La Cour des comptes publics, Politique qualité de Certification

La Cour des comptes publics, Politique qualité de Certification

IV. Design de la recherche

Le design de la recherche s’attache à compléter cette première description de l’objet de la recherche, il présente la démarche de recherche retenue et les choix méthodologiques effectués (Royer et Zarlowski 2007 dans Thiétart et al., 2007).

9 Les différents courants de recherche du programme d’Hopwood sont : l’approche néo-institutionnelle, l’approche politique, l’approche ethnographique, et l’approche réseau.

10 Cette théorie est développée par Hopwood (1974, 1979), Bromwich (1975, 1977), Tinker (1980, 1985), Macintosh (1981, 2002), Chua (1986) et bien d’autres, cités par Mattessich (2006). L’approche interprétative se caractérise par une vision plus fluide du monde et de la réalité sociale (Covaleski et Dirsmith, 1990) et a un recours plus lâche à la théorie qui est davantage un support pour la recherche plutôt qu’un cadre contraignant (Herrbach, 2001 dans Dumontier et Teller, 2001).

IV. 1) Les positions retenues relatives à la nature des connaissances

Les positions retenues relatives à la nature des connaissances permettent de situer le processus de construction des connaissances retenu11.

Selon Petit et Durieux (2007 dans Thiétart et al., 2007), explorer et tester sont les processus qui soutiennent l’élaboration des connaissances. La voie de l’exploration est la démarche retenue pour cette recherche et plus particulièrement l’exploration hybride qui « consiste à procéder par allers-retours entre les observations et des connaissances théoriques tout au long de la recherche. Le chercheur a initialement mobilisé des concepts et intégré la littérature concernant son objet de recherche. Il va s’appuyer sur cette connaissance pour donner du sens à ses observations empiriques en procédant par allers-retours fréquents entre le matériel empirique recueilli et la théorie. La démarche est abductive dans ce cas (Petit et Durieux, 2007, p. 72 dans Thiérat et al., 2007). L’exploration hybride est une voie qui permet d’approfondir des connaissances antérieures en les replaçant dans un contexte particulier pour cette recherche.

Si l’approche retenue est celle de l’exploration, la distinction entre le test et l’exploration n’est pas si simple. En effet, il n’est pas rare pour un chercheur de concilier les deux (Petit et Durieux, 2007 dans Thiétart et al., 2007). Pour cette recherche, la politique qualité de la certification dans les institutions supérieures de contrôle est certes explorée grâce à une observation des faits empiriques mais est également testée.

L’étude de la politique qualité de la Cour des comptes et plus particulièrement de ses critères explicatifs est basée sur grille de lecture testée par une approche inductive et déductive. La recherche présente donc un lien entre le test et l’exploration avec une nette domination de l’exploration fondée sur l’observation des faits empiriques pour proposer une explication conjecturale (la réponse à la problématique centrale).

La voie de l’exploration hybride s’accompagne d’une démarche abductive pour laquelle l’objectif est de produire du sens grâce à des allers-retours entre le terrain et la théorie12.

11 Le processus de construction des connaissances se trouve en aval de la définition de l’objet et du sujet de recherche et à l’amont de la présentation du mode de recueil et de traitement des données (Petit et Durieux, 2007 dans Thiétart et al., 2007).

12 « L’abduction est l’opération, qui, n’appartenant pas à la logique, permet d’échapper à la perception chaotique que l’on a du monde réel par un essai de conjecture sur les relations qu’entretiennent effectivement les choses » (Koening, 1983 cité par David, 2000)

Finalement, la démarche de recherche s’appuie sur la description de la politique qualité de la Cour des comptes mais également sur une analyse des critères environnementaux et des éléments de contingence ayant une incidence sur la politique qualité. Cette description et cette analyse sont réalisées dans la phase initiale de mise en place et ultérieurement pour étudier les évolutions nécessaires de cette politique qualité.

Ce positionnement implique de tirer une conséquence sur un cas précis (la certification des comptes des États) à partir d’une règle générale (la littérature sur la qualité de l’audit) et d’une observation empirique (une étude de cas et une approche comparative) selon David (2000).

IV. 2) La stratégie d’investigation

La stratégie d’investigation se caractérise par une approche qualitative encadrée par une approche par le processus.

La stratégie qualitative permet de favoriser l’observation dynamique d’un phénomène, la politique qualité de la Cour des comptes, les spécificités et les différences du contexte sont ainsi prises en compte (Savall et Zardet, 2004).

La stratégie qualitative permet d’accéder au réel par des données collectées directement sur le terrain13. L’approche qualitative offre de plus l’opportunité d’une confrontation avec des réalités multiples et permet une meilleure évaluation des interactions dans le phénomène étudié (Baumard et Ibert 2007 dans Thiétart et al., 2007).

L’encadrement de la stratégie qualitative par une approche par le processus répond aux trois objectifs décrit par Grenier et Josserand (2007, p. 120 dans Thiétart et al., 2007) :

  •  décrire en profondeur l’objet étudié dans le temps;
  •  décrire le processus en le replaçant dans son contexte organisationnel;
  •  comparer plusieurs processus similaires et dégager les similitudes et les différences. Cette approche par le processus consiste à décomposer l’objet étudié puis à le décrire et le

comprendre dans le temps pour enfin l’analyser (Grenier et Josserand, 2007 dans Thiétart et al., 2007). Elle s’oppose à la recherche sur le contenu pour laquelle l’existence ou la coexistence d’un certain nombre d’éléments pour l’objet étudié sont mises en évidence14.

La recherche sur le contenu n’étudie pas la manière dont l’objet se développe dans le temps. Même si la recherche sur le contenu semble distincte de la recherche sur le processus, ces deux approches s’enrichissent mutuellement et se complètent (Grenier et Josserand, 2007 dans Thiétart et al. 2007).

L’approche par le processus est utilisée pour l’étude de cas de la politique qualité de la Cour des comptes car elle permet de mettre en avant, de caractériser et conceptualiser son évolution mais elle est enrichie par une approche par le contenu en ce qui concerne l’étude des politiques qualité pour les institutions supérieures de contrôle. Les deux approches sont donc nécessaires pour améliorer la connaissance de cet objet particulier, la politique qualité de l’audit des comptes publics.

13 Les données issues d’une recherche qualitative sont réputées fécondes pour produire de nouveaux concepts mais sont également connues pour avoir un caractère faiblement reproductible lorsque les cas sont fortement contextualisés (Savall et Zardet, 2004).

IV. 3) La méthodologie de recherche

La méthodologie de recherche retenue est duale et correspond à l’organisation des questions de recherche (cf. Schéma 2 : Les objectifs de la recherche) : une étude comparative (recherche sur le contenu) et une étude de cas (recherche sur le processus). Toutes les deux sont considérées comme des méthodes qualitatives, elles répondent néanmoins à des problématiques et investigations différentes comme le montre le tableau suivant.

Tableau 3 : Les méthodes qualitatives de l’étude de cas et de l’approche comparative

Objectifs et question de rechercheHypothèses implicites et contrôleInvestigations et exemples
Étude de casExploration, compréhension, générer des hypothèses sur le pourquoi et le commentCapacité du chercher à se distancier au moment de l’analyseLe groupe, l’organisation
Méthode comparativeRepérer des déterminants locaux et généraux de l’objet d’analyseSignification semblables des faits dans différents contextesLes comparaisons internationales

Source : Extrait de Wacheux, 1996, p. 90.

L’étude de cas présente l’avantage de pouvoir expliquer des phénomènes complexes à l’aide de théories non prédictives (Chua, 1986) et permet d’approfondir le rôle et la justification des critères explicatifs quant au phénomène étudié et peut constituer un vecteur de création de nouvelles théories puisque sa vocation est d’ouvrir de nouvelles voies sur des domaines de recherches existants.

Elle est utile pour des recherches portant par exemple sur des phénomènes complexes et dynamiques, sur des pratiques pouvant être inhabituelles ou peu fréquentes ou encore sur des phénomènes pour lesquels le contexte est crucial (Cooper et Morgan, 2008).

La Cour des comptes répond à tous ces exemples car l’audit financier des comptes publics est à la fois un phénomène complexe car novateur et dynamique, qui implique des pratiques considérées jusque lors inhabituelles et pour lesquelles le contexte15 est essentiel.

14 L’approche configurationnelle de la recherche sur le contenu permet de regrouper des observations dans des catégories et des groupes homogènes pour une appréhension plus simple des données. Si les configurations émergent empiriquement, il s’agit de taxonomie, et si elles émergent théoriquement, il s’agit alors d’une typologie.

Une étude de cas se doit ensuite d’être significative en étant inhabituelle ou en générant l’intérêt du public par exemple, ce que l’étude de cas à la Cour des comptes propose en s’intéressant à un terrain novateur, celui d’une juridiction française et également en se penchant sur un phénomène nouveau, l’audit financier des comptes de l’État.

Elle permet de plus, de s’inscrire dans un contexte international de certification des comptes publics au sein duquel subsiste un paradoxe, l’utilisation des outils et terminologies issus du secteur privé est- elle un moyen d’améliorer les pratiques ou ne constitue-t-elle qu’un point de passage inévitable ?

Le positionnement méthodologique peut être qualifié d’interventionniste car la recherche ne se limite pas à « l’exploration d’un système mais s’étend à la production de savoirs et de concepts qui permettent de penser les trajectoires dans lesquelles un collectif pourrait s’engager » (Hatchuel, 1994, p. 80).

Ce positionnement de l’étude de cas dans le cadre intégrateur de la démarche d’intervention16 ne s’entend qu’au sens large car « toute démarche d’intervention se traduit, au minimum, par une observation de ce qui se passe sur le terrain et va jusqu’à l’aide à la conception et à la mise en œuvre de changements concrets au sein des organisations étudiées » (David, 2000 dans David et al., 2000, p. 124). David (2000) intègre ainsi quatre démarches de recherche : l’observation participante, la recherche-action, la conception en chambre et la recherche intervention. L’étude de cas étant basée sur l’observation des faits avec une construction mentale de la réalité, l’approche la plus adaptée est celle de l’observation participante17.

En effet, si la réalisation de l’étude de cas au sein de la Cour des comptes a largement dépassé la simple observation18, elle ne prétend pas être une recherche intervention. Le positionnement au sein de l’institution et les missions réalisées n’avaient pas pour objectif de concevoir et mettre en œuvre le changement en ce qui concerne la politique qualité de l’audit mais plutôt de participer à cette mise en œuvre19. La capacité à produire des changements est donc trop faible pour se prévaloir d’une recherche intervention comme démarche de recherche.

15 La notion de contexte peut ici être rapprochée de l’environnement institutionnel tel que définit dans le chapitre 2 au travers du cadre de la politique qualité de la Cour des comptes.

16 Le cadre intégrateur aux démarches scientifiques d’intervention met en avant quatre principes communs (David, 2000) : la compréhension en profondeur du système pour l’aider à définir des trajectoires possibles d’évolution, la production de connaissance en interaction avec le terrain, le parcours de différents niveaux théoriques et l’intervention sur la réalité qui justifie alors son caractère normatif.

L’utilisation de ce cadre intégrateur conduit à définir des outils méthodologiques spécifiques à chaque démarche (observation participante, recherche-action, conception en chambre, recherche intervention) (David, 2000). Pour l’observation participante ces outils sont l’observation directe, les entretiens et l’analyse de documents20. Ce sont donc les données découlant de ces outils de collecte qui sont sollicitées pour l’étude de cas.

L’étude de cas a débutée lors de la réalisation du mémoire de Master recherche qui a été réalisé dans le cadre d’une période de stage à la Cour des comptes de 6 mois permettant ainsi d’intégrer l’équipe de certification.

La réintégration a eu lieu en janvier 2007 en tant que doctorante stagiaire rattachée à la Première chambre et plus particulièrement à l’équipe centrale de certification. Ce poste permet d’avoir un accès au terrain quotidien et complet, puisque la participation à l’équipe de certification implique la réalisation de différentes missions comme la rédaction du guide de la certification ou encore la participation à la définition du processus qualité de la Cour des comptes par le biais de la réalisation d’études sur les normes et les pratiques à l’étranger.

Le schéma suivant décrit les conditions chronologiques de la mise en œuvre de la méthodologie et met en avant l’approche longitudinale et l’approche comparative.

17 Becker (1958) identifie quatre étapes pour l’observation participante : la sélection et la définition du concept ou objet étudié, la vérification de la fréquence et de la distribution du phénomène, la construction d’un modèle social pour le phénomène, l’analyse finale et la présentation des données.

18 C’est pourquoi elle est qualifie d’observation participante qui se limite à la proposition d’une représentation du fonctionnement du système étudié et n’apporte que des changements potentiels. Ce positionnement permet d’éclairer les acteurs et peut simplement être de nature à favoriser certaines évolutions (David, 2000).

19 La participation prenait alors la forme de réalisation d’études préalables ou d’assistance sur des points précis de l’objet étudié comme la réalisation du guide de la certification.

20 Moisdon (1984) décrit l’observation directe comme la seule façon d’étudier un objet et insiste sur l’importance d’allier différents outils : les entretiens, les discours recueillis et l’interaction continue avec le terrain.

Schéma 3 : Le plan méthodologique chronologique

La deuxième partie se focalise sur l’étude de la politique qualité de la Cour des comptes. A cette fin, le chapitre 3 aborde la notion de la qualité de l’audit comme un ensemble de critères explicatifs et également en tant que démarche de contrôle et assurance qualité.

Ce chapitre permet d’apporter les fondements théoriques et normatifs des démarches de politique qualité et constitue ainsi une grille de lecture. Le chapitre 4 analyse les caractéristiques propres à la politique qualité : son contenu et son évolution sur trois ans sur la base de la grille de lecture développée dans le chapitre 3.

La deuxième partie de la recherche permet donc d’étudier l’évolution et le changement de la politique qualité de la Cour des comptes depuis la phase de préparation de la certification jusqu’au deuxième exercice de certification afin de déterminer si l’on constate une adoption du modèle anglo-saxon ou un syncrétisme entre traditions et modèle anglo-saxon.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
La politique qualité de la certification des comptes publics
Université 🏫: Université de Poitiers - Ecole doctorale sociétés et organisations
Auteur·trice·s 🎓:
Marine Portal

Marine Portal
Année de soutenance 📅: Thèse présentée et soutenue publiquement à la Cour des comptes - en vue du Doctorat des Sciences de Gestion - 4 décembre 2009
Rechercher
Télécharger ce mémoire en ligne PDF (gratuit)

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Scroll to Top