Le caractère d’ordre public de la compétence du juge répressif

Le caractère d’ordre public de la compétence du juge répressif

§2. L’examen de l’exception

1112. En ce qui concerne les exceptions recevables, encore faut-il que le juge répressif statue sur leur bien-fondé afin de décider si l’assureur doit être mis hors de cause.

A cet égard, les articles 385-1 et 385-2 régissent l’examen de l’exception. Ces dispositions permettent de délimiter la compétence et l’office du juge répressif (A.) et indiquent les modalités de la décision sur l’exception (B.).

A. La compétence et l’office du juge répressif

1113. Ainsi que cela ressort des conditions strictes de recevabilité des exceptions de garantie, le juge répressif a compétence pour statuer sur les exceptions recevables au regard de la loi.

Bien que cette compétence soit limitée, elle n’en existe pas moins (1°) et dans la limite de cette compétence, le juge répressif a un office qui s’avère étendu pour connaître de questions de droit des assurances (2°).

1°. La compétence du juge répressif

1114. Il apparaît que le juge répressif a l’obligation de statuer sur l’exception régulièrement présentée par l’assureur, ce qui révèle le caractère d’ordre public de sa compétence sur ce point (a). En revanche, cette compétence du juge répressif n’est pas exclusive, mais partagée avec le juge civil (b).

a) L’obligation de statuer et le caractère d’ordre public de la compétence du juge répressif

1115. Il est en général considéré qu’a priori, le juge répressif n’est pas le juge naturel du contrat d’assurance, qui relèverait plutôt du juge civil1699.

Cette idée est fondée sur le caractère accessoire de la garantie d’assurance par rapport à la responsabilité qu’elle a vocation à couvrir. Ainsi l’assureur de responsabilité peut être mis en cause devant la juridiction saisie du problème de la responsabilité de l’assuré.

S’agissant de l’action civile de l’article 2 du Code de procédure pénale, qui est limitée à l’action en indemnisation du dommage subi par la victime, le juge pénal est incompétent pour connaître des recours en garantie entre les responsables et leurs assureurs1700, ou des rapports contractuels entre assureur et souscripteur lorsque l’exception n’est pas opposable à la victime1701.

1698 P. Drancey : L’intervention de l’assureur au procès pénal, Assurance française 1985 p. 206.

1699 Ou du juge administratif pour les contrats d’assurance conclus en application du Code des marchés publics, qui ont le caractère de contrats administratifs en application de l’article 2 de la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier (J.O. 12 déc.).

1700 Irrecevabilité des recours en partage de responsabilité entre coauteurs du dommage : Crim. 12 décembre 1992, RGAT 1993 p. 312; Crim. 22 février 1996, Bull. n° 88, Dr. pén. 1996 comm. 133 note J.-H. Robert; Crim. 16 octobre 2007, n° 07-81850, RCA 2007 comm. 342; Crim. 16 décembre 2008, n° 08-80205 et 08-80206, RGDA 2009 p. 275 note J. Beauchard, RCA mars 2009 comm. 68; Crim. 7 avril 2009, n° 08-85519. Cf. également T. corr. Toulon 12 mai 1933, DH 1933 p. 535 (irrecevabilité de la citation directe d’un prévenu contre un autre prévenu pour demander qu’il soit condamné en ses lieu et place ou en même temps que lui : cette décision concerne l’action publique plutôt que l’action civile).Irrecevabilité des recours des assureurs de responsabilité de ces auteurs : Crim. 16 avril 1992, Bull. n° 166, RGAT 1992 p. 845 note J. Landel (irrecevabilité de la demande du Bureau central français, qui joue le rôle de l’assureur automobile de responsabilité, contre son homologue suisse); Crim. 3 juin 1992, Bull. n° 218, RGAT 1992 p. 842 note J. Beauchard, RCA 1993 comm. 23, JCP 1992 IV 2802 (l’assureur de responsabilité du prévenu et du civilement responsable n’étant pas « assureur de la partie civile », il n’a pas qualité pour exercer, devant la juridiction pénale, une action récursoire contre des codébiteurs solidaires).

En revanche, l’assureur de la victime subrogé dans ses droits après l’avoir indemnisée est recevable car c’est l’action en indemnisation de la victime qu’il exerce : par ex. Crim. 29 octobre 1991, Bull. n° 384, RGAT 1992 p. 300 note J. Landel.

1116. Toutefois, certains juges du fond ne prennent pas toujours en compte la justification tirée de la compétence du juge pénal pour connaître de l’action civile, et s’arrêtent à l’idée que le juge répressif n’est pas le juge naturel du contrat d’assurance.

C’est dans ces conditions que des chambres correctionnelles de cours d’appel ont estimé que les exceptions soulevées par les assureurs fondées sur une cause de nullité ou sur une clause du contrat d’assurance devaient être tranchées par le juge civil1702 ou réglées par un accord amiable si deux assureurs étaient en cause1703.

Ce faisant, ces juges du fond pouvaient également sembler assimiler ces exceptions de garantie à des exceptions préjudicielles de nature civile relevant de l’article 386 du Code de procédure pénale.

1701 Crim. 18 janvier 1990, Bull. n° 32, RGAT 1990 p. 339, RCA 1990 comm. 131. Cf. supra n° 1037 et s.

1702 Nîmes 19 mars 1985, cassé par Crim. 29 mai 1986, Bull. n° 183.

1703 Aix en Provence 10 mars 1988, cassé par Crim. 28 novembre 1989, RCA 1990 comm. 43; Crim. 16 décembre 1986, Bull. n° 371.

1117. La Cour de cassation a censuré ces décisions en énonçant que la juridiction pénale, saisie avant toute défense au fond d’une exception fondée sur une cause de nullité ou d’inexistence ou sur une clause du contrat d’assurance tendant à mettre l’assureur hors de cause et à l’exonérer totalement de son obligation de garantie à l’égard des tiers, est tenue de statuer1704.

Cette compétence découlant de l’article 385-1 est d’ordre public et un arrêt refusant à tort de se prononcer sur l’exception peut être cassé même sur un moyen relevé d’office1705, ce qui pour la Chambre criminelle de la Cour de cassation est exceptionnel en matière civile1706.

Cette jurisprudence a été confirmée et il est admis que si l’exception est recevable au regard de l’article 385-1, le juge pénal est tenu de statuer sur son bien fondé1707.

1117 Cf. infra n° 914 et s.

1118 Crim. 17 mars 2004, Bull. n° 68, RSC 2004 p. 672 obs. A. Giudicelli.

1118. Le refus par des juges répressifs du fond d’examiner les exceptions proposées en application de l’article 385-1 peut paraître surprenant. Certes, l’article 385-1 n’édicte pas expressément la compétence du juge répressif, mais l’article 385-2 lui commande de statuer sur l’exception en même temps que sur le fond du litige.

Ceci signifie bien que le juge pénal doit statuer sur l’exception dont il est régulièrement saisi. A l’inverse, l’article 385-1 est également interprété comme commandant au juge du fond de relever d’office l’irrecevabilité d’une exception ne répondant pas à l’une des conditions de recevabilité visée plus haut1708.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
L’intervention de l’assureur au procès pénal
Université 🏫: Université Nancy 2 Faculté de Droit - Ecole Doctorale Sciences Juridiques
Auteur·trice·s 🎓:
Monsieur Romain SCHULZ

Monsieur Romain SCHULZ
Année de soutenance 📅: THESE en vue de l’obtention du Doctorat en Droit - le 18 novembre 2009
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