’est en effet tout l’enjeu de l’évaluation que de pouvoir non seulement mettre au clair l’ensemble des dynamiques portées entre les ambitions initiales et les réalisations finales au regard des orientations d’origine.

Cependant, établir la durabilité dans ce projet d’évaluation des politiques culturelles va dépendre en grande partie des orientations de base du projet à évaluer. D’ailleurs, évaluer la politique culturelle d’une institution par exemple n’est en soi pas un choix aisé et cela, pour plusieurs raisons.

La première d’entre elle reste le fait que la politique culturelle ne peut que difficilement être jugée objectivement, chaque institution ou chaque porteur de politiques culturelles défendant sa propre vision et sa propre méthodologie d’application des objectifs qui lui semblent prioritaires.

De ce fait, et dans l’optique d’une politique culturelle réalisée par une institution en adéquation avec les objectifs fixés par cette même institution, l’évaluation de cette politique culturelle serait biaisée dans la mesure où les objectifs et la réalisation émanent d’un même organisme.

Une évaluation de la politique culturelle pourrait être envisageable dans le cadre par exemple d’un contrat liant deux types de collectivités, par exemple Etat et collectivité locale, dans le cadre d’un document d’orientation différenciant porteur de projet et initiateur de projet.

Dans ce cas de figure, le document cosigné entre les deux parties permettra de pouvoir juger de la réalisation des objectifs proposés par l’initiateur, des réalisations opérées par le porteur et de l’articulation entre ces deux éléments qui donnent finalement la valeur du projet.

Dans un second temps, la notion de politique culturelle est éminemment politique. Le but de l’évaluation est par nature de pouvoir juger de l’efficacité et de l’efficience d’une réalisation empirique et non pas d’une orientation politique.

La barrière peut sembler mince mais la politique culturelle, comme sa dénomination le précise, est le fruit de l’application d’un programme politique et l’évaluation de celui-ci, ici dans son aspect culturel, est à considérer au regard du vote des citoyens et non de l’évaluation de projet.

Il existe une différence forte et qu’il faut avoir à l’esprit entre la déclinaison d’engagements électoraux ou au moins représentatifs qui composent la politique culturelle dans sa globalité et les réalisations concrètes, notamment les projets culturels, qui déclinent cette politique culturelle.

Les organismes chargés de l’évaluation n’ont pas à juger de l’opportunité de considérer la démocratisation culturelle comme objectif de la politique culturelle de l’institution mais de connaitre l’efficacité et l’efficience des moyens mis en place pour la réalisation de cette démocratisation culturelle.

L’indépendance politique de l’organisme chargé de l’évaluation conditionne la bonne réalisation de ladite évaluation, tant du point de vue de l’institution demandant l’évaluation de son projet que de l’organisme chargé de l’évaluation qui, à terme, rendait caduque ses conclusions et donc son travail global…

Enfin, pour des questions concrètes de réalisation, l’évaluation de la politique culturelle d’une institution ne peut se faire uniquement que sur le très long terme, jugeant à plusieurs années les réalisations opérées ce qui inscrit la démarche dans une optique de recherche plus que de connaissance empirique.

A l’image des recherches consacrées à la politique culturelle de la France depuis les origines de la Vème République menées par Dijan ou Saint Pulgent dont les finalités diffèrent de l’évaluation de Béthune 2011 par exemple et dont la finalité correspond à un ensemble de recommandations opérationnelles dans le cadre d’autres projets culturels régionaux.

Les deux approches et finalités sont donc différentes et s’expliquent notamment par la durée et le sujet d’étude présenté. La politique culturelle s’inscrivant sur un très long terme, son évaluation ou les recherches qui lui sont consacrées se déroulent elles aussi sur un temps long.

Identiquement, l’évaluation de projet culturel tel que Béthune 2011 est compris dans un laps de temps plus court et ses conclusions pourront ainsi servir de base à la déclinaison d’autres projets inscrits dans un temps plus court.

En ce sens, la durabilité en terme temporel diffère et l’évaluation de la durabilité des politiques culturelles s’inscrit dans le long terme et uniquement en fonction des objectifs initiaux de celle-ci plus que dans leur déclinaison qui correspondent plus à une dimension de projet et donc d’événementiel culturel.

Evaluer au regard de la durabilité semble donc être bien plus envisageable dans le cadre de l’évaluation de projet culturel à dimension événementielle tel que Béthune 2011.

Cette approche correspond par ailleurs à la définition donnée des politiques culturelles qui inscrivent leur réalisation dans la mise en place d’un ensemble de moments (événements culturels) inscrit dans une globalité thématique (politique culturelle).

Nous avions défendu plus avant le principe d’événementiel culturel de qualité. La notion de qualité est ici à entendre en tant qu’aspect qualitatif de la proposition culturelle, entendu que ce qui est qualitatif peut être à considérer comme respectant les quatre principes de la durabilité au sens de Brundtland.

L’évaluation au regard du développement durable concernerait donc en majeure partie ces événements culturels, qui, en tant que déclinaison des politiques culturelles, portent la notion de durabilité si celle-ci est déclinée par la politique culturelle globale.

En effet, si une politique culturelle est empreinte de durabilité, les événements culturels la composant témoigneront de cette ambition générale dans leur déclinaison que l’évaluation à la charge de juger au regard d’un cahier des charges défini.

Pour pouvoir évaluer un événement culturel au regard de la durabilité, il convient de connaitre comment la durabilité peut s’inscrire dans l’événement culturel notamment en le définissant à l’aune de l’exemple empirique du festival musical des vieilles charrues en Bretagne et qui est un cas concret d’événement culturel inscrit dans la durabilité.

En effet, crée en 1992, ce festival est devenu rapidement le premier festival musical français en terme d’affluence. De plus, le festival est défini par ses organisateurs comme un « éco-festival » tant les démarches de durabilité ponctuent le déroulement de l’événement culturel.

En effet, se définissant « à la fois attentif et soucieux de ses impacts », la démarche présente le fait que « le festival s’engage pour développer de manière durable ses actions et son environnement social, écologique et économique ».

Ainsi, il apparait que la dimension globale de la durabilité est prise en compte dans la déclinaison de ce projet culturel. En effet, diverses actions durables ponctuent le déroulement et la philosophie générale de ce festival, qui rappelons le, dépend de l’action d’un réseau d’associations ancrées localement et dont le but n’est pas mercantile.

La dimension qualitative d’un événement culturel peut être à relier à sa finalité qui, lorsqu’elle s’inscrit dans un but mercantile n’est peut être pas la plus amène d’inscrire la durabilité (qui reste un investissement temporel et financier) comme priorité de sa réalisation.

Pour revenir à l’exemple empirique d’étude que peut représenter le festival des vieilles charrues, de nombreuses actions sont déclinées en faveur de la durabilité.

D’un point de vue environnemental, la gestion des déchets est présentée comme un objectif de durabilité, elle vise notamment à la réduction et à la valorisation maximum des déchets émis lors du festival.

Ainsi, le tri sélectif est systémiquement appliqué (camping, lieux de déambulation, restaurants…) et les efforts développés au maximum pour réduire la création de déchets par l’intermédiaire d’actions telles que la consigne sur les gobelets ou la mise en place de fontaine à eau pour éviter l’utilisation de bouteilles (l’économie réalisée étant chiffrée à 15000 bouteilles en moins).

De plus, les équipes de nettoyage par ailleurs recrutées localement, appliquent ce tri lors du ramassage des déchets sur place. En terme d’économie d’énergie, le matériel utilisé est progressivement remplacé par des technologies moins demandeuses d’électricité, la limitation des heures d’éclairage des lieux publics du festival ou encore de la réduction de la consommation de groupes électrogènes fonctionnant aux énergies fossiles.

D’autre part, les économies d’eau (réduction de 400m 3 de la consommation entre 2009 et 2010) et les publications imprimées sur papier recyclé achèvent d’inscrire le festival dans une optique de réduction de son empreinte écologique.

Concernant les transports, de nombreux partenariats sont établis entre les organisateurs du festival et les compagnies de transport ou les collectivités chargées des transports en commun notamment dans une optique visant à permettre aux festivaliers de bénéficier des transports collectifs à des prix très attractifs ou à défaut, à organiser au maximum le covoiturage.

Enfin, et en tant que signe indéniable de la volonté forte de réduire son impact écologique, le festival réalise son bilan carbone et procède à une évaluation de son impact écologique en vue de le réduire lors de chaque manifestation.

L’action sociale n’est pas en reste du festival dans la mesure où non moins de quarante personnes sont affectées à l’accueil, l’accompagnement et le conseil auprès des personnes à mobilité réduite ou souffrant d’un handicap sensoriel.

De la même manière, l’insertion est un principe présent notamment dans la déclinaison de partenariats entre des instituts médico- éducatifs et des centres d’insertion par le travail dans la réalisation des décors ou des travaux tels que la blanchisserie mais aussi avec des formations locales à l’image d’une section électricité d’un lycée local chargé de créer l’ensemble des armoires électriques du festival.

Dans un autre domaine, la dimension équitable et biologique des produits de consommation proposés sur le festival est développé au maximum et participe également à la responsabilisation de la consommation dans le cadre de cet événement culturel.

Economiquement, l’ensemble des fournisseurs se situent en extrême majorité dans un rayon géographique très réduit dans une double volonté : contribuer au développement local et limiter les déplacements inhérents à la livraison du matériel.

En terme de développement local, ce ne sont pas moins de 100 000€ qui sont accordés aux associations bénévoles participantes, leur permettant de poursuivre leur action associative et de pouvoir bénéficier du matériel et de l’ingénierie développée sur le festival dans le cadre de leur propre activité.

En terme de relais inter-associatif, le festival des vielles charrues fait office d’exemple avec un réseau de plus de 110 associations partenaires présentant une forte diversité thématique.

De plus, chaque association défendant une thématique bien particulière peut prétendre à occuper un stand qui lui est dédié et visant à faire connaitre son action et à sensibiliser le public présent, nous pouvons par exemple citer la présence d’Amnesty International lors de la dernière édition.

Enfin, la dimension de sensibilisation est également un corollaire de l’organisation, tant auprès des festivaliers (conduites additives, prévention routière, IST, santé) ainsi qu’auprès des techniciens du festival (santé et sécurité).

Enfin, il convient de noter que ce festival est à l’origine d’une charte des festivals engagés visant à inscrire dans la durabilité la réalisation des différents festivals (23 à ce jour) notamment à travers la lutte contre l’effet de serre et la favorisation de l’économie d’énergie, la favorisation des modes de production et de consommation durables, la participation à l’économie sociale et solidaire, la formation et l’information sur le développement durable, la participation de tous les acteurs du festival à un développement durable et solidaire.

La présentation du festival musical des vieilles charrues marque bien comment un événement culturel peut inscrire son déroulement non seulement dans un ancrage territorial fort mais également dans une optique de durabilité systémique et globale qui fait la force et la cohérence de la démarche engagée.

En effet, le développement durable lorsqu’il s’agit de l’appliquer de manière concrète dans un projet nécessite une mise en place répondant à l’ensemble des problématiques porté par le développement durable.

Cette manière de manager l’événement culturel et donc la politique culturelle dont il dépend n’est pas sans faire penser à l’approche défendue par le principe d’Agenda 21.

Cet outil devant favoriser les actions en faveur du développement durable à d’abord été mis en place à l’échelle mondiale suite au sommet de Rio de 1992 puis décliné progressivement aux échelles géographiques plus modestes ainsi qu’à certains milieux particuliers comme en témoignent les Agendas 21 de la culture dont il est fait une présentation dans le premier chapitre.

Un moyen possible d’action en faveur de la durabilité dans l’événement culturel serait de pouvoir mettre en place un ensemble d’actions systémiques en faveur du développement durable dans sa déclinaison la plus complexe et articulée qui soit dans le cadre des événements culturels.

La déclinaison de la durabilité au sein de l’événement culturel est un moyen, au regard de l’articulation prouvée entre les deux notions dans le second chapitre, d’inscrire la politique culturelle elle-même dans la durabilité.

Un cercle vertueux de la durabilité pourrait donc se créer entre des objectifs de politiques culturelles guidés par la durabilité et la déclinaison empirique de ces objectifs à travers des événements culturels inscrits dans la durabilité notamment par le biais de l’outil Agenda 21. Une adaptation de cet outil à une échelle micro est donc un préalable nécessaire à la démarche.

De plus, une connaissance solide de l’ensemble des typologies d’événements, de la manière dont la durabilité peut s’inscrire dans chacun d’entre eux, y compris dans les déclinaisons moins qualitatives au sens de la définition de la durabilité est un objectif managérial à envisager.

L’outil se devra d’être relativement flexible dans la mesure où chaque événement culturel diffère et l’articulation en rapport avec la durabilité en est forcement impactée.

Il convient d’avoir également à l’esprit que la démarche managériale même ici proposée se doit d’être inscrite dans la durabilité et l’appropriation de l’outil par les acteurs culturels comme son adéquation avec la culture locale relève de la cohérence de la démarche elle-même.

Malgré tout, et comme en témoigne l’exemple concret décliné ci avant, un certain nombre de possibilités en terme d’Agenda 21 sont envisageables.

Avant toute chose, il est bien entendu utile de souligner que la démarche Agenda 21 appliquée aux événements de politique culturelle se devra de respecter les autres piliers du développement durable que sont la culture, l’économie solidaire, l’action sociale et la protection de l’environnement.

Culturellement, l’événement culturel imbriqué dans cette démarche se devra notamment de respecter les spécificités de la culture locale, d’adapter sa proposition artistique soit en fonction des aspirations soit dans une optique d’offrir de nouvelles perspectives aux populations locales.

Dans le cadre d’une déclinaison encore plus grande de la durabilité dans une optique culturelle, il peut être utile de faire la proposition d’une programmation laissant place au sujet de la durabilité en tant que support artistique à part entière.

D’un point de vue environnemental, la priorité doit être considérée vers une limitation maximum de l’emprunte carbone de l’événement à travers tout une politique de limitation de la consommation d’énergie et de substitution de processus moins émetteur de gaz à effet de serre.

Inscrire cet événement dans un plan climat local pourrait par exemple solidifier l’approche écologiquement durable de celui-ci tout comme le fait de décliner localement les besoins en terme de matériel, de proposition artistique ou autre.

Cette déclinaison locale nous amène au principe d’économie durable devant être porté par cette proposition, l’ancrage local de long terme et la direction des externalités économiques au maximum vers le tissu local reste un élément important de cette proposition.

Tant culturellement qu’économiquement, l’ancrage local pour des raisons d’assimilation, de distance de transport, d’impact durable sur les infrastructures et les propositions culturelles se doit de représenter l’impératif d’un événement culturel ancré dans la durabilité car s’affiche plus ou moins comme l’instrument de maillage entre l’ensemble des thématiques durable à considérer.

Enfin, la dimension sociale et solidaire ponctue cet ancrage durable de l’événement culturel à travers notamment une forte politique d’accessibilité qu’elle s’adresse aux populations traditionnellement exclues des événements culturels, des populations souffrant de discrimination ou de handicap.

Cette approche s’insère totalement dans la notion de diversité culturelle qui représente un des liens les plus structurants de la culture et du développement durable.

L’Agenda 21 implique donc cette approche systémique et à quatre entrées que constitue le développement durable et il convient pour pouvoir en faire un outil managérial de la politique culturelle, de pouvoir l’adapter à la nature particulière du monde de la culture et de la réalisation technique de l’événement. Pour conclure, il convient également de préciser que la notion d’évaluation est une des finalités du principe d’Agenda 21.

Cette approche déclinée à l’échelle de l’évènement culturel permet donc de pouvoir inscrire la durabilité dans la réalisation et la finalité de l’événement mais aussi de permettre au support managérial qu’est l’évaluation au regard du développement durable de pouvoir être appliqué de manière plus large à la politique culturelle.

La complexité de l’approche prônée depuis les premiers écrits consacrés à la question prend ici forme, permettant de faire le la durabilité un outil d’action et une finalité concrète.

L’évaluation au regard du développement durable et l’inscription de l’outil Agenda 21 au cœur de la réalisation des événements culturels représentent un premier élément managérial à prendre en considération dans la déclinaison plus globale d’un management durable de la politique culturelle. Identiquement, la dimension participative des politiques et événements culturels est une possibilité empirique à étudier.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Politiques culturelles et durabilité : Introduction au management de projet culturel et durable
Université 🏫: Université d'Artois - UFR EGASS (Economie, Gestion Administration et Sciences Sociales)
Auteur·trice·s 🎓:
Romain Plichon

Romain Plichon
Année de soutenance 📅: Mémoire de Master 2 Professionnel, Développement des Territoires, Aménagement, Environnement - 2010/2011
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