L’intervention légitimée par le safe harbor

C) L’intervention légitimée par le safe harbor

1) Le safe harbor au sens communautaire

Le Considérant n° 33 de la Directive abus de marché énonce que des raisons économiques peuvent justifier le recours par un émetteur au rachat de ses propres actions, «elles ne devraient donc pas être assimilées, en tant que telles, à des abus de marché ».

Les notions de rachat d’actions et de stabilisation ont été définies ci-avant, il ne s’agit pas de revenir dessus, mais il s’agit de comprendre pourquoi ces deux opérations peuvent bénéficier de la protection du safe harbor ?

Les sociétés cotées recourent fréquemment à la mise en place de programme de rachat d’actions pour des buts divers. La réglementation européenne en retient deux types dans le cadre du safe harbor52. Il s’agit :

  •  Du rachat ayant pour objectif de procéder à une réduction de capital.
  •  Du rachat ayant pour but d’honorer des obligations liées à des titres de créance convertibles en titre de propriété ou à la distribution d’actions aux salariés.

A l’exemple des Etats-Unis, les législateurs européens ont admis la possibilité pour les sociétés de procéder au rachat de leurs actions propres53. Les raisons sont nombreuses, le rachat peut être nécessaire en cas de réduction de capital non motivé par des pertes, ou pour faire grimper le ratio du bénéfice net par action. Le rachat risque alors de faire grimper le cours de bourse, ce qui peut permettre de stabiliser l’actionnariat ou encore servir de lutte anti-OPA54.

La stabilité est par essence rassurante et l’instabilité cause d’angoisse. Cependant, l’instabilité ne doit pas se confondre avec la variabilité. Que le cours d’une action soit variable est l’essence même du marché, mais le risque est réel que lors d’une émission de titres les fluctuations soient grandes.

La sensibilité du cours à ce moment peut nécessiter le recours par l’émetteur à la stabilisation afin d’assurer un bon déroulement de l’émission et que celle-ci soit un succès55. C’est pourquoi le seul objectif de la stabilisation doit être de soutenir le prix d’une émission de valeurs mobilières.

Pour autant, il n’est pas discutable qu’en soi la stabilisation est une manipulation de cours, puisque tel est son but. L’existence même du marché boursier n’en est pas moins conditionnée par l’opportunité pour les émetteurs de pratiquer des émissions de titres lors de l’introduction sur le marché ou lors d’une augmentation de capital. Un véritable risque existe tout de même c’est pourquoi il faut que la stabilisation soit limitée dans le temps. Ces limites sont56 :

* Lors d’une introduction en bourse, la stabilisation ne peut perdurer au delà de 30 jours après de la mise en négociation des instruments financiers sur le marché secondaire.

* Lors d’une offre secondaire, c’est encore un délai de 30 jours, à compter de la date d’allocation des instruments financier, qui met fin à toutes interventions par l’émetteur sur les valeurs concernées.

Enfin l’émetteur doit se soumettre à des obligations d’information du marché pour rendre compte de l’activité générée par ses interventions.

2) Une protection absolue

Hors le cas de la fraude, l’intervenant qui respecte les conditions de mise en œuvre est assuré de ne pas voir sa responsabilité engager au titre d’une manipulation de cours. La réglementation à ce sujet ne lui est pas applicable. Cela ne signifie pas pour autant que l’intervenant ne peut pas se rendre coupable d’autres faits délictueux.

Cette protection est très forte et explique pourquoi les conditions de mise en œuvre sont strictes. Pour autant n’étant pas en principe un régime obligatoire, il faut voir dans cette protection une invitation aux intervenants à y adhérer. Le respect de la libre volonté des opérateurs semble être la meilleure façon de les inviter à une forme d’auto régulation.

52 Considérant n° 5 du Règlement n° 2273/2003 de la Commission du 22 décembre 2003 sur les programmes de rachat et de stabilisation d’instruments financiers

53 Cf. en France, le rapport Esambert à la COB en janvier 1998, Le rachat par les sociétés de leurs propres actions.

54 P. MERLE, Droit commercial, Sociétés commerciales, Précis Dalloz, 9ème éd., n° 279, p. 321.

Le safe harbor s’avère donc être une exception à un principe. Il est cependant plus qu’une exception, puisqu’il laisse libre l’opérateur de s’y conformer. C’est un nouveau mode de régulation qui apparaît ici.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Présomption de légitimité, Abus de marché ou Safe harbor en droit français
Université 🏫: Université Paris II – Assas
Auteur·trice·s 🎓:
Arnaud Roulhac de Rochebrune

Arnaud Roulhac de Rochebrune
Année de soutenance 📅:
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