Une démarche e-marketing est-elle envisageable sur un métavers ?

Une démarche e-marketing est-elle envisageable sur un métavers ?

III. Une démarche e-marketing est-elle envisageable sur un métavers ?

« Un vrai projet commence par considérer les besoins de la cible » ”118 a rappelé Steve Prentice, vice président de Gartner, lors du dernier Congrès, à Barcelonne, du célèbre cabinet de conseil américain, le 15 mai 2008. Thierry Maillet enjoignait également les responsables Marketing119 à « retrouver dans leurs stratégies, la notion de besoin et pas seulement celle du désir ».

Il est pour lui « urgent » – tant dans la première vie comme pour la seconde – de retravailler sur des besoins réels et non plus seulement sur des concepts d’identité de marque et d’apparence.

Nous l’avons plusieurs fois souligné, la plupart des expériences de marques pionnières sur Second Life se sont limitées à des opérations de relations publiques. C’est en grande partie, par méconnaissance du métavers et par manque d’intérêt pour les résidents, considérés comme un marché de niche.

Nous nous sommes demandé pour autant s’il était possible d’instaurer une démarche CRM (Customer Relationship Management) soit une vraie démarche marketing sur un métavers. En quoi celle-ci serait différente d’une démarche classique sur internet ?

A. Du Push et du Pull

En matière de CRM, Ronald Boucher, notre professeur en e-marketing préconise deux stratégies: le Pull et le Push (à comprendre par les notions de mise à disposition d’informations ou de services pour le Pull et la façon dont on peut pousser l’information ou le service vers l’utilisateur pour le Push).

Il explique que le Push correspond à une orientation produit dans la mesure où la démarche consiste à vendre au client, tandis que le Pull s’adapte mieux à une orientation client, la différence étant de faire acheter au client, c’est-à-dire le rendre plus actif. En e- marketing, il conviendra de conjuguer les deux.

On peut considérer qu’à travers l’opération « rumeur », Europ Assistance a misé sur du Pull mais le client est encore trop passif, notamment sur l’île Europ Assistance. Le Push brille par son absence puisque les produits d’assurance ne sont pas présents sur l’île.

Le positionnement de Cetelem, dans l’intention en tout cas pourrait passer pour du Push (puisqu’il s’agit de rentrer en relation directe avec le client) si la démarche ne s’était pas arrêtée à la simple image de marque. Les produits de crédits ne sont pas mis en scène comme ils pourraient l’être dans un monde de simulation.

B. Tracer le résident sur Second Life

En matière d’e-business, nous avons appris qu’on ne saurait se passer de deux éléments incontournables que sont le datawarehouse (entrepôt de bases de données) et le datamining(le croisement des données sans lequel il serait difficile d’envisager une stratégie en e- marketing).

Ces deux éléments permettent sur Internet de « tracer » le client, c’est-à-dire de récupérer un grand nombre d’informations sur l’internaute lorsqu’il visite le site et y fait des achats. Ce sont là des outils incontournables sans lesquels il ne serait pas possible d’envisager une stratégie e-Marketing que ce soit dans une logique de conquête ou de fidélisation.

Qu’en est-il de ces deux incontournables sur un métavers comme Second Life dont la technologie diffère des pages web traditionnelles ?

1. De la question de l’audience sur les sims

Le premier frein que nous avons repéré a été la difficulté des marques que nous avons étudiées, à mesurer leur action sur le métavers et à révéler des chiffres d’audience sur leurs îles. Il n’y a guère qu’au moment des élections présidentielles que les groupes politiques se sont battus par blogs interposés, sur des querelles de chiffres de fréquentations de leurs îles, chacun revendiquant le plus de passage sur son île.

Les marques font largement état des retombées médiatiques de la presse et de la blogosphère, mais rarement de chiffres de fréquentations sur les îles. Nous avons noté que l’agence MRM Worldwide- qui a dressé pour Europ Assistance, le bilan de l’opération Europ Assistance – n’a fourni que les chiffres de la campagne emailing. Le « tracking des résultats »120 promis par l’agence lors de la présentation du projet n’a jamais été transmis.

Nous n’avons pas pu expliquer cette absence de résultats, mais nous pouvons affirmer que la raison n’est, en aucun cas, à chercher dans un vide technologique.

Il ne faut pas oublier qu’en terme de fréquentation, la logique n’est pas la même sur un simple site web et sur un métavers. La technologie déployée sur un métavers ne permet pas encore à ce jour, des records de fréquentation sur les îles.

Une sim ne peut accueillir plus de 70 résidents à la fois sans que cela « lag » (comme on dit sur Second Life) pour exprimer la lenteur « du jeu ». Traduit de l’anglais, ce terme signifierait que « cela retarde » la progression sur le métavers.

Et pour cause, le « lag » rend tellement difficile la navigation que le visiteur se trouve bien souvent expulsé du métavers (on appelle ça aussi un « Crash »). Trop de fréquentation bloque donc la navigation des utilisateurs, c’est là une limite importante des métavers.

Les entreprises aujourd’hui sont devant un choix : essayer de tirer seules une audience vers leurs propres sites ou cibler des millions d’utilisateurs sur les réseaux sociaux. Tout comme elles s’étaient intéressées aux blogs, elles se sont engouffrées dans Second Life sans prendre le temps d’en comprendre les règles, puis elles s’en sont détournées devant des chiffres de fréquentation qui ne ressemblent en rien à ceux des pages web.

Si les marques mesurent le succès d’une campagne par l’audience, elles passent à côté de la richesse de rencontre qui se vit dans un métavers et dans aucun autre réseau social. Les marques confondraient-elles statistiques de fréquentation et mesures de l’activité des avatars sur une île ? Et pourtant « Tout se tracke sur Second Life », c’est ce que nous a expliqué Robert Vinet, un des meilleurs spécialistes des campagnes de marques121 sur Second Life.

2. Comment tracer les résidents d’un métavers ? Radars et bases de données

Nous nous sommes aussi demandés de quelle nature pouvait bien être les relations entre une marque et un avatar lors d’une transaction, quelle soit payante ou gratuite ?

Quelles informations un avatar peut-il retenir d’un autre avatar qui a échangé un objet virtuel avec lui dans la mesure où tous les deux sont protégés par l’anonymat ? Et dans quelle mesure la marque peut-elle espérer garder un lien avec un avatar lorsque ce dernier a échangé ou acheté un de ses objets ?

Les fonctionnalités de « trackage » ne sont pas dans les propriétés « natives » de Second Life, c’est-à-dire qu’elles impliquent un développement de l’utilisateur, toutefois, quand on « scripte » des objets (c’est-à-dire, lorsqu’on les crée en vocabulaire informatique), on a accès à une multitude de renseignements que l’on peut stocker dans des bases de données.

En fait, tout se piste (« tracke ») sur un métavers à travers les objets, lors de leur création à travers les « scripts » (commandes) que le créateur va affecter à son objet. Les données recueillies grâce à ces « scripts », nul besoin de les stocker sur la plateforme de Second Life (la fameuse « grid »). Le développeur les stockera sur son propre serveur, sur son site web, soit à l’extérieur du métavers.

L’éditeur Linden Lab espionnerait-il le comportement des avatars par le même biais ?

« Linden Lab a trop à faire pour stabiliser l’univers sur ses serveurs pour se permettre de tracker les résidents » rassure Robert Vinet. « …mais les résidents eux ont la possibilité de le faire s’ils le veulent ».

Certains de ces « scripts » sont des « radars ». L’agence Community Chest gère ainsi un réseau d’affichage 4×3 sur Second Life qui intercepte les données de tout ce qui passe à portée dans un rayon défini sur 120° par exemple, sans que les avatars aient à interférer avec ces panneaux. Il n’est pas nécessaire de cliquer sur les panneaux. Tout objet peut en puissance contenir la fonction de radar.

L’usage veut toutefois que celui qui « tracke » demande l’autorisation à l’avatar. Une courtoisie et un respect de la liberté de la mobilité dont ne s’embarrassent nullement les responsables de e-marketing sur les sites de commerce électronique puisque qu’à travers le fameux « cookie » le client internaute est suivi à la trace dans ses moindres faits et gestes sur le site. Actuellement, les objets contiendraient peu de radars, assure Robert Vinet.

Un vendeur – pour poursuivre notre démonstration – peut donner, à ses visiteurs, le choix d’être tracké ou non. Robert Vinet appelle cela « rendre silencieux le radar » : « Bonjour, nous allons vous tracker, si vous ne le souhaitez pas cliquez ici ». L’avatar croit qu’il a échappé à la traque mais un autre l’a repéré de toute façon. Ainsi, si X qui rencontre Y refuse d’être traqué, il passe inaperçu.

Mais à travers Y, qui lui a accepté, il est pisté. Tout comme on analyse le parcours du regard pour analyser l’ergonomie d’un site web traditionnel (en 2D), on peut suivre aussi le parcours d’un avatar sur une sim. Une marque peut ainsi segmenter sa cible en décidant de suivre par exemple les « beautiful » (beaux) avatars et voir où ils vont, grâce à un objet radar qu’ils porteront dans leur inventaire.

L’étendue du champ de test est infinie. Robert Vinet donne un nom à cette façon de pister le client : « ça s’appelle du tracking des communautés ». « En marketing, nous sommes passés de l’ère de l’hyper ciblage à l’ère du flou à travers le marketing des communautés » commente Robert Vinet, « les chiffres parlent tout autant même si on n’a pas l’identité réelle de l’avatar. »

3. « Les objets parlent plus que les gens ! »

Quelles informations un avatar peut-il retenir d’un autre avatar qui a échangé un objet virtuel avec lui ?

« Les objets parlent plus que les gens ! » C’est la deuxième formule après « tout se traque sur Second Life » que nous a délivré Robert Vinet.

Pour poursuivre la démonstration, nous appellerons « le vendeur » l’avatar qui souhaite échanger gratuitement ou financièrement un objet sur Second Life et « le client » le récepteur de l’objet à échanger.

Lors d’une transaction, l’acheteur a très peu d’informations à recueillir de son client : il ne peut guère connaître de lui que son nom, sa date de naissance (c’est-à dire sa date d’arrivée sur le métavers) mais aussi le cas échéant reconnaître en lui un client (qui a déjà échangé un objet avec lui).

118 “An effective project starts by focusing on the audience’s needs” : Extrait du communiqué de Gartner : “Gartner Says 90 Per Cent of Corporate Virtual World Projects Fail Within 18 Months” – http://www.gartner.com/it/page.jsp?id=670507

119 Conférence de la Fabrique du Futur, le 6 novembre 2007

120 Annexe 4 – Première présentation du projet par l’agence MRM Worldwide, slide 17

121 Robert Vinet est un expert en nouvelles technologies et nouveaux usages sur Internet, à la tête d’une webagency spécialisée dans le marketing et la communication sur Second Life. Il a accompagné Jean-Paul Gaultier, Lacoste, Dim Paris, La Caisse d’Epargne, et leurs opérations sur Second Life.

L’avatar client détient d’emblée plus d’informations. Il en détient en fait autant que l’objet en porte. Ces informations stockées avec l’objet se lisent dans l’inventaire (soit l’endroit où l’avatar emmagasine tous ses objets). En aucune manière, le vendeur ne pourra savoir ce que l’avatar porte dans son inventaire. Mais il a bien des façons de rester en contact avec son client.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Approches de deux marques de services dans Second Life
Université 🏫: Université De PARIS IV – SORBONNE CELSA - Ecole des Hautes Etudes en Sciences
Auteur·trice·s 🎓:
Brunet Sylvie

Brunet Sylvie
Année de soutenance 📅: Mention : Information et Communication - Promotion 2006
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