La qualité perçue de l’audit : Étude théorique

La qualité perçue de l’audit : Étude théorique

Section 2

Étude théorique de la qualité perçue de l’audit

La qualité de l’audit peut-être considérée comme l’un des objectifs premiers du processus d’audit financier, opérationnel ou comptable. La mesure de l’importance de la qualité pour l’audit pose le problème de l’évaluation et du contrôle de la qualité.

Cette problématique a pris de l’ampleur avec les nouvelles régulations économiques nationales et internationales : le renforcement des comités d’audit dans le contrôle de la qualité (Sarbanes Oxley Act pour les Etats-Unis, rapport Viénot pour la France…) ou encore l’arrivée d’organismes de contrôle- qualité publics comme le H3C (Haut Conseil du Commissariat aux Comptes) pour la France ou le PCAOB (Public Company Accounting and Oversight Board) pour les États-Unis.

L’union de la qualité et de l’audit a engendré la multiplication de recherches autour d’objectifs communs comme la conceptualisation, la mesure, l’évaluation ou encore la compréhension du phénomène.

On distingue parmi ces recherches deux approches épistémologiques, une approche normative qui vise la production d’outils et méthodes et une approche basée sur la modélisation qui s’interroge sur les phénomènes et comportements à prendre en compte (Casta et Mikol, 1999).

Pour cette étude théorique de la qualité de l’audit, l’approche modélisatrice est privilégiée pour répondre à un objectif de compréhension des constituants de la qualité de l’audit perçue en d’autres termes des critères explicatifs de la qualité perçue de l’audit.

La modélisation des critères explicatifs de la qualité de l’audit est fondée sur la dichotomie développée par DeAngelo (1981) qui présente la compétence et l’indépendance comme deux dimensions orthogonales de la qualité perçue de l’audit (Ben Saad et Lesage, 2009, p. 1).

La compétence d’un auditeur peut être définie comme la capacité à acquérir et évaluer des preuves sur lesquelles son opinion est fondée (Lee et Stone, 1995, p. 1173). L’indépendance est définie comme un état mental dans lequel l’auditeur n’est ni relié ou subordonné à l’influence et aux pressions de conflits d’intérêts (Lee et Stone, 1995, p. 1173).

La compréhension des relations entre ces deux dimensions est à double sens. Certaines études fondent leur analyse de la qualité de l’audit sur le fait que les compétences sont nécessaires pour pouvoir justifier d’une situation d’indépendance alors que d’autres études définissent l’indépendance comme préexistante par rapport aux compétences.

Lee et Stone (1995, p. 1171) considèrent ainsi la compétence comme étant une condition à l’indépendance, l’auditeur ne pouvant choisir d’être indépendant que s’il est compétent alors que Flint (1988) et Schandl (1978) postulent que l’indépendance précède la compétence. Finalement Richard (2006) présente l’indépendance et la compétence comme deux déterminants constituant une balance pour la qualité de l’audit.

L’étude théorique de la qualité de l’audit présentée dans cette section s’attache à développer une grille de lecture modélisatrice des critères explicatifs fondée sur la distinction des deux déterminants de la qualité de l’audit : la compétence et l’indépendance.

La compétence et l’indépendance sont comprises comme formant une balance pour la qualité de l’audit et sont présentée selon trois niveaux d’analyse : le niveau organisationnel, le niveau individuel et collectif et enfin le niveau systémique.

Suite au développement de la grille de lecture selon ces trois niveaux d’analyse, sont présentés les critères explicatifs de la qualité de l’audit non retenus afin de proposer une vision complète de la qualité de l’audit perçue.

I. La qualité de l’audit et la compétence et l’indépendance organisationnelles

Pour présenter la compétence et l’indépendance organisationnelle, cette partie distingue les cirières explicatifs de la qualité en interne des critères liés aux relations avec l’audité.

I. 1) La compétence et l’indépendance organisationnelles en interne

Quatre axes d’étude sont envisagés, correspondant à autant de facteurs explicatifs de la qualité de l’audit. Il s’agit du prix de l’audit (en relation avec les coûts de l’audit), de la taille du cabinet d’audit, des efforts accordés à l’audit et de l’organisation temporelle du cabinet.

a. Le critère du coût de l’audit

Le phénomène d’influence du coût sur la qualité de l’audit selon Dirsmith et Covaleski (1985) structure le contexte de l’audit de la façon suivante :

Schéma 20 : La qualité et les coûts dans le contexte de l’audit

Source : Dirsmith et al. «Le contexte de l’audit», 1985

Il existe un dilemme coût-qualité qui peut avoir une influence sur la qualité de l’audit. Selon Francis (2004), des coûts considérés comme bas n’impliquent pas nécessairement une mauvaise qualité de l’audit qui sera alors expliquée par d’autres critères. A l’inverse, il est possible de lier la baisse des coûts de l’audit à une diminution de la qualité de l’audit.

On relève ainsi un enjeu important de maîtrise des coûts pour l’audit commun à toute entreprise. La pertinence d’une méthode de collecte des données ou d’une information financière doit être mise en regard du coût de sa collecte et donc de sa participation à la qualité de l’audit.

Ce premier critère explicatif de la qualité de l’audit est incomplet lorsque l’analyse s’arrête à l’observation des coûts. En effet, il importe de considérer ce qu’implique une diminution des coûts avant de s’interroger sur son incidence sur la qualité de l’audit. Le critère explicatif relatif à l’organisation temporelle du cabinet d’audit développé dans cette section remédie à cette interrogation en mettant en avant des critères tels que la durée de l’audit par exemple.

b. Le critère de la taille du cabinet d’audit

La taille constitue un élément de comparaison et de recherche sur la compétence pour la qualité de l’audit très utilisé qui suit une dichotomie petit-grand cabinet (Francis, 2004). La taille serait une variable influant sur la qualité et plus spécifiquement sur l’indépendance de l’auditeur (DeAngelo, 1981).

Un grand cabinet n’envisage pas sa relation avec ses clients comme le ferait un petit cabinet. En effet, un grand cabinet est moins dépendant financièrement de ses clients mais il se doit de maintenir une bonne réputation externe ce qui peut l’amener à éviter de rapporter des erreurs ou irrégularités (qualité de révélation liée à l’indépendance).

Pour nuancer cette association entre taille du cabinet et qualité de l’audit, il semble plus approprié de considérer la taille du cabinet à l’échelle du service concerné et non à l’échelle du groupe dans le cas des grands cabinets internationaux pour ainsi mieux saisir les relations existantes avec la qualité accordée à l’audit (Reynolds et Francis, 2000).

Deis et Giroux dans leur étude de 1992 ont reposé l’hypothèse de corrélation entre la qualité de l’audit et la taille du cabinet mesurée cette fois en fonction du nombre de clients.

L’hypothèse est validée mais la corrélation est négative : lorsque le nombre de clients augmente, la qualité de l’audit diminue. Cela s’explique en partie par la pression plus forte qu’exercent alors les clients sur le cabinet d’audit, ce qui peut inciter l’auditeur à ne pas rapporter toutes les erreurs ou irrégularités (qualité de révélation liée à l’indépendance).

L’étude de la corrélation entre la qualité de l’audit et la taille du cabinet, dans le secteur public particulièrement, (Krishnan et Schauer, 2000) a ensuite démontré une association positive entre les deux variables lorsque la taille est mesurée selon les revenus et non selon les capitaux150.

La relation entre la qualité de l’audit et la taille des cabinets est assez complexe puisqu’elle fait intervenir une variable multidimensionnelle qui ne correspond pas à une seule et unique définition et unité de mesure. Le critère explicatif de la taille est souvent associé à celui des honoraires d’audit et est également mis en relation avec les coûts en tant qu’éléments constitutifs de la structure des cabinets.

c. Le critère des efforts accordés à l’audit

L’étude de Moizer (1997) met en avant un critère explicatif de la qualité de l’audit lié à la compétence et l’indépendance, la quantité de travail exécuté. Dans l’objectif d’évaluer et modéliser qualitativement la qualité de l’audit, des recherches s’attachent à mesurer la corrélation entre le montant ou quantité de travail et la qualité de l’audit (Fuerman, 2004).

150 Les revenus sont définis comme des contributions, des fonds locaux ou des intérêts collectés.

Le temps accordé à l’audit qui mesure l’effort accordé à l’audit est corrélé négativement avec la qualité, une augmentation significative du temps accordé à l’audit pouvant affecter la qualité. Il s’agit même ici d’une des corrélations les plus significatives observées parmi les critères explicatifs de qualité d’audit (Deis et Giroux, 1992). Cette remarque peut paraître paradoxale (le temps pouvant être perçu comme étant au service de la qualité), il faut alors la mettre en parallèle avec le lien entre la qualité et l’indépendance de l’auditeur151.

d. Le critère de l’organisation temporelle du cabinet d’audit

L’organisation et plus particulièrement l’organisation d’un cabinet d’audit en référence à sa gestion du temps est un critère explicatif de la qualité de l’audit très développé dans la littérature permettant à la fois de développer la compétence et l’indépendance.

Deux notions doivent alors être prises en considération, la durée d’exercice d’un auditeur et la rotation des auditeurs au sein des cabinets.

i. La durée d’exercice ou du mandat d’un auditeur

La durée d’exercice correspond au mandat d’un auditeur, c’est-à-dire sa durée d’exercice auprès d’un même client ou encore sa période d’occupation d’un poste (tenure).

Il existe trois courants dans la littérature à ce sujet. Le premier soutient que la durée du mandat ou d’exercice de l’auditeur est corrélée négativement avec la qualité de l’audit (Knapp, 1991; Johnson et al., 2002; Deis et Girroux, 1992). La durée d’exercice influence directement l’indépendance de l’auditeur.

Celui-ci étant de plus en plus proche de l’audité, il est par conséquent de plus en plus difficile pour lui de rester objectif ou de prendre suffisamment de distance pour repérer des anomalies dans les états financiers (qualité de détection). Une durée d’exercice élevée peut également induire la présence d’une certaine routine dans la préparation des programmes d’audit et des tests d’audit.

Le deuxième courant de recherche à l’inverse, montre que la qualité de l’audit est plus élevée lorsque la durée d’exercice est considérée comme longue car les auditeurs bénéficient alors d’une courbe d’apprentissage (DeAngelo, 1981).

Un audit de longue durée permettra à l’auditeur de diminuer le risque de ne pas découvrir une erreur ou une irrégularité (qualité de détection liée à la compétence) bien que les risques d’audit ne puissent pas être réduits à zéro.

151 L’indépendance de l’auditeur est la qualité de détection, c’est-à-dire sa capacité à pouvoir rapporter ou non les erreurs et irrégularités qu’il pourrait découvrir.

En effet, un audit de longue durée permet de développer des connaissances spécifiques sur le client, par contre, il présentera l’inconvénient d’inciter l’auditeur à passer plus de temps avec les audités ce qui peut nuire à son obligation d’indépendance (qualité de révélation).

Finalement, le troisième courant de recherche prétend qu’il n’est pas possible de démontrer une réelle corrélation entre la qualité de l’audit et la durée d’exercice (Knechel et Vanstraelen, 2007; Carey et Simnett, 2006; Meyer et al., 2003).

L’article de Knapp (1991) précise cependant que le critère de la durée du mandat est utilisé par les comités d’audit pour évaluer la qualité de l’audit selon une corrélation négative entre les deux notions.

Aucune évidence forte ne peut donc être observée concernant l’impact du critère de la durée du mandat d’un auditeur sur la qualité de l’audit, même si la majorité de la littérature réfute finalement qu’un mandat de longue durée diminue systématiquement la qualité de l’audit.

Knechel et Vanstraelen (2007) expliquent en effet dans leur étude que les auditeurs ne sont pas moins indépendants et ne sont pas plus efficaces pour prédire les faillites d’entreprises en fonction du temps.

ii. Le critère de la rotation des auditeurs

« La rotation des auditeurs signifie que le ou les principaux associés signataires responsables de la vérification des comptes d’une entreprise doivent après une certaine période (durée du mandat) être tenus à l’écart du dossier pendant un certain délai (appelé délai de viduité).

Durant ce délai, ils ne peuvent être désignés en qualité de signataire pour le compte du cabinet pour un même client » (Ben Saad et Lesage, 2009, p. 10).

L’utilisation récurrente de la rotation des auditeurs peut permettre de contrer le fait que les auditeurs deviennent « captifs » de l’audité sur la durée (Francis, 2004, p. 356). De plus, la rotation permet de fixer dès le début une période fixe d’exercice pour l’auditeur, ce qui lui procure un cadre pour maintenir ses objectifs et peut l’inciter à plus d’efficacité et le motiver (Elitzur et Falk, 1996).

Les opposants à la rotation en audit, et plus particulièrement à la rotation des associés du cabinet d’audit, argumentent que les expertises spécifiques à un client ne peuvent être acquises en changeant d’associé et en étant diffusées d’équipe en équipe (Kalunki et al., 2008)152.

L’étude de Cameran et al. (2008) précise que la rotation volontaire augmente la qualité de l’audit alors que la rotation statutaire, c’est-à-dire institutionnalisée au sein du cabinet, n’a pas cet impact.

L’opinion de l’auditeur est ainsi un élément important dans la décision de mettre en place ou non une rotation (Pigé, 2000).

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
La politique qualité de la certification des comptes publics
Université 🏫: Université de Poitiers - Ecole doctorale sociétés et organisations
Auteur·trice·s 🎓:
Marine Portal

Marine Portal
Année de soutenance 📅: Thèse présentée et soutenue publiquement à la Cour des comptes - en vue du Doctorat des Sciences de Gestion - 4 décembre 2009
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