Prévention des pratiques illicites de la vente en ligne de médicaments

La prévention des pratiques illicites par la communication au public – Chapitre 1 :
92- La prévention des pratiques illicites de la vente en ligne de médicaments passe avant tout par la communication au public. Celle-ci s’échelonne sur plusieurs niveaux : le public doit être informé des risques auxquels il s’expose en achetant des produits via l’internet, les sites de santé doivent répondre à des exigences de transparence et de qualité ; ensuite les informations diffusées sur ces site doivent répondre aux mêmes impératifs. La lutte contre les pratiques illicites sur l’internet passe donc avant tout par une communication transparente au public : il s’agit d’effectuer la prévention par l’information du public (Section 1), puis par une promotion de qualité (Section 2).
Section 1. La prévention par l’information du public
93- La Commission européenne a lancé l’initiative « eEurope » en 1999218 et adopté le 14 juin 2000 le « Plan d’action eEurope 2002 : une société de l’information pour tous ». Suite au constat que les citoyens européens sont de fervents consommateurs d’informations de santé sur l’internet, elle a établi des critères de qualité applicables aux sites consacrés à la santé, optique approuvée par le Conseil219 : « l’objectif visé était d’établir en commun un ensemble de critères simples de qualité sur lesquels les Etats membres, ainsi que les organismes publics et privés, pourraient s’appuyer pour mettre en œuvre des initiatives portant sur la qualité des sites web consacrés à la santé. Ces critères s’appliqueraient en sus des dispositions législatives communautaires pertinentes »220.
Ces critères de qualité n’ont aucune valeur contraignante, mais ont tout de même le mérite d’aider, diriger, et conseiller l’internaute dans sa recherche d’informations relatives à la santé. La Commission propose des exigences en terme de transparence et d’honnêteté des contenus relatifs à la santé sur l’internet, de référence des informations éditées, de protection de la vie privée et des données concernant la santé, d’actualisation des ces informations, de responsabilité à l’égard de ces contenus internet relatifs la santé, d’accessibilité, d’adaptabilité au type de public visé de ces informations.
La transparence concerne tout autant l’identité de l’auteur du site que l’objet et la finalité du site, le public visé ainsi que toutes les sources de financement. L’obligation de référence s’effectue par le recensement détaillé de toutes les sources d’informations diffusées sur le site ainsi que des fournisseurs d’informations. En matière de protection des données, de la vie privée et du système de traitement des données à caractère personnel, les sites doivent se présenter une définition claire et conforme à la législation communautaire de leur politique de protection des données221. L’actualisation des informations se concrétise par une mise à jour précise, régulière et datée du site. La pertinence de ces informations doit être contrôlée. En outre, en terme de responsabilité, le site doit garantir le sérieux des conseils prodigués et le professionnalisme des personnes consultées. Enfin, l’accessibilité des contenus internet relatifs à la santé sous-entend que la présentation et le contenu des informations soient adaptés au public visé.
Les travaux de l’Union ne s’arrêtent pas là, puisque de nouveaux plans d’action ont été continuellement adoptés afin de « moderniser les services publics en ligne », avec le soutien de la Commission, qui assure le suivi des « mesures prises par les Etats membres pour rendre les informations sur la santé aussi accessibles que possible à la population, ainsi que des initiatives visant à mettre en œuvre les critères de qualité des sites web »222. L’Assemblée européenne publie des mises en garde et des recommandations223 adressées aux consommateurs de médicaments, sur les pratiques pouvant nuire à leur santé224 sur l’internet. Signalons qu’elle a récemment lancé un nouveau portail européen sur la santé225 dans le cadre de la conférence « eHealth » de 2006. L’objectif poursuivi est de répondre à la recherche d’informations de la population de l’Union européenne sur diverses questions en matière de santé. Le site offre des liens vers toutes les politiques des Etats membres liées à la santé, ainsi que vers des sites spécialisés.
Enfin, le Comité d’experts des questions pharmaceutiques du Conseil de l’Europe a mis en place de nombreux outils de consultation à la disposition des consommateurs. Ces documents informatifs ont pour objectif d’aider les citoyens à faire le tri face à l’abondance d’informations sur les médicaments, à connaître les modes de prescription appropriés, enfin, à évaluer la fiabilité des points de vente de médicaments226.
94- De son côté, l’OMS a adopté une résolution227 demandant aux Etat membres de faciliter la collecte d’informations sur les fournisseurs qui proposent, via l’internet, d’envoyer par colis postal divers médicaments, parfois dangereux ou disponibles sur ordonnance seulement, d’autres fois périmés, dépourvus d’étiquette et de mode d’emploi. Elle demande aux Etats membres de collaborer entre eux et rappelle l’importance d’une bonne information sur les produits médicaux et sur leur utilisation. Elle prie en même temps son Directeur général d’élaborer un modèle de guide qui apprendrait au public à se servir du support interactif et à obtenir des informations de qualité sur les produits médicaux, afin de le mettre à la disposition des Etats membres228.
Dans une optique préventive plus générale, l’organisation internationale a fait la proposition de créer un nom de domaine « .health »229, afin de repérer les sites qui présentent la sécurité, le sérieux et les qualités nécessaires, ainsi que d’aiguiller l’internaute dans sa recherche de sites dédiés à la santé fiables et licites. La collaboration de l’OMS avec ses partenaires européens et nationaux dans la lutte contre les pratiques dangereuses pour la santé publique présage de belles avancées en matière de sécurisation de la cyber- commercialisation de médicaments.
A l’instar de ce qui se pratique aux Etats-Unis, l’OMS envisage aussi un projet de labellisation des sites qui diffusent de l’information sur les médicaments et produits pharmaceutiques. Ainsi, par le moyen d’un lien, un logo renverrait sur un site géré par un organe agréé par l’OMS, qui permettrait de garantir que l’organisme diffusant les informations est certifié. Il reste pour l’heure à décider si l’organe agréé en question sera confié à un bureau régional de l’OMS ou à un organisme prestataire extérieur.
95- Il existe également sur le plan national un projet de certification des sites de santé. C’est sous l’égide de la Haute Autorité de santé, « HAS », qu’une campagne de certification des sites a été lancée début 2007. Cette autorité publique indépendante à caractère scientifique dotée de la personnalité morale a été créée par la loi n° 2004- 810 du 13 août 2004 sur la réforme de l’assurance maladie230. Elle n’envisage pas de créer et d’apposer son propre certificat mais souhaite relayer un label existant : « Health On the Net » (« HON »). La fondation HON a été créée en 1996 à Genève. Elle couvre 29 langues et a déjà certifié quelques 5000 sites de santé consultables via un moteur de recherche dédié. Parmi les critères retenus, figurent particulièrement la transparence de l’actionnariat, l’autorité médicale des intervenants, le respect de la relation patient- médecin, ou encore la nécessité de justifier et de sourcer toutes les informations diffusées. Félicitons également le projet expérimental de cyber-pharmacie étudié par l’Ordre d
es pharmaciens, dont l’ambition n’est pas des moindres, puisqu’il s’agirait de contrer les ventes de produits pharmaceutiques contrefaits et disponibles sur l’internet. L’Ordre collabore aussi depuis mars 2007 à un groupe de travail monté par le Forum des droits sur l’internet relatif à la vente en ligne de produits pharmaceutiques231.
L’information du public soulève la question de la publicité des médicaments diffusée sur l’internet. En effet, pourquoi garantir une information de qualité au public, si les laboratoires l’induisent par la suite en erreur en émettant des communications promotionnelles inadaptées aux exigences législatives ?
La prévention par une promotion de qualité – Section 2 :
96- L’Afssaps et le Président du Syndicat National de l’Industrie Pharmaceutique (SNIP) ont créé, au début de l’année 2000, un groupe de travail destiné à élaborer un document qui viendrait clarifier les principes et les conditions d’application du Code de la santé publique à la communication des entreprises sur l’internet. Ce groupe de travail a permis la conclusion en décembre 2001 d’une convention intitulée « Charte pour la communication sur Internet des entreprises pharmaceutiques »232. Ce texte a pour ambition de clarifier l’application des règles concernant la publicité opérée en ligne et succède à la Charte qui a été adoptée en décembre 2000233. Il n’a pas valeur juridique contraignante mais propose des recommandations éclairantes, puisqu’il contient un paragraphe relatif à la publicité et rappelle les dispositions légales applicables, ainsi que la nécessaire et fondamentale articulation entre les publicités grand public et les publicités réservées à des professionnels. Pour ces dernières, « des restrictions réelles d’accès doivent être mise en place par les entreprises », l’attribution d’un code d’accès personnel implique la vérification de la qualité de professionnel de santé du demandeur, notamment par le biais du numéro d’inscription au Conseil de l’Ordre. Partant du constat que l’« internet représent[e] un support à part entière », le texte a pour objectif de trouver une ligne de partage entre les informations, libres234 et la publicité, règlementée, et de préciser dans quelles conditions les dispositions applicables au contrôle de la publicité peuvent être transposées à la publicité sur l’internet. Il est inutile de rentrer dans le détail exhaustif de cette Charte mais nous pouvons néanmoins souligner les point suivants.
Une partie intitulée « Recommandations générales » de la Charte précise que le site de l’entreprise doit faire ressortir de manière claire les pages à caractère promotionnel et les pages d’information235, notamment par l’indication du mot « publicité » ou de « communication promotionnelle ». En outre, les modalités pratiques de dépôt de la publicité sont précisées : chaque page promotionnelle destinée aux professionnels de santé doit être transmise à l’Afssaps, un exemplaire sous forme papier et trois exemplaires sous forme électronique au moment du dépôt, avec un certain nombre de précisions permettant à l’Afssaps de retrouver aisément la page au sein du site. Toute modification ultérieure de la page est soumise à un nouveau dépôt. Pour les demandes de visas grand public, la notification peut être simplement effectuée sous forme papier, tout en précisant la localisation de la page au sein du site.
La diffusion de RCP, EPAR236 et de notices est considérée comme de l’information accessible au public, à la condition qu’il n’y ait « aucun artifice de mise en valeur », et que ces informations soient regroupées sur une même partie du site. En outre, la diffusion de ces informations doit être complétée par des indications sur le statut du médicament au regard de la sécurité sociale et sur les prix, auxquelles peuvent être associées des photographies des conditionnements et formes galéniques237.
Outre ces recommandations, la Charte comporte des dispositions à l’égard des données bibliographiques. Elle effectue la nécessaire distinction entre les bases de données de référence, dont l’accès est permis via un lien hypertexte, et les bases de données que le laboratoire produit. Pour ces dernières, des exigences en matière d’objectivité et de qualité, leur permettant d’être appréhendées à titre informatif, doivent être respectées.
Concernant les forums, ils doivent être modérés, et les discussions hors AMM ne sont pas tolérées ; ainsi il est fortement recommandé aux entreprises d’être prudentes lors de leur mise en place, car ils engagent leur responsabilité. De la même manière, les sites de santé peuvent voir leur responsabilité engagée, à l’égard des liens hypertextes qu’ils créent, au niveau du renvoi au premier degré. Ces renvois vers des sites extérieurs ne peuvent avoir pour objet de contourner la règlementation applicable à la publicité. Enfin, il importe de constater que toutes les données au sujet des médicaments doivent être mises à jour dans les 30 jours de leur modification ; ainsi tout changement de l’AMM, du prix ou autre devra être régulièrement actualisé.
97- L’on constate que les exigences imposées par la législation française peuvent être respectées par les laboratoires pharmaceutiques sur l’internet, en matière de communication promotionnelle. A partir de l’instant où la publicité a pour cible le public français en lui permettant l’acquisition des produits dont il est fait promotion, l’annonceur doit se soumettre aux exigences précitées. Leur application en pratique peut être clarifiée grâce à la lecture de cette Charte. La lutte contre les pratiques illicites de ventes de médicaments en ligne doit enfin être menée par des modifications législatives : les autorités sanitaires ont fait des suggestions à l’attention des législateurs nationaux. Outre ces propositions, il reste certaines difficultés nées de l’application de la législation française au support international qui restent non résolues par ces travaux, pour lesquelles il est nécessaire d’envisager des réponses.
Lire le mémoire complet ==> (La vente de médicaments sur l’internet)
Mémoire pour le master droit des contrats et de la responsabilité des professionnels
Université de Toulouse I Sciences sociales
Sommaire :

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218 Communication eEurope : une société de l’information pour tous, adoptée le 8 décembre 1999 ; COM. 1999, 687 final du 8 décembre 1999.
219 Conseil européen de Feira des 19 et 20 juin 2000.
220 Introduction de la Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social et au Comité des régions eEurope 2002 : Critères de qualité applicables aux sites web consacrés à la santé, Bruxelles, 29 novembre 2002, COM (2002) 667 final.
221 Voir les Directives 2002/ 58/ CE (12 juillet 2002 concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques, JO L
201 du 31 juillet 2002, page 37) et 95/ 46/ CE relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, JO L
281 du 23 novembre 1995, page 31.
222 Plan d’action eEurope 2005 adopté par la Commission européenne le 28 mai 2002 qui a reçu l’aval politique lors du Conseil européen de Séville des 21 et 22 juin 2002 ; COM. 2002, 263 final du 28 mai 2002.
223 Voir la Recommandation 1794 sur la qualité des médicaments en Europe, texte adop
té par l’Assemblée le 20 avril 2007 (18e séance).
224 Voir par exemple son avertissement contre la vente de médicaments contrefaits sur internet du 27 mars2006àBruxelles.
(http://europa.eu.int/rapid/pressReleaseAction.do?reference=IP/06/375&format=HTML&aged=0&language=FR&guiLanguage=fr) ou contre le vente de médicaments qui n’ont pas passé les processus d’évaluation de l’EMEA, avertissements régulièrement édités dans La Lettre des Médecins spécialistes européens (consulter en particulier celle du 2 mai 2006, UEMS News 2006/ 07) ou disponibles directement sur le site de l’EMEA : www.emea.eu.int
225 Health-EU Portal, accessible via l’adresse http://health.europa.eu
226 Voir le « message de base de l’outil d’information » adopté par le Comité d’experts des questions pharmaceutiques en octobre 2003 ; la résolution ResAP (2001) 2 sur le rôle du pharmacien dans le cadre de la sécurité sanitaire ; l’échange régulier d’informations, sur la vente de médicaments et la publicité pour les médicaments sur l’internet, etc.
227 Résolution de l’OMS WHA50.4 Publicité, promotion et vente transfrontières de produits médicaux par internet.
228 Voir également la 101e session annuelle de l’OMS, Point 9 de l’Ordre du jour, Publicité, promotion et vente transfrontières de produits médicaux par internet, dixième séance, 23 janvier 1998.
229 Voir 112ème session du Conseil exécutif de l’OMS du 8 mai 2003, Point 4.4 de l’ordre du jour, EB112/ 10. La demande a été soumise en 2000 à l’ICANN, qui avait lancé en juillet 2000 un appel à propositions pour la création de nouveaux noms de domaine de premier niveau, mais elle n’a pas fait partie des propositions retenues lors de sa réunion le 16 novembre 2000. Depuis, l’ICANN laisse entendre que les 37 propositions non retenues restent « actives », mais leur état aujourd’hui reste assez flou. Il semble que si l’OMS se donnait les moyens d’obtenir le « .health », elle l’obtiendrait, mais d’autres considérations, plus économiques, semblent être en jeu. En effet, l’extension la placerait en situation de concurrence avec les organisations qui souhaiteraient l’obtenir. Rappelons que l’examen des dossiers en 2000 par l’ICANN a nécessité un soutien financier des candidats qui ont dû verser 50000 $ par dossier examiné, ainsi est-on en droit de se demander si ces fonds ont été utilisés à bon escient.
230 Ses missions sont définies par l’article 35 I de la loi n° 2004- 810 du 13 août 2004, voir également les articles L. 161- 40 2°, L. 1414- 3- 1 2°du CSP insérés par la loi n° 2002- 303 du 4 mars 2002.
231 Pour un complément d’informations, consulter le rapport de l’Ordre national des pharmaciens, Réflexions sur la création et le fonctionnement d’un site internet dans le cadre d’une activité officinale, mars 2007, disponible son site internet : www.ordre.pharmacien.fr
232 Charte disponible sur le site de l’Agence, www.agmed.sante.gouv.fr
233 Voir supra.
234 Un réserve toutefois à l’égard des informations économiques et financières, strictement règlementées par les textes.
235 Elles peuvent être de différente nature comme les informations à caractère institutionnel, citons encore pour exemple l’information sur les sciences, les techniques ou pathologies.
236 EPAR correspond à « European Public Assessment Report » (EPAR) : ces rapports n’existent que pour les médicaments enregistrés en procédure centralisée au niveau de l’Agence Européenne de l’Evaluation des Médicaments (EMEA).
237 Une forme galénique ou forme pharmaceutique, du nom de Claude Galien, désigne la forme individuelle sous laquelle sont mis en forme les principes actifs et les excipients (matières inactives) pour constituer un médicament. Elle correspond à l’aspect physique final du médicament tel qu’il sera utilisé chez un patient : comprimés, gélules, sachets, solutions buvables, suspensions injectables, etc. Les noms des formes pharmaceutiques ont été harmonisés en Europe afin d’éviter les confusions et les éventuelles erreurs de manipulation. Par exemple, un liquide oral tel qu’un bain de bouche ne doit pas être avalé ne doit donc pas être confondu avec une solution buvable.

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