Exception du fait de l’absence d’intervention de l’assureur mis en cause

Exception du fait de l’absence d’intervention de l’assureur mis en cause

C. La présomption de renonciation à toute exception du fait de l’absence d’intervention de l’assureur mis en cause

1097. Le second alinéa de l’article 385-1 du Code de procédure pénale dispose que « l’assureur mis en cause dans les conditions prévues par l’article 388-2 qui n’intervient pas au procès pénal est réputé renoncer à toute exception; toutefois, s’il est établi que le dommage n’est pas garanti par l’assureur prétendu, celui ci est mis hors de cause par le tribunal ».

Le texte comporte deux volets, concernant d’une part la présomption de renonciation à toute exception (1°) et d’autre part la possibilité de mise hors de cause de l’assureur par le tribunal (2°), qui seront étudiés après quelques précisions sur son champ d’application.

1098. Les dispositions du second alinéa de l’article 385-1 ne peuvent jouer que si l’assureur a été régulièrement mis en cause dans les conditions prévues par l’article 388-2, c’est-à-dire dans les formes et délais qu’il prévoit.

Ainsi l’assureur mis en cause tardivement, sans respect du délai de dix jours, ne peut être réputé avoir renoncé à toute exception1682.

Ne doit pas être considéré comme n’intervenant pas au procès pénal l’assureur qui ne comparaît pas personnellement, car il n’en a pas l’obligation comme le prévenu, mais doit l’être celui qui ne constitue pas avocat ou avoué conformément à l’article 388-1.

Bien que le texte ne vise que « le tribunal », l’article 385-1 peut jouer aussi bien en première instance que devant la cour d’appel1683.

1098 C. assises de l’Essonne, cassé par Crim. 30 mai 1985, Bull. n° 206, RSC 1986 p. 131 obs. A. Braunschweig, RGAT 1986 p. 52 obs. J. Bigot, Gaz. Pal. 1985. 2. 542 note H. Angevin.

1°. La présomption de renonciation à toute exception

1099. Le premier membre de phrase de l’article 385-1 alinéa 2 prévoit que l’assureur défaillant « est réputé renoncer à toute exception ». Il s’agit sans aucun doute d’un mécanisme de présomption, mais qui mérite une analyse plus fine.

En premier lieu, cette présomption constitue-t-elle un mécanisme de sanction ? Et en second lieu, s’agit-il d’une présomption simple ou irréfragable ?

1100. Question du caractère de sanction. On pourrait percevoir cette présomption comme une sanction de la négligence de l’assureur qui, régulièrement mis en cause, ne participe pas à l’instance pour défendre ses intérêts.

Mais pour certains, cette analyse est à écarter comme brutale et inadaptée1684, car il serait injuste pour l’assureur d’admettre une déchéance là où le texte n’en pose pas véritablement et alors que son comportement ne justifie pas toujours une telle sanction1685.

L’absence d’intervention de l’assureur peut coïncider avec le fait qu’il n’ait pas d’exception à faire valoir, et il n’est pas question ici de sanctionner son absence de défense au fond.

De plus, il serait pour le moins surprenant de prétendre sanctionner l’assureur en lui interdisant d’invoquer des exceptions qu’il ne peut de toute façon faire valoir !

Il a été avancé que si la présomption de l’article 385-1 alinéa 2 avait été conçue par le législateur comme une sanction, il aurait certainement employé une autre terminologie, parlant par exemple de déchéance du droit d’invoquer une exception1686. Mais ce dernier argument laisse dubitatif, au regard de la faible qualité de la rédaction de l’article 385-1.

1101. Si la présomption de renonciation avait bien été une sanction, elle se serait appliquée d’office et aurait produit ses effets à tous les stades suivants de la procédure à partir du moment où l’abstention de l’assureur se serait produite en première instance.

Or, l’article 388-3 dispose que « la décision concernant les intérêts civils est opposable à l’assureur qui est intervenu au procès ou a été avisé dans les conditions prévues à l’article 388-2 » et rien ne permet de refuser à l’assureur le droit de faire appel de cette décision1687.

1102. Question du caractère simple ou irréfragable de la présomption. Pour étayer la qualification de présomption simple plutôt qu’irréfragable, il a été souligné que le juge peut mettre l’assureur hors de cause s’il est établi que le dommage n’est pas garanti par lui1688.

Ce raisonnement n’est pas très rigoureux. Le fait que le juge mette l’assureur hors de cause n’apporte pas la preuve que ce dernier n’ait en réalité pas renoncé à l’exception : la présomption n’est pas détruite.

D’ailleurs, nous voyons mal comment elle pourrait l’être dans le cadre d’une instance à laquelle par définition l’assureur n’est pas partie. Qui d’autre aurait intérêt à prétendre que l’assureur veut, en dépit des apparences, se prévaloir d’une exception tendant à le mettre hors de cause ?

1103. Le caractère simple de la présomption ressort plutôt du fait que si l’assureur est privé de la possibilité de se prévaloir de l’exception en première instance, il peut toujours l’invoquer en seconde instance s’il interjette appel du jugement, ce que l’article 385-1 alinéa 2 ne l’empêche pas de faire1689, ou s’il intervient volontairement en cause d’appel.

La jurisprudence autorise l’assureur non comparant en première instance à faire appel de la décision et à soulever devant la cour une exception.

Ceci nous indique que la présomption s’applique plutôt à la seule juridiction devant laquelle l’assureur devait intervenir, et s’est abstenu ou n’a pas été en mesure de le faire.

Ainsi, de même que la présomption s’applique au premier degré de l’instance répressive sans affecter l’appel, on pourrait penser que, frappé par la présomption de renonciation devant le juge pénal, l’assureur pourrait tout de même soulever ses exceptions devant le juge civil.

La formulation catégorique de l’article 385-1 alinéa 2, établissant une présomption de renonciation « à toute exception », pouvait sembler s’y opposer. Cependant le fait que l’assureur soulève devant le juge civil une exception tend à prouver qu’il n’y a pas renoncé.

Ceci a trait au caractère simple de la présomption. De surcroît, les renonciations à un droit doivent en général être expresses et dénuées d’ambiguïté. La présomption de renonciation à un droit est d’interprétation restrictive et la présomption de renonciation à se prévaloir de l’exception doit être cantonnée au procès pénal pour lequel elle a été conçue1690.

L’article 385-1 alinéa 2 est en effet un texte de procédure pénale régissant l’intervention de l’assureur devant les juridictions répressives, et il n’est donc certainement pas applicable devant le juge civil1691.

1104. Approche sous l’angle de l’autorité de la chose jugée. La question n’est en fait pas tant de savoir si la présomption de renonciation est simple ou irréfragable, mais de déterminer quelle est l’autorité de la décision du juge répressif sur une question qui, par hypothèse, ne lui a pas été soumise1692.

S’agissant d’un aspect civil du litige, c’est l’autorité relative de la chose jugée au civil qu’il nous faut considérer. A cet égard, il serait bien difficile de reconnaître à la décision rendue une autorité à l’égard de l’assureur sur un moyen qui n’a pas été discuté1693.

L’assureur valablement mis en cause est considéré comme partie à l’action civile et il y a donc identité de parties si la victime assigne par la suite l’assureur devant le juge civil.

Toutefois, il n’y aurait pas d’identité d’objet et/ou de cause en ce qui concerne les exceptions de garantie qui n’ont pas été soulevées devant le juge répressif.

Ce dernier n’a en fait tranché que le problème de la responsabilité et l’assureur, censé avoir été partie à l’instance, ne peut en principe plus contester la décision rendue sur le principe de la responsabilité du prévenu et/ou de son civilement responsable envers la victime ainsi que sur le montant de la dette de responsabilité.

Tel est l’objet de l’opposabilité édictée par l’article 388-3 du Code de procédure pénale. Mais en l’absence de décision du juge répressif sur les exceptions de garantie qui n’ont pas été soulevées, l’assureur doit pouvoir faire juger ce point par le juge civil, et ce même à l’égard de la victime.

La jurisprudence admet que l’assureur puisse soulever devant le juge civil une exception de nullité qui a été déclarée irrecevable devant le juge répressif1694.

1105. De cette jurisprudence, le Professeur Beauchard déduit par analogie une solution de « moyen terme » qui ne le satisfait lui-même qu’en partie, selon laquelle l’exception ne serait irrecevable qu’à l’égard de la victime mais non de l’assuré car l’assureur resterait tenu envers la victime de ses obligations telles qu’elles ont été fixées par le juge pénal 1695.

Or, l’assureur n’est à notre avis pas tenu envers la victime en ce qui concerne la garantie puisque le juge répressif n’a pas statué sur ce point.

L’assureur doit donc pouvoir soulever l’exception à la victime devant le juge civil, la présomption de renonciation ne pouvant s’appliquer que devant le juge pénal.

Il convient de rappeler que le système des « exceptions d’irrecevabilité » des articles 385-1 et 385-2 ne concerne que le principe de la présence de l’assureur devant le juge répressif et non son obligation à garantie.

En raison de la compétence limitée du juge pénal en matière d’exceptions de garantie, il y a tout lieu de penser que la présomption de renonciation ne peut jouer que pour les exceptions recevables devant le juge répressif, et uniquement devant le juge répressif.

C’est la conséquence logique à la fois de la compétence limitée du juge répressif en matière de garantie d’assurance et de l’autorité de la chose jugée au civil, dont l’article 388-3 n’est qu’une redondance.

Il apparaît donc que la présomption de renonciation aux exceptions de garantie ne peut jouer que devant le juge pénal et laisse à l’assureur une entière liberté devant le juge civil.

1106. Même si l’assureur néglige de comparaître devant le juge répressif, étant alors en principe considéré comme ayant renoncé à toute exception de garantie devant lui, ce juge peut tout de même le mettre hors de cause s’il constate que son intervention forcée n’est pas justifiée.

1099 Crim. 30 mai 1985, note précédente. Cf. égal. Crim. 30 juin 1987, Bull. n° 278, RGAT 1988 p. 26 note J. Bigot et p. 360 note R. Bout (homicide involontaire).

1100 H. Angevin : note sous Crim. 30 mai 1985, Gaz. Pal. 1985. 2. 542.

1101 Crim. 21 décembre 1966, Bull. n° 299.

1102 Crim. 27 janvier 1959, Bull. n° 66.

1103 Crim. 24 février 1960, Bull. n° 112; Crim. 16 février 1984, Bull. n° 61.

1104 H. Angevin, note préc.

1105 J. Pradel : Un nouveau stade dans la protection des victimes d’infraction (commentaire de la loi n° 83-608 du 8 juillet 1983), D. 1983 chron. p. 250 note 101.

1106 Ph. Alessandra : op. cit., p. 95.

1107 Article 121-3 du Code pénal.

1108 Cf. infra n° 1016 et s.

1109 Ainsi que l’a relevé le Doyen G. Durry : Une innovation en procédure pénale : l’intervention de certains assureurs devant les juridictions de jugement, in Mélanges Larguier, P.U. Grenoble 1993, p. 114.

1110 Article 131-1 du Code pénal.

1111 Article 131-3 du Code pénal.

1112 R. Merle et A. Vitu : op. cit. t 1, n° 729.

1113 Article 131-1 du code pénal.

1114 Article 131-4 du code pénal.

1115 Ph. Alessandra : op. cit., p. 96.

1116 Cf. infra n° 837 et s.

2°. La possibilité de mise hors de cause de l’assureur par le juge répressif

1107. Conditions d’application de la mise hors de cause. Le deuxième membre de phrase de l’article 385-1 alinéa 2 dispose que « s’il est établi que le dommage n’est pas garanti par l’assureur prétendu, celui ci est mis hors de cause par le tribunal ».

Comme le premier membre de la même phrase, il n’est applicable que si l’assureur mis en cause n’intervient pas. Lorsqu’il comparaît et soulève tardivement une exception, l’assureur ne saurait faire grief à la juridiction qui déclare à bon droit cette exception irrecevable de ne pas décider d’office sa mise hors de cause1696. Ainsi l’assureur ne peut éluder l’irrecevabilité sanctionnant la présentation tardive des exceptions de l’article 385-1.

1108. Lors de la discussion du texte, il a été débattu sur le point de savoir s’il fallait permettre au tribunal saisi de relever d’office un motif de mise hors de cause de l’assureur découlant à l’évidence des faits, palliant de la sorte l’inertie de l’assureur, ou s’il fallait imposer à la juridiction de s’abstenir, laissant opérer la sanction de l’assureur défaillant.

Il ressort du rapport à l’Assemblée nationale1697 que les parlementaires ont entendu assortir la présomption de renonciation d’un tempérament « s’il est véritablement établi » que l’assureur prétendu n’est pas garant du dommage.

1109. Ainsi les travaux préliminaires explicitent les conditions d’application du texte : il doit être véritablement établi que le dommage n’est pas garanti par l’assureur mis en cause, ce qui implique une évidence devant être relevée par le juge.

De toute façon, les hypothèses visées par le texte sont telles que le juge ne mettra l’assureur hors de cause que si cette mesure s’impose d’évidence.

L’assureur n’intervenant pas et les autres parties n’ayant pas d’intérêt à demander sa mise hors de cause, il faudra que les raisons de cette dernière résultent manifestement du dossier et s’imposent au juge pour qu’il les relève.

Dans ce cas, le prononcé d’office de la mesure par le juge se justifie par le fait qu’elle permet d’éviter certaines pertes de temps dans le litige.

Si une décision opposable est rendue à l’encontre de l’assureur non tenu à garantie, il y a toutes les chances pour qu’il exerce la voie de recours appropriée, appel ou pourvoi en cassation, retardant ainsi le cours de l’instance, alors que sa mise hors de cause d’office aurait pu éviter la contestation de la décision et permettre une solution plus rapide du litige.

Avant même l’exercice des voies de recours, la mise hors de cause de l’assureur manifestement non tenu à garantie indique à la partie qui l’avait fait intervenir qu’elle s’est fourvoyée et doit rechercher « le bon assureur ». La mise en cause de ce dernier sera donc plus rapide.

1110. Rareté des cas de mise hors de cause de l’assureur. Quoi qu’il en soit, l’hypothèse dans laquelle l’assureur est d’office mis hors de cause est par définition rare. D’abord, si l’assureur dispose d’une exception « véritablement établie », ses services contentieux sont censés la relever et intervenir pour la faire valoir.

Ensuite, le caractère évident de l’absence de garantie limite le champ d’application du texte car un simple risque de contestation conduira le juge à ne pas se saisir de l’exception. Nous pouvons présumer que face à ce genre de problème les juges répressifs useront de la même prudence que les juges des référés.

1111. En l’absence de jurisprudence sur ce point, nous pouvons nous demander quelle part d’initiative est laissée au juge lorsque des motifs de mise hors de cause de l’assureur ressortent effectivement du dossier.

Après en avoir posé la condition, l’article 385-1 alinéa 2 édicte la mise hors de cause en utilisant un indicatif dont nous savons qu’il a, dans un texte de loi, valeur d’impératif.

Cependant, le texte n’impose pas au juge de relever le motif de la mise hors de cause et dans la mesure où il ne le fait pas, nous voyons mal comment lui reprocher de ne pas en tirer la conclusion imposée par l’article 385-1.

Seul l’assureur a intérêt à invoquer le motif de sa mise hors de cause et s’il ne le fait pas, le juge conserve l’initiative de la mise en œuvre du texte. La décision du juge n’encourrait la censure que si, après avoir relevé l’absence de garantie de l’assureur, il s’abstenait d’en tirer la conséquence légale de sa mise hors de cause.

Mais l’assureur contesterait cette décision par appel ou cassation de la même manière que si le juge s’était abstenu de le mettre hors de cause sans relever l’absence manifeste de garantie.

En tout état de cause, il est permis de douter « que les juges feront du zèle pour permettre à l’assureur de bénéficier d’une mise hors de cause d’office »1698.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
L’intervention de l’assureur au procès pénal
Université 🏫: Université Nancy 2 Faculté de Droit - Ecole Doctorale Sciences Juridiques
Auteur·trice·s 🎓:
Monsieur Romain SCHULZ

Monsieur Romain SCHULZ
Année de soutenance 📅: THESE en vue de l’obtention du Doctorat en Droit - le 18 novembre 2009
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