Emergence d’un lien progressif entre culture et développement durable

Emergence d’un lien progressif entre culture et développement durable

1.2.3 Emergence d’un lien progressif entre culture et développement durable

Ecrire une double définition de la culture et du développement durable sous un prisme mutuel était un préalable au travail de recherche qui se veut éclaircir les liens entre ces deux notions qui restent aujourd’hui encore peu abordés. Nous assistons en fait à une prise de conscience qui est à mettre en perspective avec la prise de conscience générale de l’impératif de durabilité.

Le travail concernant les liens entre développement durable et culture passe avant tout par un premier principe de reconnaissance de l’importance du fait culturel dans le développement lui-même, avant même d’entrer en perspective d’un développement qui se veut durable.

En effet, les modes de développement sont régulièrement interrogés aux regards des effets qui sont produits et notamment les différentes crises connues au cours de ces dernières dizaines d’années et sur lesquelles la vision d’Ignacy Sachs reste incontournable.

En ce sens, de nombreuses démarches qui pourraient être qualifiées de qualitatives ont émergé au fil du temps et des prises de consciences. Les différents auteurs et courant d’anthropologie sociale et culturelle, de philosophie ou de sociologie ont souligné au fil de leurs travaux toute l’importance du phénomène culturel notamment en lui donnant toute sa dimension conceptuelle et contextuelle.

C’est en ce sens et conformément aux travaux entrepris et définis dans les propos précédents, que des démarches de toutes sortes se sont développées en faveur de la prise en compte de la culture dans le développement. C’est tout l’objet de la déclaration de l’UNESCO sur la diversité culturelle ou de l’agenda culturel européen qui réaffirme plus régionalement cet impératif.

La diversité culturelle analysée comme un préalable au développement de l’humanité, à son épanouissement mais également à son unité, est pensée en faveur du développement. Nous avons noté que les notions relatives au développement durable n’étaient pas éloignées de la démarche de l’UNESCO mais n’y étaient que peu explicitées.

Cette première reconnaissance diplomatique de l’importance de la culture à travers la notion de diversité culturelle illustre ce passage de la culture favorable au développement avant d’être favorable et pilier du développement durable.

Cette constatation souligne cependant le potentiel de durabilité au sein de cette posture qui pourrait être considérée comme une première étape vers un lien tangible entre culture et développement durable.

Durant de nombreuses années, le développement et la croissance économique furent utilisés de concert pour désigner le progrès de la technique et le succès de l’économie. C’est donc sous ce prisme qu’est interprétée la culture dans son lien avec le développement, y compris dans le texte fondateur Our creative diversity.

La culture y est analysée comme un moyen de rendre plus qualitative la croissance économique et donc d’être à part entière un facteur de réussite de la croissance économique et de la cohésion sociale. Notons cependant que l’idéal de développement humain en terme de liberté et de démocratie sont parties intégrantes de ces textes sans rapport à la dimension économique.

C’est en ce sens que le potentiel de durabilité est un facteur sous jacent de ces textes fondateurs de la « culture de la culture ». Par là, nous pourrions sous entendre le premier élément qui serait à l’origine des liens entre culture et développement durable.

Car, à l’image de la reconnaissance des limites du système actuel dans la légitimation des principes du développement durable, interpréter la culture comme un objet de développement durable voire comme un pilier de la notion comme ce fut le cas lors du sommet de Johannesburg, il fallait avant tout reconnaitre le rôle incontournable de la culture.

L’apport des auteurs, l’immense travail diplomatique de l’ONU, de d’Union Européenne, des parties prenantes et de l’UNESCO ont rendu cette reconnaissance possible. Ainsi, la « culture de la culture » consisterait en la reconnaissance du fait culturel comme fondateur des sociétés mais aussi comme moyen de développement de ces mêmes sociétés.

Il apparait au regard des écrits précédents que cette démarche est aujourd’hui entamée avec succès et qu’au sein de cette démarche, se posent les jalons d’un lien progressif entre culture et développement durable.

Les liens entre culture et développement durable restent donc à écrire dans la mesure où comme nous avons pu le démontrer, le développement durable est avant tout une construction culturelle et donc soumis aux mêmes règles que toute forme de culture, fruit d’une longue évolution.

En ce sens, très peu de choses existent dans une démarche systémique entre culture et développement durable. Néanmoins, comme la durabilité sous jacente des premiers écrits fondateurs de la « culture de la culture » permet de croire à une réelle corrélation entre ces deux notions. La sensibilisation des milieux économico-politiques aux causes de la durabilité ne se fait que très lentement.

En effet, durant de très nombreuses années et encore aujourd’hui concernant certains aspects à l’image des systèmes bancaires par exemple, l’approche est avant tout quantitative plus que qualitative. On assiste cependant à une refonte globale mais difficile de cette vision du tout quantitatif.

Une fois encore, la vision des conséquences fâcheuses sur l’environnement ou sur la cohésion sociale d’activités économiques destructrices remettent en cause le principe d’une économie durable (dans une interprétation de la durabilité en terme temporel et non relativement aux questions du développement durable).

La perspective d’un profit économique sur le long terme se voyait ainsi annihilé et ne rentrait ainsi plus dans les perspectives des agents économiques et des gouvernements. C’est en ce sens que le développement dans son aspect culturel au regard des répercutions sociétales et donc économiques fut envisagé autrement.

Une lente évolution socioculturelle s’est donc observée dans l’interprétation de la notion de développement pour prendre petit à petit en compte les éléments environnementaux, sociaux et économiques dans un développement où l’aspect culturel dans son sens le plus large joue un rôle de premier ordre.

Deux visions de la culture au sein du développement se lisent donc à travers la considération qui est donnée à la culture dans ce nouvel ensemble systémique.

Tout d’abord, la vision approche « soft » de la culture incluant non seulement une croissance économique mais également l’ensemble des aspects étant relatifs à la vie en société et aux droits fondamentaux des individus (égalité, protection, qualité de vie…).

Cette vision offre alors au développement un ensemble prenant en compte l’histoire du développement et notamment son interprétation économique qui reste dans le modèle dominant la clef de voute dudit développement mais tout en y ajoutant les aspects relatifs à la culture incluant de fait, certaines notions du développement durable.

Une seconde approche considérant la culture comme « hard », c’est-à-dire en tant que facteur de production à part entière, soit s’oppose mais semble plutôt se compléter à l’approche « soft ».

Les finalités des deux approches restent les mêmes, un développement économique qui sert de socle au développement humain. Les manières de faire ne sont pas les mêmes et les chemins techniques et idéologiques pour y parvenir sont différents.

Cependant, à l’image de l’existence de l’économie sociale et solidaire au sein de l’économie de marché, pourquoi ne pas envisager l’existence conjointe de ces deux approches du développement ?

L’approche hard ne se situe malgré tout pas dans une démarche de développement durable relative à une approche culturelle, l’économie devant créer les conditions d’un développement humain positif. Cette approche peut être remise en question par le simple fait de l’inexistence supposée du principe d’économie pure et parfaite.

Néanmoins, cette vision existe bel et bien et si ces conséquences sont, dans l’idéal, l’atteinte d’un développement durable dans son aspect culturel (droits humains, protection et pérennisation des modes de vie…), il convient de préciser que seul un volontarisme présenté dans le cadre de l’approche « soft » est viable en terme de rapprochement des notions de culture et de développement durable.

Cette approche semble plus amène de lier les deux notions dans la mesure ou celle-ci rend systémique l’utilisation et la considération du fait culturel dans l’écriture du développement, créant ainsi les conditions d’un développement durable.

Aux cotés de la croissance économique, des politiques culturelles d’éducation, de maintien des droits et des identités, de respect des valeurs écologiques, sociales ou économiques sont mises en place.

Conformément à la définition de la culture voulue par l’UNESCO ou par Tylor, l’ajustement et le nourrissage de la croissance économique par des aspects culturels de durabilité est un moyen de développement emprunt des principes du développement durable. La culture apparait donc comme un moyen d’inscription du développement dans une perspective de durabilité.

Nous pouvons donc présupposer que le développement exercé dans le respect des principes les plus élémentaires de la culture s’inscrit en tant que développement dit durable…

Les liens entre les notions de culture et de développement durable apparaissent donc être relativement fondamentaux dans une optique qui consisterait à avancer le fait qu’un développement réalisé en respect des principes culturels s’inscrirait automatiquement dans une perspective de durabilité.

Trois aspects fondamentaux relient la culture au développement et donc potentiellement au développement durable dans le cadre d’une relation établie ci-dessus.

Tout d’abord, la culture comprend dans sa définition la plus élémentaire l’ensemble des savoirs et des connaissances d’un groupe organisé. Cette constatation souligne le bagage culturel des sociétés et donc, leur capacité à s’élever par la connaissance et l’apprentissage, on pourrait alors parler de « croissance humaine ».

Cette croissance particulière aurait pour principal intérêt dans le développement durable en terme de maintien des équilibres fondamentaux de la société (science, technique, religion…) car seule l’éducation et le savoir permettent le maintien d’une éthique de la durabilité.

Une culture ne peut en effet se développer durablement et sereinement que si des équilibres s’observent concernant des notions qui peuvent représenter un danger pour la durabilité des sociétés (débats sur les OGM, le nucléaire ou les nanotechnologies, le « fanatisme religieux » décrié par Edgar Morin…).

Enfin, cette « croissance humaine » est également susceptible d’inscrire son propre développement dans une vision prospective car en capacité de projeter ses choix sur les générations futures. C’est ici la définition même du développement durable qui est reprise dans le cadre d’une culture du savoir influant le développement.

Dans un second temps, la culture est aussi définie dans une approche plus matérielle et créative à travers l’art en général. Les usages sociaux et économiques de l’art sont fondamentaux et l’image de l’art environnemental décrit précédemment illustre cette position particulière de l’artiste dans la défense de certaines notions et dans la possibilité d’un développement durable.

Ainsi, il apparait que la production artistique participe en tant que production sociale et économique aux principes de durabilité inclus dans le développement durable.

En effet, les usages de l’art et de la culture dans son interprétation « théâtre-cinéma-expositions-musées-beaux-arts » s’observent en terme de productions économiques ayant des influences en terme d’emplois, d’infrastructures…

Dans une optique à plus long terme, il convient également de s’interroger sur les effets éducatifs voire civilisateurs de l’art en terme d’influence idéologique ou plus simplement de sensibilisation à la cause de la durabilité.

L’art par le message et le support qu’il utilise est susceptible de faire varier les valeurs qui sont les composantes majeures de la culture mais aussi du mode de gestion politique et citoyenne du développement.

Enfin, la culture est interprétée comme un moyen à part entière de l’homme de se développer et d’assouvir ses droits. La composante humaniste de la culture consiste en effet à la considérer notamment comme l’ensemble des coutumes, droits et modes de vie des individus d’un ensemble organisé.

En ce sens, la culture est une possibilité offerte à ces individus de développer leurs droits et leur pouvoir. La culture est selon cette interprétation un véritable vivier de droits sociaux y compris dans les aspects de gouvernance et d’aspirations démocratiques ou plus simplement politiques.

En ce sens, la diversité culturelle chère à l’UNESCO est en grande partie assurée et la philosophie générale du rapport Our creative diversity absolument respectée.

La culture assure donc un développement durable dans la mesure ou celui-ci sera réalisé en fonction des aspirations générales et majoritaires. A une échelle sociale micro, le phénomène s’observe également avec par exemple l’influence et les effets de l’art et de la culture sur les groupes sociaux défavorisés.

La question est posée à l’échelle micro concernant les potentialités d’amélioration durable de la situation de ces groupes en difficultés (emploi, éducation, créativité, estime de soi…) mais également à l’échelle macro sur le pilier social du développement durable prônant un développement équitable pour tous dans ce cas précis, grâce à la culture.

La culture tant à devenir un élément majeur des politiques de développement dans la mesure ou nombre de rapports insistent sur le rôle de la culture dans l’entretien du savant équilibre entre croissance économique et cohésion sociale.

L’émergence d’un lien entre les notions de développement durable et culture est donc très progressif et aucunement acquis.

A l’image de toute construction culturelle, le développement durable est le fruit encore en gestation d’une lente évolution des mentalités, des idées et des processus, comme en témoigne la prise en considération de la culture dans le développement global avant de devenir un facteur de développement durable en tant que tel.

Malgré tout, la définition globale de la culture comporte en son sein les germes d’une durabilité et inscrit le développement dans une perspective culturelle consistant déjà à prévoir un développement qui se veut durable.

Les liens entre les deux notions sont donc doubles, ils consistent tout à la fois à considérer le développement durable comme construction culturelle et donc soumis à ses impératifs et à sa philosophie mais aussi à considérer la culture comme un facteur de développement qui, de part sa nature est en capacité de l’influer en faveur d’une durabilité réelle.

Cette dualité sous jacente bien que difficile à mettre au jour et à analyser, semble constituer le plus important des liens entre culture et développement durable.

La mise en perspective de ces liens et la construction mutuelle des deux notions permet enfin de manière empirique de considérer les externalités rendues possibles par cette articulation.

L’étude de ces externalités représente un préalable aux réflexions plus précises des chapitres suivants dans la mesure où elle mettent en exergue l’efficience de cette relation et son importance en terme de préalable à une recherche plus orientée.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Politiques culturelles et durabilité : Introduction au management de projet culturel et durable
Université 🏫: Université d'Artois - UFR EGASS (Economie, Gestion Administration et Sciences Sociales)
Auteur·trice·s 🎓:
Romain Plichon

Romain Plichon
Année de soutenance 📅: Mémoire de Master 2 Professionnel, Développement des Territoires, Aménagement, Environnement - 2010/2011
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