2° Partie : Une approche épistémologique

2.1. Introduction : l’approche épistémologique

L’approche épistémologique des méthodologies génératrices de modèles en sciences et en économie va nous permettre de comprendre comment ces modèles se construisent et en quoi ces méthodologies sont semblables et suivent une même évolution.

L’épistémologie est plutôt une théorie philosophique mais elle a pour objet de comprendre le fonctionnement de la science, comment l’Homme arrive à élaborer des modèles scientifiques.

Si l’épisté. reste certes du domaine philosophique, nous pouvons néanmoins aller y puiser les principes de raisonnements qui sous-tendent la créativité scientifique et mathématique.

C’est à travers ces principes que nous allons tenter de décoder le fonctionnement de la création de modèles économiques et scientifiques.

Nous allons dresser une parallèle entre les évolutions dans ces différents domaines.

Etant donné que l’épistémologie est une branche féconde à part entière de la philosophie, nous n’allons pas nous étendre trop sur les nombreuses discussions des divers courants, sur l’utilisation de certains termes ou sur des nuances concernant certains points particuliers.

Qu’est ce que l’épistémologie ?

Nous allons nous servir de l’épisté., en tant que méthode d’élaboration de la connaissance, comme d’un outil qui servira à mieux comprendre la façon de procéder en économie par rapport aux sciences de la vie.

A travers une approche épistémologique, nous allons voir comment s’établit le dialogue entre la réalité et le modèle lors de la conception de celui-ci.

C’est grâce à ce va-et-vient constant entre la réalité et le modèle qu’on arrive à améliorer celui-ci et qu’on en arrive à avoir une modélisation de plus en plus fine de la réalité.

Il est aussi particulièrement intéressant de voir qu’elle n’est pas quelque chose d’atemporel mais que cette discipline évolue en fonction des découvertes scientifiques.

C’est ainsi que l’épistémologie a dû remettre en question pas mal de ses principes lors de l’apparition des théories relatives à la mécanique quantique.

Nous allons ainsi analyser les trois grandes révolutions dans la façon de concevoir des modèles descriptifs de la nature.

Nous verrons aussi leur pendant en modélisation économique et plus précisément la modélisation de la valorisation d’actions qui se prête particulièrement bien à cet exercice.

Ces trois grands courants sont issus de la mécanique classique d’Aristote, magnifiée par Newton, de la mécanique quantique et de la théorie du chaos.

Théorie du chaos, Qu’est-ce que la théorie du chaos?

Ces trois révolutions en matière de modélisation ont aussi eu un impact important au niveau de l’épisté., révolutionnant la façon dont les philosophes décrivaient les connaissances scientifiques.

2.2. Définition de l’épistémologie

Elle est «une branche de la philosophie des sciences qui étudie de manière critique la méthode scientifique, les formes logiques et les modes d’inférence utilisés en science, de même que les principes, les concepts fondamentaux, les théories et les résultats des diverses sciences afin de déterminer leur origine logique, leur valeur et leur portée objective «6.

6 Robert Nadeau, Vocabulaire technique et analytique de l’épist., p209, PUFF, Paris 1999, 904p

Il est intéressant de remarquer que dans la tradition philosophique francophone, l’épisté. ne couvre que le champ scientifique des connaissances humaines tandis que dans la tradition anglo-saxonne, l’épist. recouvre l’ensemble des connaissances humaines.

2.3. Principes épistémologiques

2.3.1. Ce qui peut être considéré comme science

Tout d’abord l’épistémologie s’intéresse à la science.

Il convient donc de séparer ce qui peut être considéré comme «connaissance scientifique» et ce qui ne peut être considéré comme tel et que l’on qualifiera de «croyance».

Quels sont les critères qualificatifs d’une science ?

  • L’objet doit être déterminée c’est à dire être capable de définir les objets qu’elle étudie.
  • Une science construit des connaissances sur les objets qu’elle étudie.
Définition de la connaissance

Le terme connaissance peut être défini comme une certaine croyance qu’une série de faits tendrait à corroborer.

Néanmoins, cette connaissance peut être éventuellement contredite et remise en question par de nouveaux faits.

  • Ces connaissances scientifiques doivent être vérifiées par des faits objectifs.
  • Ces connaissances doivent être le fruit d’une méthode construite et déterminée.
  • Une théorie scientifique est un ensemble cohérent de lois déduites à partir d’hypothèses de base.

2.3.2. Hiérarchie des sciences

Tout en haut de l’échelle, nous trouvons les mathématiques et la logique qui sont des sciences formelles.

Ce sont des sciences totalement abstraites, indépendantes du monde matériel.

Celles formelles sont totalement autonomes, elles se construisent par elles-mêmes et pour elles-mêmes sans aucune interférence du monde matériel, de façon purement conceptuelle.

Ensuite, nous avons les sciences empiriques ou «dures«. Ce sont les sciences du réel comme la physique, la chimie, la biologie ou même la psychologie.

Ce qui caractérise les sciences empiriques est la façon de construire leurs connaissances en se basant sur l’expérimentation, les observations concrètes et les méthodes hypothético-déductives.

Les lois décrites par les sciences empiriques sont indépendantes de l’Homme, elles existent en dehors de celui-ci.

Les sciences humaines ou «molles» occupent la dernière place de la hiérarchie. En effet, celles-ci étudient spécifiquement les comportements humains et la société en général.

La place de l’économie dans cette hiérarchie est assez ambiguë. En effet, on ne peut nier le fait que l’économie soit directement liée à l’activité humaine.

Cependant, certaines règles économiques, comme la loi de l’offre et la demande, semblent s’imposer à l’Homme indépendamment de lui-même.

En outre, en économie, on peut facilement confronter les modèles à la réalité et vérifier ceux-ci sur base de données nouvelles.

D’un autre côté, certains modèles s’expliquent par la psychologie des acteurs en présence.

Malgré tout, je pense que la place de l’économie est plutôt dans les sciences empiriques car nous nous basons sur l’observation de phénomènes économiques pour en déduire des théories explicatives.

De plus, étant donné que les théories en psychologie peuvent être validées ou infirmées par des expériences purement empiriques.

A ce titre, la psychologie peut être considérée comme faisant partie des sciences dures.

On peut facilement être tenté de conclure que la composante psychologique de l’économie est peut-être sa composante qui se rapproche le plus des sciences dure.

épistémologie

2.3.3. Le raisonnement

Il faut séparer l’idée de croyance de celle de connaissance. Une croyance est une idée que l’on suppose vraie tandis qu’une connaissance est une idée dont la véracité est issue d’un raisonnement.

Un raisonnement suppose de partir d’idées vraies et en déduire d’autres idées grâce à une construction logique.

Dès lors pour qu’un raisonnement soit considéré comme valide, il faut que les idées sur lesquelles on base le raisonnement soient vraies et que la logique suffise à déduire des conclusions de ces idées de base.

Selon Galilée, il existe quatre étapes qui constituent la démarche scientifique :

  • Décrire : Collecter des informations sur le phénomène qu’on observe.
  • Expliquer : En dégager des hypothèses qui pourront expliquer le phénomène.
  • Prédire : Grâce à ces hypothèses, élaborer une théorie prédictive.
  • Vérifier : Confronter la théorie à une expérimentation.

Si l’expérimentation confirme la théorie, celle-ci est jugée valide jusqu’à nouvel ordre.

Ceci ne veut pas dire qu’elle ne pourra pas être démentie plus tard par une autre expérimentation ou une autre théorie.

C’est ce qu’on appelle le principe de falsification avancé par Popper et qui veut qu’on ne reconnaisse comme raisonnement scientifique que ce qui est susceptible d’être invalidé par une expérience nouvelle.

2.3.4. Le concept de modèle du point de vue épistémologique

Un modèle est caractérisé par :

  • une simplification délibérée de la réalité. On réduit la réalité à quelques concepts fondamentaux.
  • le fait qu’il soit issu d’observations.
  • le fait qu’il soit utilisable dans un raisonnement logique.
  • le fait qu’il doit pouvoir être validé par l’expérimentation, soit dans la nature, soit en «laboratoire».

2.3.5. Méthodes de validation des théories scientifiques

– La méthode hypothético-déductive

La méthode hypothético-déductive pure qui concerne les sciences exactes comme les mathématiques ou la logique.

Elle consiste à poser des axiomes de départ et d’en déduire des conclusions au moyen de la logique de telle manière que la véracité des conclusions ne dépende que de la véracité des axiomes de départ.

On considère cette méthode comme étant le summum de la fiabilité.

– La méthode expérimentale

La méthode expérimentale est utilisée pour valider une hypothèse.

Cela suppose qu’on puisse produire une expérimentation qui permette le contrôle des paramètres du phénomène qu’on cherche à reproduire.

Cependant, dans la réalité, la validation par l’expérimentation n’est pas toujours aisée car les phénomènes sont parfois difficiles à induire, voire même impossible techniquement.

La méthode expérimentale est jugée comme très fiable.

– La méthode argumentaire

La méthode argumentaire est un raisonnement dont le but est de convaincre d’une proposition mais ne prouve pas de façon absolue la véracité de la proposition.

Cette méthode n’apporte malheureusement aucune valeur scientifique à la proposition.

2.4. Les courants épistémologiques

Les courants de pensée de l’épistémologie 7 :

2.4.1. Le rationalisme : définition du courant rationaliste

Le courant rationaliste considère que la science est issue du raisonnement. Le rationalisme exclu l’expérimentation de son domaine.

Pour lui, seul compte le raisonnement.

7 Voy. Martin Riopel, Epist. et enseignement des sciences, 4/12/2006, url : http://www.er.uqam.ca/nobel/r20507/, page consultée le 28/07/08

Ce courant est celui des premiers mathématiciens grecs de l’antiquité et est fort influencé par la géométrie.

En effet, pour appréhender la géométrie, il n’est pas besoin d’expérience, l’ensemble des concepts peut s’appréhender uniquement par le raisonnement.

Ce courant de pensée a persisté jusqu’au 17° siècle. Descartes et Galillée étaient des rationalistes.

2.4.2. Définition de l’empirisme

Le courant empiriste considère par contre que toute science est issue de l’expérience.

D’après ce courant, la science se construit sur base d’expériences et en est déduite par induction. On part d’expériences concrètes pour définir une théorie abstraite.

Pour les empiristes, l’essentiel est l’expérience, celle-ci doit être extrêmement rigoureuse.

Le raisonnement inductif qui produira une théorie est lui plus accessoire et ne nécessite pas forcément une grande rigueur.

Il y a trois tendances différentes dans l’empirisme :

  1. L’instrumentalisme : défend l’idée qu’une théorie n’est qu’un outil qui ne sert qu’à modéliser la nature mais ne peut pas être conforme aux phénomènes naturels.
  2. Le sensualisme : qui explique que toute expérience est le produit de ce que nous rapportent nos cinq sens.
    La question étant de savoir à quel point nos sens sont fiables ou non.
  3. Le matérialisme : selon le matérialisme, tout ce qui ne peut être le fruit d’une expérience matérielle ne peut exister.
    On connaît principalement les matérialistes pour leur position de refus vis à vis du concept de Dieu.

Ce courant était principalement en vogue au 18° siècle. Newton était empiriste.

2.4.3. Le positivisme ou l’épistémologie positiviste

Définition de l’épistémologie positiviste

Le positivisme (courant épistémologique) réconcilie le rationalisme et l’empirisme en ce sens que l’un et l’autre sont nécessaires à l’élaboration de théories scientifiques.

Les modèles créés par les positivistes n’ont pas de valeur en soi, ils ne servent qu’à expliquer les phénomènes observés.

Ceci a pour corollaire le fait que plusieurs modèles différents décrivant le même phénomène peuvent coexister même si ceux-ci sont contradictoires.

C’est de ce courant de pensée que sont issues les théories quantiques. Il fut principalement présent au 19° siècle. Bohr était positiviste.

2.4.4. Le réalisme épistémologique

Selon le courant réaliste, la réalité est indépendante de l’Homme, celui-ci en réalise des modèles approximatifs.

La conception de ces modèles n’est pas soumise à des règles précises mais peut être subjective.

La créativité de la démarche a son importance car même si elle est soumise à des règles logiques, elle permet de s’abstraire du carcan d’un formalisme parfois trop lourd.

Le but étant d’approximer au mieux la réalité, peu importe la démarche. Le modèle sera valide s’il permet de faire des prédictions.

C’est le courant de pensée qui prévaut actuellement.

Einstein et Planck sont des scientifiques phares de ce courant?

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
Université 🏫: Institut catholique des hautes études commerciales - Haute Ecole Groupe ICHEC - ISC Saint Louis - ISFSC - Enseignement supérieur de type long de niveau universitaire
Auteur·trice·s 🎓:
Emmanuel de Coninck

Emmanuel de Coninck
Année de soutenance 📅: Mémoire présenté pour l’obtention du grade de Master en sciences commerciales 2007-2012
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