Le principe de l’absence de condamnation de l’assureur

Le principe de l’absence de condamnation de l’assureur
Section 2

La possibilite de prononcer une condamnation

1293. Une précision liminaire s’impose. La condamnation envisagée ici ne peut être qu’une condamnation de nature civile, dans le cadre de l’action en indemnisation.

Dans la mesure où l’assureur de la victime, du prévenu ou du civilement responsable n’intervient qu’à l’action civile, il ne saurait être question d’une condamnation pénale.

1294. Une autre précision liminaire doit également être apportée. Lorsque le problème de la possibilité d’une condamnation est évoqué s’agissant de l’intervention de l’assureur au procès pénal, c’est en général sous l’angle de l’éventuelle condamnation de l’assureur à garantir les dommages.

Toutefois, il convient de souligner que l’assureur présent devant le juge répressif peut également avoir intérêt à solliciter la condamnation d’une autre partie à l’action civile.

En particulier, l’assureur subrogé dans les droits de la victime peut avoir intérêt à solliciter la condamnation civile du prévenu, du civilement responsable, voire de leur assureur2037.

Dans la mesure où la loi du 8 juillet 1983 n’a pas instauré de dispositions spécifiques concernant la faculté pour l’assureur d’obtenir la condamnation d’une autre partie à l’action civile, c’est le droit commun qui doit être appliqué.

Or, il ne fait aucun doute que le prévenu ou le civilement responsable peuvent être condamnés par le juge répressif à indemniser la victime.

Un assureur subrogé dans les droits de la victime doit donc pouvoir obtenir la condamnation civile de ces mêmes personnes lorsqu’il intervient aux débats devant le juge pénal, et la Cour de cassation l’a admis2038.

1295. En revanche, s’agissant de la possibilité pour le juge répressif de prononcer une condamnation à l’encontre de l’assureur intervenu aux débats, la question est bien plus difficile à régler.

Ainsi que nous l’avons vu, il ne fait pas de doute que la décision sur les intérêts civils est opposable à l’assureur, l’article 388-3 du Code de procédure pénale n’apportant à cet égard rien au principe découlant de l’autorité de la chose jugée au civil2039.

Mais quid d’une éventuelle condamnation de l’assureur intervenu ? L’article 388-3 n’apporte pas non plus de réponse explicite à cet égard. En revanche, il apparaît qu’une solution s’impose en considération des dispositions du Code de procédure pénale issues de la loi du 8 juillet 1983.

La Cour de cassation a déduit de ces dispositions qu’en principe l’assureur ne peut être condamné par le juge répressif (§ 1), mais elle a admis, par exception à ce principe, des cas dans lesquels la condamnation de l’assureur au profit de la victime est possible (§ 2).

§1. Le principe de l’absence de condamnation de l’assureur

1296. Le problème de l’éventuelle possibilité d’obtenir la condamnation de l’assureur se dédouble car deux types de condamnations peuvent être sollicitées. Généralement, le demandeur en justice ne réclame pas seulement le paiement de ce qui lui paraît dû.

Dans la mesure où il n’estime pas équitable de supporter les frais du procès qu’il s’est vu contraint d’intenter pour obtenir gain de cause, il exige en outre la condamnation du défendeur à ces frais de procédure.

Ainsi, la personne qui sollicite par voie judiciaire la garantie d’un assureur peut être amenée à demander la condamnation de l’assureur non seulement au titre de l’indemnité d’assurance, mais également au titre des frais de procédure.

1297. Devant le juge civil, les frais de procédure sont d’une part les dépens2040 et d’autre part les frais non compris dans les dépens exposés par la partie, couramment appelés « frais de l’article 700 »2041.

Ces frais de justice sont dans une certaine mesure liés à la condamnation principale puisque c’est en principe la partie qui succombe qui doit les assumer.

Un assureur condamné à garantie devant le juge civil est en général également condamné au titre des frais de procédure. Devant le juge répressif, il n’y a pas de dépens et les frais de justice sont en principe à la charge de l’Etat, sans recours contre les condamnés2042.

Toutefois, des dispositions spécifiques prévoient la possibilité, pour le juge répressif, de prononcer des condamnations à des frais de procédure. Il s’agit des articles 475-1, 375 et 618-1 du Code de procédure pénale, qui concernent les frais non payés par l’Etat et exposés par la partie qui en demande l’indemnisation.

Ces dispositions de procédure pénale paraissent donc être l’équivalent de l’article 700 du Code de procédure civile, à ceci près que des exceptions notables peuvent être relevées.

En premier lieu, les frais des articles 475-1, 375 et 618-1 du Code de procédure pénale ne peuvent être liés aux frais de justice pénale des articles 800 et suivants du même Code, contrairement aux frais de l’article 700 du Code de procédure civile qui sont généralement liés aux dépens de l’article 699.

Mais surtout, en second lieu, il ressort des dispositions du Code de procédure pénale que l’éventuelle condamnation aux frais de justice n’est pas véritablement liée à la condamnation principale de la partie qui succombe, qu’il s’agisse de la condamnation pénale ou de la condamnation civile.

2037 Ce dernier point nous renvoie toutefois au problème de la condamnation de l’assureur (en l’occurrence l’assureur du prévenu ou du civilement responsable).

2038 Crim. 26 mai 1988, Bull. n° 226, RGAT 1989 p. 334 note H. Margeat et J. Landel, RCA 1988 chron. 1 par H. Groutel et comm. 6, RCA hors série déc. 1998, n° 42, Gaz. Pal. 1988, 2, 534 note J. Appietto; Crim. 10 mai 1989, Bull. n° 184, RGAT 1989 p. 812 note H. Margeat et J. Landel; Crim. 13 juin 1989, Bull. n° 253, RGAT 1989 p. 810 note H. Margeat et J. Landel, RCA 1989 comm. 353; Crim. 23 janvier 1992, Bull. n° 25, RGAT 1992 p. 554 note J. Landel; Crim. 24 juin 1992, Bull n° 254, RGAT 1993 p. 356 note J. Beauchard, RCA 1992 comm. 379, JCP 1992, IV, 2803.

2039 Cf. supra n° 1280 et 1282.

2040 Article 699 du Code de procédure civile.

2041 Pour une raison que l’on devine aisément : ils sont prévus par l’article 700 du Code de procédure civile.

2042 Articles 800 et s. et R 91 et s. du Code de procédure pénale. Cf. infra 1299 et s.

1298. Cette relative dissociation entre la condamnation à indemnisation prononcée dans le cadre de l’action civile, et la condamnation aux frais de procédure a conduit à des approches différentes du problème de l’éventuelle condamnation de l’assureur par le juge répressif.

En effet, les dispositions applicables ne sont pas les mêmes. Il semblerait logique d’envisager d’abord la possibilité de prononcer contre l’assureur une condamnation à garantie, puis celle d’une condamnation aux frais de procédure, car cette dernière reste tout de même quelque peu accessoire à la première.

Nous pouvons observer que la jurisprudence a posé le principe de l’absence de condamnation de l’assureur par le juge répressif tant au titre de la garantie qu’au titre des frais de procédure.

Cependant, force est de constater que si cette solution est difficilement contestable en ce qui concerne les frais de procédure (A.), la Cour de cassation est loin d’avoir remporté l’unanimité, tant auprès de la doctrine que des juges du fond, lorsqu’elle a interprété l’article 388-3 du Code de procédure pénale comme n’autorisant en principe pas la condamnation de l’assureur au titre de la garantie (B.).

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
L’intervention de l’assureur au procès pénal
Université 🏫: Université Nancy 2 Faculté de Droit - Ecole Doctorale Sciences Juridiques
Auteur·trice·s 🎓:
Monsieur Romain SCHULZ

Monsieur Romain SCHULZ
Année de soutenance 📅: THESE en vue de l’obtention du Doctorat en Droit - le 18 novembre 2009
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